M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’effectif des assemblées départementales et les modifications des limites territoriales des cantons sont soumis à l’avis de chaque conseil régional concerné.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’amendement n° 31 a le même objet que l’amendement n° 30, sauf qu’il concerne le conseil régional.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 6 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Le nombre des conseillers territoriaux de chaque région est fixé de la sorte : Alsace 74 ; Aquitaine 211 ; Auvergne 145 ; Bourgogne 134 ; Bretagne 190 ; Centre 172 ; Champagne-Ardenne 138 ; Franche-Comté 104 ; Guadeloupe 45 ; Île-de-France 308 ; Languedoc-Roussillon 166 ; Limousin 91 ; Lorraine 130 ; Midi-Pyrénées 251 ; Basse-Normandie 117 ; Haute-Normandie 98 ; Nord-Pas-de-Calais 138 ; Pays de la Loire 174 ; Picardie 109 ; Poitou-Charentes 124 ; Provence-Alpes-Côte d’Azur 226 ; La Réunion 49 ; Rhône-Alpes 299.

« Dans chaque région, les conseillers territoriaux sont répartis entre les départements proportionnellement à leur population respective, avec un minimum de quinze par département.

« Dans chaque département, les conseillers territoriaux sont répartis entre les circonscriptions législatives proportionnellement à leur population. »

La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Je veux répondre au président de la commission des lois, qui m’a interpellé.

Quand on occupe une telle fonction au sein de notre assemblée, on se doit de connaître les décisions du Conseil constitutionnel. Or celui-ci n’a jamais déclaré que les découpages effectués, notamment en Moselle, étaient satisfaisants.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il les a quand même validés !

M. Jean Louis Masson. Le Conseil constitutionnel a indiqué qu’il contrôlait seulement l’écart démographique, ses fonctions ne lui permettant pas de se prononcer sur l’honnêteté du découpage géographique. D’ailleurs, il l’a déploré et a même constaté d’énormes anomalies dans le découpage de deux départements : la Moselle et le Tarn !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’a pas censuré, point !

M. Jean Louis Masson. Il serait opportun de la part d’un président de la commission des lois de bien s’imprégner des décisions du Conseil constitutionnel. Cela lui éviterait de porter des appréciations moins pertinentes que ne le seraient des réflexions en parfaite cohérence avec la jurisprudence constitutionnelle !

J’en viens à l’amendement n° 3.

Plus on limite les possibilités d’appréciation ou de modulation du pouvoir exécutif, plus on réduit les risques d’anomalie ou d’influence, notamment.

S’il y a un critère important, c’est bien celui de la démographie. Il n’y a aucune raison pour que, dans un même département, le nombre de conseillers territoriaux ne soit pas réparti entre les circonscriptions en fonction du nombre d’habitants. Respecter le critère démographique, c’est limiter les risques de dérives ! Si on l’avait fait pour la répartition des conseillers territoriaux entre les départements d’une même région, on aurait évité la censure du Conseil constitutionnel.

De ce point de vue, les analyses du président de la commission des lois ne sont absolument pas fondées. Quand cela l’arrange, il invoque les décisions du Conseil constitutionnel, souvent d’ailleurs au prix d’interprétations très personnelles. Le reste du temps, il fait comme si ces décisions n’existaient pas.

En l’occurrence, le Conseil constitutionnel n’a pas du tout considéré qu’il y avait un « petit écart » ; il a constaté que la Meuse était surreprésentée de plus de 50 % par rapport à la Moselle. Mais peut-être le président de la commission des lois considère-t-il une surreprésentation de 50 % comme un « petit écart »… Après tout, il y a de grands et de petits écarts, tout comme il y a de grands et de petits présidents de la commission des lois ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Repentin et Mme Bourzai, est ainsi libellé :

I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune assemblée départementale ne peut avoir un nombre de conseillers territoriaux inférieur à dix-sept. »

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Plus personne ne l’ignore, si nous légiférons ce soir, c’est parce que le Conseil constitutionnel a censuré un article du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, jugeant notamment que les écarts par rapport à la moyenne régionale étaient excessifs dans six régions. Pour ma part, je le regrette : une fois que ce projet de loi aura été adopté, mon département comptera encore moins de conseillers territoriaux qu’avant l’ouverture de nos débats.

La Savoie, qui compte aujourd'hui quarante-sept conseillers généraux et régionaux, n’avait eu droit qu’à vingt-cinq conseillers territoriaux dans le texte voté au mois de décembre 2010. Ce soir, elle n’en aura plus que vingt-quatre, ce qui représente une baisse de près de 50 % par rapport à l’effectif actuel. Voilà qui est presque insultant pour les élus du département ; on leur fait comprendre qu’ils peuvent faire le même travail en étant moitié moins !

Au-delà de nos discussions, il y a au moins un point qui me rassure. Majorité ou minorité, nous sommes tous d'accord : ce texte ne se justifie pas !

L’amendement n° 14 rectifié, que je défends au nom de l’Association nationale des élus de la montagne, a pour objet d’interpeller le Gouvernement au sujet de la sous-représentation des départements peu peuplés.

Le Conseil constitutionnel a précisé qu’il revenait au législateur de fixer le nombre minimum de conseillers territoriaux. Nos collègues de l’Assemblée nationale, majorité et minorité confondues, ont donc souhaité porter ce nombre de quinze à dix-sept dans six départements : quatre de montagne – les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, l’Ariège et la Lozère – et deux de plaine, à savoir la Meuse et le Territoire de Belfort. Mais cela n’a pas été possible, car on leur a opposé l’article 40 de la Constitution. Pourtant, cela n’aurait représenté que douze conseillers territoriaux supplémentaires à l’échelle nationale, sur un total de plus de trois mille cinq cents.

Je pense que, avec de la volonté, nous devrions trouver une solution pour offrir une meilleure représentativité à ces territoires. Songez en effet que si beaucoup d’élus des zones de plaine pourront se déplacer allégrement au sein de leur circonscription, ceux des zones de montagne devront, quant à eux, souvent passer d’une vallée à l’autre. Peut-être pourrions-nous en tenir compte ?

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les amendements nos 30 et 31 visent à réécrire totalement l’article 1er du présent texte afin de prévoir une consultation, pour l’un, du conseil général et, pour l’autre, du conseil régional.

Le tableau de répartition fixe déjà le nombre de conseillers territoriaux. Or une consultation du conseil général ou du conseil régional ne peut être organisée après le vote de la loi. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 3 tend à mettre en place une répartition strictement mathématique des conseillers territoriaux ente les départements d’une même région et, corrélativement, une délimitation strictement mathématique des cantons, avec pour seul critère la population des territoires concernés. Il interdirait donc de tenir compte des réalités géographiques, sociales et humaines, et contribuerait à ce que les futurs élus des départements et des régions soient totalement déconnectés des territoires qu’ils doivent représenter. Ce point a d’ailleurs été tout l’objet du débat qui s’est tenu dans cet hémicycle lors de l’examen du précédent texte de loi. La commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 14 rectifié a pour objet de porter à dix-sept le nombre minimal de conseillers territoriaux dans chaque département. Cette mesure poserait deux problèmes principaux.

Premièrement, alors que le « plancher » de quinze conseillers territoriaux se rattache à une réalité concrète, à savoir le nombre de conseillers généraux dans le département qui en compte actuellement le moins, celui du Territoire de Belfort, le nombre de dix-sept ne correspond à rien. Ce seuil pourrait donc être considéré comme arbitraire et censuré par le Conseil constitutionnel.

Deuxièmement, la modification du « plancher » impliquerait de réévaluer les sièges attribués à tous les départements et à toutes les régions. Dans ce cadre, je tiens à souligner qu’une augmentation du nombre minimal de conseillers territoriaux nous imposerait, en toute logique et par souci de garantir une certaine proportionnalité entre la démographie et le nombre d’élus, d’augmenter également le nombre maximal de conseillers territoriaux par région. Or une telle augmentation ne paraît pas souhaitable dans un contexte où certaines régions auront déjà une assemblée composée de plus de trois cents membres.

Enfin, sur la forme, je constate que cet amendement est totalement déconnecté du tableau, qu’il ne modifie pas. Nous insérerions donc, à l’article 1er, une disposition contraire au contenu de l’article 2.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. L’amendement n° 3 tend à prévoir une organisation de la répartition des conseillers territoriaux à l’intérieur des départements sur un autre principe que celui qui a été retenu. Or il me semble difficile de remettre aujourd'hui en cause des dispositions qui ont été votées il y a à peine quelques semaines.

L’amendement n° 30 est déjà satisfait par le droit en vigueur, comme l’a souligné M. le rapporteur. Je rappelle en effet que l’article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales prévoit une consultation du conseil général pour les créations et suppressions de cantons ainsi que pour les modifications des limites territoriales des cantons.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 31. En vertu de l’article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, que je viens de citer, l’avis du conseil régional, qui sera dorénavant formé de la réunion des conseils généraux de la région, n’est pas nécessaire puisque ses membres, en tant que conseillers généraux, seront déjà consultés. Par ailleurs, ils ne sont globalement pas dans la même position que les membres de chaque conseil général.

En ce qui concerne l’amendement n° 14 rectifié, le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 14 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. Je trouve assez désagréable qu’on nous raconte un peu n’importe quoi. Franchement, je ne vois pas pourquoi cet amendement, qui donnerait satisfaction à six départements, devrait être repoussé, sauf à vouloir une adoption conforme de l’article 1er.

Cette disposition n’est pas du tout contraire à l’avis du Conseil constitutionnel – M. le rapporteur en a d’ailleurs convenu l’autre jour –, puisqu’elle exclut du calcul du fameux « tunnel » les départements qui se voient attribuer des sièges a minima. Son adoption n’aurait donc strictement rien changé, sinon que nous aurions eu quelques conseillers régionaux de plus. Mais quel problème cela poserait-il au vu des augmentations que vous avez déjà acceptées ?

Autant je peux comprendre vos positions sur certains points, autant je ne comprends pas que vous soyez défavorables à cet amendement, qui n’est absolument pas contradictoire avec la logique générale du texte.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Je suis prêt à entendre toutes les explications de M. le rapporteur contre cet amendement, mais encore faudrait-il qu’elles soient fondées. Je ne saurais donc me contenter des argumentations technocratiques qui ont été avancées ici, même si elles ont été préparées avec le meilleur soin par les services du Sénat.

Je le répète, le Conseil constitutionnel a précisé qu’il revenait au législateur de fixer le seuil minimal. À cet égard, je cite le rapport de la commission : « Bien que la mise en place de ce seuil puisse conduire à contrevenir au principe d’égalité devant le suffrage en provoquant la surreprésentation de certains départements par rapport à leur poids démographique réel au sein d’un conseil régional, le juge constitutionnel a en effet considéré que l’objectif poursuivi par le législateur par ce biais […] était d’intérêt général puisqu’il “tendait à assurer la mise en œuvre du troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution” ».

Plusieurs chiffres avaient été avancés, jusqu’à vingt conseillers territoriaux. La représentation minimale a finalement été fixée à quinze conseillers territoriaux.

Les élus et parlementaires de l’Association nationale des élus de montagne, toutes tendances confondues, ont indiqué que le seuil de quinze conseillers constituait une sous-représentation et ont proposé de le fixer à dix-sept. De là à dire qu’une telle augmentation remettrait en cause la moyenne régionale des plus ou moins 20 % dans toute la région, c’est faux. En effet, les départements représentés uniquement par quinze conseillers territoriaux, ou par dix-sept conseillers territoriaux comme je le propose, ne sont pas pris en compte dans le calcul de la représentation régionale puisqu’ils ont peu de poids démographique. Je tenais à le dire pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur le fait que vous ne souhaitez tout simplement pas relever de quinze à dix-sept le seuil minimal de conseillers territoriaux de ces six départements, qui sont sous-représentés.

Je vous ai entendu toute la soirée, monsieur le ministre, dire qu’il fallait adapter la loi aux réalités démographiques, topographiques et géographiques des territoires. Peut-être ignorez-vous que l’exercice d’un mandat d’élu en zone de montagne est sensiblement différent de ce que vous connaissez dans votre département ? C’est un territoire où il faut souvent passer d’une vallée à l’autre, où l’on n’évalue pas ses déplacements en kilomètres mais en temps de transport.

Vous avez sans doute la chance d’être dans un département où l’on se déplace facilement, mais cela ne doit pas vous empêcher pas d’entendre et de comprendre l’appel unanime, et toutes tendances confondues, de l’Association nationale des élus de montagne, qui soutient cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région
Articles additionnels après l'article 2

Article 2

(Non modifié)

L’annexe à la présente loi est annexée à la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

ANNEXE

NOMBRE DE CONSEILLERS TERRITORIAUX PAR RÉGION ET PAR DÉPARTEMENT

Région

Conseil régional

Département

Nombre de conseillers territoriaux

Alsace

74

Bas-Rhin

Haut-Rhin

43

31

Aquitaine

211

Dordogne

Gironde

Landes

Lot-et-Garonne

Pyrénées-Atlantiques

33

79

27

27

45

Auvergne

145

Allier

Cantal

Haute-Loire

Puy-de-Dôme

35

20

27

63

Bourgogne

134

Côte-d’Or

Nièvre

Saône-et-Loire

Yonne

41

21

43

29

Bretagne

190

Côtes-d’Armor

Finistère

Ille-et-Vilaine

Morbihan

35

55

57

43

Centre

172

Cher

Eure-et-Loir

Indre

Indre-et-Loire

Loir-et-Cher

Loiret

25

29

19

35

25

39

Champagne-Ardenne

138

Ardennes

Aube

Marne

Haute-Marne

33

33

49

23

Franche-Comté

104

Doubs

Jura

Haute-Saône

Territoire de Belfort

39

27

23

15

Guadeloupe

45

Guadeloupe

45

Île-de-France

308

Paris

Seine-et-Marne

Yvelines

Essonne

Hauts-de-Seine

Seine-Saint-Denis

Val-de-Marne

Val-d’Oise

55

35

37

33

41

39

35

33

Languedoc-Roussillon

166

Aude

Gard

Hérault

Lozère

Pyrénées-Orientales

26

39

55

15

31

Limousin

91

Corrèze

Creuse

Haute-Vienne

29

19

43

Lorraine

130

Meurthe-et-Moselle

Meuse

Moselle

Vosges

37

15

53

25

Midi-Pyrénées

251

Ariège

Aveyron

Haute-Garonne

Gers

Lot

Hautes-Pyrénées

Tarn

Tarn-et-Garonne

15

29

90

19

19

23

33

23

Nord-Pas-de-Calais

138

Nord

Pas-de-Calais

81

57

Basse-Normandie

117

Calvados

Manche

Orne

49

39

29

Haute-Normandie

98

Eure

Seine-Maritime

35

63

Pays de la Loire

174

Loire-Atlantique

Maine-et-Loire

Mayenne

Sarthe

Vendée

53

39

18

31

33

Picardie

109

Aisne

Oise

Somme

33

39

37

Poitou-Charentes

124

Charente

Charente-Maritime

Deux-Sèvres

Vienne

25

41

27

31

Provence-Alpes-Côte d’Azur

226

Alpes-de-Haute-Provence

Hautes-Alpes

Alpes-Maritimes

Bouches-du-Rhône

Var

Vaucluse

15

15

49

75

45

27

La Réunion

49

La Réunion

49

Rhône-Alpes

299

Ain

Ardèche

Drôme

Isère

Loire

Rhône

Savoie

Haute-Savoie

34

19

28

49

39

69

24

37

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, sur l'article.

M. Jean-François Voguet. Lors de nos débats sur ce tableau, l’an dernier, M. le rapporteur avait exprimé l’idée que celui-ci posait « un problème de taille ». C’est effectivement le moins que l’on puisse dire, au sens propre comme au sens figuré !

Ce tableau pose le problème de l’égalité de la représentation des citoyens dans les assemblées locales. Il paraît donc peu conciliable avec le principe de l’égalité des électeurs devant le suffrage.

Pour ma part, j’évoquerai la région de l’Île-de-France. Elle seule suffirait à disqualifier votre tableau.

Vous prévoyez que trois cent huit élus cumuleront compétences régionales et départementales, soit quatre-vingt-dix-neuf élus de plus sur le plan régional ! Vous êtes-vous soucié de savoir si une telle situation sera gérable ? Manifestement, ce n’est pas votre préoccupation première.

Quant aux départements franciliens, malgré l’importance de leur population, ils seront moins bien représentés en nombre de conseillers territoriaux que d’autres beaucoup moins peuplés. Par exemple, avec 1,5 million d’habitants, la Seine-Saint-Denis aura le même nombre de représentants, soit trente-neuf élus, que la Manche, qui compte moins de 500 000 habitants, ou que le Doubs, qui compte 525 000 habitants, soit trois fois moins que ce département de l’Île-de-France. Au vu de ces chiffres, on cerne peut-être mieux quelle est réellement votre préoccupation première !

La Seine-et-Marne, avec 1,3 million d’habitants, aura trente-cinq conseillers territoriaux, tout comme l’Eure, qui compte pourtant une population deux fois moindre.

Parmi les inégalités infrarégionales, je note que, si le département de Seine-Saint-Denis et celui des Hauts-de-Seine ont une population tout à fait comparable, soit entre 1,5 million et 1,6 million d’habitants, l’écart se creuse quand il s’agit du nombre des conseillers territoriaux qui leur sont attribués : respectivement trente-neuf élus et quarante et un élus. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Monsieur le ministre, qu’est-ce qui peut justifier cette différence de deux représentants en faveur des Hauts-de-Seine ?

Je note également que le département du Val-de-Marne devra se contenter de trente-cinq conseillers territoriaux. Autrement dit, il perd quatorze de ses cantons actuels ! Je sais bien que les résultats successifs des élections cantonales dans ce département ne peuvent vous satisfaire : la gauche y est fortement représentée et le président du conseil général est issu du parti communiste et du Front de gauche. Nous sommes d’autant plus préoccupés par ce recul particulièrement important que vous entretenez toujours le mystère sur le futur découpage des cantons.

Je rappelle que le Val-de-Marne avait fait l’objet, il y a quelques années, de la rubrique des faits divers à l’occasion du découpage « Pasqua ». Chacun s’en souvient, l’affiche le caricaturant en tablier de boucher taillant à coups de couteau notre département avait même été apposée sur les murs.

Notre collègue de la majorité Jean-René Lecerf s’est lui-même inquiété de ce découpage lors de l’examen du rapport par la commission des lois. Il a parlé d’une « rumeur » sur une « règle d’égalité territoriale de plus ou moins 20 % entre les cantons ».

Ainsi, faute d’obtenir des précisions, le législateur que nous sommes devrait voter ce projet de loi sur la foi de rumeurs. C’est pour le moins inconcevable et totalement antidémocratique. Ne comptez pas sur nous !

Après un découpage sur mesure des circonscriptions législatives, voulez-vous imposer aux électeurs un futur découpage sur mesure pour les conseillers territoriaux, bien entendu en faveur de l’UMP ? La question mérite d’être posée.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 13 est présenté par MM. Collombat, Bérit-Débat, Mirassou, Mazuir, Repentin, Teston, Godard et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collomb, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Peyronnet, Sueur, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 32 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 34 est présenté par M. Masson.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 13.

M. Pierre-Yves Collombat. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 12 de suppression de l'article 1er.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l'amendement n° 32.

M. Jean-François Voguet. À l’heure où l’abstention record des dernières élections cantonales nous impose de renforcer la démocratie locale pour réconcilier nos concitoyens avec la vie politique, le conseiller territorial vient encore affaiblir le paysage administratif au détriment de l’action publique locale.

Ce tableau n’est pas plus équitable que celui qui a été censuré par le Conseil constitutionnel. De nombreuses disparités subsistent ; une différence de plus ou moins 20 % signifie qu’il subsiste plus ou moins d’écart, en violation du principe d’égalité des citoyens devant le suffrage, violation que nul ne saurait justifier, comme je me suis attaché à le démontrer il y a quelques instants.

De plus, comme cette répartition a été définie de façon technocratique, elle est totalement déconnectée des réalités de terrain.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de ce tableau, qui ne fait que matérialiser la confusion des pouvoirs induite par la réforme des collectivités.

M. le président. L'amendement n° 34 n’est pas défendu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 13 et 32 ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s’agit d’amendements de coordination avec des amendements auxquels nous étions opposés. La commission y est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 32.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Léonard, est ainsi libellé :

Ligne 14

Remplacer le nombre :

130

par le nombre :

134

et le nombre :

15

par le nombre :

19

La parole est à M. Claude Léonard.

M. Claude Léonard. J’ai déjà largement évoqué cet après-midi l'inégalité de représentation qui existe non pas à l'intérieur d'une région, mais sur l’ensemble du territoire, au détriment des départements les plus faiblement peuplés.

Je souhaite que l'on revienne sur le texte qui a été voté à l'Assemblée nationale pour porter le nombre de délégués territoriaux de cent trente à cent trente-quatre pour la région Lorraine et de quinze à dix-neuf pour la Meuse.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à fixer à dix-neuf le nombre de conseillers territoriaux pour la Meuse.

Cette disposition est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a explicitement considéré, dans sa décision du 9 décembre 2010, qu’un tel nombre d’élus serait contraire au principe d’égalité devant le suffrage. Son adoption ferait donc courir un risque important d'inconstitutionnalité au projet de loi. Aussi la commission des lois souhaite-t-elle le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Ce point, dont nous avons déjà discuté cet après-midi, est l’un de ceux sur lesquels le Conseil constitutionnel s'est exprimé de façon tout à fait explicite.

Le texte qui a été adopté au Sénat – je faisais partie de ceux qui l’ont voté – a été soumis au Conseil constitutionnel. Je le répète, celui-ci a parfaitement explicité les raisons qui l’ont conduit à annuler les seuils que vise à reprendre votre amendement, monsieur Léonard.

Sachant cela, vous admettrez qu’il n'est pas possible que le Gouvernement puisse émettre un avis favorable, même s’il comprend bien votre préoccupation au regard de la situation de votre département.

M. le président. Monsieur Léonard, l'amendement n° 7 est-il maintenu ?

M. Claude Léonard. Oui, monsieur le président. Je viens d’expliquer les raisons pour lesquelles il me paraît nécessaire de voter mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote.

M. Claude Biwer. Depuis un certain temps, je n’entends parler que de représentativité de la population. Or les élus que nous sommes représentent aussi les territoires, et c’est d’autant plus vrai en zone rurale. C’est fort de ce constat que nous avions défendu le seuil de dix-neuf délégués.

Vous l'avez dit, monsieur le ministre, il n’est pas possible de comparer les régions entre elles en se fondant sur des coefficients et des pourcentages. C'est pourtant l'idée qui prévaut pour le département et le conseil général, mais cela ne colle pas. Il est en effet beaucoup plus difficile de réunir les délégués d'un département rural, qui peuvent résider dans différentes vallées ou même être éloignés les uns des autres de plusieurs dizaines de kilomètres. C’est pourquoi ils se réunissent bien souvent en petit comité.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandions un arbitrage légèrement plus favorable pour les petits départements, et pas seulement pour la Meuse. Initialement, nous l’avions obtenu.

L'amendement qui nous est proposé aujourd’hui vise en quelque sorte à reprendre les arguments qui avaient été employés dans cet hémicycle, notamment par moi-même, lors de l’examen du précédent texte. Ne soyez donc pas surpris : nous n’avons pas changé d’avis sur la question. Alors qu’on nous demande bien souvent d’adopter des textes conformes, on ne peut pas nous en vouloir de voter conformément à nos idées !

Tout à l'heure, j’ai voté l'amendement de M. Repentin, qui visait à fixer à dix-sept le nombre minimal de conseillers territoriaux, car il offrait une porte de sortie. Faute d’avoir obtenu gain de cause, je soutiens donc totalement l’amendement de M. Léonard, qui reprend des propositions que j’ai déjà défendues.