compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

M. François Trucy. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. François Trucy.

M. François Trucy. Je souhaite faire une remarque sur le compte rendu analytique de la séance historique qui s’est déroulée la nuit dernière. Il y est en effet attribué à M. Rémy Pointereau, à l’issue du scrutin sur la motion tendant à opposer la question préalable, la phrase suivante : « J’espère que M. Guérini a bien voté ».

Je revendique la paternité de cette intervention, car cette question me tracassait beaucoup à l’époque, et je ne voudrais pas susciter à M. Rémy Pointereau le moindre problème.

M. le président. Je vous donne acte de votre mise au point, mon cher collègue.

Il n’y a pas d’autre observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, je souhaite faire une rectification au sujet d’un vote.

Lors du vote de l’article unique de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, c’est par erreur que j’ai été déclaré comme m’étant abstenu. Chacun aura compris que je souhaitais voter pour.

M. Philippe Dallier. Ça oui, on avait compris : c’était clair ! (Sourires.)

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour un rappel au règlement

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 ter.

Après l’élection de M. Bel, nous avons cru que les principes de respect de l’opposition que nous avions arrêtés sous la présidence de M. Larcher seraient pérennisés, conformément à ce qui avait été annoncé publiquement.

Or, depuis le début du mois d’octobre, nous constatons ou plutôt, devrais-je dire, nous subissons l’incapacité de la majorité sénatoriale à organiser, programmer, tenir les calendriers qu’elle s’est elle-même fixés.

Permettez-moi un petit rappel.

La conférence des présidents du Sénat qui s’est réunie voilà quinze jours dans l’urgence, à notre demande, a décidé, dans la panique générale, de prolonger au vendredi l’examen de la précédente proposition de loi socialiste de M. Sueur sur les EPCI. La majorité sénatoriale, il est vrai, était minoritaire en séance.

La conférence des présidents du Sénat s’est réunie hier, à dix-neuf heures : elle a décidé de reporter la proposition de loi de Mme David sur le travail dominical au vendredi 9 décembre. La majorité sénatoriale, il est vrai, était encore minoritaire en séance durant tout l’après-midi, et même la soirée.

La conférence des présidents d’hier soir a décidé que la discussion de la proposition de loi constitutionnelle sur le droit de vote des étrangers devait se poursuivre en dehors de l’espace, de quatre heures, réservé au groupe socialiste.

La conférence des présidents d’hier – particulièrement riche, comme vous le voyez ! – a décidé d’inscrire une réforme du règlement du Sénat, sans avoir engagé de dialogue ni même présenté un projet de texte à l’opposition sénatoriale que nous représentons.

La conférence des présidents d’hier, encore et toujours, n’a pas remis en cause l’heure de fin de nos travaux, la nuit dernière, c’est-à-dire minuit trente.

Quelle n’a donc pas été notre surprise d’apprendre, quelques petites heures après cette décision collégiale, qu’un membre éminent du groupe socialiste, de surcroît vice-président du Sénat, faisant fi de cette décision, avait demandé, pour satisfaire des intérêts partisans, tacticiens et bassement politiciens, la prolongation de la discussion au-delà de minuit, entraînant par là même le report de l’examen du projet de loi de finances !

Je tiens à rappeler, à cette occasion, que la majorité sénatoriale est restée minoritaire toute la nuit, imposant au Sénat de délibérer uniquement par scrutins publics. Trouvez-vous que ce soient des manières correctes d’agir ?

Vous privilégiez votre démagogie électoraliste, au détriment de l’intérêt collectif des Français.

En repoussant le débat sur le projet de loi de finances, vous vous asseyez lourdement sur la Constitution et méprisez le socle financier de notre République. Cessez de vouloir faire passer en force des textes, au seul bénéfice de vos manœuvres politiciennes !

Monsieur le président, il n’est pas acceptable d’entretenir cette confusion dans l’organisation de nos travaux.

Nous dénonçons cette machination de la nouvelle gouvernance du Sénat, qui effectue un véritable hold-up sur l’ordre du jour et le temps de travail sénatorial. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Bricq. Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’est reposée !

M. le président. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Il sera transmis à M. le président du Sénat.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je me félicite que Mme Des Esgaulx ait retrouvé la sérénité qui a parfois pu lui manquer lors de notre intéressante nuit de débat.

Ma chère collègue, je voudrais vous faire observer que le Sénat fonctionne conformément au règlement, à la loi et à la Constitution.

M. Philippe Dallier. Nous nous interrogeons ! Et l’article 29 ter ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est toute la question !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il a été décidé légitimement en conférence des présidents que l’important débat sur l’intercommunalité irait jusqu’à son terme.

Par ailleurs, je ne doute pas que la proposition de loi qui a été adoptée hier suscitera l’intérêt des députés. Notre collègue Jacques Pélissard a d’ailleurs dit publiquement qu’il trouvait notre proposition intéressante et tout à fait convergente avec la sienne. Nous apportons donc, ensemble, des réponses concrètes aux difficultés que rencontrent les élus locaux.

La proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial présentée par Mme Borvo, M. Rebsamen, M. Mézard, et nombre de nos collègues, était donc inscrite à l’ordre du jour de la séance d’hier.

La nouvelle opposition du Sénat fait actuellement l’apprentissage de l’opposition. Hier, elle a ainsi pratiqué l’obstruction, pour certains avec un réel talent. Pour d’autres, en revanche, on sentait bien que c’était une première et qu’il restait encore à apprendre. Ceux qui, comme moi, sont parlementaires depuis plus de vingt ans, ont apprécié en connaisseurs ... Qu’y a-t-il là de choquant au regard de la démocratie ?

Vous avez parlé, madame Des Esgaulx, de « panique ». Avez-vous devant les yeux, monsieur le président, une assemblée paniquée ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il n’y a personne ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous avez également parlé de manipulation et de passage en force...

Que s’est-il passé, en réalité ?

Vous avez fait la nuit dernière, mes chers collègues, de nombreuses interventions, présenté une quarantaine de rappels au règlement, qui m’ont d’ailleurs tous intéressé, des explications de vote, puis demandé que l’on vérifie le quorum, ce qui a rallongé le débat d’une heure. Somme toute, nos travaux se sont déroulés de façon assez sereine.

Vous en conviendrez en toute franchise, madame Des Esgaulx, le but que vous recherchiez en agissant ainsi était que le texte ne soit pas voté à l’heure prévue. Nous avons donc sollicité, conformément au règlement, une modification de l’ordre du jour.

Le Sénat, je le rappelle, est maître de son ordre du jour !

Nous avons demandé que cette demande de modification fût mise aux voix, ce que le président de séance, qui ne pouvait agir autrement, a fait en appliquant scrupuleusement le règlement et, je dois le dire, avec beaucoup de sagesse. Ce changement de l’ordre du jour a donc été voté démocratiquement par notre assemblée.

Vous dites que nous avons délibéré par scrutins publics. Que je sache, le scrutin public fait partie du règlement du Sénat, et de ses habitudes ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat acquiesce.) Nous avons tous utilisé ce mode de scrutin, vous comme nous, et je vous prédis que cela continuera.

Nous avons ensuite poursuivi notre débat et voté la proposition de loi, à cinq heures quinze du matin.

Ce texte est très important. Nous sommes en effet convaincus que le conseiller territorial cristallise le cumul des mandats, porte atteinte à la parité, crée la confusion et fait du tort aux régions. N’ayez crainte, je ne vais pas recommencer le débat ... (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

Je regrette simplement, sur un plan purement matériel et convivial, qu’il ait été un peu trop tôt, à l’issue de nos travaux, pour prendre un café et trouver des croissants dans le quartier...

Mme Nathalie Goulet. De la soupe à l’oignon, peut-être... (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous aurions certes pu prolonger quelque peu notre discussion, mais au risque d’abuser de la grande disponibilité des collaborateurs du Sénat.

Je ne vois donc là rien d’autre que le fonctionnement normal de la démocratie dans une assemblée qui a changé de majorité !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je tiens également à me féliciter de l’excellente nuit que nous avons passée. Je ressens toutefois une certaine frustration.

Le propre du débat parlementaire étant de déboucher sur un vote, nous avions le souci de poursuivre le débat démocratiquement jusqu’à son terme, d’autant plus qu’il s’agissait d’une proposition de loi déposée par notre majorité.

J’observe que nous avons fait preuve d’une certaine discrétion en nous abstenant de participer au débat.

M. Philippe Dallier. Cela a dû vous coûter ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la vérité ! L’opposition, en revanche, a largement pu s’exprimer. Chaque sénateur de l’UMP s’est en effet s’expliqué, et même à plusieurs reprises.

Je déplore l’attitude de ceux qui ont cru bon de nous interpeller directement, plusieurs fois, et de façon très agressive (M. Philippe Dallier s’exclame.). Ce n’est pas de bon augure pour la suite de nos débats. Certains ont même voulu empêcher le président de la commission des lois de s’exprimer....

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est très difficile... (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Lorsque la droite était majoritaire, nous avons eu l’habitude, avant de pouvoir prendre la parole, d’entendre l’UMP s’exprimer durant deux heures sur chaque texte, par la voix de ses ministres, rapporteurs et présidents de commissions. Cette pratique était conforme au règlement, nous l’avons donc acceptée longtemps.

Aujourd’hui, chers collègues de l’opposition, vous faites toujours partie de la majorité présidentielle, au nom de laquelle s’expriment les ministres, et vous avez toute latitude pour faire entendre votre voix ! Ainsi, hier, vous vous êtes largement exprimés ! Mais vous ne pouvez pas empêcher les présidents de commission de prendre la parole quand ils le souhaitent, sous prétexte qu’ils ne sont pas membres du groupe UMP !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit là d’une atteinte inacceptable au règlement !

Je le répète, dans un Parlement démocratique, la majorité doit pouvoir conduire jusqu’à son terme l’examen des textes qu’elle soumet au vote !

Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour organiser le débat dans les meilleures conditions possibles. Cependant, vous ne pouvez pas prétendre empêcher à toute force la majorité d’examiner les propositions de loi jusqu’au vote, sous prétexte que l’issue du scrutin ne sera sans doute pas conforme à vos vœux !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour un rappel au règlement.

M. François Fortassin. Mes chers collègues, pour avoir représenté hier soir mon ami Jacques Mézard à la conférence des présidents, je peux vous assurer que l’atmosphère y était à la fois très sereine et très consensuelle. (M. Philippe Dallier s’exclame.)

Aussi, je m’étonne quelque peu de certaines interventions. Je ne suis certes pas un nouveau sénateur, mais je ne siège pas non plus depuis si longtemps sur ces travées ; toutefois, en onze ans, j’ai assisté à de nombreux débats au cours desquels la majorité de l’époque était minoritaire dans l’hémicycle et demandait des scrutins publics, sans pour autant que cette situation suscite des émois de rosière effarouchée ! (Exclamations et rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

C’est la règle, c’est ainsi.

De manière amusée, j’ajoute que cet ubuesque conseiller territorial s’est montré bien ingrat envers vous, chers collègues de l’opposition ; vous ne devriez pas le défendre si farouchement. En effet, pour m’être livré – comme d’autres – à un tourisme assidu dans mon département au cours des mois d’été, j’ai la conviction qu’il est pour une large part à l’origine de votre insuccès aux élections sénatoriales ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 40 du règlement du Sénat.

Chers collègues de la majorité, cessons de nous mettre en cause les uns les autres. Qu’avons-nous dit hier ? Que vous aviez prévu quatre heures pour l’examen de cette proposition de loi, et qu’à l’évidence ce délai était trop court pour venir à bout de ce texte ! Nous en avons fait la démonstration.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais il n’y avait qu’un seul article !

M. Philippe Dallier. Le fait qu’il y ait un, douze ou trente articles ne détermine pas nécessairement la durée du débat !

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Marie-France Beaufils. Si !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et si nous passions au budget !

M. Philippe Dallier. C’est exactement ce que j’allais dire, monsieur le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous sommes venus pour entendre Mme Pécresse ! (Mme la ministre sourit.)

M. Philippe Dallier. Je disais donc que la durée du débat n’est par proportionnelle au nombre d’amendements. Il n’y a aucune règle en la matière.

M. Philippe Dallier. En réalité, vous souhaitez absolument voir adopter le plus grand nombre de vos propositions de loi dans un laps de temps très réduit, pour démonter ce que nous avons construit pendant quatre années ! Voilà comment nous en arrivons à des situations comme celle d’hier soir, et nous le regrettons !

Cessons les mises en causes personnelles et mettons-nous au travail. Ainsi, nous serons bien plus efficaces !

4

Dépôt d’un rapport du Gouvernement

M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a transmis, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2010-819 du 20 juillet 2010 tendant à l’élimination des armes à sous-munitions.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et est disponible au bureau de la distribution.

5

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012 (n° 106, 2011-2012), dont la commission des finances est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale.

6

 
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Discussion générale (suite)

Loi de finances pour 2012

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012 (projet n° 106, rapport n° 107).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Question préalable (début)

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, un budget c’est tout à la fois le reflet d’une réalité et l’expression d’une volonté.

La réalité, nous la connaissons. C’est une croissance mondiale qui ralentit. Ce sont des incertitudes économiques qui ont conduit le Gouvernement à faire le choix de la prudence et à revoir à 1 % sa prévision de croissance pour 2012.

Mais la réalité, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez sur toutes ces travées, ce sont aussi trente-cinq années de laxisme budgétaire, durant lesquelles la France n’a jamais retrouvé l’équilibre, quelle que soit la majorité et quelle que soit la conjoncture ! Au tournant des années 2000, l’Allemagne profitait ainsi de la vague de forte croissance pour dégager un excédent budgétaire de 1,1 %. Au même moment, le gouvernement français, lui, préférait baisser les impôts et augmenter les dépenses, creusant ainsi notre déficit structurel.

Je le dis très clairement : concernant ces trente-cinq années d’incurie budgétaire, les responsabilités sont partagées. En effet, jusqu’à aujourd’hui, personne, à droite comme à gauche, n’était parvenu à mettre un terme à la hausse permanente des dépenses. La réalité est simple : nous dépensons trop depuis des décennies et nous ne pourrons jamais élever nos recettes au niveau de nos dépenses ; nous devons tout simplement faire des économies.

Depuis trois ans, c’est le socle de notre stratégie, sa composante de base qui, année après année, porte ses fruits. Et c’est pourquoi, malgré le ralentissement de la croissance, nous ne changerons pas de cap. La France tiendra ses engagements : en 2011, le déficit public s’élève, comme prévu, à 5,7 % ; il sera réduit à 4,5 % en 2012, puis à 3 % en 2013.

La crise que nous traversons est une crise de confiance, et la meilleure manière d’y répondre, c’est de faire preuve de constance et de détermination. C’est pourquoi, comme l’a annoncé le Premier ministre la semaine dernière, la France continuera à avancer sur le chemin du désendettement.

Avec un effort supplémentaire de 7 milliards d’euros, nous sécurisons notre objectif de réduction du déficit à 4,5 % en 2012 et nous franchissons une nouvelle étape sur la voie qui nous conduira à l’équilibre en 2016, grâce à un effort cumulé de 115 milliards d’euros, dont les deux tiers portent sur les dépenses.

Le plan du Premier ministre parachève ainsi trois années de lutte contre les déficits, trois années fondées sur une stratégie intangible qui se résume très simplement : priorité absolue à la maîtrise des dépenses publiques.

Cette stratégie se fonde sur la baisse des dépenses de l’État, qui marque un tournant historique dans notre chronologie budgétaire. En effet, nous avons atteint cet objectif de réduction avec un an d’avance.

Vous le constaterez en examinant le projet de loi de finances rectificative que nous venons de déposer : grâce à notre gestion prudente et rigoureuse, le budget de l’État baisse dès 2011 de 200 millions d’euros, hors dette et pensions. En 2012, nous irons plus loin encore, avec un nouvel effort d’économies qui atteindra 1,5 milliard d’euros. C’est tout simplement sans précédent depuis 1945 !

Dans notre stratégie de réduction des déficits, les recettes ne peuvent jouer qu’un rôle complémentaire. C’est pourquoi ce budget est à la fois un budget d’équilibre et d’équité. Un budget d’équilibre, car les décisions prises par le Gouvernement ne pèseront ni sur la croissance ni sur l’emploi. Un budget d’équité, car chacun contribuera à sa juste mesure au redressement de nos finances publiques. Et nous demanderons plus à ceux qui peuvent plus.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le cœur de notre stratégie ce sont des réformes, encore des réformes, toujours des réformes.

La baisse historique des dépenses que j’évoquais à l’instant, c’est avant tout le fruit de cinq années de réforme de l’État.

Cinq ans de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d’État, tout d’abord, soit 150 000 postes de fonctionnaires d'État en moins. Cet effort sans précédent, nous l’avons mené à bien en réorganisant et en modernisant nos administrations. Il aboutira en 2012 à une première historique : la masse salariale de l’État sera réduite de près de 120 millions d’euros.

Nous avons également réduit le train de vie de l’État, en nous fixant un objectif de baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement entre 2011 et 2013. Nous avons déjà beaucoup fait : 300 000 mètres carrés en moins dans l’immobilier de l'État, 10 000 voitures de fonction en moins, un tiers de logements de fonction supprimés ou bien encore 500 millions d’euros déjà économisés sur nos achats. Et, comme l’a annoncé le Premier ministre, nous irons plus loin encore.

Cet impératif d’économies vaut non seulement pour les ministères mais aussi pour les opérateurs de l’État, dont 3 700 emplois ont été supprimés en 2011 et 2012. Le mouvement a été lancé. Il doit se poursuivre et c’est la raison pour laquelle un effort particulier a été demandé aux opérateurs, qui disposent souvent de taxes affectées et donc de recettes très dynamiques, dans le cadre des mesures d’économies supplémentaires votées par l’Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les réformes nous ont également permis de maîtriser les dépenses sociales mieux qu’elles ne l’avaient sans doute jamais été. Ainsi, la réforme des retraites aura un impact de 5,5 milliards d’euros dès 2012. La maîtrise de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM – autre rupture majeure –, ce sont 11 milliards d’euros d’économisés depuis 2008. Et là aussi, nous irons plus loin en 2012.

Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, tous les acteurs publics se mobilisent pour réaliser des économies. Et c’est logique, car le principe, c’est : à effort d’intérêt général, engagement national.

Ces économies supplémentaires de 1,5 milliard d’euros, nous les avons réparties en toute coresponsabilité avec l’Assemblée nationale. Et nous avons veillé à ce que chaque acteur public en assume sa juste part.

C’est pourquoi, outre la reconduction du gel des dotations, les députés ont choisi de réduire de 200 millions d’euros les concours versés par l’État aux collectivités territoriales ; mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous êtes particulièrement sensibles à ce sujet. Cette décision était aussi responsable que raisonnable : elle traduit la contribution des collectivités à l’effort national de désendettement.

Votre commission des finances juge insoutenable une réduction d’un millième du budget consolidé des acteurs locaux ! Vous comprendrez que, à l’heure où le pays est engagé dans un effort qui représente 52 milliards d’euros en 2011 et en 2012, le Gouvernement ne puisse partager un seul instant cette analyse.

Je l’affirme solennellement devant les représentants des collectivités territoriales : l’heure est à la responsabilité partagée. Aucun acteur public, aucune institution ne peut s’exempter de cet effort d’intérêt national. Que direz-vous aux Français à qui nous demandons tous, aujourd’hui, de faire des efforts ? La dépense publique locale, c’est près de 240 milliards d’euros chaque année. Mesdames, messieurs les sénateurs, croyez-vous vraiment que les collectivités ne puissent pas apporter une contribution de 200 millions d’euros au désendettement de la France ?

M. Jean Arthuis. Ce n’est pas assez ! C’est symbolique !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cet effort d’économie, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons le concilier avec des priorités budgétaires fortes et respectées.

Nous avons rompu avec la culture du saupoudrage, qui, en fonction des urgences politiques du moment, semait ici et là quelques crédits supplémentaires sans obtenir le moindre résultat. Notre stratégie est diamétralement opposée : nos priorités sont en petit nombre, mais ce sont de vraies priorités, et cela change tout.

Tout d’abord, priorité absolue est donnée à l’innovation, à laquelle vous êtes particulièrement attachés, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui est le moteur de la croissance de demain.

Souvenez-vous de l’université française en 2007. Cinq années plus tard, avec l’autonomie, elle a changé de visage et elle n’hésite plus à afficher ses ambitions, grâce à 9 milliards d’euros supplémentaires en cinq ans : 9 milliards d’euros pour faire réussir nos étudiants et renaître la fierté universitaire !

Depuis cinq ans, avec la réforme de l’université et de la recherche, avec le triplement du crédit d’impôt recherche, avec les 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir, nous construisons une France plus forte et plus compétitive. Et c’est notre deuxième priorité : investir pour permettre à notre pays de s’imposer dans la mondialisation.

Les résultats sont là : madame la rapporteure générale, j’en veux pour preuve le bilan chiffré que vous dressez de la suppression de la taxe professionnelle. Les grandes gagnantes de cette réforme, vous le soulignez vous-même, ce sont nos industries, nos PME et nos entreprises de taille intermédiaire.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela, c’est vous qui le dites !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons donc renforcé chacun des maillons-clefs de notre tissu économique. La suppression de la taxe professionnelle, c’est sans aucun doute l’un des meilleurs investissements que l’État ait faits depuis longtemps.

Notre troisième priorité budgétaire, c’est la protection des plus fragiles. Et, sur ce point aussi, je souhaite rappeler quelques faits.

Depuis le début du quinquennat, nous avons revalorisé de 25 % le minimum vieillesse et l’allocation aux adultes handicapés ! Nous avons créé le revenu de solidarité active, le RSA. Pour un couple avec deux enfants qui gagne l’équivalent d’un SMIC, ce dispositif représente 256 euros supplémentaires chaque mois !

Au total, sur le quinquennat, les dépenses sociales financées par l’État ont augmenté de 4,4 milliards d’euros, soit une hausse de 37 % ! Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les filets de protection sociale n’ont jamais été si solides dans notre pays. Chez nombre de nos voisins européens – vous les connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs –, qu’ils aient des gouvernements de droite ou de gauche, les politiques de solidarité sont les premières victimes de la crise. Ce n’est pas le cas en France. Cette année encore, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » augmentent de 328 millions d’euros.

Enfin, notre quatrième priorité, c’est évidemment l’exercice des missions régaliennes de l’État, au premier rang desquelles figure la justice, dont nous avons augmenté le budget de 20 % en cinq ans. Année après année, le ministère qui a en charge ce secteur a été le seul à bénéficier de créations d’emplois.

Plus largement, sur le quinquennat, nous aurons augmenté de 2,2 milliards d’euros les moyens dont disposent les ministères de la défense, de l’intérieur et de la justice, parce que le premier devoir de l’État, c’est de garantir la sécurité des Français.

Notre culture, vous le savez, est celle des résultats. C’est pourquoi notre effort budgétaire s’est accompagné d’une réorganisation en profondeur, car tous les moyens du monde ne suffiront jamais si nous ne transformons pas les structures : nous avons agi, par exemple, pour que les forces de police soient présentes là où les Français en ont besoin.