M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question. Je serai brève, car je ne vais pas reprendre l’intégralité du débat.

Sans doute, monsieur le ministre, ne vivons-nous pas dans le même monde. Cette question orale avec débat dont j’ai pris l’initiative était en fait un signal d’alarme et un appel à sortir du déni. Si vous n’avez pas eu connaissance de certaines situations ou si, comme d’aucuns ici, vous pensez qu’il est urgent d’attendre, je vous transmettrai le livre noir réalisé par les « stagiaires impossibles » et qui décrit la souffrance de ces hommes et de ces femmes qui ont été mis en situation, jetés en pâture, devrais-je dire, sans avoir suivi la moindre formation ni effectué un seul stage.

Vous avez beau jeu de dire que la réforme est sans doute perfectible et qu’il faudra au fur et à mesure revenir sur les points d’achoppement. Pour moi, et c’est une certitude, il n’y a pas de replâtrage possible.

Je pensais bien que vous alliez évoquer le concept de master en alternance puisque le recteur de l’académie de Versailles, Alain Boissinot, a annoncé la mise en place, à titre expérimental dès la rentrée prochaine, d’un dispositif de master en alternance.

Je vais dire deux mots de ce dispositif, car il n’est pas le remède qui va tout arranger.

Dès la licence, les étudiants pourraient conjuguer temps de formation en université et séquences en établissement ; la mission qui leur serait confiée d’assistant d’éducation puis d’assistant pédagogique serait intégrée à leur parcours de formation comme temps de préprofessionnalisation. En master, le principe serait le même : il leur serait proposé d’intervenir toute l’année en tant que personnel enseignant vacataire en établissement, accompagné par un tuteur sur un service limité.

La ficelle est un peu grosse et l’on voit comment cette notion d’alternance détournée peut en réalité constituer à moindre frais un vivier de remplacement.

S’agissant des assistants d’éducation, on voit bien qu’il y a l’opportunité par ce moyen détourné de fournir une rémunération à ces jeunes ; c’est d’ailleurs l’une des questions que pointait le rapport Jolion.

Pour les assistants pédagogiques, ce dispositif n’est pas nouveau puisqu’ils sont déjà prioritairement recrutés parmi les étudiants préparant les concours de l’enseignement.

De toute façon, dans les deux cas, on ne sort pas du statut précaire de vacataire. Or, comme j’ai essayé de le montrer lors de mon intervention liminaire, la préprofessionnalisation ne se résume pas à des stages ; encore faut-il leur donner un contenu, en définir la nature exacte, pour qu’ils soient véritablement utiles et ne servent pas seulement à faire du remplacement à moindre frais.

Ces stages, dont on ne peut accepter qu’ils échappent encore une fois au cadrage national, devraient s’inscrire dans un cahier des charges de la formation et être encadrés par des maîtres formateurs spécifiquement chargés d’accompagner les étudiants, et non par des tuteurs, comme vous venez de le proposer.

Si ces étudiants en master d’alternance effectuent un mi-temps dans un établissement, leur emploi du temps, cela a été souligné, sera très chargé, ce qui les empêchera de préparer dans de bonnes conditions le concours, augmentant ainsi pour eux les risques d’échouer.

À l’inverse, ils constitueront, je le répète, un super-vivier de précaires connus et déjà identifiés par les académies. Ce type de formation, que vous nommez « alternance », est en fait un piège en l’état actuel de la formation des enseignants.

La vraie diversification des parcours de formation, au service d’une plus grande démocratisation – je rappelle qu’un étudiant sur deux travaille pour financer ses études – signifierait au contraire plusieurs voies d’accès, avec sans doute des concours différents, comme cela existe déjà mais avec la garantie absolue qu’il s’agit de concours de type national, c’est-à-dire de même valeur en termes de statut, de grille et donc de rémunération.

En fait, j’ai le sentiment, qui est conforté après vous avoir entendu, que cette réforme constitue bien évidemment une pièce maîtresse dans l’entreprise de démantèlement du service public de l’éducation, dont les enseignants sont le pivot. Comment, sinon en détruisant leur formation, attaquer la montagne ?

Le champ de ruines qu’est devenue la formation continue en est la preuve. Les enseignants, qui jouent un rôle déterminant dans la formation et l’avenir des citoyens de demain, sont ainsi les seuls que la nation prive de l’outil de formation quand, dans le même temps, est affichée une volonté de formation tout au long de la vie.

L’échange de ce soir aurait pu être l’occasion de remettre l’ouvrage sur le métier, d’explorer réellement les pistes d’une réforme qui soit véritablement au service de la réussite de tous les enfants. Je constate que telle n’est pas votre volonté, et je le déplore. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec cette question orale avec débat sur la réforme de la formation des enseignants.

12

Demande d’un avis sur un projet de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre, par lettre en date du 15 avril 2011, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de transports sur le projet de nomination de M. Dominique Perben à la présidence de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quarante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

13

 
Dossier législatif : proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques
Discussion générale (suite)

Ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (proposition n° 254 rectifié, texte de la commission n° 431, rapport n° 430).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui revient aujourd'hui devant votre assemblée marque une avancée significative en matière de libéralisation des ventes volontaires aux enchères publiques.

En ouvrant nos débats ce soir, je tiens d’abord à saluer l’initiative de MM. Philippe Marini et Yann Gaillard qui, il y a plus de trois ans maintenant, ont proposé de moderniser le régime applicable à ce secteur d’activité et dont les travaux vont trouver dans quelques semaines – je l’espère tout du moins ! – un aboutissement.

Il est effectivement nécessaire de faire évoluer notre législation et de modifier le régime posé par la loi du 10 juillet 2000. Celui-ci satisfaisait déjà certes aux obligations résultant des principes de libre établissement et de libre prestation de services posés par le traité de Rome, mais la directive Services du 12 décembre 2006 nous impose de mettre rapidement notre droit national en conformité avec les nouvelles règles qu’elle comporte, en particulier pour supprimer tout agrément préalable à l’exercice de l’activité de ventes volontaires et toute prescription relative à la forme juridique des sociétés de vente.

Cette proposition de loi poursuit également un autre objectif : celui de renforcer la compétitivité de ce secteur d’activités. En effet, force est de constater que le marché français accuse depuis plusieurs années un certain retard face à ses concurrents. En effet, les opérateurs nationaux ne disposent pas des moyens adaptés pour faire face à une concurrence internationale de plus en plus forte. C’est ainsi que la France se place aujourd’hui au quatrième rang derrière la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni. Rappelons que ce secteur a représenté, en France, un montant d’adjudications de 2,175 milliards d’euros en 2010.

Je voudrais donc saluer les travaux du Sénat et tout particulièrement ceux des rapporteurs : Marie-Hélène Des Esgaulx en première lecture, et Jean-Jacques Hyest, qui a vaillamment repris le flambeau en deuxième lecture. Ils ont permis d’améliorer sensiblement le cadre juridique des ventes aux enchères. Le texte maintient également un contrôle adapté des opérateurs de ventes volontaires et préserve la sécurité juridique dont ont besoin les consommateurs.

L’Assemblée nationale a très largement entériné les orientations que vous aviez retenues en première lecture. Seuls quelques points restent aujourd’hui en débat et les modifications que je vous proposerai sont limitées.

Le texte rénove le secteur des ventes volontaires en permettant de relever le défi de la compétitivité et de mettre notre droit en conformité avec la directive Services.

La libéralisation inscrite dans la proposition de loi a fait l’objet d’un accord de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Concernant les biens vendus, le texte apporte une ouverture du marché particulièrement importante en élargissant le champ d’application de la réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques aux biens meubles neufs, ainsi qu’aux ventes de marchandises en gros, jusque-là réservées aux courtiers de marchandises assermentés. Ces ventes s’effectueront dans un cadre juridique harmonisé.

Le texte introduit également des allégements de procédures qui faciliteront le travail des opérateurs et renforceront l’attractivité du marché français.

Les ventes volontaires ne seront plus soumises à un régime d’agrément préalable par le Conseil des ventes volontaires, mais à un simple régime déclaratif auprès de cette autorité dont elles pourront d’ailleurs s’acquitter par l’intermédiaire d’un guichet unique comme l’impose la directive Services. Ce dispositif, que vous aviez adopté en première lecture, a été validé par l’Assemblée nationale.

Les ventes de gré à gré seront désormais autorisées aux opérateurs de ventes volontaires et l’objet social des structures de ventes volontaires n’est plus limité.

Les opérateurs de ventes volontaires vont bénéficier d’un nouveau régime attractif et simplifié de la garantie du prix qu’ils peuvent accorder au vendeur, les conditions de la vente de gré à gré après échec des enchères sont assouplies ainsi que celles de vente dite sur folle enchère.

La commission a également admis une pratique innovante, introduite par l’Assemblée nationale, en permettant à la maison de vente d’acquérir un bien qu’elle a vendu, afin de mettre un terme à un litige entre vendeurs et adjudicataires.

Enfin, les opérateurs mèneront désormais leur activité sous la forme juridique de leur choix : à titre individuel ou dans le cadre d’une société civile ou commerciale. L’obligation de constituer une société de forme civile et de droit français est supprimée, puisqu’elle est interdite par la directive Services. L’implantation du siège statutaire ou social de la société sur le territoire de l’Union européenne sera permise.

Enrichie par le travail parlementaire, la proposition de loi offre par conséquent aux opérateurs de ventes volontaires les moyens de dynamiser le marché français.

Il n’en reste pas moins que la sécurité juridique des transactions est préservée et qu’un contrôle par un Conseil des ventes volontaires rénové est maintenu.

En effet, deuxième caractéristique, le texte s’attache à garantir la sécurité juridique des transactions, en veillant à la protection des consommateurs.

Cette sécurité est essentielle pour renforcer la confiance des acteurs et la moralité sur un marché qui, récemment confronté à des dysfonctionnements, sera bientôt libéralisé.

Ainsi, le mandat de vente devra être établi par écrit.

La tenue d’un livre de police dématérialisé est imposée, ce qui simplifiera la gestion de ce document par les opérateurs et renforcera la traçabilité des biens.

Les obligations d’information pesant sur les maisons de vente à l’égard des vendeurs comme du public sont renforcées, notamment sur les garanties financières souscrites, la qualité des biens vendus lorsqu’ils sont neufs, et lorsqu’un expert intervient. Il est imposé aux courtiers aux enchères en ligne de clairement préciser la nature des prestations qu’ils fournissent, sans créer de confusion avec une opération de vente aux enchères publiques.

Ensuite, le texte introduit la prohibition de la revente à perte, dans le cadre des enchères publiques. Il tend à maintenir la prohibition de l’achat pour revente : les opérateurs ne pourront donc acheter pour leur propre compte des biens meubles aux enchères, sauf dans des cas strictement limités. Ainsi, ils seront autorisés à vendre aux enchères des biens dont ils sont devenus propriétaires après la mise en œuvre de la garantie de prix, lorsque le bien n’a pas atteint le prix requis.

Enfin, le recours par l’opérateur de ventes volontaires à des prestataires extérieurs est désormais encadré : il devra, dans ce cas, prendre toutes les dispositions propres à assurer à son client la sécurité juridique et matérielle des ventes.

Par ailleurs, la proposition de loi vise à consolider le rôle de régulation du Conseil des ventes volontaires, qui reste par ailleurs doté d’un pouvoir disciplinaire sur les opérateurs de ventes volontaires.

La discussion parlementaire a permis d’apporter des précisions utiles sur le rôle du Conseil des ventes volontaires : s’il perd son rôle d’agrément préalable des opérateurs, de nouvelles missions lui sont confiées. Il se voit doté d’une mission d’observation de l’économie des enchères et d’un rôle d’identification des bonnes pratiques ; il devient force de proposition pour des évolutions législatives ou réglementaires. Je crois que c’est une très bonne chose, car ces évolutions participent à un meilleur encadrement des pratiques du marché.

La commission a par ailleurs souhaité apporter une précision, en confiant au Conseil l’élaboration d’un recueil des obligations déontologiques, en lieu et place du code de déontologie retenu par l’Assemblée nationale. Je partage complètement cette position, qui s’accorde d’ailleurs mieux avec le statut du Conseil.

En revanche, la commission a choisi de réintroduire la disposition relative à la présence de professionnels en exercice au sein du Conseil des ventes volontaires. J’ai bien noté les précautions apportées par M. le rapporteur pour parvenir à un dispositif conforme à la directive Services. Toutefois, c’est le principe lui-même qui me semble incompatible avec la directive. Je vous proposerai donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, par le biais d’un amendement qui, je l’espère, recevra le soutien de la commission.

Enfin, dans son effort de modernisation du régime des ventes volontaires, la proposition de loi veille aussi au maintien des équilibres entre les différents professionnels du secteur des ventes volontaires.

Aux côtés des opérateurs de ventes volontaires, d’autres professionnels soumis à des statuts spécifiques interviennent. Il s’agit des opérateurs « historiques » des ventes de meubles et de marchandises aux enchères publiques, commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice, notaires et courtiers de marchandises assermentés.

Concernant les commissaires-priseurs, l’Assemblée nationale leur a ouvert de nouvelles possibilités, leur permettant d’exercer leur profession en qualité de salarié. Cet effort de modernisation, auquel je souscris, a été approuvé par la commission des lois du Sénat.

En revanche, vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, élargir la liste des activités complémentaires auxquelles les commissaires-priseurs judiciaires sont autorisés à se livrer au sein de leurs sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Une telle ouverture me semble incompatible avec leur statut d’officier public ministériel. Elle pourrait même conduire la Commission européenne à remettre en cause ce statut.

Contrairement à ce que prévoyait la version initiale de la proposition de loi, les commissaires-priseurs judiciaires conservent leur statut d’officiers publics et ministériels, avec, pour corollaire, l’interdiction de se livrer à des activités commerciales qui ne seraient pas limitativement énumérées. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point au cours des débats.

Concernant les huissiers de justice et les notaires, la commission a souhaité modifier la formulation du texte, tel qu’il résultait des travaux de l’Assemblée nationale, en indiquant que ces professionnels pouvaient réaliser des ventes volontaires à titre accessoire et occasionnel dans le cadre de leur office.

L’adjonction de la notion « à titre occasionnel » restreint considérablement le champ de la disposition, et sera source de difficultés d’appréciation, alors que la notion « à titre accessoire » est parfaitement comprise des juristes et des opérateurs. Nous aurons également l’occasion, au cours de la discussion des articles, d’évoquer cette question.

Le statut des courtiers de marchandises assermentés a été profondément rénové.

S’ils ne disposent plus d’un monopole d’activité sur les ventes volontaires de marchandises en gros, les courtiers assermentés pourront poursuivre leur activité traditionnelle dans le cadre tant judiciaire que des ventes volontaires.

Néanmoins, la commission a souhaité revenir sur les règles présidant habituellement à la répartition des compétences entre commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice, notaires et courtiers de marchandises assermentés en matière de ventes judiciaires ordonnées dans le cadre d’une liquidation judiciaire.

L’objet de la dernière modification que je souhaite vous proposer, mesdames, messieurs les sénateurs, est de revenir au droit actuel, tel qu’il découle du statut de ces professionnels et du libre choix du juge.

À l’heure de sa seconde lecture, cette proposition de loi a connu d’incontestables évolutions, qui permettent d’aller plus loin dans la rénovation du régime des ventes volontaires. Alors que la Commission européenne se montre très attentive au calendrier législatif de ce texte et à son contenu, je suis persuadé que nous sommes désormais en mesure de progresser rapidement dans la voie de la réforme. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, issue d’un texte présenté par nos collègues Philippe Marini et Yann Gaillard, que je tiens à féliciter de leur excellente initiative.

Je me dois également de saluer l’excellent travail mené en première lecture par Marie-Hélène Des Esgaulx, qui, en sa qualité de rapporteur, a fixé un certain nombre de règles reprises par l’Assemblée nationale. Hélas, notre collègue a choisi de siéger à la commission des finances, ce qui, à mon avis, est une erreur ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Une grave erreur ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme j’avais travaillé avec elle, j’ai pensé que je pouvais, pour cette deuxième lecture, rapporter ce texte.

La directive Services du 12 décembre 2006 rendait en effet nécessaire une adaptation des dispositions du code de commerce régissant les ventes aux enchères. Comme parfois en d’autres domaines, nous avons été obligés de déposer une proposition de loi pour que les choses avancent !

Les États membres, je le rappelle, devaient se conformer à la directive avant le 28 décembre 2009. Notre pays est, une fois de plus, en retard dans la transposition de ce texte, bien que le Sénat ait engagé des travaux sur le sujet dès le printemps 2009.

Notre proposition de loi a ensuite suivi un parcours assez lent, puisque, après avoir été adoptée en première lecture par le Sénat le 28 octobre 2009, elle n’a été votée par l’Assemblée nationale que le 25 janvier 2011.

Il devient urgent d’adopter cette réforme, non seulement pour assurer le respect des textes européens, mais aussi pour offrir aux opérateurs français du secteur des ventes aux enchères des conditions d’activité plus compétitives.

L’Assemblée nationale a d’ailleurs très largement validé les orientations retenues par le Sénat en première lecture, lesquelles visent à donner davantage d’outils aux opérateurs, tout en renforçant la protection du consommateur.

Je relèverai en particulier l’accord des deux assemblées sur un régime de déclaration de l’activité, la possibilité pour les opérateurs de réaliser des ventes de gré à gré, l’assouplissement des conditions de remise en vente d’un bien dans le cadre d’une folle enchère ou les modalités de mise en œuvre de la garantie de prix.

En ce qui concerne le Conseil des ventes volontaires, l’Assemblée nationale lui a confié l’élaboration d’un code de déontologie, qui serait soumis à l’approbation du garde des sceaux.

Elle lui a également reconnu la possibilité de formuler des propositions de modifications législatives et réglementaires au sujet de l’activité des ventes aux enchères publiques – une telle compétence est classique pour tous ces organismes –, et de demander à la Chambre nationale des huissiers de justice et au Conseil supérieur du notariat de lui communiquer le chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé par les notaires et les huissiers dans le cadre de leur activité accessoire de ventes volontaires. Il y a donc là un petit problème. En effet, si cette activité était aussi marginale qu’on le prétend, une telle disposition serait parfaitement inutile.

La commission des lois a souscrit à ces modifications. Elle a toutefois souhaité substituer à la dénomination de « code de déontologie » celle de « recueil des obligations déontologiques des opérateurs de ventes volontaires ». La raison en est simple : cette dénomination, monsieur le garde des sceaux, est celle qui est utilisée pour la très noble profession de magistrat...

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Et pour le Conseil supérieur de la magistrature !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je pense d’ailleurs qu’il faudrait utiliser ces mêmes termes pour toutes les professions : un code n’est en effet jamais complet !

Ce recueil établira un lien clair avec les obligations professionnelles des opérateurs. La commission des lois a en outre souhaité indiquer qu’il serait rendu public.

La commission a également validé l’insertion de dispositions reprenant une recommandation du rapport, d’ailleurs très intéressant, sur l’Hôtel des ventes de Drouot qui vous a été remis, monsieur le garde des sceaux, en avril 2010.

Les députés ont en effet défini une obligation, pour les opérateurs de ventes volontaires, de prendre toutes dispositions propres à assurer la sécurité des ventes, en particulier lorsqu’ils recourent à d’autres prestataires de services.

Je forme le vœu que ces dispositions contribuent à la clarification des responsabilités et à une amélioration de la situation de l’Hôtel des ventes de Drouot, dont la renommée ne doit plus être mise à mal par des agissements hautement condamnables et préjudiciables à l’ensemble du secteur.

Dans cette logique de protection des vendeurs et des acheteurs, les deux assemblées s’accordent en outre sur les garanties financières que doivent offrir les opérateurs et sur le régime de responsabilité des opérateurs et des experts.

La commission des lois a néanmoins souhaité apporter quelques ajustements à la proposition de loi pour équilibrer les conditions d’activité des différents professionnels des ventes volontaires. Mon souci permanent a été de trouver cet équilibre.

Ce faisant, la commission des lois a pris en compte les observations de l’Assemblée nationale afin de parvenir le plus rapidement possible à une adoption définitive du texte.

La commission des lois a tout d’abord souhaité éviter toute stigmatisation d’une catégorie de vendeurs. Elle est revenue à l’esprit du texte voté par le Sénat en première lecture, en précisant, à l’article 3, que les documents et publicités annonçant la vente ne doivent mentionner la qualité du vendeur que lorsque celui-ci est un commerçant ou un artisan, qui met en vente des biens issus de sa production. Je pense d’ailleurs, après lecture du rapport et des débats, que telle était la volonté de l’Assemblée nationale, mais la rédaction qu’elle avait adoptée aboutissait à un résultat assez étrange !

Nous éviterons ainsi une stigmatisation injustifiée de certaines catégories de vendeurs, qui pourraient alors se tourner vers des opérateurs étrangers plutôt que vers des maisons de ventes établies en France.

La commission des lois a ensuite voulu équilibrer les conditions de participation des professions juridiques réglementées au marché des ventes volontaires.

Cela concerne en premier lieu l’activité de ventes volontaires des huissiers de justice, qui sont des officiers publics et ministériels au même titre que les commissaires-priseurs judiciaires. Il s’agit même de leur fonction première et essentielle.

Les députés ont ainsi renvoyé à la voie réglementaire la définition des conditions de formation auxquelles devront satisfaire les notaires et les huissiers pour réaliser des ventes volontaires. Très bien ! Il est vrai que ces conditions de formation dépendent des ventes volontaires qu’ils réalisent. Ce n’est pas la peine d’exiger d’eux certains diplômes dont ils n’auraient pas besoin.

La commission a approuvé ce renvoi, qui permettra de définir des obligations de formation initiale et des obligations de formation continue.

L’Assemblée nationale a par ailleurs supprimé la définition du caractère accessoire de l’activité de ventes volontaires des huissiers de justice par rapport à leur chiffre d’affaires. Je dois avouer que je ne comprends pas très bien. Vous-même, monsieur le garde des sceaux, gardez le caractère accessoire !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Oui !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous parlerons plus tard du caractère occasionnel.

Le Sénat avait précisé en première lecture que cette activité, qui nous paraissait accessoire, ne devait pas excéder 20 % du chiffre d’affaires annuel de leur office.

Le débat porte essentiellement sur l’activité de ventes volontaires des huissiers de justice car celle des notaires reste très limitée.

Il s’agit d’assurer une égalité de traitement entre les différentes professions réglementées réalisant des ventes aux enchères.

En effet, les huissiers de justice peuvent réaliser de telles ventes dans le cadre de leur office, sans avoir à créer pour cela une société et en bénéficiant de la garantie financière de leur profession. En outre, les ventes volontaires ne sauraient constituer leur activité principale.

Les commissaires-priseurs judiciaires, dont les ventes aux enchères constituent l’activité principale, ne peuvent quant à eux réaliser dans le cadre de leur office que des ventes judiciaires. Ils doivent créer une société de ventes à part entière pour organiser des ventes volontaires.

Or l’activité de ventes volontaires des huissiers peut être très développée et concurrencer fortement celle des sociétés de ventes constituées par des commissaires-priseurs judiciaires.

Je vous épargnerai les explications historiques de l’autorisation donnée aux notaires et aux huissiers de réaliser ces ventes.

On compte, je le rappelle, 401 commissaires-priseurs judiciaires et 3 232 huissiers de justice. Entre 460 et 500 huissiers de justice se livrent couramment à l’activité de ventes volontaires. J’ai même lu sur internet qu’il existait des huissiers vendeurs, ce que je n’avais pas imaginé.