Article 9
Dossier législatif : projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
Article 13

Article 11 bis

(Non modifié)

I. – L’article L. 3251-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Lorsqu’une demande d’admission d’une personne en soins psychiatriques a été présentée dans les conditions prévues au 1° du II de l’article L. 3212-1 ou lorsqu’un péril imminent pour la santé de la personne a été constaté dans les conditions prévues au 2° du II du même article, le représentant de l’État prend, en vue de l’admission en soins psychiatriques de la personne, un arrêté de transfert sanitaire de celle-ci à destination d’un établissement situé à Saint-Martin, en Guadeloupe ou en Martinique et habilité à soigner les personnes atteintes de troubles mentaux conformément à la réglementation localement applicable. » ;

2° À la première phrase du III, la première occurrence du mot : « mentaux » est remplacée par le mot : « médicaux » et, après le mot : « constante », sont insérés les mots : « ou régulière ».

II. – L’article L. 3251-5 du même code est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « d’hospitalisation sur demande d’un tiers » sont remplacés par les mots : « d’admission en soins psychiatriques prévue à l’article L. 3212-1 » ;

2° Au II, les mots : « d’hospitalisation d’office » sont remplacés par les mots : « d’admission en soins psychiatriques prévue à l’article L. 3213-1 ».

III. – L’article L. 3251-6 du même code est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Lorsqu’il est mis fin à la mesure de soins psychiatriques décidée en application des 1° ou 2° du II de l’article L. 3212-1, le directeur de l’établissement d’accueil en avise le représentant de l’État à Saint-Barthélemy, la famille de l’intéressé ainsi que, le cas échéant, l’auteur de la demande. » ;

2° Au II, les mots : « mesure d’hospitalisation d’office » sont remplacés par les mots : « mesure de soins psychiatriques décidée en application de l’article L. 3213-1 ».

M. le président. L'amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 11 bis.

(L'article 11 bis est adopté.)

Article 11 bis
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Article 13 bis

Article 13

(Non modifié)

I. – L’article L. 3824-1 du même code est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Lorsqu’une demande d’admission en soins psychiatriques a été présentée dans les conditions prévues au 1° du II de l’article L. 3212-1 ou lorsqu’un péril imminent pour la santé de la personne malade a été constaté dans les conditions prévues au 2° du II du même article, le représentant de l’État prend, en vue de l’admission en soins psychiatriques de la personne malade, un arrêté de transfert sanitaire de celle-ci à destination d’un établissement situé en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française et habilité à soigner les personnes atteintes de troubles mentaux conformément à la réglementation localement applicable. » ;

2° À la première phrase du III, après le mot : « constante », sont insérés les mots : « ou régulière ».

II. – L’article L. 3824-5 du même code est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « d’hospitalisation sur demande d’un tiers » sont remplacés par les mots : « d’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent » ;

2° Au II, les mots : « d’hospitalisation d’office » sont remplacés par les mots : « d’admission en soins sur décision du représentant de l’État ».

III. – L’article L. 3824-6 du même code est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Lorsqu’il est mis fin à la mesure de soins psychiatriques décidée en application des 1° ou 2° du II de l’article L. 3212-1 dans sa rédaction issue de la loi n° … du … relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, le directeur de l’établissement d’accueil en avise l’administrateur supérieur de Wallis-et-Futuna, la famille de l’intéressé ainsi que, le cas échéant, l’auteur de la demande. » ;

2° Au II, les mots : « d’hospitalisation d’office » sont remplacés par les mots : « d’admission en soins sur décision du représentant de l’État ».

M. le président. L'amendement n° 78 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13
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Article 14 (Texte non modifié par la commission)

Article 13 bis

(Suppression maintenue)

TITRE V

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Article 13 bis
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Article 15

Article 14

(Non modifié)

I. – (Non modifié)

bis. – Le chapitre VI du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique entre en vigueur le 1er janvier 2013. La juridiction administrative est compétente pour statuer sur les recours dont elle est saisie antérieurement à cette date.

II. – Le 1° du I de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique est applicable aux décisions d’admission en soins psychiatriques prises à compter du 1er août 2011.

III. – Le juge des libertés et de la détention se prononce, dans les conditions prévues aux articles L. 3211-12-1 à L. 3211-12-5 du même code, sur le maintien en hospitalisation complète des personnes faisant l’objet, au 1er août 2011, de soins psychiatriques en application de décisions d’admission prises avant cette date. Il statue :

a) Avant l’expiration d’un délai de quinze jours faisant suite à la décision d’admission, lorsque celle-ci est intervenue entre les 23 et 31 juillet 2011 ;

b) Avant la plus prochaine des échéances successives de six mois faisant suite à la décision d’admission ou à la décision judiciaire prononçant l’hospitalisation en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale ou, le cas échéant, à la décision du juge des libertés et de la détention statuant sur cette mesure, lorsque la décision d’admission initiale est antérieure au 23 juillet 2011.

Pour l’application du présent III, le juge est saisi, respectivement, par le directeur de l’établissement d’accueil ou par le représentant de l’État dans le département au plus tard six jours avant l’expiration du délai dans lequel il statue, dans les conditions prévues au II de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique. Lorsque l’hospitalisation complète est maintenue après la décision du juge prononcée en application des alinéas précédents, cette décision est assimilée à une décision rendue sur le fondement du même article L. 3211-12-1 pour l’application du 3° du I dudit article. 

IV. – Les personnes bénéficiant au 1er août 2011 de sorties d’essai décidées en application de l’article L. 3211-11 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur antérieurement à la présente loi, sont réputées, après cette date et jusqu’à l’échéance fixée par la décision autorisant la sortie d’essai, faire l’objet de soins psychiatriques en application du 2° de l’article L. 3211-2-1 du même code. À l’issue de chacune de ces sorties d’essai et au vu d’un certificat médical ou, à défaut, d’un avis médical établi par un psychiatre dans un délai de soixante-douze heures, le directeur de l’établissement, pour les personnes ayant été hospitalisées sur demande de tiers, ou le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, pour les personnes ayant été hospitalisées d’office, décide de la forme de la prise en charge de la personne malade en application du même article L. 3211-2-1 dans sa rédaction résultant de la présente loi.

V. – (Non modifié)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 79 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

1° Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

2° Alinéa 3

Remplacer les mots :

soins psychiatriques

par le mot :

hospitalisation

3° Alinéa 4

Remplacer la référence :

L. 3211-12-5

par la référence :

L. 3211-12-4

et les mots :

complète des personnes faisant l'objet, au 1er août, de soins psychiatriques

par les mots :

des personnes hospitalisées au 1er août

4° Alinéa 7

Supprimer le mot :

complète

5° Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Je me bornerai à reprendre ici brièvement les observations que j’ai présentées dans la discussion générale.

Le plus grand nombre des membres de notre groupe considèrent que ce projet de loi ne contient pas les mesures nécessaires à la protection des personnes atteintes de troubles psychiatriques et qu’il revêt avant tout, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, un caractère sécuritaire.

Ces raisons nous conduisent à nous opposer, dans notre grande majorité, à l’article 14.

Nos demandes tantôt de suppression tantôt de modification résultent du premier amendement que nous avions déposé mais que, quoique j’en aie été cosignataire, je n’ai pas pu le soutenir ce matin, ayant dû participer à des réunions qui m’ont tenue éloignée de la Haute Assemblée.

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 8, seconde phrase 

Supprimer les mots :

ou, à défaut, d’un avis médical

Cet amendement n’a plus d’objet.

M. Jean Desessard. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. C’est de manière avisée, monsieur le président, que vous avez présidé nos débats ce matin. En m’autorisant à dépasser mon temps de parole, vous m’avez dispensé d’intervenir systématiquement par la suite sur mes amendements. Je vous en remercie à nouveau et je confirme que cet amendement n’a plus d’objet.

M. le président. J’ai le sentiment d’avoir déjà entendu cela, monsieur Desessard… (Sourires.)

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 79 rectifié ?

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. S’agissant d’un amendement de coordination avec des propositions qui n’ont pas été adoptées, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14 (Texte non modifié par la commission)
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Intitulé du projet de loi

Article 15

(Non modifié)

Une évaluation de la présente loi est réalisée par le Gouvernement dans les trois années qui suivent sa promulgation et déposée sur le bureau des assemblées – (Adopté.)

Article 15
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé du projet de loi

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mme Demontès, MM. Le Menn, Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Droits et protection des personnes recevant des soins psychiatriques sans consentement et organisation de leur prise en charge

La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. L’enjeu peut sembler purement sémantique, mais ce qui est en cause, en réalité, c’est une conception politique et philosophique de la maladie mentale et de la personne souffrant de troubles psychiatriques.

L’intitulé actuel du projet de loi illustre le prisme sécuritaire à travers lequel la question de la maladie mentale est envisagée par le Gouvernement.

L’emploi du groupe verbal « faire l’objet de » est à cet égard significatif. Celui-ci appartient au champ lexical de la sanction, notamment judiciaire. C’est ainsi qu’il est commun d’utiliser des expressions telles que : « il fera l’objet d’une mise en examen », « elle fera l’objet d’un redressement fiscal », etc.

Il est au contraire essentiel de ne pas nourrir l’amalgame entre la maladie mentale, d’une part, et la délinquance, la dangerosité, la violence, d’autre part. De telles associations conduisent à une stigmatisation doublement contre-productive : préjudiciables au traitement sanitaire de la maladie mentale, elles sont aussi un frein à la réinsertion dans la société des personnes atteintes de troubles psychiatriques.

Il est vrai que le Gouvernement ainsi qu’une frange de la majorité sont prompts à entretenir la confusion et à véhiculer des amalgames… Dans cet hémicycle, le débat sur l’immigration en a récemment offert une illustration : ce n’était pas encore la maladie mentale qui était tenue pour une source de délinquance, de dangerosité ou de violence, mais l’étranger.

Aujourd’hui, le Gouvernement et la majorité reprennent la même antienne : seuls les psaumes changent.

Nous nous opposons à cette dérive, qui conduit à une défiance globale et tend à scléroser la société.

Selon nous, les personnes atteintes de troubles psychiatriques ne doivent pas être traitées comme des délinquants, mais comme des patients qui ont besoin d’être soignés.

Encore faut-il, pour cela, au moins considérer que la personne atteinte de troubles mentaux demeure un être humain. Or, au regard de l’intitulé du projet de loi, nous sommes légitimement amenés à nous poser des questions…

Le groupe verbal « faire l’objet de » n’est pas seulement lié au champ lexical de la sanction ; il suggère la chosification de l’individu et le réduit à la passivité. Dans une certaine mesure, la personne atteinte de troubles psychiatriques devrait seulement subir les traitements qui lui sont prescrits. Ce n’est pas assez que, dans certains cas précis, son consentement puisse ne plus être requis ; il ne serait plus même recherché !

Le changement de paradigme est ici manifeste. Il sera lourd de conséquences pour la santé des patients.

C’est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, nous souhaitons vous interroger : serions-nous en train de revenir au XIXe siècle, au temps où, dans les Mystères de Paris, Eugène Sue décrivait les études et les expérimentations dont « faisaient l’objet » les personnes atteintes de troubles mentaux ?

À cette époque, être victime de troubles psychiatriques était synonyme de déshumanisation. La captivité de celles et de ceux qu’on appelait communément les « aliénés » allait de pair avec leur réduction à un état d’extrême passivité. Loin d’être des remèdes à la maladie du patient, captivité et passivité étaient seulement considérées comme des moyens d’assurer une forme de sécurité dans la société ; elles traduisaient l’incapacité des autorités à traiter la maladie mentale d’un point de vue sanitaire.

La conception sur laquelle se fonde le présent projet de loi, pourtant rédigé deux siècles plus tard, ressemble étrangement à la pensée qui dominait au début du XIXe siècle. Quel retour en arrière !

Sans doute, concilier les objectifs de la protection de la santé du patient, de la sauvegarde de sa liberté individuelle et du maintien de l’ordre public peut sembler délicat. Nous craignons cependant que le curseur, avec ce projet de loi, demeure figé sur le seul objectif du maintien de l’ordre public, et cela au détriment de la santé du patient.

C’est un choix politique auquel nous ne pouvons, bien entendu, souscrire.

Nous notons par ailleurs avec étonnement que, dans l’intitulé auquel est revenue l’Assemblée nationale, la notion de consentement a totalement disparu et qu’il est désormais question des soins psychiatriques dans leur globalité.

Que le Gouvernement et la majorité veuillent donc bien répondre à cette question : dans quelle partie du projet de loi est-il traité des soins psychiatriques libres ?

Qui vous autorise à vous octroyer ainsi une forme de publicité en rédigeant un titre trompeur, qui ne correspond absolument pas à l’essence de la « marchandise » que ce projet de loi constitue ? Cette vaste hypocrisie doit être dénoncée ! Ce projet de loi ne traite pas des soins psychiatriques dans leur ensemble : il s’attache uniquement aux soins psychiatriques sans consentement.

Embarrassés pour définir cette notion, vous avez préféré la rayer du texte et de son intitulé… Pour autant, ce raccourci ne saurait justifier une quelconque malhonnêteté intellectuelle : il doit être affirmé dans l’intitulé même du projet de loi que celui-ci traite des soins psychiatriques sans consentement.

Comme nous l’avons signalé à plusieurs reprises en défendant nos amendements, la suppression de la notion de « soins sans consentement » est de nature à soulever de nombreuses difficultés et incohérences, en particulier pour ce qui concerne les droits des patients. De telles ambiguïtés risquent d’alourdir le contentieux inhérent à la dispensation de soins psychiatriques.

L’intitulé que nous proposons nous paraît beaucoup plus conforme au contenu réel du projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Un tel changement de l’intitulé n’apporterait rien de notable.

Nous savons que l’histoire de la psychiatrie est émaillée de nombreux drames, qu’elle a longtemps laissé une large place à des violences de toutes sortes.

Les discussions que nous avons eues ici sur l’évolution positive du droit, sur le développement de la protection, sur la construction de nouveaux concepts dans le champ de la psychiatrie ont révélé l’immensité du fossé qui nous sépare de l’époque à laquelle il vient d’être fait allusion ou même d’une époque beaucoup plus récente. Certains ont évoqué les camisoles de force ; c’est oublier les progrès qui ont pu être réalisés dans le traitement des maladies psychiatriques grâce aux neuroleptiques. Il faut savoir d’où l’on est parti et où l’on est arrivé !

Je faisais partie de ceux que l’association des mots « soins » et « sans consentement » mettait mal à l’aise, le premier terme me paraissant antinomique avec le groupe constitué par les deux autres. Il me semble que l’intitulé du projet de loi, à savoir « droits et protection des personnes », mérite d’être conservé. Certes, ce texte vise des individus qui seront amenés, par voie de contrainte, et donc en violation de leurs libertés individuelles, à suivre des soins, mais ils ne le seront que dans la mesure où ces contraintes seront justifiées par un impératif psychiatrique, à l’exclusion de tout autre motif qui serait imposé par une autorité, quelle qu’elle soit.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Cet amendement vise à préciser dans l'intitulé du projet de loi que ce texte concerne les soins psychiatriques sans consentement et l'organisation de la prise en charge des personnes auxquelles ils sont dispensés.

Dans le but de tenir compte des préoccupations qui ont été exprimées par le Sénat en première lecture, l'Assemblée nationale a souhaité ne plus faire directement référence aux « soins sans consentement » en supprimant cette expression dans l’intitulé des chapitres II et III du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique, et ce dans un souci de respect et de « déstigmatisation » des personnes concernées.

M. Guy Fischer. C’est tout le contraire !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’est déclaré favorable à cette démarche et n'entend pas revenir sur sa position.

Par ailleurs, le projet de loi met en place un dispositif complet de prise en charge dans la cité. De fait, la proposition des auteurs de l’amendement est donc satisfaite par le contenu même de ce texte. Aussi le Gouvernement émet-il un avis défavorable.

Puisque nous parlons de « déstigmatisation », je veux dire que, avec ce projet de loi, nous sommes résolument dans une démarche de modernisation de la prise en charge des malades…

M. Guy Fischer. C’est une occasion manquée !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … dans la mesure où nous créons de nouvelles modalités de soins pour les patients. Chacun d’eux doit pouvoir bénéficier de soins ambulatoires. Pourquoi ceux-ci seraient-ils la règle pour toutes les autres pathologies et ne le seraient-ils pas pour les troubles psychiatriques ?

M. Alain Gournac. Tout à fait ! Ces malades y ont droit !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. C'est au nom du droit fondamental des patients, au nom de l'égalité des droits entre tous les patients, qu’il faut voter ce projet de loi en conservant son intitulé actuel.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Intitulé du projet de loi
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous attendions beaucoup de ce texte, mais la messe était dite avant même que ce débat ne commence puisqu'il fallait que Mme la secrétaire d'État parvienne à obtenir un vote conforme, ainsi que le lui avait demandé le Président de la République. Tous les amendements déposés sur ce projet de loi ont été rejetés, à l'exception de deux, dont l’un, qui nous a d’ailleurs fourni l’occasion de parfaire nos connaissances en droit constitutionnel, émanait du Gouvernement.

Dans le cadre du dialogue instauré entre les parlementaires et les professionnels, lesquels nourrissaient de grands espoirs, nous avons longuement reçu le docteur Angelo Poli, président du Syndicat des psychiatres d'exercice public, le SPEP, qui travaille dans l'agglomération lyonnaise. C’est l'analyse de ces professionnels que je voudrais vous faire partager.

Ce texte ne prend pas réellement en compte, nous l'avons démontré, les demandes des professionnels, qu’ils soient soignants ou magistrats, de même qu’il ignore les réserves des usagers, notamment ceux que représentent la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie, la FNAPSY, voire des familles, qui se rendent compte que des « soins ambulatoires sans consentement » pourront être imposés y compris dans le lieu de vie familiale.

Il s’agit donc d’un texte sécuritaire, qui inscrira les professionnels dans une logique de contrôle.

De surcroît, ces mêmes professionnels devront l’appliquer dès le 1er août, sans y avoir été préparés, ce qui est tout simplement insensé quand on voit toutes les dispositions qu’il contient. Il est vrai que les professionnels n’avaient pas voulu discuter des décrets d’application avant que le texte définitif ne soit voté ; il faudra le faire dans l’urgence.

Ce texte devra en outre être appliqué sans que soient prévus les moyens supplémentaires qui, de toute évidence, auraient dû être dégagés compte tenu de la complexification des modalités de sortie qui y sont prévues. La confusion et les blocages qui, assurément, s’ensuivront, loin d'améliorer la situation des patients en souffrance, créeront au contraire des difficultés supplémentaires.

L’ensemble des professionnels, les psychiatres publics nous l'ont dit, mettront tout en œuvre pour réduire autant que possible les conséquences sur les patients de la loi votée par le Parlement. Il faudra voir comment les choses se mettront en place. Par exemple, j'ai appris que les juges de l'agglomération lyonnaise se déplaceront dans les hôpitaux psychiatriques.

Par ailleurs, il faut savoir que les préfets, relayés par les procureurs de le République, garderont la possibilité de s’opposer aux demandes de poursuite des soins ambulatoires et de sortie formulées par les psychiatres.

C’est donc un rendez-vous manqué et, de toute évidence, il faudra revoir très rapidement les termes de cette loi.

Sur le fond, comme l’écrit le SPEP, « rien ne semble plus pouvoir arrêter la dérive qui risque de conduire, dans un état d’ivresse sécuritaire, vers le retour aux “pavillons de force” du XIXe siècle » – c'est-à-dire les asiles – « puisqu’il est conseillé de réorganiser les unités afin d'accueillir des populations de malades homogènes » – selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales daté du 31 mai 2011 – « ou aux “pavillons hommes” et aux “pavillons femmes” du siècle d'avant puisqu’il est conseillé dans le même rapport d’éviter toute “mixité forcée” et de favoriser la séparation des hommes et des femmes pour éviter les agressions sexuelles ».

Ce texte sur les soins psychiatriques sans consentement est un texte d'affichage sécuritaire, un texte liberticide, un texte inapplicable, qui criminalise la maladie mentale. De toute évidence, une grande loi de santé mentale s'impose. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Beaucoup d'incidents ont émaillé l'examen de ce texte depuis sa première lecture. Je rappelle que ce texte est censé répondre à l’exigence posée par le Conseil constitutionnel, à savoir que le juge décide de la levée de l'hospitalisation ou de son maintien au bout de quinze jours.

Le Gouvernement en a profité pour introduire la notion de soins sans consentement à l'hôpital et hors de celui-ci. En commission des affaires sociales, nous avons majoritairement rejeté cette disposition ; l'UMP, elle, dans sa majorité, en a décidé autrement.

Vous avez voulu que le texte adopté au terme de cette deuxième lecture soit conforme à celui qu’avait adopté l'Assemblée nationale. Et puis, patatras ! le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a censuré certains articles du projet de loi pour non-conformité à l'article 66 de la Constitution, qui dispose, je le répète une dernière fois, que « nul ne peut être arbitrairement détenu ».

Alors, le Gouvernement a bien dû modifier son texte pour tenter de se mettre en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel. Nous avons un sérieux doute quant à la constitutionnalité de la rédaction qu’il a retenue, mais nous en reparlerons probablement...

Sur le fond, nous l’avons dit à maintes reprises, ce texte est un mauvais texte. Non seulement il était déjà inacceptable dans sa version initiale, mais les modifications successives qu’il a connues ont fini de dévoiler les intentions premières du Gouvernement : imposer la contrainte et le contrôle comme fondement du soin en psychiatrie.

Ce projet de loi que vous vous apprêtez à voter, chers collègues de droite, est un texte non pas sanitaire, mais sécuritaire. Il étend la contrainte à toute forme de soins en psychiatrie, de l'hôpital jusqu'au domicile. Il prévoit une véritable garde à vue psychiatrique sans droit de recours. Il est une grave atteinte aux libertés.

Ce texte est mauvais : mauvais pour les professionnels, qui, tous les jours, essaient de soigner des malades, de leur rendre la vie moins difficile ; mauvais pour les malades et leurs familles, car ce que les malades demandent, et avec eux leurs familles, c'est d’être effectivement considérés comme tels, c'est-à-dire comme des personnes qui ont besoin de soins, et non pas comme des délinquants potentiels.

Ce n'est pas de mesures de justice que les familles ont besoin, mais de professionnels en nombre suffisant pour soigner, que ce soit à l'hôpital ou en soins ambulatoires. Ils ont aussi besoin que des moyens soient alloués aux associations de malades et d’anciens malades, dont nous savons tous qu’elles fournissent un travail remarquable.

Pour toutes les raisons que je viens d'énoncer, nous voterons contre ce texte sécuritaire et nous attendons un vrai débat sur un projet de loi relatif à la santé mentale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)