Mme Françoise Laborde. … et pour enfin insuffler de nouveau du dynamisme et de la modernité à l’enseignement supérieur français. C’est pourquoi les membres du RDSE s’abstiendront sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite dans un premier temps saluer l’engagement du Gouvernement et la mobilisation constante en faveur de la recherche, notamment dans un contexte économique particulièrement contraint.

Pour la cinquième année consécutive, le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est en augmentation, certes plus faible cette année mais il continue à augmenter.

Les crédits destinés spécifiquement à la recherche sont en progression de 19 % par rapport à 2007.

La proportion des dépenses consacrées à la recherche par rapport au budget général de l’État se place désormais à un niveau très élevé, soit 4,77 % dans le projet de loi de finances pour 2012, une forte progression comparativement à 2007.

À ce constat, il faut ajouter les financements du programme d’investissements d’avenir, qui représente un effort exceptionnel de 22 milliards d’euros, au service de la croissance. Sur ce programme consacré à la recherche, 1,3 milliard d’euros seront déboursés en 2012.

Aussi, la première vague des investissements d’avenir constitue un véritable succès : 800 projets ont été déposés, témoignant de l’enthousiasme des chercheurs ; 11 milliards d’euros sont d’ores et déjà engagés dans 219 projets innovants.

Ces investissements d’avenir représentent, avec le crédit d’impôt recherche – qu’il convient peut-être effectivement de moduler – les outils nécessaires pour sortir au plus vite de la crise et réamorcer ainsi la croissance. Ils participent naturellement à l’effort de recherche et développement et multiplient les synergies indispensables entre la recherche et d’autres acteurs, notamment ceux du monde économique.

Ainsi, les instituts Carnot s’engagent dans la recherche partenariale et tissent des collaborations efficaces avec les entreprises.

Les Sociétés d’accélération du transfert de technologie diffusent des résultats de la recherche vers le monde industriel.

Dans ce contexte, je souhaite aborder en particulier les projets mis en œuvre dans deux domaines significatifs et emblématiques : d’une part, la recherche spatiale et, d’autre part, le campus d’excellence du plateau de Satory-Saclay.

En ce qui concerne la recherche spatiale, dont le programme piloté par le Centre national d’études spatiales représentera par ailleurs en 2012 près de 1,4 milliard d’euros en crédits de paiement, les investissements d’avenir constituent un moteur essentiel : 82,5 millions d’euros ont été débloqués en décembre 2010 sur le volet « lanceur de nouvelle génération », afin d’engager les projets d’études et de démonstrateurs qui devront permettre d’évaluer les options techniques de ce futur lanceur ; 252 millions d’euros sont investis en faveur des programmes satellitaires innovants avec trois projets.

Premièrement, le projet Swot, en collaboration avec la NASA, qui est destiné à mesurer les hauteurs d’eau des océans, des grands fleuves, des lacs et des zones inondées ; il est doté de 170 millions d’euros.

Deuxièmement, le projet « satellite du futur », qui aura des applications dans les domaines d’Internet et de la sécurité des personnes.

Troisièmement, enfin, le projet « Myriade Évolutions », qui permettra de mener à moindre coût des missions spatiales dans le domaine de l’environnement et des sciences de l’univers.

Par ailleurs, le Programme d’investissements d’avenir finance des travaux de recherche et développement sur le « très haut débit » par satellite dans le cadre de l’action Économie numérique pour une enveloppe de 40 millions d’euros, qui pourra être étendue jusqu’à 100 millions d’euros en fonction des résultats.

Parallèlement, conformément à une décision du Premier ministre, le CNES a engagé 28 millions d’euros en décembre 2010 au titre de la recapitalisation d’Arianespace. Voilà un formidable message pour notre industrie.

S’agissant des investissements d’avenir sur le campus d’excellence du plateau de Satory-Saclay, sujet auquel je tiens à associer ma collègue Marie-Annick Duchêne, première adjointe au maire de Versailles, 50,63 millions d’euros ont été engagés au deuxième trimestre 2011, dont 47,4 millions d’euros pour la construction d’un nouveau bâtiment qui accueillera l’École nationale de la statistique et de l’administration économique, l’ENSAE, et le Centre de recherche en économie et statistique, et 3,2 millions d’euros pour accompagner l’arrivée des premières opérations du campus du plateau de Satory-Saclay.

Grâce à ces investissements, le campus d’excellence de Satory-Saclay bénéficie des conditions nécessaires à son développement international et à la réalisation de son ambition : celle de regrouper plus de 8 000 étudiants, chercheurs et ingénieurs afin de favoriser l’émulation scientifique et les ponts entre les sciences.

Je tiens néanmoins à attirer votre attention sur le nécessaire bon fonctionnement de l’ensemble des infrastructures, notamment des infrastructures de transport, qui seront indispensables.

L’enthousiasme que suscite ce campus est emblématique de la volonté d’agir du Gouvernement.

Grâce à l’effort fourni depuis le début du quinquennat en faveur de la recherche, la France demeure parmi les pays les plus actifs de l’OCDE en la matière. Nous ne pouvons que nous réjouir de la détermination gouvernementale pour faire de la France un pays innovant et hautement compétitif.

Mme Sophie Primas. Ce sont les raisons pour lesquelles je voterai, avec enthousiasme et foi dans la recherche française, ce budget pour 2012. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. François Patriat s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.

M. Daniel Raoul. Cela ne va pas être le même refrain !

M. Jean-Jacques Mirassou. Ça va changer !

M. David Assouline. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur un volet de ce budget, à savoir les conditions d’études et de vie des étudiants.

Monsieur le ministre, je m’adresse ici non seulement au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi au porte-parole zélé du Gouvernement que vous êtes.

En effet, lorsque vous êtes obligé d’admettre que votre politique n’enregistre pas de bons résultats dans des domaines comme celui de l’enseignement supérieur et la recherche, vous arguez du fait que les promesses, les engagements et les efforts du Gouvernement sont incontestables et d’une particulière densité.

M. Charles Revet. Et c’est vrai !

M. David Assouline. Monsieur le ministre, si l’on doit juger les efforts à la réussite, je puis vous dire, par-delà les chiffres dont vous êtes friand, que la réussite n’est pas au rendez-vous !

En matière d’enseignement supérieur, quel autre critère que la réussite de nos enfants voulez-vous que nous prenions pour juger votre politique ? Car l’enjeu, c’est bien la réussite de nos enfants ! Et plus encore en temps de crise !

Nous savons bien que ce n’est pas notre démographie qui est en cause, ni même tous les autres secteurs qui ont peut-être été, à un moment ou à un autre, les fleurons de la France. Seule la qualité de la formation, de la recherche, de l’innovation peut nous rendre compétitifs dans l’arène internationale. C’est pourquoi il faut faire réussir les étudiants ! Il faut faire réussir nos jeunes !

Or je constate qu’il y a, chaque année, notamment cette année, moins de jeunes qui décident de poursuivre leurs études en allant à l’université. Je relève aussi que 36 % seulement des étudiants réussissent à avoir leur licence. Pourtant, je me souviens que l’objectif affiché de la loi LRU, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, était de régler le grave problème du taux d’échec en licence. Or, malgré le plan licence, le taux de réussite pour le passage de la première année de licence à la deuxième année est de 44 % : cela signifie que plus de la moitié des étudiants échouent. Ce taux ne fait que baisser depuis cinq ans, soit depuis la mise en place de la loi LRU.

Vous parliez de l’autonomie des universités. Mais on vous avait bien dit qu’il était inutile de parler de gouvernance, sans fixer d’objectifs. Si vous nous aviez écoutés, peut-être les moyens auraient-ils été plus adaptés à la gouvernance !

Mme Pécresse le disait haut et fort à l’époque : l’objectif commun, c’est la réussite ! Une bonne orientation pour que le diplôme débouche sur un métier ! Or les efforts consentis en matière d’orientation tant au lycée qu’à la sortie de l’université pour le premier emploi ne sont pas du tout à la hauteur ! On est loin derrière les pays européens équivalents. Et pourquoi ? À cause du taux d’encadrement.

On l’a dit, le taux d’encadrement est de 5 % en France : 100 étudiants pour 5 personnels d’encadrement ! Soit un taux similaire à celui de la Grèce, et deux fois moindre qu’en Allemagne, un pays qui nous est souvent montré en exemple en ce moment. D’ailleurs, pourquoi ne parlez-vous jamais de ce qui est bien dans ce pays ? Jamais, vous n’en parlez ! Et en Suède, le taux est de 11 %.

Le mauvais classement de Shanghai ?... Certains disent qu’il faut plus de privatisation, plus de libéralisation, plus de compétition pour se retrouver au même niveau que les pays ayant des systèmes performants. S’il est bien un domaine où l’on pourrait faire un effort pour être à la hauteur de ces pays, c’est bien celui de l’encadrement ! Or rien ne bouge de façon significative, au contraire ! (M. Philippe Dominati s’exclame.)

Je veux vous dire aussi, monsieur le ministre, que seules 17 % des universités ont reçu le financement prévu dans le cadre du plan « Réussir en licence » lancé pour qu’il y ait moins de cours en amphithéâtre et qu’il y ait des pédagogies innovantes. Pourtant, l’objectif de ce financement spécifique était de promouvoir l’encadrement, de faire un suivi des élèves, de fixer les volumes horaires pour que les pédagogies différenciées soient à la hauteur. Eh bien, là encore, vous n’êtes pas au rendez-vous !

Je voudrais d’ailleurs profiter de cette occasion pour faire une mise au point, parce que vous avez répandu sur les ondes, monsieur le ministre, des choses fausses, sans être vraiment beaucoup contredit.

M. David Assouline. Bien entendu qu’il faut plus de moyens ! Vous affirmez partout que vous, vous ne voulez pas augmenter les frais d’inscription, mais que le parti socialiste, lui, veut les tripler ! La preuve en est, un groupe d’idées, Terra Nova, a fait part de cette possibilité dans l’une de ses études. Vous voyez, monsieur le ministre, je dis tout… (M. Philippe Dominati sourit.)

M. Laurent Wauquiez, ministre. C’est bien de le reconnaître !

M. David Assouline. Eh bien, moi, ce que je peux vous dire, c’est que ce groupe d’idées n’est pas le parti socialiste.

M. David Assouline. Il comprend un certain nombre de collaborateurs, de chercheurs, qui émettent des idées et les versent au débat public. Vous y puisez l’augmentation des droits d’inscription, mais ce que vous oubliez de dire, c’est qu’ils ont fait une proposition globale, dans laquelle ils fustigent le montant exorbitant des droits d’inscription dans les grandes écoles, ce qui exclut, de fait, les couches populaires.

Quand on parle du parti socialiste, moi, je vais à la source. Au lendemain même de la publication du rapport auquel vous vous êtes référé, le bureau national du parti socialiste publiait un communiqué sur la rentrée universitaire, dans lequel il déclarait : « Nous engagerons également une nouvelle étape de la démocratisation et de l’élévation des qualifications de tous. Toute hausse des droits d’inscription doit être refusée. Au contraire, il faut donner réellement aux étudiants les moyens de leur réussite pour la mise en place d’un parcours d’autonomie. »

Cessez de mentir ! Si vous êtes en désaccord avec nos propos, critiquez les propos du bureau national du parti socialiste, mais ne tombez pas dans la facilité, ni dans le simplisme, parce que cela n’élève pas le débat !

Il ne me reste que quelques secondes pour conclure. L’éducation est probablement l’enjeu majeur des années à venir. Dans le cadre du plan « Réussir en licence », vous aviez pour objectif d’avoir, en 2012, 50 % d’une classe d’âge avec une licence. L’année 2012 est devant nous. Quel est votre bilan ? Où en êtes-vous ? Vous le savez, c’est un échec.

L’université et la recherche, c’est là où vous vouliez le plus manifester les résultats du quinquennat du Président de la République ! Or pour ce qui concerne l’avenir des jeunes et la réussite des étudiants, qui est aujourd'hui nécessaire pour faire face à la compétition internationale, vous avez complètement échoué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Chiron.

M. Jacques Chiron. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en mars 2002, les quinze États membres de l’Union européenne décidaient de faire de l’Union « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010 ». L’objectif était d’atteindre 3 % du PIB pour les activités de recherche et développement dès 2010. Or les chiffres montrent aujourd’hui que le compte n’y est pas.

Malgré le développement des dépenses extrabudgétaires, notamment l’augmentation significative du crédit d’impôt recherche, qui est devenu une véritable « aubaine fiscale » pour les grands groupes, la France consacre, en 2011, péniblement 2,15 % de son PIB à la recherche et à l’innovation, contre 2,28 % il y a dix ans. C’est sensiblement moins que la moyenne des pays de l’OCDE.

Pour 2012, la tendance se confirme, alors même que le budget pour l’enseignement supérieur et la recherche est présenté depuis 2007 par ce gouvernement comme une priorité.

Vous m’opposerez que, dans un contexte de réduction générale des dépenses publiques, le projet de loi de finances pour 2012 maintient une légère progression des crédits de paiement de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Mais la progression des moyens promise n’est pas au rendez-vous. On est loin des ambitions du Président de la République au début de son mandat.

Concrètement, les organismes de recherche constatent depuis 2007 une stagnation, voire une diminution de leur budget de fonctionnement, ainsi que certains de nos collègues l’ont noté. En 2011, c’était une réduction des crédits de 11 % pour le CNRS et, en 2012, c’est une baisse de 12 % pour l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Si l’on tient compte de l’inflation, la grande majorité des opérateurs voient leurs crédits diminuer pour 2012. En moins de dix ans, nous sommes passés de la sixième à la dix-huitième place mondiale pour ce qui concerne l’innovation, avec une part de la recherche privée dans notre PIB qui est aujourd’hui l’une des plus faibles des pays développés, malgré le crédit d’impôt recherche.

Telle est la réalité qui se cache derrière la présentation habile des chiffres et indicateurs du secteur.

Au-delà des moyens financiers, l’efficacité de l’action publique dans le domaine de la recherche passe aussi par la création d’un terreau favorable à des synergies entre les acteurs privés et publics.

Dans ce domaine, permettez-moi, mes chers collègues, de souligner que les collectivités locales s’y sont impliquées fortement, notamment dans les pôles de compétitivité. À titre d’exemple, je peux citer la région Aquitaine, la région d’Île-de-France, les régions Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire,…

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur !

M. François Patriat. La Bourgogne !

M. Jacques Chiron. … ou encore la région Rhône-Alpes.

La réussite de ces pôles de recherche, d’envergure mondiale pour certains, s’appuie sur la synergie « enseignement-recherche-industrie ». Les acteurs de la recherche ont su en tirer profit pour développer les partenariats entre la recherche publique et la recherche privée et permettre ainsi l’installation d’entreprises, qui ont créé de l’emploi.

Ce dynamisme s’appuie sur les liens de confiance tissés entre le monde universitaire, les laboratoires, les entreprises et nos collectivités locales. Régions, départements, communautés d’agglomération, communes – ceux-là mêmes dont le Gouvernement critique les dépenses depuis des mois ! – sont et demeurent responsables en investissant dans les opérations de recherche, alors même que l’engagement de l’État stagne, voire régresse dans certains domaines.

En effet, le budget que ces collectivités consacrent aux opérations de recherche et de transfert de technologie est en augmentation de plus de 10 % par an depuis 2006. Elles deviennent des acteurs indispensables de la recherche et contribuent activement à l’élaboration et à l’extension d’un environnement favorable à l’innovation.

En 2010, elles ont consacré près de 1,5 milliard d’euros à la recherche. À l’échelle nationale, elles représentent aujourd'hui 10 % des ressources des organismes de recherche.

Permettez-moi d’ailleurs de penser, monsieur le ministre, que sans la clause de compétence générale, que le Gouvernement envisage de supprimer dans sa réforme territoriale, ces territoires n’auraient certainement pas pu arriver à de tels montants d’investissement.

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Bravo !

M. Jacques Chiron. Enfin, j’insisterai sur un dispositif particulier : le crédit d’impôt recherche.

Sans remettre en cause son existence, force est de constater qu’il est aujourd’hui attribué sans véritable contrôle, sans contrepartie en termes d’emploi, et qu’il est dangereusement exposé aux risques d’optimisation fiscale de la part des grands groupes,…

M. Jacques Chiron. … particulièrement depuis l’élargissement de son assiette en 2008 par le Gouvernement Fillon. Il faut mettre fin à ces dérives et encourager les établissements locaux de ces groupes à investir davantage en France, dans des partenariats avec la recherche publique.

Vous savez bien que certains groupes créent des sociétés par actions simplifiées, les SAS, parfois en très grand nombre, parfois avec seulement un chercheur ou deux, pour optimiser leur crédit d’impôt recherche et ne pas payer d’impôt sur les sociétés dans notre pays. Ils engagent aussi des actions de recherche et développement avec des laboratoires de recherche extérieurs à la France, voire à l’Europe ! L’exemple récent de PSA Peugeot-Citroën en est l’illustration.

MM. Jean-Jacques Mirassou et François Patriat. Eh oui !

M. Daniel Raoul. C’est un scandale !

M. Jacques Chiron. Hier, nous avons appris que Siemens allait faire de même !

Aujourd’hui, 21 % des dépenses externalisées dans le cadre du crédit d’impôt recherche sont délocalisées à l’étranger et engendrent, au-delà de la recherche, une production qui, malheureusement, crée elle aussi des emplois loin de nos frontières.

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Jacques Chiron. Dans un environnement budgétaire difficile, tel que celui que nous connaissons, et dans un contexte de chômage, il n’est pas raisonnable de financer des dépenses de recherche et développement de laboratoires et d’entreprises situés à l’étranger, sans contrôle véritable et sans contrepartie d’embauches.

Pour rendre à cet outil son efficacité, il faut le réorienter en priorité vers les PME–PMI et en faire un dispositif au service de la localisation de l’entreprise sur notre territoire.

Aujourd’hui, moins de 15 % des groupes fiscalement intégrés bénéficiaires du crédit d’impôt recherche disposent d’effectifs totaux inférieurs à 250 salariés. Or nous devons aider les PME–PMI à se développer pour qu’elles puissent créer des emplois diversifiés, innovants et moins facilement délocalisables.

Ce soutien public pourrait également leur permettre de devenir des entreprises de taille intermédiaire, trop peu nombreuses en France par rapport à nos voisins allemands – quatre fois moins ! –, garantissant ainsi à la France un développement industriel pour les années à venir à l’heure où l’on constate plus que jamais que nos PME–PMI restent trop petites et insuffisamment tournées vers l’innovation et l’export.

Depuis 2002, malgré l’évolution du crédit d’impôt recherche multiplié par cinq en cinq ans, ce gouvernement n’a pas réussi à franchir une étape décisive pour relancer et développer la recherche privée en France.

Alors que la France est le premier pays de l’OCDE pour le niveau des aides fiscales apportées à la recherche et développement des entreprises, la progression des dépenses déclarées à ce titre dans les grands groupes est restée faible, remettant en cause l’objectif initial du dispositif.

Une fois encore, la comparaison avec nombre de nos voisins européens, mais aussi avec les États-Unis, le Canada et le Japon, sur les dix dernières années en témoigne.

On le sait, le sous-investissement financier des grandes entreprises dans leur propre recherche se manifeste notamment par le faible recrutement des jeunes doctorants. Par comparaison avec leurs voisines allemandes, les entreprises françaises affichent un taux de doctorants de 13 % dans leurs équipes de recherche, trois fois moins que les Allemands – 42 % –, et seuls 20 % de jeunes doctorants trouvent à travailler dans le secteur privé à la sortie de leur thèse.

Permettez-moi d’aborder maintenant le problème des banques françaises, qui n’accompagnent pas suffisamment le tissu local des PME–PMI. C’est justement la force de l’économie allemande, où les banques régionales l’ont toujours fait, contribuant ainsi au développement du tissu industriel.

Monsieur le ministre, le politique, lorsqu’il a décidé d’aider ces mêmes banques quand elles sont en difficulté avec l’argent du contribuable, aurait dû conditionner les aides de l’État à une implication plus forte de la part de ces banques dans ce domaine crucial pour l’emploi (M. Jacques-Bernard Magner opine.), ce que, hélas ! le Président de la République n’a pas fait dans les années 2008-2009.

M. Jacques Chiron. Aussi, pour remédier à cette raréfaction des crédits pour les PME–PMI, notre majorité sénatoriale pense qu’il faudrait créer une banque publique d’investissements, adossée à des fonds régionaux d’investissements, qui pourrait offrir un soutien immédiat aux entreprises innovantes. Ce serait le vrai changement dans ce domaine !

Monsieur le ministre, les incantations, les promesses et les intentions qui refont surface en période de campagne électorale – je veux parler de Lille – n’ont pas convaincu les entreprises locales, lesquelles constatent amèrement depuis plusieurs années que vous menez une politique au service des grands groupes du CAC 40,…

M. Michel Houel, rapporteur pour avis. Oh !

M. Jacques Chiron. … accentuée depuis 2007 dans ce domaine de l’aide à la recherche.

Pour retrouver une recherche publique et privée performante, impulsant une véritable dynamique de croissance et d’emploi en France, pour retrouver l’enthousiasme indispensable à une recherche productive et pour remobiliser le meilleur de notre capacité de progrès scientifique et social, les beaux discours ne suffisent pas. Il faut, aujourd’hui, des actions fortes. Nos collectivités territoriales l’ont compris et s’y sont impliquées. Monsieur le ministre, nos chercheurs, comme les entreprises locales innovantes, attendent l’effort promis par votre majorité depuis 2007.

En conclusion, nous voterons contre ce projet de budget de la recherche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis, applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Madame la présidente, seul intervenant dans ce domaine, mis à part le rapporteur pour avis Marc Daunis, je constate que le temps consacré à la partie recherche et développement dans la discussion de la mission « Recherche et enseignement supérieur » n’est que de quatre minutes !

Comme chaque année depuis 2007, cette mission, pourtant fléchée comme prioritaire et annoncée comme telle, fait l’objet d’un vaste exercice d’insincérité budgétaire. Je considère que vous faites des numéros d’artistes dans la présentation et que, cette année encore, l’exercice relève de la haute voltige !

Non seulement la progression des crédits de paiement, de 0,96 %, ne couvre que la moitié de l’inflation prévue pour 2012, mais qu’elle n’a pas été ma surprise de constater une baisse de 0,79 % pour la recherche !

Outre les habituels artifices budgétaires – changements de périmètres, grand emprunt, initiatives d’excellence ou IDEX –, relevés par les différents rapporteurs, monsieur le ministre, je trouve que vous faites preuve de beaucoup d’assurance en affirmant que ce secteur est prioritaire ! C’est vous qui le qualifiez ainsi, mais les chiffres démontrent le contraire.

Permettez-moi de m’appesantir quelques instants sur le crédit d’impôt recherche, qui vient encore d’être évoqué par nos collègues. Je ne reviens pas sur la comptabilisation en termes de volume de créances, et non en coût réel. En revanche, je m’interroge sur un dispositif dont on mesure mal les effets, Marc Daunis l’a relevé tout à l’heure.

Je rappelle simplement que, depuis la réforme de 2008, le crédit d’impôt recherche est devenu, en quelques années seulement, la dépense fiscale la plus importante de l’État. Année après année, tous les rapports mettent en exergue les limites et les dérives de cet outil et la nécessité de le revisiter.

En effet, si le Gouvernement peut s’enorgueillir du succès du dispositif, qui, si j’ai bien compris, dépasse 5 milliards d’euros,...

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Exactement 5,27 milliards d’euros.

M. Daniel Raoul. ... il convient de s’interroger sur les raisons de cette dynamique et sa traduction en termes de développement de la R&D. Le montant de la dépense fiscale a été multiplié en trois ans par cinq, alors que le volume de la recherche et développement n’a eu qu’un accroissement de 20 %. Il existe une distorsion, mais pas de corrélation entre cette dépense fiscale et l’efficience sur le terrain.

Est-on sûr que cette somme impressionnante est utilisée au mieux ? N’est-on pas, là aussi, face à une stratégie d’optimisation fiscale, comme cela a été dit ? En effet, il est paradoxal de constater que ceux-là mêmes qui possèdent les moyens d’autofinancer leur recherche sont ceux qui profitent le plus de ce dispositif. Je serais donc favorable, et je le dis à notre rapporteur pour avis Marc Daunis, à une mission d’information sur l’efficience de ce dispositif.

Il faudrait en particulier que ce dispositif bénéficie prioritairement aux PME, cela a été dit aussi. Ce sont elles qui en ont le plus besoin et qui créent de la valeur ajoutée et de l’innovation dans nos territoires. Ce sont elles, en effet, qui, en innovant dans les secteurs d’activité les plus variés, irriguent l’ensemble de la sphère économique et assurent son dynamisme !

Il faut sans doute les inciter à se regrouper, afin de mutualiser leurs dépenses de recherche et développement.

Par ailleurs, je réitère ici les inquiétudes que je vous avais rapportées l’année dernière et qui sont relatives aux abus de certaines sociétés de conseil et à l’insuffisante stabilité de son régime. Je pense essentiellement à la partie de yo-yo concernant les jeunes entreprises innovantes : on change les règles du jeu, le nombre d’années d’amortissements, etc. Je m’inquiète aussi de la nécessité de clarifier les paramètres ; cela passe, à mon sens, par un alignement sur les préconisations du Manuel de Frascati, qui a été publié par l’OCDE et qui fait référence.

J’en viens à la recherche universitaire proprement dite.

Je rejoins les critiques qui ont été formulées, non seulement sur les montants, mais aussi sur la forme, mon cher collègue Philippe Adnot, à propos de leur manque de lisibilité, leur complexité et, surtout, la déstabilisation de l’Agence nationale de la recherche, ANR, que vous avez créée.

Je ne sais plus quel est le rôle de cette Agence dorénavant par rapport aux appels d’offres : grand emprunt, initiatives d’excellence ou IDEX, laboratoires d’excellence ou LABEX, instituts de recherche technologique, etc. Mes ex-collègues passent leur temps à faire des dossiers pour différents organismes. Alors si l’on peut utiliser notamment l’ANR, l’IDEX, le LABEX, l’IRT...

Force est, en tout cas, de constater que nous ne pouvons concentrer une partie non négligeable sur le seul plateau de Saclay – nos collègues de la région d’Île-de-France n’apprécieront peut-être pas...

En effet, le plateau de Saclay polarise à lui seul 1 milliard d’euros au titre de la loi rectificative pour 2011 – intégralement consommables alors que d’autres crédits du grand emprunt ne le sont pas –, 1 milliard de dotations au titre des pôles d’excellence, 850 millions au titre de l’opération Campus.

Examinons les résultats de l’appel d’offres IDEX. Cela aboutit à créer une désertification concernant les universités de province. Je qualifie cela de déménagement de l’enseignement supérieur dans nos territoires !

Enfin, puisque les crédits de fonctionnement attribués aux universités ont été évoqués, permettez-moi de prendre l’exemple de l’université d’Angers dont je faisais partie et pour laquelle le ministère s’était engagé à verser 4,7 millions d’euros.

Pour devenir autonome, comme le veut la loi LRU, cette université a pris ses responsabilités. Mais, au final, elle n’a obtenu que 700 000 euros pour solde de tout compte ! Vous imaginez dans quelle situation se retrouve cette université, qui s’est donc dotée des personnels d’un niveau suffisant pour exercer ses nouvelles responsabilités !

En conclusion, comme mes collègues du groupe socialiste, je ne voterai pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis, applaudissent également.)