M. le président. L’amendement n° 46 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 57.

M. Bernard Vera. Avec l’article 1er, nous entrons dans le vif du sujet.

Il détaille en effet ce qui constitue le fondement de cette révision constitutionnelle, c’est-à-dire la négation du droit parlementaire dans notre pays, l’abandon de souveraineté populaire que représenterait cette nouvelle hiérarchie des lois et des normes, définie par des lois-cadres des finances publiques qui s’imposeraient aux lois de finances comme aux lois de financement de la sécurité sociale.

Ces lois-cadres mettraient également un terme à la moindre initiative parlementaire, au seul motif que toute disposition de caractère fiscal ne pourrait trouver place que dans le cadre d’une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

Jean-Pierre Chevènement, dans une émission de télévision, a même pu parler de « 10 juillet 1940 » à propos du contenu de ce projet de loi constitutionnelle et de son article 1er en particulier.

C’est effectivement un peu de cela qu’il s’agit : une révolution conservatrice dont le fondement est de priver les députés et les sénateurs, représentants du peuple et de la nation, de la moindre capacité d’initiative dans l’exercice de leur mandat, laissant tout le pouvoir au Gouvernement, sans parler de ceux qui donneront de toute manière la marche à suivre, c’est-à-dire les commissaires européens et l’aréopage de leurs conseillers techniques !

Cet article 1er dépossède clairement la représentation nationale de toute capacité d’intervention sur les choix budgétaires et donc, in fine, sur les politiques à l’œuvre dans le pays.

C’est un peu comme si l’on disait aux citoyens, déjà de plus en plus circonspects sur le bien-fondé de toute participation électorale, que cela ne servira désormais pas à grand-chose d’opérer le moindre choix, puisque, de toute façon, tenu par des engagements supérieurs, tout gouvernement français devra respecter et se conformer de manière exclusive à ces engagements.

Cet article 1er limite l’alternance au changement d’équipe sans alternative possible quant au contenu des politiques menées !

Voilà une vision pour le moins restrictive du rôle du Parlement ! On a peine à y trouver la moindre trace de cohérence avec les discours de l’été 2008, lorsque les promoteurs de la révision constitutionnelle entendaient renforcer les pouvoirs du Parlement !

À quoi servira donc la semaine de contrôle de l’action gouvernementale ? Sans doute à nous borner à constater l’exécution du programme de stabilité européen et à flétrir tout dépassement éventuel de dépenses !

À quoi servira la semaine d’initiative parlementaire ? À voter des propositions de loi de déclaration d’intention, sans portée normative ! Les seules propositions de loi qui seront a priori acceptées par le Gouvernement seront celles qui auront simplement pour objet d’accélérer l’insertion des directives européennes dans notre droit national !

Par conséquent, notre groupe s’oppose clairement à cet article 1er, qui constitue une véritable négation de nos valeurs républicaines. Nous en proposons donc la suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme cela a été souligné à juste titre, l’article 1er est très important ; il est même au cœur du dispositif !

M. Bernard Frimat. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les autres articles ne sont que de simples mesures de conséquence.

Mes chers collègues, en présentant vos motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, la question préalable et le renvoi en commission, vous avez manifesté votre opposition générale au présent projet de loi constitutionnelle, et vous la déclinez à présent par vos amendements de suppression de l’article 1er.

Cet article est effectivement fondamental ; sans lui, pas de révision constitutionnelle ! Or nous soutenons la création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, qui garantiront une pratique budgétaire vertueuse,…

M. Bernard Frimat. Pas du tout !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … indispensable au redressement de nos comptes publics. Par conséquent, nous sommes hostiles aux amendements de suppression de l’article 1er.

Bien entendu, nous aurons l’occasion de revenir sur la question du monopole accordé aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale lors de l’examen des prochains amendements.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 13 rectifié et 57.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. J’ai noté que M. le ministre du budget avait ignoré les trois orateurs du groupe socialiste en répondant hier aux intervenants. Peut-être s’agit-il d’un oubli de sa part… J’espère au moins qu’il ne s’agit pas d’une marque de mépris à l’égard de l’opposition. Comme viennent de le souligner mes collègues Yves Daudigny et Bernard Frimat, nous, nous avons pris le soin d’argumenter.

Monsieur le ministre, on juge un gouvernement sur ses actes, et non sur « l’emballage » ou sur les intentions affichées !

Alors que nous discutons aujourd'hui du projet de loi constitutionnelle, la commission des finances examinait ce matin le projet de loi de finances rectificative, et la commission des affaires sociales devrait examiner cet après-midi le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Or ces deux textes maintiennent les niches, en créent une nouvelle et alourdissent encore la facture pour nos finances publiques !

Sur le fond, et j’espère que, cette fois-ci, M. le ministre nous écoutera, je vous indique que l’objectif de la réduction du poids de la dette – je parle bien de la dette – est un véritable sujet pour les socialistes. Je vous renvoie à nos interventions lors du débat annuel sur la dette.

Mais nous n’approuvons ni la méthode que vous prônez, ni le rythme que vous envisagez, ni les moyens que vous comptez mobiliser !

De notre point de vue, c’est le débat électoral qui doit porter sur la stratégie de redressement. Nous sommes à moins d’un an d’une élection cardinale. C’est à cette occasion que les Français se prononceront sur l’ajustement entre les recettes et les dépenses et, surtout, sur la nature de ces recettes et dépenses !

S’il y a une discipline à respecter, il y a aussi des choix politiques et, surtout, des choix économiques à faire ! Pour nous, il est grand temps de mettre la politique budgétaire au service d’objectifs économiques.

Le problème est que vous n’aviez aucune stratégie économique, hormis une baisse massive d’impôts pour les plus aisés, lors de votre arrivée aux responsabilités en 2007 !

Et vous ne tracez aucune perspective pour réduire le poids de la dette et parvenir à une situation financière stable ! D’ailleurs, il faudrait un horizon suffisamment éloigné pour ne pas pénaliser la croissance pendant la période d’ajustement des finances publiques. Mais vous ne dites rien sur le sujet !

Le projet de loi constitutionnelle prévoit une programmation sur trois années alors qu’il faudrait la caler sur la durée d’une législature ou d’un mandat présidentiel ! Et la correction des écarts devrait dès maintenant faire explicitement l’objet d’un contrôle sous l’œil vigilant du Parlement avec des modalités propres permettant d’assurer la flexibilité par rapport aux cycles économiques.

Enfin, il faudrait définir des projections budgétaires réalistes, pertinentes et incontestables, donc sincères et crédibles.

C’est pourquoi j’ai proposé hier de nous inspirer de deux pays, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, qui font appel à un organisme indépendant dont personne ne conteste l’évaluation. Cela éviterait au Gouvernement de se faire reprendre sévèrement, comme cela a récemment été le cas, par la Commission européenne et la commission des finances du Sénat. Je vous renvoie aux débats sur le programme de stabilité.

Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à toutes ces interrogations. Voilà pourquoi nous défendons, peut-être pour la dernière fois dans ce texte, la suppression de cet article 1er que vous voulez nous imposer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je constate une nouvelle fois que l’on ne répond pas à mes questions.

Premièrement, quelles dispositions comptez-vous prendre pour pallier les mesures déflationnistes que cet article institue ? Que comptez-vous faire pour ne pas aggraver le niveau du chômage ? Vous n’en dites rien !

Deuxièmement, comment envisagez-vous l’évolution des institutions européennes et de la gouvernance de l’euro pour nous permettre de sortir de manière pérenne de la situation actuelle ? Comment comptez-vous nous mettre à l’abri des spéculateurs et des marchés, qui décident selon leur bon vouloir si l’on peut ou non faire confiance à tel ou tel pays ?

Voici comment nous interprétons votre absence de réponse : soit votre sonotone est débranché, soit vous n’avez pas envie de nous répondre et, dans ce cas, on peut se demander à quoi sert le Parlement – certes, la question se pose souvent ! –, soit vous ne connaissez pas la réponse, ce qui est un peu fâcheux pour un gouvernement !

Encore une fois, il ne s’agit pas d’apporter des solutions « clé en mains » ; personne n’en a. Mais on peut au moins rechercher des pistes pour que notre pays ne se trouve pas dans quelques mois dans la même situation qu’aujourd'hui !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié et 57.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 61, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 6

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

1° Après le dix-septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. L’adoption du projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis entraînerait une série de conséquences.

Sur le fond, la grande innovation du texte est bel et bien de conduire à créer une nouvelle hiérarchie dans l’importance des textes législatifs, qui fait des lois-cadres sur les finances publiques, des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale les rendez-vous obligés et déterminants de chaque session unique et, au-delà, de chaque législature.

Pour le solde, nous devrons nous en remettre au seul ordre du jour fixé par le Gouvernement.

Toutefois, une telle hiérarchie des normes est porteuse de risques majeurs pour la qualité du droit dans notre pays.

Déjà, la fréquence et l’intensité du recours à la procédure accélérée ont multiplié les textes péremptoires connaissant des difficultés évidentes de mise en œuvre. Avec ce texte, les règles proposées ajouteront une difficulté nouvelle.

La moindre disposition législative d’ordre fiscal adoptée dans la plus discrète proposition de loi ou dans le plus important projet de loi devra attendre le feu vert de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale la plus proche pour pouvoir entrer en application.

On n’ose d’ailleurs penser en quelles conjectures et controverses l’on se perdra pour peu que la mesure votée dans l’enthousiasme d’une séance publique se trouve recalée lors des débats budgétaires au seul motif qu’elle serait inopérante, insuffisamment rentable ou trop coûteuse !

C’est pourtant ce type d’effets que l’on peut attendre de la modification de l’article 34 de la Constitution qui est ici proposée.

Pour nous, il est temps que la question du domaine de la loi soit abordée d’une manière nouvelle, plus ouverte. C’est en ce sens que nous avons déposé cet amendement, qui accompagne notre proposition de réécriture des dispositions de l’article 34 relatives aux lois de finances, à leur définition et à leurs objectifs.

Mes chers collègues, laissons respirer le débat parlementaire, tout simplement parce qu’il constitue l’un des éléments clés de la démocratie et qu’il est donc logique que nous le facilitions !

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

II. Alinéas 6 et 7

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Les dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature ainsi que les modifications apportées à ces dispositions n'entrent en vigueur que si elles ont été approuvées, dans les quatre mois suivant leur promulgation, par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale. Les dispositions relatives aux principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale et les modifications apportées à ces dispositions n'entrent en vigueur que si elles ont été approuvées, dans le même délai, par une loi de financement de la sécurité sociale. 

« Les lois-cadres d'équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d'évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques. Elles fixent, pour chaque année, un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elles ne peuvent être modifiées en cours d'exécution que dans les conditions prévues par une loi organique. Une loi organique précise le contenu des lois-cadres d'équilibre des finances publiques et peut déterminer celles de leurs dispositions, autres que celles prévues à la deuxième phrase du présent alinéa, qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elle définit les conditions dans lesquelles sont compensés les écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s’agit à l’évidence du point le plus important de notre débat.

En effet, je pense qu’il y a un accord, en particulier avec la commission des finances, sur les améliorations rédactionnelles de l’alinéa relatif aux lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Le Gouvernement devrait, me semble-t-il, considérer qu’il s’agit d’une amélioration ; j’ai lu ses déclarations lors du débat à l’Assemblée nationale.

Le véritable débat porte sur la question du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires, auquel nous proposons de substituer un monopole de l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux recettes sous peine de caducité.

Le monopole que le projet de révision constitutionnelle attribue aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale présente de multiples inconvénients. Je les ai déjà évoqués lors de la discussion générale.

L’initiative parlementaire serait pratiquement réduite à néant.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien entendu, cela n’a aucune importance eu égard aux enjeux planétaires de la révision constitutionnelle. (Marques d’ironie.)

Les procédures d’irrecevabilité et d’inconstitutionnalité qui sont prévues respectivement par les articles 2 bis et 9 bis ne nous paraissaient pas répondre au problème que je viens de soulever.

Aucune discussion parlementaire sur la fiscalité ou les ressources de la sécurité sociale ne pourrait avoir lieu en dehors du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui seraient évidemment examinés en premier lieu par l’Assemblée nationale.

Cependant, la préoccupation qui sous-tend le monopole mérite d’être prise en considération, car il s’agit d’une véritable question.

Au cours des dernières années, trop de mesures intégrées dans d’autres lois que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale sont venues contrarier les équilibres prévus par des lois financières. Il convient de porter un regard d’ensemble sur les mesures de dépenses fiscales et d’exonérations ou de niches qui contribuent à la dégradation de nos finances publiques.

L’amendement tend à atteindre l’objectif visé par le projet de loi constitutionnelle tout en évitant les inconvénients du monopole.

D’ailleurs, le dispositif proposé s'inspire largement d’une proposition de loi organique adoptée par le Sénat le 22 janvier 2008 sur l’initiative de MM. Alain Vasselle et Nicolas About. À l’époque, seules les cotisations sociales étaient concernées. Nous proposons d’étendre le champ d’application d’une telle mesure à l’ensemble des impositions de toute nature et des recettes de la sécurité sociale.

Nous suggérons que toutes les dispositions relatives aux impositions ne puissent entrer en vigueur qu’en cas d’adoption dans une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale. L’approbation devrait intervenir dans les quatre mois suivant la promulgation des dispositions relatives aux recettes, sous peine de caducité.

Le président de la commission des finances et M. Marini avaient déposé un amendement tendant à rendre obligatoire le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative pour examiner des dispositions de nature fiscale.

Au vu des calendriers, il ressort de l’articulation entre vos propositions et les nôtres qu’il conviendrait de prévoir un délai de quatre mois plutôt qu’un délai de trois mois. M. Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, a jugé hier soir en commission des lois que cette proposition était de nature à résoudre, comme nous le souhaitons tous, le problème posé par le monopole brutal et sans accommodement des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, car c’est bien un monopole « accommodé » que nous proposons.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances. C’est un bon compromis !

M. le président. Le sous-amendement n° 77, présenté par MM. Emorine, Legendre, Bizet, Braye, Sido, Hérisson, Cornu, César, J.L. Dupont, A. Dupont et Carle, Mmes Morin-Desailly et Mélot, M. Plancade, Mme Dumas et MM. Retailleau et Maurey, est ainsi libellé :

Alinéa 5 de l’amendement n° 1 rectifié

1° Première phrase

Remplacer les mots :

, dans les quatre mois suivant leur promulgation, par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale

par les mots :

au plus tard par la première loi de finances ou loi de financement de la sécurité sociale, dont le projet est déposé après leur promulgation

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

dans le même délai

par les mots :

dans les mêmes conditions

La parole est à M. Jean-Paul Emorine.

M. Jean-Paul Emorine. Si vous m’y autorisez, monsieur le président, pour la clarté de nos débats, je souhaiterais également présenter, à l’occasion de ce sous-amendement, l’amendement n° 41 de la commission de l’économie.

Tous les arguments contre le monopole ont été, je crois, exprimés hier avec force par beaucoup de nos collègues, et nous devons les entendre. Je n’y reviendrai pas.

Si je mets à part l’amendement présenté par la commission des finances, deux solutions nous sont proposées par les autres commissions à cet article 1er, qui ont un point commun : la suppression du monopole.

Je me réjouis, ainsi, de la convergence de vues entre la commission des lois, saisie au fond, la commission des affaires sociales, la commission de l’économie et, à travers son président, la commission de la culture. Je crois que la volonté exprimée est claire : la réduction des déficits ne doit pas passer par un tel affaiblissement du Parlement.

Nous avons également tous été animés du même souci : celui de renforcer le contrôle des mesures fiscales par les lois financières. Au moment où le législateur financier va être soumis à une contrainte constitutionnelle à travers la loi-cadre, il faut absolument lui donner les moyens de tenir ses objectifs.

Les amendements identiques nos 41 et 74, présentés respectivement par la commission de l’économie et par M. Legendre, ne divergent que sur deux points des amendements présentés par la commission des lois et par celle des affaires sociales.

Premier point, ils ne concernent que les dépenses fiscales. En effet, le législateur financier devra respecter un plancher de recettes et il n’apparaît donc pas nécessaire de contraindre le législateur ordinaire s’il souhaite augmenter les recettes.

Deuxième point, dans un souci de simplicité, ces amendements inversent la charge de la preuve. Ils tendent à différer ainsi au 1er janvier l’entrée en vigueur des dépenses fiscales afin de permettre au législateur financier de modifier ou de supprimer toute disposition. Cette solution nous paraît préférable au choix d’une validation systématique en loi de finances.

Toutefois, il me semble que nous avons tous le souci de nous rassembler et de rapprocher nos positions. Pour cette raison, l’amendement de validation pourrait être la solution de compromis, en dépit des difficultés que j’ai évoquées.

En revanche, et j’en viens à la présentation du sous-amendement n° 77, l’amendement n° 1 de la commission des lois a été rectifié, hier, afin de prévoir que les dispositions devront être validées dans un délai de quatre mois. Cela, mes chers collègues, vide, selon moi, la mesure d’une grande partie de sa portée et risquerait de nous ramener au monopole.

En effet, rien n’obligera le Gouvernement ou les divers gouvernements à venir – je ne veux pas jeter la suspicion sur celui-ci – à déposer des projets de loi de finances rectificatives.

Avec toute la meilleure volonté du monde, comment ferons-nous pour valider les dispositions qui auront été promulguées au début du mois de juillet alors que le projet de loi de finances est adopté fin décembre ?

C’est pourquoi le sous-amendement n° 77 vise à prévoir que la validation intervienne au plus tard dans la prochaine loi de finances. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Quelle démagogie !

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature ainsi que les modifications apportées à ces dispositions n’entrent en vigueur que si elles ont été approuvées, dans les quatre mois suivant leur promulgation, par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale. Les dispositions relatives aux principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale ainsi que les modifications apportées à ces dispositions n’entrent en vigueur que si elles ont été approuvées, dans le même délai, par une loi de financement de la sécurité sociale.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, a été extrêmement clair en présentant l’amendement n° 1 rectifié. Néanmoins, j’insisterai de nouveau.

Le projet de loi constitutionnelle prévoit la mise en place d’un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale pour les mesures relatives aux impositions de toute nature et aux autres ressources de la sécurité sociale. Un tel monopole, de très nombreux orateurs l’ont souligné, présenterait de sérieux inconvénients.

Tout d’abord, le Parlement ne pourrait plus appréhender les réformes dans leur globalité, les conséquences financières de celles-ci étant systématiquement renvoyées aux lois financières.

Ensuite, l’initiative parlementaire serait drastiquement limitée par ce dispositif qui viendrait s’ajouter à l’article 40, et à l’irrecevabilité des cavaliers budgétaires et des cavaliers sociaux.

Par ailleurs, aucune discussion parlementaire sur la fiscalité ou les ressources de la sécurité sociale ne pourrait avoir lieu en dehors du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le présent amendement tend donc, comme celui présenté par la commission des lois, à atteindre l’objectif visé par le projet de loi constitutionnelle en évitant les inconvénients du monopole.

Il prévoit que toutes les dispositions relatives aux impositions de toute nature ou aux autres recettes de la sécurité sociale n’entrent en vigueur que si elles ont été approuvées par une loi de finances ou par une loi de financement de la sécurité sociale dans un délai de quatre mois suivant leur promulgation.

Ainsi, il pourra être vérifié dans le cadre de l’examen des lois financières que les mesures votées en cours d’année ne remettent pas en cause les règles définies par les lois-cadres d’équilibre des finances publiques.

Il s’agit d’une proposition raisonnable dans laquelle les sénateurs de l’ensemble des commissions du Sénat devraient pouvoir se retrouver. Je souhaite saluer les efforts inlassables du président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, pour parvenir à dégager une solution capable de nous rassembler sur un sujet essentiel pour le fonctionnement du Parlement.

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa : 

« Les lois-cadres d'équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d'évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques. Elles fixent, pour chaque année, un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elles ne peuvent être modifiées en cours d'exécution que dans les conditions prévues par une loi organique. Une loi organique précise le contenu des lois-cadres d'équilibre des finances publiques et peut déterminer celles de leurs dispositions, autres que celles prévues à la deuxième phrase du présent alinéa, qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elle définit les conditions dans lesquelles sont compensés les écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. » ;

La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.