M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. Je ne vais pas reprendre l’exégèse du mot « expert », après le brillant exposé de notre collègue Jean-Louis Lorrain à l’instant, car je risquerais de lasser…

Nous devons examiner la proposition de nos collègues à l’aune de notre objectif, qui est de nous doter d’une expertise transparente, et donc indépendante. Cela suppose de conduire une réflexion sur le statut des experts si l’on ne veut pas que ces derniers aient des liens avec l’industrie pharmaceutique ou avec les laboratoires.

Pour en arriver là, soyons honnêtes, il faut faire exactement ce que vient de dire Mme Pasquet. Il s’agit non pas d’un rapport de plus, mais, bien au contraire, d’un outil qui nous permettra, à partir d’une analyse objective, d’apporter une réponse qui soit en cohérence avec ce projet de loi.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Ronan Kerdraon. Nous avons tous dit, en tout cas au moins les sénateurs de gauche, combien ce projet de loi tel qu’il était issu de l'Assemblée nationale était imparfait et incomplet. Nous sommes en train de l’améliorer.

M. Ronan Kerdraon. Le rapport dont nous discutons est une proposition de plus émanant de ceux qui sont dans l’opposition nationale, mais majoritaires dans cet hémicycle.

Le groupe socialiste-EELV votera donc cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

Article additionnel après l’article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé
Article 2 (début)

Article 1er bis (nouveau)

Après le premier alinéa de l’article L.1415-4 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ne peuvent être nommées aux fonctions de président du conseil d'administration et de président du conseil scientifique, que les personnes ayant répondu à un appel à candidature, satisfaisant aux conditions mentionnées dans ce dernier et qui auraient fait la démonstration qu’elles n’ont pas d’intérêts directs ou indirects avec le champ de compétence de la Haute Autorité, dans les trois années qui précèdent leur candidature. Un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles les personnes candidates à la présidence du conseil d'administration et du conseil scientifique, font connaître l’absence de lien d’intérêts et les conditions dans lesquelles ce document est rendu public. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 25 est présenté par M. Barbier.

L'amendement n° 56 est présenté par M. Lorrain, Mme Jouanno, M. Milon, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Cardoux, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mme Giudicelli, M. Gournac, Mmes Hummel et Kammermann, MM. Laménie et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary et Villiers.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 25.

M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er bis qui a été ajouté en commission à la demande de nos collègues du groupe CRC.

Cet article est en effet redondant avec l’alinéa 9 de l’article 1er, qui précise déjà très clairement les conditions dans lesquelles les candidats aux postes proposés doivent démontrer l’absence de liens d’intérêts.

Je ne vois donc pas ce qu’apporte cet article, si ce n’est l’appel à candidatures. Mais celui-ci risque de compliquer et de retarder sérieusement le processus de recrutement des présidents.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour présenter l'amendement n° 56.

M. Jean-Louis Lorrain. L’article 1er bis précise que le président du conseil d’administration ainsi que celui du conseil scientifique de l’Institut national du cancer sont nommés après avoir répondu à un appel à candidatures. Dans le cadre de cette procédure, ils doivent apporter la preuve qu’ils n’ont pas de liens d’intérêts avec le champ de compétence de la Haute Autorité de santé.

Or cette disposition, qui n’est pas harmonisée avec celles des autres instances intervenant dans le champ de la sécurité sanitaire, ne relève pas du domaine législatif. Je propose donc de la supprimer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Cazeau, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à supprimer l’article 1er bis, qui a été inséré par la commission. Nous y sommes donc défavorables.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements identiques de suppression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 et 56.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Chapitre II

Avantages

Article 1er bis (nouveau)
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Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

I. – Après le chapitre II du titre V du livre IV de la première partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Avantages consentis par les entreprises

« Art. L. 1453-1. – Au terme de chaque année civile, les entreprises produisant ou commercialisant des produits mentionnés au II de l’article L. 5311-1 ou assurant des prestations associées à ces produits sont tenues de rendre publiques les conventions conclues ou appliquées au cours de l’année considérée entre elles et :

« 1° Les professionnels de santé relevant de la quatrième partie du présent code ;

« 2° Les associations de professionnels de santé ;

« 3° Les personnes morales assurant la formation initiale des professionnels de santé mentionnés au 1° ou participant à cette formation ;

« 4° Les associations d’usagers du système de santé ;

« 5° Les établissements de santé relevant de la sixième partie du présent code ;

« 6° Les fondations, les sociétés savantes et les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans le secteur des produits ou prestations mentionnés au premier alinéa ;

« 7° Les entreprises éditrices de presse, les éditeurs de services de radio ou de télévision et les éditeurs de services de communication au public en ligne ;

« 8° Les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation.

« II. – La même obligation s’applique à tous les avantages ou rémunérations, en nature ou en espèces, que les mêmes entreprises procurent ou versent, directement ou indirectement, aux personnes physiques ou morales mentionnées aux 1° à 8° du I et aux parlementaires nationaux et européens, aux membres des cabinets des ministères en charge de la santé et de la sécurité sociale ainsi qu’aux membres du Gouvernement.

« III. – L’ensemble des informations collectées en application du présent article sont disponibles sur un site internet unique et gratuit, conçu pour assurer un accès aisé à tout ou partie de ces informations et pour permettre des recherches à partir de la raison sociale de chacune des entreprises mentionnées au premier alinéa du I, ou du nom ou de la raison sociale des personnes énumérées aux alinéas 1° à 8° du même paragraphe.

« Sont également disponibles sur le site les informations relatives aux sanctions prononcées, en application de l’article L. 1454-3, en cas de non-respect des obligations définies au présent article.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »

II. – L’article L. 4113-6 du même code est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « au présent livre » sont insérés les mots : « ou les étudiants se destinant à ces professions, » ;

bis (Supprimé) 

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne sauraient soumettre à convention les relations normales de travail. » ;

(Supprimé)

4° (nouveau) Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'entreprise est tenue de faire connaître à l'instance ordinale compétente si la convention a été mise en application. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 57, présenté par M. Lorrain, Mme Jouanno, M. Milon, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Cardoux, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mme Giudicelli, M. Gournac, Mmes Hummel et Kammermann, MM. Laménie et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary et Villiers, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

publiques les conventions

par les mots :

publique l’existence des conventions

II. – Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les étudiants se destinant aux professions relevant de la quatrième partie du présent code ainsi que les associations et groupements les représentant ; 

III. – Alinéa 11

Après les mots :

Les entreprises éditrices de presse

insérer les mots :

spécialisées s’adressant principalement aux professionnels de santé

IV. – Alinéa 13

Supprimer les mots :

ou rémunérations

V. – Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

VI. – Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, la nature des informations qui doivent être rendues publiques, notamment l’objet et la date des conventions mentionnées au I, ainsi que les modalités de publication et d’actualisation de ces informations. »

VII. – Alinéa 18

Après le mot :

professions

insérer les mots :

ainsi que les associations les représentant

VIII. – Alinéa 19

Rétablir le 1° bis dans la rédaction suivante :

 bis Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il ne s’applique pas non plus aux avantages prévus par conventions passées entre les étudiants se destinant aux professions médicales et des entreprises dès lors que ces conventions ont pour objet des activités de recherche dans le cadre de la préparation d’un diplôme. » ;

IX. – Alinéa 22

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

3° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il en va de même, en ce qui concerne les étudiants se destinant aux professions médicales, pour l’hospitalité offerte, de manière directe ou indirecte, lors de manifestations à caractère scientifique auxquelles ceux-ci participent, lorsque cette hospitalité est d’un niveau raisonnable et limitée à l’objectif scientifique principal de la manifestation. »

La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis Lorrain. Cet amendement vise à instaurer un Sunshine Act « à la française » – les Britanniques ont opté pour une autre formule – de manière à favoriser une transparence maximale des liens d’intérêts entre l’industrie pharmaceutique et les parties prenantes intervenant dans le champ de la santé, et de mettre ainsi fin au soupçon de collusion entre ces différents acteurs.

Transparence doit en outre rimer avec cohérence. Ainsi, il est nécessaire de prévoir un seuil minimal, fixé en concertation avec les parties, qui permettrait de se concentrer sur les avantages les plus importants, sans pour autant sous-estimer l’effet des « petits cadeaux ».

L’amendement vise également à étendre aux étudiants tout le dispositif issu de la loi de 1993 dite « anti-cadeaux », texte applicable aux membres des professions médicales, de sorte qu’aucun des acteurs susceptibles d’avoir des liens avec l’industrie pharmaceutique ne soit exclu du champ d’application de la mesure introduite par notre texte.

L’objectif est non de légitimer une pratique d’ores et déjà existante, mais de l’encadrer juridiquement.

M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Gilles, Mme Bruguière, Mlle Joissains, Mme Sittler, MM. Dulait et Houpert, Mme Deroche et MM. B. Fournier, Lefèvre et Beaumont, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés fixe les conditions d’application du présent article et la définition des catégories de personnes physiques ou morales concernées. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. L’article 2 prévoit une déclaration par les industriels, sur leur propre site internet, des liens qu’ils entretiennent avec plusieurs catégories de partenaires. Les professionnels de santé, associations de professionnels de santé, étudiants, associations de patients, établissements de santé, fondations, sociétés savantes, organismes de conseils et organes de presse sont concernés par la publication de ces conventions, tout comme les avantages en nature ou en espèces – hospitalité et dons –, au-delà d’un certain seuil.

Les conditions d’application et la nature des informations publiées, les délais et les modalités de publication, sont renvoyés à un décret.

Toutefois, on peut remarquer que la philosophie du dispositif proposé va au-delà de la prévention des conflits d’intérêts, qui aurait impliqué que la transparence concerne seulement les personnes participant à la prise de décision publique. Le texte vise en réalité la transparence de l’ensemble des liens de l’industrie avec ses partenaires, professionnels de santé, monde associatif, étudiants, conseils, ce qui pose problème au regard du droit à la protection de la vie privée.

Ce dispositif s’inspire de la loi américaine dite « Sunshine Act ». Dans les États qui l’ont déjà mis en œuvre, le Vermont, par exemple, on constate déjà l’inquiétude des médecins quant à d’éventuels appels au boycott de la part de certaines associations, à l’affût de leurs liens d’intérêts.

Par ailleurs, la publication de toutes les conventions des entreprises avec les intervenants du secteur, y compris lorsqu’ils n’ont aucun rôle d’expertise publique, risque d’avoir des conséquences négatives sur les partenaires publics-privés de recherche. Que l’on se réfère aux recherches cliniques, où le rôle des investigateurs et chercheurs cliniciens est majeur pour attirer en France les essais cliniques industriels ou académiques.

Il est intéressant de comparer l’article 2 du présent texte avec les dispositions du projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, déposé à l’Assemblée nationale le 27 juillet. Ce dernier projet de loi prévoit que seules les déclarations d’intérêts des membres du Gouvernement seront publiées. L’étude d’impact indique que même s’il n’y a pas d’extension de publicité des déclarations, si l’exigence de prévention des conflits d’intérêts implique que l’autorité dont relèvent les déclarants connaisse les intérêts déclarés, l’atteinte à la liberté individuelle et au respect de la vie privée que constituerait la publication des déclarations semble trop importante au regard du bénéfice qu’apporte la publicité.

Dès lors, il est difficilement compréhensible que la question de l’atteinte au respect de la vie privée ne se pose pas ici aussi. L’avis préalable de la CNIL serait donc une garantie nécessaire, car on touche là à des questions de protection de données personnelles et de la vie privée.

M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Gilles, Mme Bruguière, Mlle Joissains, Mme Sittler, MM. Dulait et Houpert, Mmes Deroche et Cayeux et MM. B. Fournier, Lefèvre, Beaumont et Cléach, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il précise également les modalités suivant lesquelles les ordres des professions de santé sont associés à cette publication.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. L’ordre des médecins, qui examine 80 000 conventions par an, s’est doté d’un outil informatique permettant de rendre opérationnelle la publication des liens d’intérêts dans de brefs délais.

Il y a donc lieu de prévoir une modification du texte afin de faire apparaître le rôle des ordres dans la publicité des liens d’intérêts relatifs aux professionnels de santé.

M. le président. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par M. Barbier, Mme Escoffier, MM. Mézard, Alfonsi et Collin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

notamment les moyens de contrôle auquel sont associés les ordres professionnels

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Cet amendement, comme celui qui vient d’être présenté, a pour objet de nous permettre d’agir de manière efficace dans le cadre des nouvelles règles de transparence.

La création d’une structure spécialisée a été repoussée. Or le Conseil national de l’ordre des médecins, par exemple, examine chaque année 80 000 conventions.

Cet amendement vise donc à préciser que le décret en Conseil d’État détermine également les moyens de contrôle auxquels sont associés les ordres professionnels. Cela me paraît fondamental si l’on veut garantir l’efficacité de ces contrôles.

M. le président. L'amendement n° 98, présenté par M. Cazeau, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Après les mots :

à ces professions

insérer les mots :

ainsi que les associations ou groupements les représentant,

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 57, 16 rectifié, 17 rectifié et 30 rectifié.

M. Bernard Cazeau, rapporteur. L’amendement no 98 tend, à l’article L. 4113-6 du code de la santé publique, à étendre aux associations étudiantes l’interdiction de recevoir des avantages de l’industrie pharmaceutique.

Sur l’amendement no 57, la commission a émis un avis défavorable, car il revient sur des modifications que nous avons apportées à l’article instaurant le Sunshine Act « à la française ».

L’amendement vise en effet à supprimer l’obligation de publication des conventions, alors que la commission considère que leur seule existence ne saurait avoir un effet suffisant. Il tend également à supprimer toute mention des rémunérations que peuvent prévoir ces conventions, ainsi que la publication, pourtant prévue par la loi américaine, des sanctions encourues en cas de non-respect des dispositions prévues à l’article 2.

Si nous avons conservé les dispositions qui interdisent aux étudiants de recevoir des avantages de l’industrie pharmaceutique, c’est parce que nous ne souhaitons pas que de futurs professionnels de santé prennent l’habitude de considérer qu’il est normal de recevoir des aides de l’industrie, voire de les solliciter.

Nous considérons que c’est à l’université qu’il revient éventuellement de collecter des fonds, de toutes origines, pharmaceutiques ou autres, et de les répartir en fonction de la qualité des demandes des étudiants, congrès ou thèses.

La commission est favorable à l’amendement no 16 rectifié, qui prévoit l’avis préalable de la CNIL pour garantir la protection des données personnelles et de la vie privée.

En revanche, la commission est défavorable à l’amendement no 17 rectifié, car elle considère qu’il est inutile de légiférer pour prévoir la consultation des ordres professionnels, car il entre déjà dans leurs missions de juger de la régularité et de leur opportunité des procédures.

La commission est également, pour les mêmes raisons, défavorable à l’amendement no 30 rectifié, qui a le même objet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement no 57.

Il souhaite le retrait de l’amendement no 16 rectifié ; à défaut il y sera défavorable.

Il est favorable à l’amendement no 17 rectifié, ainsi qu’à l’amendement no 30 rectifié, qui renforce les moyens de contrôle des ordres professionnels.

Enfin, monsieur le rapporteur, si l’amendement no 57 est adopté, votre amendement no 98 sera satisfait. Je ne puis donc qu’y être défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote sur l'amendement n° 57.

Mme Isabelle Pasquet. Le groupe CRC votera contre cet amendement qui non seulement prévoit un retour au texte de l’Assemblée nationale, entraînant une remise en cause les améliorations obtenues en commission, mais qui de surcroît obscurcit encore un système que tout le monde souhaite aujourd’hui plus transparent.

Je ne prendrai que deux exemples.

Tout d’abord, le paragraphe I de cet amendement vise à revenir à la situation juridique existante, où seule est rendue publique l’existence des conventions formées entre des professionnels de santé et des firmes pharmaceutiques ou d’autres industriels, alors que le texte tel qu’il est issu des travaux de notre commission prévoit de rendre également public le contenu des conventions.

Ce serait d’ailleurs, mes chers collègues, le sens même d’un véritable Sunshine Act. Vous le savez, les dispositions du Sunshine Act ont été intégrées dans le droit américain par le biais d’un amendement dû à l’initiative d’un sénateur républicain, Charles Grassley. Elles visent à rendre publiques les sommes que versent les firmes pharmaceutiques aux médecins.

Permettez-moi de vous rappeler la teneur de cet amendement : la déclaration devra inclure les compensations, repas, divertissements ou cadeaux, excursions ou voyages, des produits ou autres choses proposés pour moins que leur valeur marchande, des frais de participation à des conférences ou à la formation médicale continue, des rabais ou remises, des honoraires ou paiements des interventions à titre de consultant, et tout autre bénéfice économique.

À l’occasion d’une conférence de presse, le sénateur Grassley déclarait : « Les firmes pharmaceutiques ne paieraient pas tout cet argent s’il n’avait pas un effet direct sur les prescriptions et les dispositifs médicaux que les médecins utilisent. Pour les patients, tout ce côté reste dans l’obscurité, ils ne savent pas si leurs médecins reçoivent ou non de l’argent. »

L’amendement visant à rendre transparents les paiements des médecins par les firmes, devenu depuis le Sunshine Act, fait la lumière sur ces liens financiers cachés et, comme le soulignait le sénateur Grassley, « éclaire les rapports obscurs entre médecins et firmes au moyen du meilleur désinfectant : le soleil ».

C’est de ce soleil que vous entendez priver aujourd’hui nos concitoyens.

Alors que nous étions au cœur de la crise et qu’un sondage venait de révéler que nos concitoyens avaient perdu confiance en notre système, vous vous déclariez, monsieur le ministre, favorable à une « forme absolue de transparence », précisant même que, pour y parvenir, il fallait la « publication, sous la responsabilité de chaque industriel, de toutes les conventions et rétributions passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, les sociétés savantes, les associations de patients et les organes de presse spécialisés. »

Vous poursuiviez en prônant, au cas où ces obligations de déclaration ne seraient pas respectées, la mise en place « de sanctions analogues à celles qui sont prévues par le code du commerce pour non-respect des obligations relatives aux comptes des entreprises. » Au regard de ce seul engagement, l’adoption de l’amendement no 57 constituerait un recul majeur.

Par ailleurs, cet amendement prévoit l’extension aux étudiants de la possibilité dont disposent les professionnels de santé de recevoir des cadeaux de la part des industriels.

Dans l’objet de cet amendement, on fait fort habilement référence à la loi anti-cadeaux de 1993, omettant simplement de préciser que cette loi a été considérablement réformée par une autre loi, adoptée en 1994, qui a autorisé sous certaines conditions les pratiques initialement interdites.

Aujourd’hui, vous proposez d’étendre ces dispositions aux étudiants, au risque que ces derniers deviennent aussi dépendants.

Autrement dit, alors que le but de ce projet de loi était de rendre les professionnels de santé moins dépendants des laboratoires, vous proposez de placer les étudiants sous perfusion de ces mêmes laboratoires.

Telle n’est pas notre conception de la transparence. Nous voterons donc contre cet amendement et demandons, compte tenu de la régression qu’il constitue, qu’il soit procédé à un vote par scrutin public, afin que nos concitoyens puissent tous connaître la position de chacun d’entre nous.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. Je vais m’efforcer d’apporter un peu de lumière dans cette discussion sur le Sunshine Act. (Sourires.)

Celui-ci ne prévoit pas la publication in extenso des conventions. D’ailleurs, le rapport de la mission commune d’information Autain-Hermange, auquel il est souvent fait référence, rappelle bien les conditions du Sunshine Act : les sociétés concernées sont tenues de déclarer les nom, adresse, numéro d’identification de l’hôpital ou du praticien ; doivent aussi être impérativement précisés le montant du paiement, sa date et la nature précise du « service » fourni par le médecin, ainsi que sa spécialité.

Par conséquent, toute la convention n’est pas publiée. Si tel devait être le cas, honnêtement, je crains que ce ne soit un peu lourd, et surtout parfaitement illisible pour nos concitoyens.

Concernant le paragraphe II de l’amendement, tout le monde est d’accord, puisqu’il s’agit d’étendre les mesures de transparence aux étudiants.

Cependant, s’agissant des paragraphes IV et V, pourquoi est-il proposé de supprimer les mots : « ou rémunérations » ? Tout simplement parce que le texte prévoit déjà les avantages en espèces. De la même façon, l’alinéa 15 de l’article 2 est redondant avec l’article 3 du projet de loi, qui prévoit déjà que les sanctions pénales sont publiées.

Donc, ne nous faites pas dire ce que nous ne disons pas ! La droite n’est absolument pas favorable à l’obscurité. Nous portons ce texte, et depuis le départ, mais il nous semble juste de revenir à des dispositions qui renforceront la transparence sans entamer la rationalité de la démarche. Publier toutes les conventions ne rendra service à personne.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je dirai juste un mot pour souligner l’importance de ces dispositions concernant les étudiants.

Les mesures proposées par les Assises du médicament, je le rappelle, étaient identiques à celles-ci. À ce propos, je voudrais souligner encore une fois l’apport exceptionnel du groupe de travail présidé par Alain-Michel Ceretti, un apport considérable pour toute la politique du médicament.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable et le Gouvernement un avis favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)