suppressions de postes dans l’éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, bien que mes cordes vocales soient défaillantes, je vais m’efforcer de les mobiliser pour me faire entendre, et surtout pour me faire comprendre. (Sourires.)

Monsieur le ministre de l’éducation nationale, nous le savons, nos budgets sont contraints, et je suis solidaire de l’action que mène le Gouvernement face à cette réalité. Mais nous savons aussi qu’il doit y avoir des priorités afin de ne pas compromettre l’avenir.

Notre société est certes malade, mais ne le sera-t-elle pas davantage si les élèves d’aujourd’hui travaillent dans des classes surchargées, loin de chez eux, loin de cette proximité indispensable ?

M. Guy Fischer. Vous le reconnaissez !

M. Jean Boyer. Quand 8 800 postes sont supprimés dans le primaire, monsieur le ministre, c’est – permettez à l’ancien agriculteur que je suis de recourir à cette métaphore – un orage de grêle qui s’abat sur les grandes parcelles de blé semées en France !

M. Guy Fischer. Bravo !

Mme Nicole Bricq. Alors, ne votez pas les budgets !

M. Jean Boyer. Si, dans certains secteurs, les machines peuvent remplacer les hommes, ce n’est certainement pas le cas dans l’enseignement, où la mission des enseignants deviendra de plus en plus difficile, voire ingrate.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean Boyer. Entendez, monsieur le ministre, le message que vous adresse l’un des élus d’un département rural, un message qui est en fait un appel : l’école constitue le dernier lieu d’un service au public ; elle est un élément fondamental de la vie locale dans nos petites communes. Dans celles-ci, les maires ont toujours donné une priorité à l’école, car ils savent que c’est un investissement primordial et incompressible pour demain.

Mes chers collègues, sur quelque côté de l’hémicycle que vous siégiez, vous savez tous que, dans notre jeunesse, l’école a été notre deuxième famille. Elle nous a aidés à devenir des hommes et des femmes parce que l’enseignement que nous avons reçu était personnalisé.

M. Guy Fischer. Quand même !

M. Jean Boyer. Il n’y avait pas un enseignant pour vingt ou trente élèves. L’enseignement était personnalisé et il nous était délivré généreusement.

Alors, ne vaut-il pas mieux, aujourd’hui, payer des enseignants plutôt que, demain, être obligé – et je ne cède là à aucune démagogie ni à aucune dramatisation – de prévoir un peu partout des éducateurs spécialisés, voire des policiers ?

Monsieur le ministre, la société de demain se bâtit aujourd’hui et, j’en suis convaincu, comme vous l’êtes aussi, l’école en est le meilleur des artisans.

En 1944, Albert Camus, enseignant résistant, n’a-t-il pas écrit, au Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, l’un des plus beaux bastions de la Résistance, que « la meilleure générosité envers l’avenir est de donner beaucoup au présent » ?

Bien sûr, on ne peut plus revenir à l’école d’il y a cinquante ans. L’école doit s’adapter.

M. le président. Votre question, s’il vous plaît !

M. Jean Boyer. Je vois, monsieur le président, que la pendule tourne.

M. le président. Vous avez même dépassé votre temps de parole ! Pensez à vos cordes vocales ! (Sourires.)

M. Jean Boyer. Nous n’en sommes plus au temps où il s’agissait avant tout de savoir calculer en mètres ou en kilos, mais nous devons avoir un regard social et répondre aux vœux des enseignants, des parents et des élèves.

Merci, monsieur le ministre, de me dire ce que vous envisagez de faire. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Bernard Frimat. Ils veulent supprimer 1 500 postes !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage votre ambition pour l’école. (Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Quel double langage !

M. Luc Chatel, ministre. C’est la raison pour laquelle il a présenté ici même, au Sénat, l’année dernière, le budget le plus important jamais défendu pour le système éducatif : 60,5 milliards d’euros, soit, je le rappelle, 21 % du budget de la nation.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela a toujours été !

M. Luc Chatel, ministre. Il faut également savoir que, depuis 1981, le budget par élève a augmenté, en euros constants, de 80 %.

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Luc Chatel, ministre. Vous avez raison, monsieur le sénateur, d’être vigilant quant à l’encadrement. Je veux vous rassurer en vous disant que, à la rentrée prochaine, il y aura 35 000 professeurs de plus qu’il n’y en avait il y a vingt ans dans le système éducatif, alors qu’il y a 550 000 élèves de moins.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, d’être également vigilant quant au nombre d’élèves par classe.

M. Guy Fischer. Vous êtes en train de nous enfumer !

M. Luc Chatel, ministre. Là aussi, je veux vous rassurer : nous aurons, à la rentrée prochaine, en moyenne, 25 élèves par classe de maternelle, contre 27 en 1990.

M. René-Pierre Signé. On apprend quelque chose !

M. Luc Chatel, ministre. Nous aurons environ 22 élèves par classe dans les écoles primaires, contre 23 en 1990.

M. Guy Fischer. Dans les quartiers populaires, ça remonte !

M. Luc Chatel, ministre. Dans certains départements ruraux, comme la Haute-Loire, dont vous êtes l’élu, monsieur Boyer, il y aura en moyenne 20 élèves par classe à la prochaine rentrée dans les écoles primaires.

M. Guy Fischer. Il y a des privilégiés !

M. Luc Chatel, ministre. Je pense que, aujourd’hui, l’enjeu majeur pour le système éducatif, c’est d’être capable de faire en sorte que chaque élève sorte de l’école primaire en sachant lire, écrire et compter.

M. René-Pierre Signé. Il y en a 300 000 qui ne savent pas lire !

M. Luc Chatel, ministre. La loi Fillon de 2005 a posé les fondamentaux. Dans ce cadre, nous avons mis en place, depuis 2008, un système d’aide personnalisée,…

M. René-Pierre Signé. Sans résultat !

M. Luc Chatel, ministre. … permettant à chaque élève qui rencontre des difficultés à l’école de bénéficier d’une « remédiation », prenant la forme d’une aide à la lecture de deux heures par semaine, dispensée au sein même du système éducatif.

Nous avons en outre mis en place des stages de soutien scolaire : 230 000 élèves en ont bénéficié l’année dernière, là encore au sein même du système éducatif.

Bref, notre objectif est de soutenir davantage ceux qui rencontrent des difficultés scolaires.

M. René-Pierre Signé. C’est faux !

M. Luc Chatel, ministre. C’est cela, l’école de la République : faire davantage pour les élèves en difficulté. Telle est, monsieur le sénateur, la politique que nous menons.

N’oublions pas non plus que de nombreux pays dans le monde obtiennent de meilleurs résultats que le nôtre, alors qu’ils consacrent moins de crédits à leur système d’éducation. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Jacqueline Gourault. Il faut former des maîtres !

M. Luc Chatel, ministre. Nous devons tenir compte de cette réalité pour mener une politique éducative qualitative, « sur mesure », adaptée à la situation de chaque élève. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

otages français et opérations extérieures

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, 485 : c’est le nombre de jours de détention de Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, enlevés en Afghanistan avec leurs trois accompagnateurs, alors qu’ils réalisaient un reportage pour notre télévision de service public.

Comme de nombreux journalistes dans le monde, là où il y a des guerres, là où il y a des révolutions, là où la presse est bâillonnée et où l’on risque sa vie en exerçant tout simplement ce métier, ils ont voulu nous informer.

Je veux dire avec force, au nom de tout le groupe socialiste et apparentés, qu’ils remplissaient une mission d’intérêt général : nous informer d’une guerre dans laquelle nos forces armées, que je salue, sont engagées, d’une guerre qui entraîne des pertes humaines régulières, sans que l’on sache d’ailleurs pourquoi nos troupes se trouvent encore dans ce pays, et pour combien de temps ; mais c’est une autre histoire...

Ma question a tout d’abord pour objet de parler d’eux, ici, au Parlement, avec la force indispensable que les politiques de notre pays doivent manifester, au diapason des innombrables initiatives locales et citoyennes, comme ces 10 000 dessins d’enfants dont certains sont exposés depuis ce matin. Parce que le pire pour Stéphane et Hervé, comme pour les autres otages français retenus par Al-Qaïda au Maghreb islamique au Niger, serait l’oubli ou l’habitude que nous prendrions de leur absence.

Que pouvez-vous nous dire de leurs conditions de détention, des chances que nous avons de les voir libres le plus vite possible, des conditions posées par leurs geôliers pour leur libération, de ce qui est fait et sera fait par le Gouvernement pour que leurs vies ne soient pas mises en danger et qu’ils soient libérés ? Je vous pose les mêmes questions, bien sûr, pour tous nos otages retenus à l’étranger.

Si je parle plus particulièrement de Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, c’est parce que nous constatons, alors que se développent les gigantesques nouveaux moyens de communication citoyenne dont se saisissent les peuples et les jeunes pour demander la démocratie, partout dans le monde, combien la liberté de la presse est menacée, combien la violence d’État s’exerce contre les journalistes : en Russie, en Chine, hier en Égypte, bien sûr en Libye, et aujourd’hui en Syrie, pays qui leur interdit d’exercer leur métier et dans lequel, entre autres, le journaliste algérien Khaled Sid Mohand, qui travaille pour France Culture, est en état d’arrestation depuis le 9 avril dernier.

Que pouvez-vous nous dire sur les actions entreprises par le Gouvernement, au sein des instances internationales, au travers de ses relations avec les États concernés, pour que cette liberté fondamentale, consubstantielle de la démocratie, celle d’informer, soit respectée et pour que la vie de celles et ceux qui exercent ce noble métier de journaliste soit protégée ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la coopération.

M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Je remercie M. David Assouline de m’avoir posé cette question, car elle nous donne l’occasion d’avoir en cet instant une pensée très forte pour nos deux compatriotes retenus en otage en Afghanistan depuis presque 500 jours, une durée énorme qui doit être, moralement et physiquement, à la limite du supportable. Leur courage mérite d’être salué et de recevoir l’hommage unanime de la représentation nationale.

Vous me permettrez de rendre également hommage au courage de nos compatriotes détenus dans d’autres parties du monde, dont vous avez également parlé, monsieur le sénateur. Nous pensons aussi à eux.

Le gouvernement actuel est mobilisé à chaque seconde sur ce dossier, comme l’ont été les gouvernements précédents pour de semblables affaires, et c’est tout à l’honneur de notre République. Les ministres des affaires étrangères et de la défense, le Premier ministre, le Président de la République font tout ce qui est en leur pouvoir pour obtenir la libération prochaine de tous nos otages, dans des conditions acceptables par les uns et par les autres. C’est un travail de tous les instants !

Vous nous demandez des informations, monsieur le sénateur.

Nombre de ceux qui siègent dans cet hémicycle ont exercé des responsabilités gouvernementales et savent combien il est difficile de fournir des informations sur ce type de situation, d’abord parce que nous ne les avons pas toutes, mais aussi parce que celles dont nous disposons ne sont pas nécessairement fiables.

De plus, en la matière, le dilemme entre transparence et discrétion n’est jamais définitivement tranché.

Je veux vous dire que nous communiquons aux familles des otages, jour après jour, toutes les bribes d’information que nous pouvons récolter ici ou là. Je vous demande de nous faire confiance, car nous partageons avec vous la volonté très forte de ramener à la maison nos compatriotes qui en ont été injustement éloignés.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, de saluer aussi le travail des journalistes en cette période difficile.

Sachez que la France n’est pas inactive au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, où nous avons pris des initiatives en la matière dès 2006, et, plus récemment, en votant la résolution 1973 relative à la situation en Lybie.

Comme vous, nous considérons que la liberté de la presse est l’un des éléments fondateurs de la démocratie et qu’aucun pays ne saurait s’en exonérer. Nous partageons avec vous tous ce bel idéal. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du RDSE.)

chiffres du chômage

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Après une année 2009 difficile pour l’emploi en France, 2010 n’a pas été épargnée par les effets de la crise. Nous avons subi, l’an dernier, une augmentation de 5,3 % du nombre d’inscrits sur les listes de Pôle emploi.

Certes, d’autres pays, notamment parmi nos voisins européens, connaissent encore plus de difficultés. Le taux de chômage en Espagne est ainsi de 20,2 % et celui de l’Irlande de 14,9 %. Comme vous l’avez dit précédemment, monsieur le ministre, la politique sociale française, unique au monde – revenu de solidarité active, politique familiale, régime d’indemnisation chômage... –, a permis, mieux qu’ailleurs, de protéger les demandeurs d’emploi.

Toutes les mesures prises en faveur de l’emploi commencent à porter leurs fruits. Ainsi le nombre de chômeurs a-t-il diminué de 0,8 % au mois de mars, ce qui représente une nouvelle baisse significative.

M. René-Pierre Signé. Question téléphonée !

M. Guy Fischer. Le nombre des précaires augmente !

M. Alain Fouché. S’il semble bien que nous nous dirigions vers la sortie de crise, nous ne saurions relâcher les efforts accomplis en faveur d’une véritable politique pour l’emploi. Nous constatons en effet tous les jours, sur le terrain, que les Français éprouvent encore de l’inquiétude face à cette fébrile reprise.

Une récente étude de l’INSEE indique que la France gagnera, d’ici à 2025, 110 000 actifs par an. C’est un signe très positif pour la santé de notre pays ; mais les créations d’emplois doivent suivre.

Vous aviez fait savoir en janvier, monsieur le ministre, que vous mobiliseriez tous les acteurs de l’emploi, notamment sur le plan régional, afin que « 2011 soit une année de baisse sensible du chômage ». Aussi, je me réjouis du travail accompli et de l’évolution positive apparue depuis trois mois.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est téléphoné !

M. Alain Fouché. Je souhaite connaître vos engagements et les mesures que vous comptez prendre pour maintenir une action forte en faveur de l’emploi, et plus particulièrement de celui des jeunes et des plus de 55 ans. Car la création d’emplois, monsieur le ministre, reste notre priorité ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, il n’est pas question un seul instant de relâcher nos efforts, au moment même où nous prenons connaissance d’une double bonne nouvelle.

Première bonne nouvelle : le chômage a reculé au mois de mars. Le nombre de demandeurs d’emploi a en effet baissé de 21 100.

M. René-Pierre Signé. Des faux emplois !

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est la baisse la plus importante depuis février 2008, c’est-à-dire avant la crise. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des contrats d’un mois par-ci, par-là !

M. Xavier Bertrand, ministre. Deuxième bonne nouvelle : depuis le premier trimestre 2008, donc également avant la crise, c’est la première fois que le chômage enregistre une baisse pendant trois mois consécutifs.

Nous savons pertinemment que la sortie de crise ne sera effective pour nos concitoyens que lorsque le chômage aura reculé durablement. Voilà la réalité !

Il nous faut aussi noter, parmi ces bonnes nouvelles, que le chômage des jeunes ne cesse de reculer : il a baissé de près de 7 % sur une année. Certes, ce n’est pas assez !

Mme Nicole Bricq. Et les chômeurs de longue durée ? Et les seniors ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Les mesures prises par le Gouvernement en faveur de l’accompagnement des demandeurs d’emploi de longue durée et de plus de 50 ans commencent seulement à porter leurs fruits. (C’est faux ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Nous devons d’abord leur permettre de bénéficier d’un suivi individualisé. C’est pourquoi ils sont tous reçus individuellement par les agents de Pôle emploi. Nous voulons aussi leur proposer des formations et des contrats aidés.

À cet égard, je demande à tous ceux qui exercent des responsabilités départementales de répondre à l’appel du Gouvernement en leur proposant davantage de contrats aidés.

Mme Nicole Bricq. C’est ça !

M. Xavier Bertrand, ministre. Un contrat aidé offert à un chômeur de longue durée qui perçoit le RSA coûte moins cher au département : 400 euros au lieu de 467 euros. Et, à la fin du mois, c’est une personne qui reçoit une fiche de paie plutôt qu’une allocation sans activité professionnelle.

M. René-Pierre Signé. Une fiche de paie pour un mois !

M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà ce que nous proposons aujourd'hui.

Ensemble, nous pouvons faire encore plus ! Sur tous ces sujets, nous continuerons à proposer de nouvelles mesures en faveur de la formation en alternance, de l’apprentissage et des contrats de professionnalisation. Je prendrai, avec Nadine Morano, de nouvelles initiatives, qui seront également soumises au Parlement.

Enfin, il nous faut adopter, en matière d’emploi, une approche qui soit au plus près du terrain et, pour cela, définir une nouvelle feuille de route pour Pôle emploi.

Prenons l’exemple de la restauration. J’ai signé tout à l’heure, avec Frédéric Lefebvre, l’avenant relatif aux métiers de la restauration. Je rappelle que le premier objectif de la baisse de la TVA dans la restauration était de créer des emplois. Ce secteur s’est engagé à recruter, demain, 20 000 personnes de plus chaque année.

M. René-Pierre Signé. Pour faire la vaisselle !

M. Guy Fischer. Il y a 10 % d’employés en moins !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous devons trouver les demandeurs d’emploi susceptibles d’occuper ces postes. Or cet objectif, nous ne pourrons pas l’atteindre à coup sûr en travaillant au niveau national ou régional : pour être réellement efficaces, nous devons agir au niveau local, et je revendique clairement cette option.

Nous avons l’ambition de faire reculer le chômage en adoptant une approche pragmatique.

M. Guy Fischer. Avec une réduction des effectifs !

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est ainsi que nous redonnerons à nos concitoyens un emploi, de l’espoir et de la confiance. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)

fonctionnement de la justice et gardes à vue

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaitais attirer l’attention du ministre de la justice sur le désarroi et la colère qui règnent dans le monde de la justice, comme d’ailleurs au sein de la police, ces deux maillons indispensables d’une même chaîne.

Depuis plusieurs mois, avocats et magistrats s’inquiètent du dépouillement progressif de la justice. Je rappelle, notamment, l’ampleur du rassemblement du 29 mars dernier et l’unité affichée à cette occasion par les personnels de justice. Cette colère s’est amplifiée avec le vote de la loi relative à la garde à vue, en raison des difficultés liées à son entrée en application.

Cette loi n’est qu’une illustration de ce malaise du monde judiciaire. Le Gouvernement se voit contraint de faire appliquer dans la précipitation une loi qui aurait dû être fondamentale !

Depuis plusieurs années, la Cour européenne des droits de l’homme alerte la France sur la nécessité d’une réforme de la garde à vue. Mais il aura fallu attendre l’intervention du Conseil constitutionnel, en juillet 2011, pour que vous vous penchiez enfin sur cette réforme !

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation, au travers des arrêts du 15 avril 2011, a décidé de l’application immédiate de cette loi. Le ministre a pris une circulaire, soit, mais celle-ci reste très évasive quant à l’application concrète de cette réforme.

Policiers, avocats et magistrats sont unanimes : cette loi a été votée sans que les moyens nécessaires à sa bonne mise en œuvre aient été prévus !

Les acteurs du monde judiciaire n’avaient déjà plus les moyens d’exercer leurs missions dans des conditions acceptables. Or l’entrée en vigueur, non préparée, de cette loi n’a rien arrangé. Le caractère dérisoire des ressources qui sont allouées à la justice est à la hauteur du peu de cas que la majorité en fait !

M. le garde des sceaux a déclaré récemment que la justice disposait désormais de ressources, y compris humaines, suffisantes pour son fonctionnement. Or cela est faux, vous le savez, et je regrette qu’il ne soit pas présent pour me répondre.

Vous ne savez comment faire, aujourd’hui, pour mettre en œuvre cette réforme de la garde à vue qui vous est imposée et que vous n’avez pas su anticiper. Pourtant, cela fait près de dix ans que vous auriez dû la prévoir...

Les locaux des services de police et de gendarmerie doivent être modernisés. Cette réforme s’impose, mais elle ne pourra entrer dans les faits sans que des fonds soient débloqués.

Vous devez également doter de plus de moyens les recours à l’aide juridictionnelle pour les gardés à vue.

M. le président. Votre question, s’il vous plaît !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Près de 100 millions d’euros semblent nécessaires. Les avocats qui assisteront des gardés à vue au titre de l’aide juridictionnelle sont rémunérés en moyenne 4,68 euros de l’heure ! C’est réellement irrespectueux de leur travail !

Il convient donc que vous preniez les mesures nécessaires dès aujourd’hui pour que les droits des personnes gardées à vue soient respectés et qu’avocats, magistrats et policiers puissent travailler dans des conditions décentes.

Je souhaiterais donc savoir comment le Gouvernement envisage de prendre en compte toutes les revendications des policiers, des avocats et des magistrats. Comment allez-vous enfin donner à la justice les moyens de fonctionner correctement et de mettre en œuvre de façon effective la réforme de la garde à vue ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, permettez-moi tout d’abord de définir en quelques mots le cadre général de l’effort entrepris sous l’impulsion du Gouvernement s’agissant des politiques publiques en matière de justice.

Le budget de la justice est l’un des deux budgets auxquels ont été épargnés les efforts de réduction des déficits.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est tellement bas !

M. François Baroin, ministre. C’est, avec celui de l’enseignement supérieur et de la recherche, le seul à connaître une augmentation : il a été relevé de 4 % cette année.

M. Roland Courteau. Tout va bien, donc !

M. François Baroin, ministre. Permettez-moi simplement, madame la sénatrice, pour nourrir votre réflexion et vous permettre d’adopter une vision peut-être un peu plus objective de la réalité du monde judiciaire, de citer quelques chiffres : entre 2002 et 2009, les effectifs pénitentiaires ont augmenté de 33 % ; sur la même période, le nombre de conseillers d’orientation et de conseillers de probation a augmenté de 55 % ; enfin, à l’horizon de 2018, conformément à la volonté du Président de la République, 70 000 places seront ouvertes dans les prisons.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne parlez que des prisons ! Nous parlons des magistrats, des greffiers, des personnels ! Il n’y a pas que la pénitentiaire !

M. François Baroin, ministre. Le garde des sceaux, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence – il est actuellement en déplacement en province – précisera les modalités de ce plan, qui seront formalisées avant l’été.

Une dynamique complémentaire sera donc donnée pour répondre aux sollicitations de la société à l’égard de l’autorité judiciaire, dont les peines prononcées doivent bien entendu être effectivement subies.

M. Yannick Bodin. Vous êtes donc contents de vous !

M. François Baroin, ministre. J’en viens maintenant, madame la sénatrice, plus précisément à la partie de votre question qui portait sur l’application de la réforme de la garde à vue.

Tout d’abord, pourquoi une telle réforme ? Vous l’avez rappelé vous-même : le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a rendu sa décision et demandé l’applicabilité immédiate du dispositif, c’est-à-dire la présence de l’avocat en garde à vue dès la première heure. Cette décision a été confirmée par la Cour de cassation, qui a appuyé sa propre jurisprudence sur celle, constante, de la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle a justifié cette règle au titre du respect des libertés publiques.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé d’appliquer instantanément la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue. Le ministre de l’intérieur a rendu immédiatement opérationnel ce dispositif, et je salue sa diligence et la célérité avec laquelle il a pris les dispositions pour les officiers de police judiciaire.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? À l’issue des discussions avec les barreaux et les avocats, nous avons décidé que la rémunération pour une présence en garde à vue serait de 300 euros hors taxes, ce qui est, pour les avocats assistant les gardés à vue ou pour les avocats commis d’office, supérieur au niveau moyen observé dans les pays de l’Union européenne. Je vous renvoie précisément aux niveaux de rémunération fixés en Espagne, en Allemagne et en Grande-Bretagne.

La proposition du Gouvernement permettra donc, en termes de rémunération, de délai d’intervention et de temps de présence des avocats, de répondre à l’exigence de respect des libertés publiques dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)