Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous est proposé aujourd’hui est d’une importance capitale en termes de développement, d’énergie, de diversification et d’innovation.

D’abord, la filière bois concerne l’aménagement du territoire, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales, grâce aux possibilités qu’elle recèle en termes d’activité économique et énergétique.

Ensuite, les richesses forestières constituent un atout important pour le développement de nos territoires. Sénateur de la Haute-Loire, donc d’un département forestier, je connais la diversité des richesses que crée cette production, particulièrement appréciée en zone de montagne.

Oui, dans certains de nos départements, la forêt est une source incontournable de richesses naturelles et d’activités de production diverses.

Le débat organisé aujourd’hui au Sénat sur la politique forestière et le développement de la filière bois est l’occasion de nous sensibiliser sur la nécessité de soutenir une filière dont l’avenir est à prendre en compte sur tous nos territoires. La forêt est présente partout en France à des niveaux différents. Si elle montre des couleurs et des visages multiples selon les régions, partout, elle constitue un atout.

En effet, la surface boisée de la France métropolitaine progresse depuis 1820 pour atteindre aujourd’hui 17 millions d’hectares, représentant 27 % de la surface du territoire. L’essentiel – 91 % – est constitué de forêts, de résineux ou de feuillus, le reste étant souvent des îlots de peupliers ou des arbres isolés.

Au côté de l’agriculture, la forêt occupe une place économique non négligeable et concourt à l’avènement de nombreuses filières organisées entre la production, la transformation, la consommation, l’entretien ou tout simplement la valorisation et la promotion. Après la filière verte, il y a la filière bois, l’énergie bois, la construction bois, la promotion et la valorisation de tout un secteur économique.

Comme l’a souligné un précédent intervenant, la forêt, richesse économique, richesse naturelle, est appréciée des chasseurs, mais aussi de ceux qui souhaitent se ressourcer, trouver la tranquillité.

La forêt, c’est aussi un enjeu en termes d’occupation foncière, d’attractivité économique. Comme on parle de surface agricole utile, pourquoi pas ne pas parler de surface forestière utile, pour laquelle un vrai projet de territoire doit exister au service de nos économies locales. C’est un enjeu pour demain, pour les générations futures.

L’homme ne doit pas l’ignorer. Il doit l’organiser dès l’instant de la plantation en adaptant les espèces au sol, au climat, à l’orientation. Il doit aussi organiser son développement, puis sa destination.

La forêt est une réalité, une force, une chance. Nous sommes face à une activité diversifiée. En effet, la filière bois emploie actuellement 231 000 salariés et réalise 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Elle regroupe des activités relevant de l’agriculture – la sylviculture – et de l’industrie – travail du bois, meubles, papeterie. Ces activités sont implantées sur l’ensemble du territoire. Les exploitations forestières et les scieries de petites dimensions côtoient les entreprises de menuiserie ou les grandes entreprises de charpentes, traverses, poteaux... La forêt doit être soutenue par une politique ambitieuse, y compris sur le plan du transport. Ainsi, le fret ferroviaire ne doit pas être oublié ; il doit au contraire être revu, sachant que des gares aujourd’hui désaffectées arrivent au cœur des entreprises concernées. Dans mon département, des voies ferrées s’arrêtent au milieu de zones forestières.

La forêt française présente une grande biodiversité, avec cent vingt-huit essences de bois. Or la biodiversité n’est-elle pas au cœur des préoccupations actuelles ? La forêt française, qui est la première en Europe pour les feuillus et la troisième pour les résineux, s’étend chaque année. Elle couvrait 11 millions d’hectares en 1950 et 16 millions d’hectares en 2006, mais elle est très morcelée.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, promulguée le 27 juillet 2010, visait à améliorer cette situation. Mais parallèlement, elle a suscité des inquiétudes, notamment chez les petits propriétaires qui redoutaient l’impossibilité d’acquérir les parcelles limitrophes. Les esprits se sont calmés, mais les inquiétudes furent réelles.

Chaque année, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le stock de bois sur pied s’accroît en raison de l’augmentation des surfaces, des progrès des pratiques sylvicoles, mais aussi d’une plus forte concentration en C02 dans l’atmosphère, qui agit comme un « dopant » pour la forêt. Le volume annuel de production, qui était de 81,3 millions de mètres cubes en 1996, atteignait 103,1 millions de mètres cubes en 2006. Dans le même temps, la récolte commercialisée est passée de 33,3 millions à 36,5 millions de mètres cubes.

Si l’on ajoute 22 millions de mètres cubes autoconsommés par les propriétaires et environ 8 millions de mètres cubes de bois mort, on ne récolte en fait que 60 % de l’accroissement naturel annuel, ce qui est pour le moins surprenant. On estime que 36 millions de mètres cubes n’ont pas été prélevés et viendront accroître le stock de bois sur pied. Notre forêt, sous-exploitée, nécessite des initiatives nouvelles. Les pôles d’excellence rurale, institués en 2006, ont démontré que la filière bois exigeait des initiatives valorisantes. Plus de 100 projets sur 300 en témoignent, et il s’agit non pas de projets de guichet, mais bien de projets d’initiatives.

Soucieux de ne pas dépasser le temps de parole qui m’a été imparti, je conclurai en rappelant que la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a surtout exprimé la volonté de l’État d’avoir une véritable politique forestière dynamique. Elle prend en compte non seulement les principes de développement et de gestion durable, mais également la protection et la mise en valeur du patrimoine forestier naturel remarquable, sans oublier les hommes qui y travaillent quotidiennement, puisqu’elle comporte un important volet social, y compris en matière d’insertion. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, je me suis inscrit dans ce débat pour vous entretenir, en tant que sénateur des Landes, des problèmes qui se posent à propos du massif des Landes de Gascogne et, plus spécifiquement, au lieu de me livrer à je ne sais quel jeu politique ou politicien, vous faire quatre propositions.

Le massif des Landes de Gascogne a subi en 2009 une tempête, la deuxième en dix ans, dont l’ampleur est la plus importante que nous ayons connue depuis le développement de la sylviculture du pin maritime dans les années mille huit cent cinquante. La tempête Martin en 1999 avait amputé le massif forestier de près de 18 % de son volume sur pied, et la tempête Klaus a dévasté plus de 35 % du volume restant. Après ces deux événements climatiques, c’est la moitié du volume initial qui a disparu. L’exploitation des chablis n’a pas permis leur valorisation comme l’avait assuré le ministre Michel Barnier, lors de la présentation de son plan intitulé « La valorisation par l’exploitation ».

Toutes les enquêtes montrent la vitesse à laquelle les prix des bois se sont érodés. Malgré cela, l’État, grâce aux primes au transport des bois attribuées aux exploitants forestiers, a continué à dépenser de l’argent public sans qu’il profite aux véritables sinistrés, les producteurs.

Afin de redonner confiance à la filière dans son intégralité, il a été envisagé d’intégrer à la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 un volet assurantiel concernant le patrimoine forestier. Il est indéniable que les effets d’annonces ont supplanté la mise en œuvre d’une réelle assurance forestière. Un dispositif hybride et difficilement applicable présentant une épargne défiscalisée privée à vocation assurantielle a fini par satisfaire le Gouvernement, qui a donc renoncé à toute ambition en la matière.

Se dresse devant nous un tout autre défi qui n’a rien de médiatique mais dont les générations futures pourront profiter aisément si nous le menons à bien. Il est désormais de notre devoir de redonner confiance aux producteurs publics et privés dans la culture et l’entretien de leur forêt afin de les coupler au mieux avec nos outils de transformation. Monsieur le ministre, les productions et la mise en vente de plants forestiers s’écroulent depuis 1999, et il est compréhensible que, sans une assurance convenable, les producteurs hésitent à réinvestir exactement comme leurs prédécesseurs. Ces hésitations et atermoiements mettent en péril, en Aquitaine, les équilibres de la filière forêt-bois tels qu’ils s’étaient établis depuis de nombreuses décennies.

Pour donner un nouvel élan à notre filière, qui est tout de même le second poste déficitaire de notre balance commerciale, nous devons imaginer un mode de financement d’une réelle assurance forestière novateur. Ainsi, devant notre intérêt collectif à l’égard de la diminution des émissions de gaz à effet de serre, nous envisageons de rendre à la forêt une partie des services environnementaux qu’elle assume en la matière.

Les nombreuses parcelles non reboisées après les tempêtes Lothar et Martin de 1999 sur le territoire national pourraient faire l’objet d’une prime carbone liée à leur remise en culture. Cette remise en culture permettrait, dans un premier temps, de redonner à des terres abandonnées leur vocation de stockage de carbone et, dans un second temps, participerait à assurer l’avenir de la filière forêt-bois.

Cette dotation carbone couplée à une aide à la remise en culture serait dédiée à la création d’un fonds de garantie destiné à constituer la base financière d’une réelle assurance forestière. Elle serait prélevée sur les produits les moins vertueux en la matière, tels le béton, le fioul, certains produits alimentaires importés, les pellets, etc.

De ce fait, les communes forestières, l’État et les sylviculteurs privés, qui représentent 90 % de la surface forestière du massif des Landes de Gascogne, et 75 % de la surface et de la production nationales, réinvestiraient l’avenir de notre filière. Le seul moyen d’asseoir une réelle politique forestière d’envergure est de la doter d’un outil financier qui s’exonère de l’annualité budgétaire et du temps que certains veulent exclusivement politico-médiatique.

M. Jean-Louis Carrère. Ma deuxième proposition, monsieur le ministre, est de revoir la dotation des centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, face au travail colossal que représente l’accompagnement des sylviculteurs pour le nettoyage et la reconstitution des parcelles détruites par les tempêtes.

La réforme générale des politiques publiques menée par le Gouvernement a, comme dans de nombreux services publics, hypothéqué l’efficience des centres régionaux de la propriété forestière et de l’Office national des forêts. Comme cela a été dit à plusieurs reprises avant moi, il faut trouver une réponse beaucoup plus positive à ces questions.

Pour ce faire, l’outil idéal de vulgarisation des techniques forestières et de mobilisation des bois que représente le CRPF doit être doté des moyens suffisants à la mise en œuvre de ses missions régaliennes et à celles qui sont induites par les catastrophes naturelles exceptionnelles que nous venons de subir.

La propriété privée, souvent très morcelée, nécessite un accompagnement public de nature technique, juridique et fiscale qui permette son exploitation. De manière générale, sans cette mobilisation des surfaces privées, l’une de nos plus belles richesses naturelles se dépréciera. Au niveau Aquitain, il est nécessaire, notamment durant l’attaque des scolytes que subissent actuellement, entre autres, les sylviculteurs landais, de pouvoir au jour le jour accompagner les propriétaires pour qu’ils surmontent les épreuves morales, techniques et administratives du nettoyage et de la reconstitution de leur patrimoine.

Ma troisième proposition consiste à mettre en place des structures collectives d’approvisionnement et de traitement des sciages en Aquitaine et le couplage des unités de transformation à des terminaux de cogénération.

Je m’explique.

Les scieries aquitaines ont, en comparaison des unités présentes en Autriche, en Allemagne ou en Scandinavie, de faibles capacités de production. De plus, la majorité des unités de sciages nationales sont découplées d’unité de production d’énergie. C’est là aussi une caractéristique nationale qui désavantage nos sciages par rapport aux importations. En effet, la production d’énergie et sa revente à un tarif préférentiel fixé par l’État permet aux scieries étrangères concurrentes, outre la qualité des bois transformés, d’exporter en France des sciages à des prix très concurrentiels, car ils intègrent en partie les bénéfices liés à la production d’énergie.

Il est donc nécessaire de promouvoir les projets de cogénération portés par les scieries françaises afin de leur permettre de limiter les distorsions de concurrence avec nos concurrents européens. Cette difficulté ne se présentera pas tous les jours, mais il faut en tenir compte.

De plus, en amont, il faut faciliter l’accès à la matière première de ces scieries par le biais de structures d’exploitation coopératives leur permettant des économies d’échelle en matière de prospection et de regroupement.

Enfin, en aval, il faut promouvoir, M. Leroy l’a dit tout à l’heure, les outils coopératifs de finition, d’aboutage, de séchage ou de lasurage.

Ma dernière préconisation, monsieur le ministre, consiste en une incitation fiscale au regroupement des entrepreneurs de travaux forestiers pour l’émergence de sociétés d’exploitation et de transport de bois. Pourquoi ? Parce que nous avons trop souvent constaté que les entrepreneurs de travaux forestiers, les ETF, comme il est convenu de les appeler, étaient sous-dimensionnés avec une seule personne salariée, c’est-à-dire un directeur salarié, et n’étaient pas de taille à créer une situation dynamique par rapport à la filière. Il nous semble donc qu’en limitant durant deux ans aux activités complémentaires les prélèvements sur les entreprises qui feraient le choix de se regrouper, nous inciterions la restructuration, la professionnalisation et l’émancipation de ces ETF.

De la sorte, monsieur le ministre, face à des cataclysmes tels que ceux que nous venons de vivre et dans lesquels, faute d’une action politique nationale cohérente, nous restons englués dix ans après, nos ETF seraient plus à même de concurrencer leurs collègues européens.

Vous le voyez, monsieur le ministre, et je ne me lance pas dans une polémique à cette tribune, toutes ces actions qui n’ont pas connu de réponse positive dans l’urgence requièrent une grande volonté politique. Cela a été rappelé par le Président de la République et je suis tout à fait de cet avis. Il faut essayer, me semble-t-il, de redonner à la forêt cet espoir sans lequel nombre de territoires ne seront pas replantés.

Je vous incite à lire, monsieur le rapporteur, vous qui nous disiez que tout allait bien, l’éditorial d’avril du président de la revue aquitaine Forêt de Gascogne – revue qui n’est pas connue pour ses postures gauchistes –, paru sous le titre« Inciter à défricher ». Vous constaterez que, avec une certaine amertume, il dénonce tous les manquements des politiques publiques envers cette forêt de résineux.

Monsieur le ministre, nous avons besoin d’une grande politique publique en la matière. Nous espérons que l’action du Gouvernement nous aidera à surmonter ce moment difficile. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis du choix qui a été fait de consacrer un temps de débat parlementaire exclusivement à la politique forestière et à la filière bois. Trop souvent, ce secteur d’activité économique important est évoqué au détour d’un texte de loi agricole beaucoup plus vaste. Malgré toute notre bonne volonté, nous ne pouvons pas lui consacrer toute l’attention qu’il mériterait. Néanmoins, pour ce qui me concerne, en tant que rapporteur du récent projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, je me suis efforcé de traiter avec soin le volet forestier que comportait ce texte.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je suis particulièrement désireux de connaître l’état d’avancement de son application par le Gouvernement. Notre collègue Philippe Leroy, qui est l’initiateur du débat d’aujourd’hui, vous a notamment interrogé sur la mise en œuvre des plans pluriannuels régionaux de développement forestier. J’appuie également sa demande concernant l’application de l’article 68 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui concerne le compte épargne d’assurance pour la forêt.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas M. Leroy qui est l’initiateur de ce débat, c’est le groupe socialiste !

M. Gérard César. En tout cas, il a mis ses qualités, que nous connaissons tous, au service de ce débat.

M. Jean-Louis Carrère. Rendons à César ce qui est à César !

M. Gérard César. C’est pourquoi je suis là ! (Sourires.)

Ce dispositif, qui résulte d’un amendement que j’ai proposé, avec le soutien de M. le président Emorine, et qui concernait tout ce qui a trait à l’assurance, vise à étendre la couverture de la forêt française contre les risques d’incendie et de tempête, alors que 5 % seulement de la forêt privée est aujourd’hui assurée.

Ce mécanisme est indispensable, en l’absence d’une procédure d’indemnisation publique des propriétaires forestiers touchés par une catastrophe naturelle. Bien sûr, le compte épargne d’assurance pour la forêt aura un coût pour les finances publiques, puisque la prime d’assurance sera exonérée d’impôt sur le revenu. Mais je n’ose croire, monsieur le ministre, que le souci d’éviter ce coût puisse expliquer le retard de parution des décrets d’application attendus.

À propos de dépense fiscale, j’ai relevé avec grand intérêt que M. le Président de la République, lors de sa récente visite à Égletons en Corrèze, a annoncé que l’ensemble des dispositifs fiscaux incitatifs existant au bénéfice de la forêt allaient être remis à plat d’ici à la fin de l’année. C’est une urgence absolue. À défaut de crédits supplémentaires, il faut au moins s’assurer que notre politique forestière dispose d’aides fiscales bien calibrées. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que ce réexamen aura bien lieu dans le délai imparti par le Président de la République ?

Enfin, pour conclure, je voudrais évoquer la situation du premier massif forestier de France : celui de l’Aquitaine.

Vous savez que la forêt d’Aquitaine est stratégique, dans la mesure où elle produit des bois résineux, particulièrement du pin maritime, qui sont ceux dont notre pays manque globalement. Or ce massif a été durement touché par les tempêtes Martin de 1999 et Klaus de 2009, et ne s’en est toujours pas remis.

La situation s’est même aggravée ces dernières années, puisqu’une attaque phytosanitaire de grande ampleur à suivi la tempête de 2009. On estime que les scolytes et chenilles processionnaires ont détruit 30 000 hectares de plus, soit 7 millions à 10 millions de mètres cubes de bois, ou l’équivalent d’une récolte annuelle. La situation des pins touchés par la chenille processionnaire ne peut malheureusement que s’aggraver avec la sécheresse actuelle.

Le traitement de la chenille processionnaire est indispensable, mais il n’a pas besoin d’être généralisé. Il suffirait de traiter sélectivement 30 000 hectares de jeunes pins, plus particulièrement en lisière des forêts.

Les professionnels de la filière demandent que ce traitement soit intégralement financé sur fonds publics. Cette demande me paraît légitime, d’abord parce que les propriétaires forestiers ont déjà été fortement sinistrés par les tempêtes, sans être indemnisés correctement, ensuite parce que l’État a aussi sa part de responsabilité : le département de la santé des forêts a en effet lourdement sous-estimé la gravité du problème à ses débuts et n’a pas jugé bon d’organiser le traitement dès 2010.

Je précise que la profession n’attend pas tout de l’État. Elle sait aussi se prendre en main et s’apprête à mettre en place pour 2012 une caisse de prévoyance, qui alimentera un fonds d’intervention phytosanitaire.

Nous souhaitons également que le Conseil interprofessionnel du pin maritime, le CIPM, qui représente la plus grande forêt cultivée d’Aquitaine, voie très rapidement le jour.

Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des éléments de réponses que vous voudrez bien m’apporter sur des sujets qui sont aussi importants pour le devenir de la forêt française en général que pour celle d’Aquitaine en particulier. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est d’une grande importance pour notre pays et nos territoires.

La forêt recouvre plus de 28 % de la surface de la France et plus de 45 % de celle de mon département, le Jura, une particularité qui lui a permis d’être le premier producteur de jouets en bois, avec, notamment, la maîtrise de la tournerie et de la tabletterie.

C’est dire l’importance économique et environnementale de la forêt. Mais encore faut-il qu’elle soit correctement exploitée – après avoir vécu plus de six décennies dans ce milieu forestier, j’irai même jusqu’à dire qu’elle doit être convenablement « cultivée » !

Qu’en est-il réellement ? Pratique-t-on seulement la cueillette, de temps à autre, ou cultive-t-on réellement la forêt ? Les deux pratiques coexistent sur le terrain.

Certains propriétaires forestiers, qui ont souvent hérité d’un bien de famille, n’ont aucune connaissance du milieu et laissent faire la nature, d’où une productivité parfois bien faible. Il arrive aussi que les communes ne répondent pas aux propositions de l’ONF destinées à replanter, élaguer ou éclaircir les forêts et, dans ces cas également, la productivité est très défaillante. On peut d’ailleurs, à ce titre, regretter la fin du Fonds forestier national, le FFN, qui servait à financer les plantations.

En revanche, des parcelles sont exploitées de façon rationnelle avec des prélèvements réfléchis, réguliers, et avec des travaux d’entretien qui facilitent la croissance maximale des arbres. Je veux signaler ici le travail de conseil réalisé par les centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, les coopératives forestières, les syndicats de propriétaires forestiers, les chambres d’agriculture, très utiles pour les propriétés privées, ainsi que l’ONF, qui œuvre pour les forêts communales soumises au régime forestier, à condition toutefois que de solides volontés communales se manifestent.

Après des années de fortes turbulences pour nos forêts, marquées par des cours très variables, diverses tempêtes et plusieurs épisodes de sécheresse qui ont provoqué des maladies et des attaques d’insectes sur nos résineux, la forêt française aurait bien besoin d’un peu de stabilité, et de regarder l’avenir avec plus de sérénité.

Car le besoin en bois ne fera qu’augmenter pour la construction, les composites, les panneaux d’isolation et le bois-énergie. C’est pourquoi il est important, monsieur le ministre, que nous ayons des politiques forestières qui encouragent vraiment, et par tous les moyens, une gestion et une exploitation rationnelles de l’ensemble des parcelles forestières, communales ou privées.

Pour répondre à ces objectifs, il faut, selon moi, remédier au moins à deux handicaps importants.

Le premier est le manque de dessertes de certains massifs forestiers, principalement en montagne. Je tiens à signaler le travail important réalisé par les différents services forestiers au bénéfice d’associations syndicales autorisées, ou ASA, pour créer des voiries permettant d’accéder aux parcelles dans de bonnes conditions et d’assurer une gestion régulière de celles-ci. Mais encore faut-il qu’il y ait suffisamment de crédits pour accompagner tous ces projets et permettre de réaliser des investissements susceptibles d’apporter une grande plus-value à la filière. Hélas, ce n’est pas toujours le cas !

À propos des questions de voirie, on nous signale souvent les contraintes, voire les interdictions qui sont imposées aux projets se situant dans des zones Natura 2000 – c’est le cas de 28 % de la surface forestière du Jura. Nombre d’espaces sont ainsi sanctuarisés par la présence de faune ou de flore qui prime souvent sur l’intérêt économique de tel ou tel investissement, alors même que la France a indéniablement besoin d’une véritable forêt de production. Le ministère de l’environnement préférerait une forêt multifonctionnelle. Pourquoi pas ? À condition, bien sûr, de ne pas restreindre ses capacités de production !

Je souhaiterais que ce débat soit l’occasion de prendre acte de l’absolue priorité du désenclavement des parcelles forestières, lequel permettra d’augmenter la ressource en forêt privée mais aussi de mieux exploiter et tirer profit, dans les forêts communales, du bois d’éclaircie, des branchages et des houpiers, en incluant nos besoins pour le bois-énergie.

Deuxième handicap : nos forêts privées souffrent souvent de leur morcellement, ce qui ne permet pas une gestion et une exploitation des bois rationnelles. Nous devons chercher à favoriser au maximum leur regroupement, comme nous avons commencé à le faire dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMA. Mais nous devons aller plus loin, notamment en encourageant les ASA, qui peuvent servir à regrouper les offres par massifs pour les petits propriétaires. Cela leur permettra de bénéficier de conseils de gestions – comme je l’ai dit, ils n’ont pas toujours les connaissances nécessaires –et de mieux valoriser leurs produits.

Monsieur le ministre, si nous voulons réussir notre politique de bois-énergie, il serait opportun, lorsqu’un projet de chaufferie collective voit le jour et requiert les crédits de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, de demander, voire d’imposer une solution contractuelle avec les communes forestières et les propriétaires privés locaux pour garantir un approvisionnement de proximité.

En Franche-Comté, près de 400 chaufferies-bois ont été réalisées grâce au plan bois-énergie, avec l’ADEME et l’accompagnement financier des collectivités locales, ce qui a permis de susciter une importante demande en bois. C’est pourquoi, pour les futurs projets, il importe d’assurer un bon approvisionnement local de bois déchiqueté ou de plaquettes. Il serait en effet absurde de faire venir ce bois de loin : cela anéantirait les bénéfices des économies d’énergie et augmenterait encore le nombre de camions sur les réseaux routiers.

M. Philippe Leroy. C’est vrai !

M. Gérard Bailly. Je voudrais aussi évoquer le vœu des communes forestières de ne pas voir l’Office des forêts démantelé ou supprimé. On sait en effet que celui-ci est mis à mal financièrement par le surcoût lié aux pensions, qui s’élève à 50 millions d’euros et pourrait atteindre 90 millions d’euros en 2016. Il va falloir trouver une solution acceptable par toutes les parties.

Je voudrais aussi être le porte-parole d’un certain nombre de communes qui ont souscrit des prêts du Fonds forestier national sous forme de travaux exécutés par l’État, dits « prêts en travaux ». Elles souhaiteraient reprendre la gestion des peuplements créés, ce que leur autorise à faire une circulaire du 31 août 1998, qui avait instauré un dispositif de remboursement anticipé. Dans mon département, 86 communes avaient fait ce choix. Or certaines aimeraient quitter ce dispositif et souhaiteraient connaître rapidement les conditions de sortie. Il paraît, monsieur le ministre, qu’une circulaire est rédigée, mais qu’elle n’est pas signée à ce jour… Je vous remercie des informations que vous pourrez nous donner à ce sujet.

Je conclus : notre forêt doit produire plus et mieux ! Notre filière bois est un atout considérable pour notre pays, l’emploi, notre économie et nos communes forestières. À nous de lui témoigner plus de considération ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)