augmentation inquiétante du nombre des normes imposées aux collectivités territoriales en matière d'équipements sportifs

M. le président. La parole est à Mme Christiane Hummel, auteur de la question n° 1341, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.

Mme Christiane Hummel. Madame la ministre, je souhaite appeler l’attention de M. le ministre chargé des collectivités territoriales sur la croissance inquiétante de la production de normes appliquées aux collectivités territoriales, singulièrement en matière d’équipements sportifs.

Dans un rapport sénatorial intitulé La maladie de la norme, publié le 16 février 2011, le Sénat s’est inquiété de la prolifération croissante des normes juridiques qui s’imposent aux collectivités territoriales et à l’ensemble des citoyens. Il existe, d’après ce rapport, pas moins de 400 000 prescriptions techniques à ce jour en France et nos équipements sportifs n’échappent pas à la règle.

Les collectivités locales font de gros efforts financiers, parfois pour un public restreint et elles subissent ces normes de plus en plus contraignantes, tant sur le plan du suivi et de l’application que sur celui de la gestion des coûts. Ainsi, en matière de terrains de football synthétiques – ce sont des terrains assez récents et cela motive ma question –, la Fédération française de football vient d’imposer aux collectivités territoriales propriétaires des terrains un suivi constant de la qualité du revêtement, via un accéléromètre visant à déterminer les qualités sportives dudit revêtement. Des tests doivent être réalisés tous les quatre ans pour chaque terrain, pour un coût compris entre 2 000 euros et 3 000 euros par terrain. La Fédération française de football justifie ces exigences par le transfert de compétences que l’État lui a accordé par voie de décret.

Si une collectivité territoriale ne veut ou ne peut se soumettre à cette exigence, son ou ses terrains sont aussitôt déclassés et il est impossible d’organiser dessus la moindre rencontre officielle. Par exemple, ma commune compte trois terrains et des petites communes ont aussi au moins un terrain. À l’heure où les marges de manœuvre des finances locales sont de plus en plus contraintes, cette prolifération normative semble plus que jamais problématique. Face à cette situation, les collectivités territoriales demandent une participation financière effective de la Fédération à ces tests, faute de quoi de nombreux terrains seront fermés et le football amateur sera désorganisé.

Alors que l’on constate la baisse significative du nombre de licenciés, nous souhaitons, madame la ministre, que le ministère aide les collectivités territoriales à trouver une possibilité de financement auprès de la Fédération française de football afin de maintenir le nombre de terrains existants. En fait, nous demandons que la Fédération française de football soit un peu plus raisonnable en matière de normes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, M. Philippe Richert absent aujourd’hui m’a prié de vous indiquer qu’il comprenait votre souhait de mieux prendre en compte les effets des normes édictées par les fédérations sportives sur les finances des collectivités territoriales, très souvent propriétaires d’équipements sportifs.

Au nom du Gouvernement, je salue l’engagement tout à fait exemplaire de ces collectivités territoriales en faveur de la pratique sportive, au travers notamment des investissements considérables qu’elles consentent afin de pouvoir offrir un parc d’équipements moderne, sûr et compétitif.

De manière générale, l’inflation normative et les dépenses qu’elle génère sont une préoccupation majeure pour le Gouvernement, qui a adopté de nombreuses mesures permettant une meilleure maîtrise du coût des normes tant pour les collectivités territoriales que pour les entreprises.

Le Gouvernement a ainsi décidé, vous le savez, la mise en place d’un moratoire sur les normes réglementaires concernant les collectivités territoriales non commandées par un texte de rang supérieur – circulaires du Premier ministre des 6 juillet 2010 et 17 février 2011. Il a aussi désigné, en novembre 2010, un Commissaire à la simplification placé auprès du Secrétariat général du Gouvernement.

Par ailleurs, il a été décidé que l’impact financier des projets de textes réglementaires concernant les collectivités territoriales serait systématiquement examiné par la Commission consultative d’évaluation des normes, présidée par M. Alain Lambert, et composée majoritairement d’élus locaux.

S’agissant plus particulièrement des normes sportives – c’est l’objet de votre question –, le Gouvernement est conscient des préoccupations des élus locaux à l’égard des révisions régulières des normes édictées par les fédérations sportives agréées. Il paraît nécessaire à M. Doligé, qui l’a écrit dans son rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales, comme au Gouvernement de mieux prendre en compte le point de vue des collectivités dans l’activité normative des fédérations sportives.

À cet effet, un dispositif de consultation existe, auquel sont associées les collectivités territoriales, par le biais de leurs associations représentatives. Ainsi, l’article R. 142–1 du code du sport confie à la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs le soin de rendre un avis sur les projets de règlement relatifs aux équipements sportifs requis pour accueillir les compétitions.

Cette commission, composée de dix-huit membres, compte cinq représentants des collectivités territoriales. Sur proposition de la ministre des sports, ce nombre sera prochainement porté à sept, deux élus du Comité des finances locales étant appelés à siéger au sein de la commission afin de renforcer son expertise en matière d’analyse de l’impact financier d’un futur règlement sur les collectivités territoriales. Plus largement, les services du ministère des sports ont reçu pour instruction d’approfondir le dialogue avec les fédérations sportives en amont des phases d’instruction des propositions de modifications de normes.

Pour ce qui est du financement, le Centre national pour le développement du sport apporte, je le rappelle, un soutien d’environ 100 millions d’euros par an à l’investissement dans les équipements sportifs – 105 millions d’euros pour 2011, hors soutien, bien sûr, aux stades concernés par l’organisation de l’Euro 2016.

Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement est donc conscient des difficultés dont vous vous faites l’écho. S’il ne remet pas en cause le pouvoir réglementaire des fédérations sportives, il a choisi de renforcer significativement la voix des collectivités territoriales dans le processus d’élaboration de ces normes.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Hummel.

Mme Christiane Hummel. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir reconnu l’implication des collectivités territoriales en matière d’équipement, et singulièrement d’équipements sportifs.

Je ne doutais pas que le Gouvernement soit très proche de nos préoccupations. Je suis néanmoins encore un peu inquiète en ce qui concerne les décisions que prendra la Fédération française de football. Et puisqu’il s’agissait de la dernière question inscrite à l’ordre du jour de ce matin, je souhaite à tous un bon appétit.

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Modification d’une liste de candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle a apporté une modification à la liste des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles.

Cette nouvelle liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu ultérieurement lorsque le Gouvernement formulera effectivement sa demande.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures cinquante, sous la présidence de Mme Monique Papon.)

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011
Discussion générale (suite)

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 (projet n° 653, rapport n° 671).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 s’inscrit totalement dans la politique de revalorisation du travail que nous menons depuis 2007 sous l’impulsion du Président de la République. Il porte en effet la mesure qui instaure une prime sur les dividendes dans les entreprises d’au moins cinquante salariés : c’est l’article 1er de ce projet de loi. (M. Guy Fischer s’exclame.)

Avant de revenir en détail sur cette mesure, je tiens à remercier le rapporteur, Alain Vasselle, et la commission des affaires sociales ainsi que sa présidente, Muguette Dini, pour la qualité de leur travail.

Je vais à présent rappeler brièvement le principe de cette prime.

Il y a deux ans, au moment où notre pays traversait, comme le reste du monde, une crise d’une ampleur sans précédent, le Président de la République a voulu que s’engage une réflexion pour permettre une meilleure répartition des fruits de l’effort collectif. (M. Guy Fischer s’exclame de nouveau.)

Voilà pourquoi, à l’issue du sommet social du 18 février 2009, il a demandé à Jean-Philippe Cotis, directeur général de l’INSEE, d’établir, en lien avec les organisations syndicales et patronales, un rapport sur le partage de la valeur ajoutée, le partage des profits et les écarts de rémunérations en France.

Sur la base de ce rapport, le Président de la République a souhaité que les organisations patronales et syndicales puissent ouvrir des discussions entre elles sur ce partage de la valeur. Celles-ci n’ont pas pu aboutir à un accord. Le Gouvernement a donc pris tout naturellement ses responsabilités.

Cette réforme apporte une réponse concrète aux attentes des salariés qui veulent pouvoir profiter, eux aussi, des fruits de la reprise au sortir de la crise.

M. Guy Fischer. Seulement 4 millions de salariés sur 25 !

M. Xavier Bertrand, ministre. Si les dividendes augmentent dans une entreprise, c’est bien sûr grâce aux actionnaires, qui ont mis leur argent dans le capital, mais c’est aussi, convenons-en, grâce aux salariés. Il est donc normal que, si l’entreprise réalise des bénéfices, et distribue par conséquent des dividendes aux actionnaires, les salariés reçoivent aussi davantage, sous la forme d’une prime, c'est-à-dire non pas à la place du salaire, mais en plus.

Nous prolongeons ainsi la logique de l’intéressement et de la participation mis en place par le général de Gaulle : ces dispositifs, je le rappelle, concernent aujourd’hui plus de 9 millions de salariés.

Concrètement, le dispositif qui vous est proposé est le suivant : lorsqu’une société commerciale de 50 salariés et plus augmente son dividende par action par rapport à la moyenne des deux années précédentes, elle est tenue de verser une prime à ses salariés. Une négociation est prévue sur ce sujet entre le chef d’entreprise et les salariés.

La loi fixera le principe de cette prime, mais son montant et ses modalités seront discutés de la manière la plus souple possible au sein de chaque entreprise, parce que la situation de chacune d’entre elles est différente. En effet, il ne revient pas au ministre du travail et de l’emploi de fixer le montant de cette prime.

M. Guy Fischer. Ah non !

M. Xavier Bertrand, ministre. Les négociateurs pourront d’ailleurs prévoir un autre avantage de nature pécuniaire, comme un supplément d’intéressement ou des actions gratuites, dès lors que cet avantage résulte bien de la hausse des dividendes. Il est juste que la situation des entreprises qui s’engagent dans l’esprit de cette réforme soit pleinement reconnue.

Pour autant, même si la situation des PME est différente, leurs salariés pourront, eux aussi, être concernés. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, si le dividende par action augmente par rapport à la moyenne des deux années précédentes, ces dernières pourront distribuer volontairement la prime à leurs salariés, avec les mêmes exonérations de charges sociales.

À un moment donné, à entendre les uns et les autres, on a pu croire que tout le monde était contre cette prime. Sauf les Français, les salariés et les chefs d’entreprise !

Les sondages le montrent, cette mesure recueille l’avis favorable des patrons de PME – 74% des dirigeants de PME indiquent vouloir verser une prime à leurs salariés, c'est-à-dire, excusez du peu, les trois quarts d’entre eux ! – et des Français, 62 % d’entre eux estimant qu’il s’agit d’une mesure positive. C’est bien d’écouter la voix des Français !

Je voudrais, enfin, souligner deux apports résultant de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale.

Premièrement, pour répondre à un souhait qu’elles expriment depuis longtemps, les PME auront la faculté de conclure beaucoup plus facilement des accords d’intéressement, sur des périodes d’un an.

L’intéressement, c’est souple, c’est simple, et c’est un dispositif qui présente les mêmes avantages que la prime, avec des critères, que l’entreprise doit définir, fixés par l’accord : hausse des résultats, de la productivité, de la satisfaction des clients, par exemple. Cela permet de récompenser l’effort collectif, avec les mêmes avantages pour l’entreprise en termes d’exonération de charges. À cet égard, le Gouvernement va travailler avec les PME pour proposer rapidement des canevas d’accords types aux entreprises.

Deuxièmement, le dispositif de la prime s’appliquera jusqu’à l’intervention d’une loi suivant les résultats d’une négociation nationale interprofessionnelle sur la question du partage de la valeur. Cette négociation pourra notamment proposer des adaptations législatives dans le champ de la participation et de l’intéressement.

Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui est entièrement centré sur l’article 1er, alors qu’il comporte pourtant quinze articles.

Comme vous le savez, les articles 2 à 15 sont les articles « obligés » du PLFRSS, avec notamment les prévisions de recettes et de dépenses. Par rapport à la loi de financement initiale de la sécurité sociale pour 2011, nous avons actualisé les recettes et dépenses du régime général pour tenir compte des informations les plus récentes dont nous disposons.

Le principal enseignement que nous tirons de la révision des chiffres du régime général est que la conjoncture économique s’améliore et que par conséquent la sécurité sociale en bénéficie.

Alors que la loi de financement de la sécurité sociale prévoyait un déficit du régime général de 20,9 milliards d’euros, nous avons révisé ce solde à 19,5 milliards d’euros en 2011. Le régime général devrait bénéficier de recettes supplémentaires, du fait notamment d’une hypothèse de progression de 3,2 % de la masse salariale, supérieure à celle qui était associée à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, soit 2,9%.

Les dernières estimations de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, pour le premier trimestre de 2011, rendues publiques le 9 juin dernier, montrent que la reprise de l’emploi s’est poursuivie au premier trimestre de cette année à un rythme soutenu et que la progression du salaire moyen par tête a été particulièrement dynamique, avec une progression de 1,7 %.

Ces résultats sont encourageants : avec une progression de 2,1 % de la masse salariale durant le premier trimestre, la prévision de croissance de 3,2 % sur l’année entière est réaliste, et nous n’excluons d’ailleurs pas un résultat encore meilleur.

En matière de dépenses, nous ne relâchons pas nos efforts. Nous tiendrons, en 2011, pour la deuxième année consécutive, l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, comme cela a été confirmé par le comité d’alerte le 30 mai dernier, et nous mettons en œuvre la réforme des retraites, qui produit ses premiers effets dès cette année. On peut même parler ici des réformes des retraites, avec la réforme Woerth votée l’an dernier et la réforme Fillon de 2003 : en France, nous le savons, ce n’est pas un scoop, nous agissons à la fois sur l’âge et la durée de cotisation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la mesure principale de ce projet de loi, la prime liée à la hausse des dividendes, répond à une forte attente de nos concitoyens. Plus qu’une mesure de pouvoir d’achat, il s’agit d’une mesure de justice. Il est essentiel que le travail des Français soit reconnu et légitimement rétribué. C’est par des actes que nous voulons répondre à cette exigence d’équité et, avec vous, nous sommes, aujourd'hui, au rendez-vous. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Il faut augmenter les salaires ! La prime a été vite vendue !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, c’est une première.

Lorsque la loi de financement de la sécurité sociale a été instituée, il était prévu que le Gouvernement pourrait venir devant nous pour nous faire examiner des lois rectificatives.

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le Gouvernement n’en a jamais éprouvé le besoin, et pour cause !

Les lois de financement comportent une partie dans laquelle il arrête les résultats de l’exercice passé, une partie dans laquelle il corrige les résultats de l’année en cours ou en voie de se terminer et deux parties sur la perspective de l’année future.

Cette façon de faire est relativement confortable pour le Gouvernement : on ne touche à rien et l’on attend la loi de financement suivante !

Mes chers collègues, voilà peu, nous avons examiné une loi tendant à réformer constitutionnellement nos lois de finances et nos lois de financement, tout au moins à créer des lois de programmation.

Mais on a voulu graver dans le marbre le fait qu’il ne soit dorénavant plus possible de déposer des amendements lors de l’examen de projets de loi présentés par le Gouvernement tout au long de l’année ou des propositions de loi ayant des incidences financières qui perturberaient l’équilibre général des lois de finances et des lois de financement.

M. Guy Fischer. C’est pour museler l’opposition !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas pour museler l’opposition, car cela peut aussi bien être pour museler la majorité.

M. Guy Fischer. Le rapporteur général ? (Sourires.)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Peut-être pas le rapporteur général !

À partir du moment où l’on se donne des règles, on s’efforce de les suivre et de les respecter ! (M. Yves Daudigny s’exclame.)

Nous avons eu un large débat sur ce sujet. Nous y reviendrons le lundi 11 juillet lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques.

Au Sénat, nous étions convenus ensemble de ne pas brider les parlementaires, comme l’a dit M. Guy Fischer, dans leur volonté de déposer des amendements ou des propositions de loi. C’est la raison pour laquelle nous étions opposés au monopole.

Nous avions donc prévu que tout amendement ou toute proposition de loi examiné au fil de l’eau, ayant des incidences financières, ferait l’objet d’une validation lors de l’examen de la loi de finances ou de financement suivante. Cette mesure a été adoptée par le Sénat. Mais l’Assemblée nationale vient de la retoquer et nous voilà de retour à la case départ ! Nous en reparlerons donc lundi prochain.

Dans notre esprit, il existe un moyen de sortir par le haut de cette situation : c’est que le Gouvernement s’engage à examiner systématiquement une loi rectificative chaque fois qu’une nouvelle disposition provoque un déséquilibre des lois de finances et des lois de financement. Je prendrai l’exemple de la réforme des retraites ou de cette fameuse prime de partage des profits dont nous allons débattre aujourd’hui.

Ce n’est pas autre chose que nous sommes en train de faire. En fait, nous appliquons avant la lettre l’esprit de la réforme constitutionnelle que le Gouvernement veut nous faire adopter. Pour la première fois, nous examinons une loi rectificative à la loi de financement de la sécurité sociale afin d’apprécier les conséquences de cette prime et toutes les mesures qui l’accompagnent : le forfait social qui s’appliquera et l’exonération des cotisations sociales jusqu’à un montant de prime qui ne devrait pas être supérieur à 1 200 euros.

M. Guy Fischer. Toujours plus pour M. Serge Dassault !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous y voilà ! La question qui se pose est de savoir si nous sommes prêts à approuver ou non cette mesure. Voulant respecter l’esprit de la réforme souhaitée par le Président de la République et la volonté du Gouvernement, la majorité sénatoriale apportera, bien entendu, son soutien à cette initiative. Toutefois, nous présenterons quelques amendements aux dispositions du texte qui nous est soumis.

Ce projet de loi comporte deux volets.

Le premier porte sur le réajustement des comptes tels que nous les avions examinés au moment de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Le second concerne la prime et se limite à un seul article dont je vais vous parler dans un instant.

J’en viens aux comptes de la sécurité sociale en 2011.

M. le ministre nous a déjà donné quelques informations. Les modifications qui sont apportées portent notamment sur le déficit attendu de l’ensemble des branches de la sécurité sociale.

Nous étions partis d’un déficit du régime général de l’ordre de 20,9 milliards d’euros. Il ne sera en réalité que de 19,5 milliards d’euros. Cela s’explique par une augmentation des recettes pour près de 1 milliard d’euros et une baisse des dépenses de 400 millions d’euros.

Le milliard d’euros d’augmentation des recettes est constitué de 600 millions d’euros au titre de la progression de la masse salariale, plus dynamique que prévue, et de près de 400 millions d’euros au titre des contributions sociales sur la prime qui figure à l’article 1er.

La baisse des dépenses de 400 millions d’euros est due à la branche famille, en raison de la diminution des dépenses d’allocation logement, et, dans une moindre mesure, à la branche vieillesse, qui enregistre les premiers effets de la réforme des retraites, avec une baisse encore modeste des dépenses de pensions de droits directs. Cela justifie les décisions que nous avons prises antérieurement pour contribuer, à terme, à un meilleur équilibre des comptes de la branche vieillesse. Nous nous étions fixé comme horizon 2018 ou 2020 pour atteindre l’équilibre.

Pour les autres branches, les prévisions de l’automne dernier ne sont pas modifiées. L’objectif national de dépenses d'assurance maladie, fixé en décembre à 167,1 milliards d’euros, sera respecté. Le comité d’alerte, réuni au mois d’avril et fin mai, a confirmé ces prévisions. Il n’y avait donc aucune raison que le Gouvernement révise des prévisions qui ne sont pas mises en cause.

Parmi les dispositions devant obligatoirement figurer dans cette loi de financement rectificative, je voudrais mentionner deux articles importants.

Tout d’abord, l’article 9 qui détermine les plafonds de ressources non permanentes auxquelles certains régimes de sécurité sociale peuvent recourir. Cet article vise à rectifier le montant du plafond applicable à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale en le fixant à 18 milliards d’euros. Dans la loi de financement initiale, ce plafond avait été fixé à 58 milliards d’ici à la fin mai 2011, puis à 20 milliards au-delà.

Selon l’exposé des motifs, l’amélioration de la situation financière du régime général permet la réduction de ce plafond. En réalité, celui-ci reste défini à un niveau particulièrement élevé et excessivement prudent, car le point bas de la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale pour la deuxième partie de l’année ne devrait pas dépasser 10,2 milliards d’euros à la mi-juillet. Vous constaterez que le Gouvernement prend une marge de sécurité suffisamment confortable pour ne pas être confronté à des imprévus.

Ensuite, l’article 8 qui approuve les prévisions quadriennales rectifiées. Dans le document annexé au projet de loi, trois hypothèses, dont nous n’étions pas certains qu’elles se concrétisent, sont revues.

La progression de la masse salariale du secteur privé, au lieu de 2,9 %, pourrait atteindre 3,2 % en 2011, mais n’augmenterait que de 4,2 % en 2012 au lieu de 4,5 % dans les prévisions initiales.

L’inflation pour 2011 est également corrigée à la hausse à 1,8 % au lieu de 1,5 %.

Enfin, la croissance du PIB est légèrement revue à la baisse pour 2012, à 2,25 % au lieu de 2,5 %.

En dépit de ces quelques ajustements, les trajectoires de déficit ne sont pratiquement pas modifiées et le déficit du régime général se stabiliserait simplement, s’élevant encore à 17,7 milliards d’euros en 2014, un montant relativement élevé.

L’accumulation d’une nouvelle dette sociale en résultera évidemment, ce qui n’est pas soutenable dans la durée. Cela nous amènera sans doute à faire, de nouveau, appel à la Caisse d’amortissement de la dette sociale pour prendre en charge le déficit cumulé que nous aurons constaté à la fin de cette période quadriennale.

J’en viens maintenant à la prime créée par l’article 1er du projet de loi.

Cette mesure trouve son origine dans le rapport commandé par le Président de la République à Jean-Philippe Cotis, le directeur général de l’INSEE, sur le partage de la valeur ajoutée, le partage des profits et les écarts de rémunérations.

Le rapport rendu public en mai 2009 indique tout d’abord que la part de la rémunération des salariés dans la répartition de la valeur ajoutée en France est restée relativement stable, autour de 65 % depuis la deuxième moitié des années quatre-vingt, avec toutefois de fortes disparités selon la taille et le secteur des entreprises. Elle s’élève ainsi à 67 % dans les petites et moyennes entreprises, contre 56 % dans les entreprises de plus de 5 000 salariés. Et, si elle atteint 81 % dans la construction, ce niveau n’est que de 62 % dans l’industrie.

Le rapport indique également que le choix d’une protection sociale de haut niveau explique en grande partie la progression « extrêmement faible » des salaires nets depuis le début des années quatre-vingt-dix. Sur longue période, la masse salariale a évolué pratiquement au même rythme que l’activité, mais la part d’activité perçue par les 1 % de salariés les mieux rémunérés est, elle, passée de 5,5 % à 6,5 % entre 1996 et 2006. Selon le rapport, « Ceci a contribué au sentiment de déclassement relatif du salarié médian, progressivement rejoint par le bas de l’échelle et fortement distancé par l’extrémité haute de cette même échelle ».

Le rapport analyse enfin la suggestion, souvent avancée, d’une répartition égale des bénéfices entre les entreprises, pour la réalisation de nouveaux investissements, les actionnaires, à travers la distribution de dividendes, et les salariés, au titre de l’intéressement et de la participation.

Il conclut qu’elle paraît difficile à mettre en œuvre. Elle est en effet loin de correspondre à la situation actuelle, puisque la proportion est estimée à 57 % pour l’investissement, 36 % pour les actionnaires et 7 % seulement pour les salariés. J’ajouterai, en aparté, exception faite pour Serge Dassault, qui, dans son entreprise, procède à une répartition sur la base de ces trois tiers !

On observe néanmoins, il est vrai, que la part des dividendes distribués a quasiment doublé depuis dix ans et, sur la période récente, cette progression a, semble-t-il, été accompagnée d’une baisse de la part des investissements autofinancés.

Les partenaires sociaux ont été invités à se saisir de cette question de la répartition de la valeur ajoutée. Ils l’ont inscrite à leur ordre du jour dès le mois de juin 2009. Elle n’a toutefois pas encore reçu de réponse et, depuis, son champ a été limité aux modalités d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel sur la création et le partage de la valeur ajoutée.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la prime créée à l’article 1er. Elle a plusieurs caractéristiques.

Elle s’imposera lorsqu’une société aura attribué à ses associés ou actionnaires des dividendes en augmentation par rapport à la moyenne de ceux qui sont versés au cours des deux exercices précédents. C’est l’élément de déclenchement de la distribution de la prime.

Elle sera obligatoire pour les entreprises de plus de cinquante salariés et facultative sous ce seuil.

Elle s’appliquera dans les groupes, et toutes les entités du groupe devront attribuer une prime si les dividendes augmentent dans la société de tête.

Elle devra bénéficier à l’ensemble des salariés des entreprises concernées, mais pourra, comme la participation, être modulée en fonction du montant des salaires ou de l’ancienneté.

Le dispositif sera négocié dans chaque entreprise ; en cas d’impossibilité de conclure un accord, la prime pourra être attribuée par décision unilatérale de l’employeur.

Elle ne pourra se substituer à aucune augmentation de rémunération prévue par ailleurs.

Son régime social est aligné sur celui de l’intéressement et de la participation : sous un plafond de 1 200 euros, dont j’ai fait état au début de mon propos, elle sera exonérée de cotisations patronales et salariales de sécurité sociale, mais assujettie à la CSG au taux de 7,5 %, à la CRDS au taux de 0,5 %, et au forfait social au taux de 6 %. Par ailleurs, comme l’intéressement et la participation, l’exonération dont la prime bénéficiera ne sera pas compensée aux organismes de sécurité sociale, ce qui est bien dommage !

Enfin, ce dispositif est conçu comme une mesure pérenne qui s’appliquera pour toute attribution de dividendes décidée à compter du 1er janvier 2011.

Une « clause de rendez-vous » est prévue pour permettre d’éventuelles adaptations législatives au regard de son application. Par ailleurs, si la négociation interprofessionnelle aboutit, une nouvelle loi pourra modifier le dispositif de la prime.

Monsieur le ministre, je pense qu’il sera effectivement nécessaire de fixer un rendez-vous pour savoir comment les entreprises appliquent cette disposition. Il ne faudrait pas que certaines d’entre elles refusent de procéder à des augmentations de salaires. Il suffirait qu’elles provoquent une légère augmentation des dividendes et se servent de la prime pour éviter de payer des cotisations sociales patronales supplémentaires. Et le tour est joué ! Mais ce serait autant de recettes en moins pour la sécurité sociale et, si les effets ne se feraient pas sentir immédiatement, ils auraient des conséquences sur le moyen ou le long terme.

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le versement de la prime pourrait concerner 4 millions de salariés ; ceux-ci recevraient en moyenne 700 euros.