M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. L’effort structurel de réduction du déficit résultera des mesures de hausse des prélèvements obligatoires correspondant à un demi-point de PIB, dont seulement 7,5 milliards d'euros sont pérennes.

Pour l’après-2011, les éléments dont on dispose aujourd’hui pour savoir si les objectifs peuvent être tenus sont encore trop incertains, trop flous. Pour que la trajectoire décrite par la loi de programmation soit crédible, l’effort structurel doit être plus ambitieux et les mesures nécessaires pour le réaliser, rapidement précisées.

Nous revenons également, une fois de plus, sur les dépenses fiscales. La Cour a été la première à en souligner les dangers, dus à une progression incontrôlée. Nous avons souhaité dans le rapport 2011 y consacrer un chapitre afin de souligner de nouveau le coût et les incertitudes qui accompagnent le recours aux dépenses fiscales.

Le coût de ces dernières est élevé et en forte progression : entre 2004 et 2009, leur nombre est passé d’environ 400 à 500 et leur coût total a augmenté de 43 %. Sur la liste officielle des dépenses fiscales présentée en annexe des projets de loi de finances, ce coût atteint 68 milliards d'euros en 2009 hors mesures de relance et près de 73 milliards d'euros mesures de relance incluses, soit presque un tiers des recettes fiscales nettes de l’État, contre seulement 18 % en 2004.

Elles font en outre l’objet d’estimations et de prévisions souvent fausses. Le ministère des finances reconduit généralement dans le projet de loi de finances le coût constaté l’année précédente. À vrai dire, la notion même de dépenses fiscales est trop floue, comme en atteste le manque de cohérence de la liste des dépenses fiscales donnée en annexe des projets de loi de finances. Le coût en 2009 des dispositifs retirés de la liste des dépenses fiscales depuis 2004 s’élève à 75 milliards d'euros. Une année, un dispositif est appelé « niche fiscale » ; une autre année, il est dénommé « modalité de calcul de l’impôt ». Il est nécessaire de clarifier le vocabulaire utilisé.

Il faudrait que les règles soient plus contraignantes afin de poursuivre l’effort de réduction du coût des dépenses fiscales conformément aux recommandations formulées par la Cour en juin dernier. Nous en sommes encore trop en deçà aujourd’hui.

Nous avons aussi examiné la prime pour l’emploi, dont le coût pour l’État a presque doublé entre 2001 et 2009, passant de 2,5 milliards d'euros à plus de 4 milliards d’euros. C’est la troisième dépense fiscale la plus importante. Entre logique de redistribution et incitation au retour à l’emploi, elle est emblématique de l’imprécision des objectifs de beaucoup de dépenses fiscales.

La Cour fait trois constats sur cette dépense.

Premièrement, son ambiguïté et son absence de ciblage font qu’elle n’est pas vraiment incitative, en tout cas pas pour les personnes en situation précaire face à l’emploi.

Deuxièmement, son pilotage est défaillant. Des améliorations ont été apportées à la gestion des déclarations de revenu, mais des fraudes persistantes rendent indispensable un contrôle fiscal plus adapté au nombre élevé des bénéficiaires et à la faiblesse des montants de chaque prime.

Troisièmement, la Cour appelle à un choix politique quant à l’articulation de la prime pour l’emploi avec le RSA activité, créé en décembre 2008 avec des objectifs a priori similaires : il faut soit fusionner ces deux dispositifs pour un ciblage accru et une plus grande incitation au retour à l’emploi par exemple, soit conserver le seul RSA activité, soit différencier plus clairement les deux mesures.

Enfin, nous avons choisi d’aborder le sujet sensible du Fonds de réserve pour les retraites. Ce fonds avait été conçu en 1999 pour constituer une réserve de long terme destinée à atteindre 150 milliards d'euros et contribuer ainsi, à partir de 2020, au financement des retraites.

Comme vous le savez, cet objectif a été abandonné en juin 2010. Désormais, le Fonds de réserve pour les retraites, dont l’actif se montait, au 1er novembre 2010, à 36,2 milliards d'euros, va servir à prendre en charge progressivement la réforme des retraites en versant chaque année de l’argent à la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

La Cour constate que le changement de nature du Fonds peut présenter des risques, puisque l’idée de départ était d’en faire un investisseur de long terme. Si l’on ajoute que les résultats du fonds ont été, après six ans, inférieurs aux attentes, il apparaît clairement que la préférence manifestée pour le court terme pourrait avoir des conséquences : les réserves constituées par le Fonds de réserve pour les retraites pourraient manquer si les déficits des régimes de retraite persistaient au-delà de 2020, comme c’est encore à craindre.

Au-delà de l’analyse globale des finances publiques, nous avons sélectionné dans ce rapport annuel quelques insertions consacrées aux résultats des politiques publiques.

Aux yeux de la Cour, le système français d’indemnisation du chômage partiel est un outil insuffisamment utilisé en France. Nos voisins, je pense aux Allemands, aux Italiens, aux Belges, ont su s’en servir lors de la crise économique récente. Ainsi, au plus fort de la crise, l’Allemagne a compté jusqu’à 1,53 million de salariés en chômage partiel, contre 275 000 en France. En outre, selon l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, le chômage partiel a contribué à la sauvegarde de 251 000 emplois en Allemagne durant la crise, contre seulement 18 000 en France.

Si quelques facteurs structurels peuvent expliquer cette différence, la Cour recommande que l’on rende le dispositif plus attractif pour les employeurs, qu’on le simplifie et qu’on renforce les incitations visant à combiner chômage partiel et formation.

La Cour s’est aussi penchée sur une imposition qui ne dit pas son nom, mais que chaque consommateur acquitte directement lorsqu’il règle sa facture d’électricité depuis 2003. C’est la contribution aux charges du service public de l’électricité, qui vise à compenser auprès des opérateurs du marché de l’électricité – EDF représentant 95 % du marché – leurs charges de service public, c’est-à-dire la péréquation tarifaire dans les départements d’outre-mer et en Corse, le soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération, ainsi que les tarifs sociaux de l’électricité.

Ces charges sont en augmentation continue. Il est nécessaire de s’attaquer fermement aux facteurs de cette progression. Par exemple, le système de l’obligation d’achat des énergies renouvelables fonctionne « à guichet ouvert », à des tarifs trop attractifs. Il faudrait aussi, selon la Cour, que le principe constitutionnel du consentement à l’impôt soit respecté, c’est-à-dire que le taux de la contribution demandée au consommateur fasse l’objet d’une autorisation périodique et d’un contrôle du Parlement.

Nous n’avons évidemment pas laissé de côté le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche, puisque nous avons traité des pôles de recherche et d’enseignement supérieur ou du bilan de l’Agence nationale de la recherche.

Enfin, en conclusion de cette partie sur l’évaluation des politiques publiques, nous avons souhaité examiner, en étroite collaboration avec les chambres régionales des comptes concernées, quelques politiques de l’État dans les départements d’outre-mer.

Les sujets sont sensibles, qu’il s’agisse des flux migratoires irréguliers de la Guyane, de Mayotte et de Saint-Martin, de la gestion des risques naturels aux Antilles ou encore de la politique de soutien à l’agriculture, sur lequel nous avons beaucoup à dire.

En effet, les aides dans ce domaine, principalement destinées à la banane et à la canne à sucre, ont cru de 40 % entre 2008 et 2010. Elles représentaient 28,6 % de la valeur de la production agricole outre-mer, soit le double de la proportion constatée en métropole. Le cas extrême est celui de la banane de Martinique : les aides représentent 64,7 % de la valeur de la production.

En outre, le secteur n’arrive pas à maintenir ses emplois, qui sont en baisse de 40 % aux Antilles.

Enfin, la conséquence la plus grave est que l’approvisionnement de la population en produits locaux a généralement régressé, puisque les autres productions locales ne sont pas aidées. La Cour s’interroge donc sur le modèle de développement agricole retenu pour ces territoires.

La gestion des services de l’État et des organismes a aussi fait l’objet de notre attention. Nous constatons, comme chaque année, que des marges de progression certaines existent.

Je prendrai simplement l’exemple de la continuité territoriale avec la Corse. Sans surprise, la collectivité territoriale de Corse est confrontée à un problème de financement en raison de passagers toujours plus nombreux et de choix qui n’apparaissent pas comme les plus adaptés dans une logique de recherche de bon emploi des deniers publics, avec notamment un régime très généreux d’aides sociales.

La gestion immobilière de l’État, examinée par la Cour, présente elle aussi des résultats perfectibles. L’exemple de la SOVAFIM, société de valorisation foncière et immobilière, est très parlant. La Cour recommande d’ailleurs de mettre un terme à son existence.

Le second tome du rapport est consacré au suivi de nos recommandations antérieures. Cette année, nous avons insisté sur ce point, qui est un des aspects les plus déterminants de notre action. C’est un point sur lequel nous pouvons nous appuyer davantage pour approfondir notre collaboration. C’est désormais une préoccupation majeure de la Cour, et nous n’ignorons pas que c’est aussi la vôtre et celle de nos interlocuteurs.

Pour commencer, nous avons tenu à reconnaître les progrès accomplis.

Parmi les constats positifs, il faut citer l’exemple des organismes faisant appel à la générosité publique, qui suivent les recommandations de la Cour, ou encore les évolutions encourageantes des services publics d’eau et d’assainissement depuis la publication du rapport public thématique de 2003. L’immense majorité de nos conclusions et de nos recommandations a été bien suivie, notamment celles portant sur les autorités de régulation financière, et nous nous en réjouissons.

Naturellement, il reste encore beaucoup à améliorer. Parmi les cas où toutes les préconisations n’ont pas été mises en œuvre et où des mesures efficaces restent à prendre, je peux citer les recommandations formulées en 2007 pour clarifier le rôle du CNRS, le centre national de la recherche scientifique, ou celles qui ont été émises pour améliorer le suivi et l’exécution du budget de l’État.

Dans le cadre de sa mission constitutionnelle de certification des comptes de l’État, la Cour émet un certain nombre de réserves sur la régularité, la sincérité ou la fidélité de ces derniers et formule des recommandations qui doivent être mieux prises en compte. L’année 2009 fut une année de progrès pour les comptes de l’État avec trois réserves levées, mais ce sont encore neuf réserves, dont huit substantielles, qui ont été reconduites. Il y a, là aussi, des marges de progression.

En matière de sécurité sociale, plusieurs recommandations réitérées de la Cour ont fait l’objet de dispositions dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, avec une réduction, encore insuffisante à nos yeux, des « niches sociales ».

La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites reprend elle aussi quelques recommandations, parfois anciennes, de la Cour, comme par exemple la suppression de la possibilité de départ en retraite pour les parents de trois enfants et plus après quinze années de service dans la fonction publique, ou plus largement les mesures de rapprochement entre les règles du régime général et celles qui sont applicables aux fonctionnaires.

Les mesures prises sont toutefois loin d’épuiser le sujet, qu’il s’agisse de la sécurité sociale ou des retraites, mais elles constituent un exemple privilégié de l’utilisation de l’expertise que nous pouvons apporter à la représentation nationale. C’est toujours une satisfaction de voir une recommandation de la Cour acquérir force de loi !

Enfin, et je terminerai par ce point, monsieur le président, il est des domaines où nos recommandations n’ont pas été assez suivies malgré l’urgence de la situation et l’importance des enjeux.

L’enjeu du projet Chorus comme outil de modernisation de la gestion publique est tout à fait considérable. Mais les réalisations ne sont pas encore à la hauteur des attentes… Outre un déploiement difficile et des difficultés de paiement au début du développement du projet – les retards de paiement de l’État envers ses fournisseurs ont été évalués jusqu’à 6 milliards d'euros en juillet 2010 –, les améliorations de gestion espérées semblent compromises, d’autant plus que le projet souffre d’un manque de coordination interministérielle et de carences stratégiques.

L’exemple du Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, est typique, selon nous, d’une gestion laxiste par excès de moyens.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très important, cela ! Par excès de moyens !

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Cet établissement public de l’État, chargé de plusieurs missions liées à l’emploi et à la formation des agents des collectivités territoriales, emploie plus de 2 200 personnes pour un budget annuel d’environ 350 millions d'euros.

La Cour a mené un troisième contrôle en moins de dix ans, après ceux de 2002 et de 2007, pour de nouveau constater de très nombreuses défaillances. La Cour réitère ses recommandations dans le domaine de la formation pour la maîtrise des coûts, qu’il s’agisse des frais de transport et de déplacement, ou des investissements immobiliers.

La Cour estime en outre qu’au regard de l’aisance financière du CNFPT et d’une gestion peu rigoureuse, il faut réviser le taux plafond de 1 % de cotisation des employeurs, fixé en 1987 et inchangé depuis. Il devrait être revu à la baisse.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. L’une des insertions les plus critiques et les plus préoccupantes porte sur le Grand Port maritime de Marseille. Celui-ci ne cesse de reculer dans la compétition internationale, malgré ses avantages comparatifs, en raison des conflits sociaux incessants qui l’ont miné dans les années récentes et de réformes inachevées. L’image sociale renvoyée par le port à ses clients est aujourd’hui négative et menace gravement son avenir commercial.

Les deux réformes les plus importantes restent inachevées. Pour la manutention horizontale, les dockers, la réalité est que les effectifs augmentent alors que le trafic baisse. Pour la manutention verticale, le régime de travail est bien éloigné de celui qui est en vigueur dans les ports concurrents : des équipes de deux portiqueurs sont prévues pour chaque engin de levage, alors qu’ailleurs la proportion est de trois pour deux, voire quatre pour trois, d’où un taux d’utilisation des portiques moitié moindre.

La Cour insiste pour que l’autorité de l’État s’exerce pleinement et avec constance, à tous les niveaux, notamment afin que les réformes voulues par le législateur soient effectivement mises en œuvre, au Grand Port de Marseille comme ailleurs.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’avoir écouté aussi longuement sur des sujets de préoccupation qui nous sont communs.

Je souhaite sincèrement que cette sélection de nos contrôles alimente vos débats et nourrisse votre travail parlementaire. Sachez que notre expertise demeure à votre entière disposition. (Applaudissements.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Formidable !

M. le président. Monsieur le Premier président, le Sénat vous donne acte du dépôt du rapport de la Cour des comptes.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, la remise du rapport public annuel de la Cour des comptes est un rendez-vous important et attendu.

Votre constance et votre enthousiasme, monsieur le Premier président, sont toujours un plaisir. Vos nombreuses observations finiront bien par être prises en compte et permettront de mettre un terme aux multiples dysfonctionnements qui affectent la sphère publique. Peut-être nos finances publiques retrouveront-elles enfin l’équilibre.

Parce qu’il met en évidence certains dysfonctionnements de la gestion de la sphère publique, au niveau de l’État, des établissements et entreprises publiques ou des collectivités territoriales, le rapport public de la Cour attire de façon salutaire l’attention de l’opinion publique, des responsables politiques et administratifs, ainsi que de l’ensemble des agents publics et – oserai-je le dire ? – des parlementaires que nous sommes, mes chers collègues.

Le florilège que vous venez de nous présenter du haut de cette tribune, monsieur le Premier président, est parfaitement illustratif.

Le rétablissement de nos finances publiques passe, en effet, non seulement par la fixation d’objectifs et de règles de bonne conduite, mais tout aussi sûrement par la diffusion de meilleures pratiques de gestion, la suppression de dispositions et de structures obsolètes ou injustifiées, l’amélioration constante des procédures, la recherche de l’efficacité et de la performance.

C’est ce à quoi invitent les observations formulées cette année par la Cour des comptes, qui se caractérisent par une grande diversité puisqu’elles concernent aussi bien la prime pour l’emploi que le système de santé en Polynésie française, la rémunération des réservistes militaires, ou encore la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOFAVIM. J’ai pu prendre connaissance des recommandations – parfois très fortes – formulées sur les vingt-cinq points qui font l’objet de nouvelles observations de la Cour et je pense que nous serons amenés à en tirer les conséquences.

Je note également que la Cour, dans le second tome de son rapport, reprend vingt et une observations précédentes pour examiner les suites qui leur ont été données. Nous serons plus particulièrement attentifs aux réponses que le Gouvernement apportera aux six observations insuffisamment suivies d’effets sur lesquelles la Cour estime devoir « alerter » l’opinion publique, selon une terminologie qui n’est pas neutre, convenons-en.

Il s’agit, tout d’abord, de celle qui vise le programme Chorus et les systèmes d’information financière de l’État. Sans un système d’information approprié, monsieur le Premier président, la loi organique relative aux lois de finances, ou LOLF, dont vous êtes l’un des pères, avec notre ancien collègue Alain Lambert, qui vous a rejoint à la Cour, risque d’être inopérante.

Il s’agit, ensuite, des observations relatives au Centre national de la fonction publique territoriale – il a fait l’objet d’une remarque majeure –, au Grand port maritime de Marseille, aux agences comptables des lycées et collèges publics, à l’Établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, et à la participation de la France aux corps militaires européens permanents.

Le dépôt du rapport public annuel constitue un moment privilégié et solennel, mais il n’est pas le cœur des relations entre le Parlement et la Cour des comptes, spécialement pour ce qui concerne la commission des finances.

Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, dont nous célébrerons cette année les dix ans de l’adoption, ces relations se sont considérablement renforcées et amplifiées, j’ai plaisir à le souligner, croyez-le bien.

Malgré des légitimités différentes, des modes de fonctionnement très dissemblables et des préoccupations parfois éloignées, la commission des finances, par l’intermédiaire de ses rapporteurs spéciaux, et les chambres de la Cour des comptes ont notamment développé des relations de travail privilégiées, dont les temps forts sont, d’une part, l’exploitation des enquêtes réalisées au titre de l’article 58, alinéa 2°, de la LOLF et, d’autre part, l’examen de la loi de règlement. Les auditions pour suite à donner aux enquêtes diligentées en application de l’article précité sont des moments très importants, monsieur le Premier président. Il nous appartient alors d’exercer une pression sur les administrations qui ont fait l’objet des investigations en cause puis de recommandations.

Je voudrais à présent formuler quatre vœux pour la poursuite et l’amélioration des relations entre la Cour et le Parlement.

Le premier d’entre eux est que l’ouverture à de nouveaux organes du Parlement de la possibilité de demander l’assistance de la Cour des comptes, votée dans le cadre de la loi du 3 février 2011 tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, ne porte pas préjudice aux procédures actuelles, utilisées par la commission des finances et par la commission des affaires sociales, qui fonctionnent bien et donnent satisfaction. Le Sénat a introduit dans le texte certaines garanties relatives aux demandes d’assistance et aux enquêtes visées à l’article 58, alinéa 2°, de la LOLF et à l’article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières. Nous espérons qu’elles seront suffisantes.

Mon deuxième vœu concerne la coordination des travaux de contrôle et des initiatives prises dans le cadre du programme de travail de la Cour des comptes et du programme de contrôle de la commission des finances. Je souhaite que nous échangions plus largement nos informations, dès les premières esquisses de ces programmes, afin d’éviter les doublons et d’unir nos efforts. Bien entendu, ces échanges d’informations ne sauraient limiter les compétences de nos deux institutions.

Vous ne serez pas étonné, monsieur le Premier président, par l’évocation de mon troisième vœu. Je souhaite ardemment que la réforme de la Cour des comptes et des chambres régionales – même sous une forme « allégée » – aboutisse le plus rapidement possible.

MM. Jean-Pierre Fourcade et Pierre Hérisson. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Une meilleure coordination des travaux entre la Cour et les chambres régionales est une condition indispensable pour assurer la qualité des enquêtes que nous vous demandons.

M. Pierre Hérisson. Tout à fait !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il n’est plus possible, compte tenu de l’imbrication des niveaux de responsabilités, de procéder à un examen des politiques publiques qui se limite aux seules compétences exercées par l’État. La réforme des juridictions financières doit, à ce seul titre, être inscrite à l’ordre du jour des deux assemblées. La commission des finances, pour sa part, est impatiente de pouvoir s’en saisir.

Monsieur le Premier président, nous ne doutons pas que, compte tenu de ses missions, de ses observations, de ses recommandations, la Cour soit elle-même un laboratoire d’innovations et de propositions relatives à sa propre réforme.

Enfin, mon quatrième vœu est, je pense, un rêve. Je souhaite que vous puissiez prendre l’initiative, afin que la pédagogie fasse son œuvre, de présenter des comptes consolidés…

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … de l’État et de la protection sociale. Chaque Français pourra alors prendre conscience de l’urgence et de la nécessité des réformes et les formations politiques pourront renoncer à leur vision quelque peu dogmatique et partisane, pour reprendre le chemin de la performance publique, de l’adéquation entre les recettes et les dépenses et, sans doute, du retour à l’équilibre budgétaire. Ainsi, Jean-Pierre Fourcade pourrait cesser d’évoquer le spectre d’une dette perpétuelle. (Jean-Pierre Fourcade acquiesce.)

La bonne gouvernance consiste à tirer toutes les conséquences des observations de la Cour. Le rapport de celle-ci ne doit pas être, mes chers collègues, la bonne conscience du Parlement et de l’opinion publique. Il importe d’en tirer les enseignements requis. Si les actuels dysfonctionnements subsistent, à quoi bon ce rapport, tant de missions d’audit, d’évaluation ?

Monsieur le Premier président, les membres de la Cour, qui sont des magistrats et bénéficient à ce titre de l’indépendance, sont devenus des auditeurs. C’est la raison pour laquelle ils certifient la sincérité et la régularité des comptes publics.

Mes chers collègues, c’est dans ces conditions que, prenant appui sur l’éclairage qui nous est apporté par la Cour des comptes, nous avons quelques chances de mettre un terme aux dysfonctionnements de la sphère publique et, peut-être, de rétablir l’équilibre des comptes publics. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. À mon tour, je voudrais profiter du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes pour saluer l’importance, la qualité et l’utilité des travaux réalisés par cette institution et, bien entendu aussi, pour vous remercier, monsieur le Premier président.

La synthèse des travaux que vous venez de nous présenter est, je l’avoue, impressionnante. Elle confirme le rôle éminent de la Cour, déployé dans tous les domaines de l’action publique, au service d’une meilleure gestion des deniers publics.

Nous examinerons le contenu de ce nouveau rapport avec attention. Il comporte de nombreuses insertions dans les domaines sanitaires et sociaux. Je perçois déjà l’intérêt que les membres de la commission des affaires sociales trouveront à lire les passages du rapport consacrés au Fonds de réserve des retraites, à l’indemnisation du chômage partiel, à l’organisation du système de santé en Polynésie française, ou encore au système de collecte de la taxe d’apprentissage dans un certain nombre de secteurs.

Comme cela a souvent été le cas dans le passé, les observations de la Cour et les nôtres devraient largement se rejoindre, car les sujets en cause tiennent à cœur à la commission des affaires sociales.

Il en est un sur lequel nos travaux ont été réellement complémentaires : le financement de la campagne de lutte contre la grippe A. Nous avons en effet demandé à la Cour, voilà un peu plus d’un an, de procéder à une enquête sur l’utilisation des fonds mobilisés pour la lutte contre la pandémie grippale H1N1. Cette demande était motivée par le souci de suivre non seulement l’emploi des moyens importants – évalués à environ 1,5 milliard d’euros à l’automne 2009 – qu’il était prévu d’affecter à cette lutte, mais aussi les modalités du financement de celle-ci.

Nous avions, de fait, porté une attention toute particulière à l’élaboration du dispositif de financement, dont la traduction figurait dans trois textes financiers : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, la loi de finances pour 2010 et la dernière loi de finances rectificative pour 2009.

Au cours des débats, le Sénat s’était notamment inquiété du montant des dépenses envisagées, dans un contexte d’augmentation des déficits publics. Mais nous avions aussi le souci de la participation à ces dépenses des organismes d’assurance maladie obligatoire et complémentaire, qui n’ont pas vocation à financer des dépenses relevant au premier chef des missions régaliennes de l’État.

La Cour a procédé au bilan financier de la campagne et a également effectué une évaluation des actions menées, soulignant le caractère inédit de cette crise.

En fin de compte, l’enquête réalisée a parfaitement complété et rejoint les analyses et préconisations du rapport de la commission d’enquête du Sénat sur le rôle des firmes pharmaceutique dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A H1N1. Les conclusions que la Cour tire de la gestion de cette crise sanitaire sont, à notre avis, riches d’enseignements, et je souhaite que les nombreuses pistes proposées par la Cour pour améliorer le dispositif de réponse aux crises sanitaires soient effectivement prises en compte par le Gouvernement et les administrations concernées.

Si la date de la prochaine crise sanitaire à laquelle sera confronté notre pays ne peut, bien sûr, être aujourd’hui connue, son avènement est néanmoins certain, et il conviendra alors que nous soyons en mesure d’être beaucoup plus réactifs que nous ne l’avons été en 2009.

En particulier, comme la Cour, nous estimons qu’il ne faudra pas exclure, cette fois, de l’organisation d’une telle campagne les hôpitaux et les médecins libéraux, qui ont un rôle essentiel à jouer en matière de conseil de proximité et de santé publique.

De même, comme la Cour, nous jugeons prioritaire la nécessité de revoir les politiques de vaccination. Il est urgent de faire valoir à nos concitoyens, de manière argumentée et objective, les intérêts et avantages de la vaccination pour lutter contre un certain nombre de maladies.

L’objectif, que vous poursuivez, du redressement des comptes et de l’amélioration de la gestion des deniers publics est également le nôtre. Je me félicite donc de la très grande qualité des liens que la commission des affaires sociales et, au sein de celle-ci, la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, ont pu nouer avec vous-même, monsieur le Premier président, mais également avec les magistrats et les chambres de la Cour qui suivent les sujets relevant de notre compétence.

Je voudrais donc vous remercier personnellement de votre disponibilité et de votre écoute, ainsi que l’ensemble des personnels de la Cour. Les relations étroites et très fructueuses que nous avons établies sont la preuve que la Cour remplit pleinement son rôle d’assistance à nos travaux de contrôle parlementaire.

À titre d’exemple, je pourrais mentionner une réunion qui s’est tenue ce matin même – très amicale et fructueuse, m’a-t-on dit – entre les administrateurs de la commission des affaires sociales et les magistrats de la Cour, chargés de travailler sur l’une de nos dernières demandes d’enquête.

Des rendez-vous réguliers permettent d’entretenir ces bonnes relations.

En premier lieu, je citerai la publication, au mois de septembre, du rapport de la Cour sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale. Cette année encore, il proposait un éclairage fouillé sur de nombreux sujets d’importance. Je n’en mentionnerai que deux : celui des niches sociales, d’abord, sur lequel notre commission réfléchit déjà depuis longtemps et pour lequel elle fait chaque année de nouvelles propositions au Gouvernement, en s’appuyant souvent de façon utile sur le rapport de la Cour ; celui de la situation financière des hôpitaux, ensuite, auquel notre rapporteur général Alain Vasselle attache une très grande importance et consacre des travaux au long cours, et dont les observations rejoignent évidemment très largement celles de la Cour.

En second lieu, je citerai le rendez-vous régulier institué au mois de juin, avec la publication du rapport de certification des comptes de la sécurité sociale.

Le quatrième rapport de certification est intervenu, en application de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, au mois de juin dernier. Il s’est avéré, comme les précédents, et peut-être plus encore du fait de l’approfondissement des contrôles mis en œuvre, extrêmement constructif et porteur de réelles possibilités de progrès pour la gestion des organismes concernés. Notre commission s’est d’ailleurs emparée de cette question en exerçant un contrôle attentif et régulier sur les moyens mis en œuvre par les caisses pour répondre aux observations de la Cour, je pense en particulier à la branche famille et à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, sur lesquelles notre MECSS a publié un rapport, puis suivi la mise en œuvre des différentes préconisations.

D’autres occasions de rencontres sont créées par la remise des travaux que nous vous commandons. Cette année, – je viens d’en parler – l’enquête de la Cour sur la lutte contre la grippe A H1N1 a donné lieu à des séances de commission particulièrement riches et denses.

Nous sommes certains que les récentes demandes d’enquête que nous vous avons adressées seront porteuses d’enseignements pour l’amélioration des politiques mises en œuvre.

La première porte sur l’examen des spécificités du régime d’assurance maladie en Alsace-Moselle ; ce choix s’explique par le souci d’étudier les conditions de fonctionnement d’un régime en situation d’équilibre financier susceptible – pourquoi pas ? – d’inspirer des propositions d’améliorations pour les autres régimes.

La seconde concerne l’analyse de l’ensemble des dépenses prises en charge par l’assurance maladie et ne correspondant pas stricto sensu à des remboursements de soins, sujet dont nous mesurons pleinement l’ampleur, mais qui aura pour intérêt de distinguer clairement la nature des différentes charges incombant à l’assurance maladie.

En conclusion, je formule le vœu que l’année 2011 soit tout aussi fructueuse pour la Cour des comptes que l’année 2010 et que nous puissions continuer à développer nos travaux communs pour le meilleur profit de nos concitoyens.

Comme la Cour, nous souhaitons que l’année 2011 permette d’engager réellement le redressement de nos finances publiques car il y va de l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. Jacky Le Menn applaudit également.)