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Conventions internationales

Adoption en procédure d’examen simplifié de sept projets de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de sept projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces sept projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

accord avec la serbie portant sur la coopération policière

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie portant sur la coopération policière, signé à Paris le 18 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie portant sur la coopération policière (projet n° 497, texte de la commission n° 647, rapport n° 646).

(Le projet de loi est adopté.)

adhésion d’andorre au traité de coopération transfrontalière entre collectivités territoriales

Article unique

Est autorisée la ratification du protocole d’amendement et d’adhésion de la Principauté d’Andorre au traité entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales signé à Bayonne le 10 mars 1995, signé à Andorre-la-Vieille le 16 février 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du protocole d’amendement et d’adhésion de la Principauté d’Andorre au traité entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif à la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales (projet n° 133, texte de la commission n° 643, rapport n° 642).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord avec l’Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts

Article unique

Est autorisée la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérale d’Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts, signé à Paris le 4 février 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérale d’Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts (projet n° 372 [2010-2011], texte de la commission n° 651, rapport n° 650).

(Le projet de loi est adopté.)

traité relatif à l’établissement du bloc d’espace aérien fonctionnel « europe central »

Article unique

Est autorisée la ratification du traité relatif à l’établissement du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d’Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse, signé à Bruxelles le 2 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’établissement du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d’Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse (projet n° 421, texte de la commission n° 645, rapport n° 644).

(Le projet de loi est adopté.)

accord avec la suisse concernant l’interprétation de la convention relative au service militaire des double-nationaux

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant l’interprétation de la convention relative au service militaire des double-nationaux du 16 novembre 1995 et mettant fin au dispositif mis en place par l’accord sous forme d’échange de notes des 28-29 décembre 1999, signées à Paris les 15 et 16 février 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant l’interprétation de la convention relative au service militaire des double-nationaux du 16 novembre 1995 et mettant fin au dispositif mis en place par l’accord sous forme d’échange de notes des 28-29 décembre 1999 (projet n° 611 [2010-2011], texte de la commission n° 649, rapport n° 648).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord de coopération avec le kazakhstan dans le domaine de la protection civile

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de l’élimination des situations d’urgence, signé à Astana, le 6 octobre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de l’élimination des situations d’urgence (projet n° 349, texte de la commission n° 417, rapport n° 415).

M. André Gattolin. Le groupe écologiste s’abstient !

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord avec le kazakhstan relatif à la coopération en matière de lutte contre la criminalité

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan relatif à la coopération en matière de lutte contre la criminalité, signé à Astana, le 6 octobre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan relatif à la coopération en matière de lutte contre la criminalité (projet n° 348, texte de la commission n° 416, rapport n° 415).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

7

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État des Émirats arabes unis
Discussion générale (suite)

Accord de coopération en matière de sécurité intérieure avec les Émirats arabes unis

Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État des Émirats arabes unis
Article unique

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État des Émirats arabes unis (projet n° 496, texte de la commission n° 631, rapport n° 630).

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a l’honneur de soumettre à l’examen du Sénat un projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État des Émirats arabes unis.

Signé à Abou Dhabi le 26 mai 2009, cet accord correspond au modèle dit « allégé » des accords de coopération en matière de sécurité intérieure conclus par la France avec les pays de la région. Il a pour principal objectif de renforcer la coopération à la fois technique et opérationnelle entre les services de police français et émiriens dans une région particulièrement sensible, notamment en matière de lutte contre le terrorisme. L’accord prévoit également le développement d’une coopération policière dans le domaine de la lutte contre la criminalité organisée, en particulier le commerce illicite d’armes, l’immigration irrégulière, la traite des êtres humains ou encore le trafic de stupéfiants.

Conformément aux dispositions contenues dans l’accord, la coopération ainsi mise en œuvre pourra prendre la forme d’échanges d’informations, d’expertises et d’expériences, l’envoi le cas échéant de personnels de liaison et d’une collaboration dans le domaine de la formation. Comme tous les accords de sécurité intérieure, cet accord ne permet en aucun cas la participation ou l’intervention d’éléments des forces de police françaises dans des opérations de police ou de maintien de l’ordre sur le territoire émirien.

Cet accord contient aussi un article spécifique consacré à la coopération franco-émirienne dans le domaine de la sécurité civile.

Cet accord s’inscrit enfin dans le cadre d’un partenariat privilégié, qui a été construit en quelques années avec les Émirats arabes unis et qui s’est traduit par le développement de liens dans un grand nombre de domaines.

Cette évolution a concerné les secteurs traditionnels de notre coopération, en particulier le domaine de la coopération militaire et de défense, notamment à la suite de l’installation d’une base militaire française à Abou Dhabi, seule implantation militaire française en dehors du continent africain. Elle a également porté sur des secteurs innovants, notamment ceux de l’énergie, mais aussi ceux de l’éducation et de la culture, en donnant lieu à des projets conjoints de grande ambition, à l’instar du Louvre Abou Dhabi ou de la Sorbonne Abou Dhabi. Elle a permis l’établissement d’un dialogue politique de grande confiance sur l’ensemble des grands dossiers régionaux et internationaux, notamment la Syrie, l’Iran et l’Afghanistan, ainsi que sur les sujets globaux pour lesquels les Émirats arabes unis se montrent de plus en plus actifs.

Cet accord nous permettra ainsi de consolider encore davantage nos liens avec un pays essentiel, situé dans une zone stratégique, au cœur de l’« arc de crise » décrit par le Livre blanc de 2008, où la France a des intérêts majeurs à défendre.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État des Émirats arabes unis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la France développe, depuis une quinzaine d’années, une coopération technique en matière de sécurité intérieure avec les Émirats arabes unis, à la demande de ceux-ci.

Pour poursuivre cette action sur une base claire et stable, le présent accord a été conclu le 26 mai 2009 et constituera un texte de référence pour les deux pays. Il en existe par ailleurs de semblables avec d’autres États de la région, comme l’Arabie saoudite.

Proposé en 1995 par la France à son partenaire, l’accord a fait l’objet de négociations ayant permis d’intégrer un certain nombre de remarques.

Je m’en tiendrai à une présentation rapide des Émirats arabes unis, car tout le monde connaît cette zone, et à quelques observations sur l’accord, ce texte n’ayant fait l’objet d’aucune difficulté en commission.

Fondée le 2 décembre 1971, cette fédération est constituée de sept émirats. Couvrant une superficie d’environ 80 000 kilomètres carrés, dont Abou Dhabi représente 80 %, elle est peuplée de 7,1 millions d’habitants, dont 1,06 million de nationaux, selon les estimations émiriennes. Les deux principaux émirats sont Abou Dhabi et Dubaï.

Situés au cœur d’une zone sensible, les Émirats arabes unis n’ont jamais fait l’objet d’attaque terroriste, mais la menace existe. Cela est dû à d’excellents services de renseignement, qui recourent abondamment à la technologie, mais aussi aux sources humaines. Dans un pays qui compte 85 % d’expatriés, ces services disposent d’un réseau très efficace d’informateurs réguliers ou occasionnels. La combinaison de moyens technologiques modernes et des sources humaines nombreuses a permis, jusqu’à maintenant, d’éviter tout attentat sur le sol émirien. On peut tout de même regretter un manque de centralisation des informations.

À ces explications sécuritaires, il faut ajouter la vision particulière de l’islam qui prévaut dans ce pays. Les prêches sont très encadrés par les services des Émirats et le ministère des biens de mainmorte, lesquels surveillent de façon extrêmement étroite les imams et leur formation.

En matière de trafic de stupéfiants, les Émirats arabes unis appliquent une politique de tolérance zéro. Une peine automatique de quatre ans d’emprisonnement est prononcée contre un simple usager et les trafiquants encourent la peine de mort. C’est relativement dissuasif !

Les autorités émiriennes sont conscientes des vulnérabilités de leur police, qui tiennent à sa répartition sur les sept émirats, sans structure fédérale solide de supervision et à l’obligation de recourir à de la main-d’œuvre étrangère pour effectuer ses missions régaliennes. Certes, les officiers sont émiriens, mais les tâches d’exécution sont le plus souvent confiées à des contingents de policiers provenant de pays de la Ligue arabe, malgré une politique, déjà remarquée dans la région, de forte « émiratisation ». Pour pallier ces faiblesses, les autorités ont donc conclu des accords bilatéraux de sécurité intérieure avec plusieurs pays européens, comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas.

Les forces de police émiriennes sont d’inspiration anglo-saxonne par leur histoire et leurs structures. Dans un but d’efficacité, le vice-premier ministre, ministre fédéral de l’intérieur, est aussi le chef de la police d’Abou Dhabi. Il a engagé une action visant à renforcer progressivement son contrôle sur les polices des six autres émirats de la fédération, mais la police fédérale a encore peu de prise sur ces entités.

Forts de 44 000 hommes environ, les services de police émiriens se répartissent entre les forces fédérales, environ 5 000 personnes, et les forces de police locales, qui dépendent de chacun des sept émirats composant la fédération. La police fédérale, placée directement sous l’autorité du ministre de l’intérieur, est une entité relativement faible, en raison de l’attachement de chaque émirat à sa propre police.

Les services de police émiriens sont de création récente. Il s’agissait à l’origine de milices paramilitaires. Le périmètre d’intervention de la police aux Émirats arabes unis est différent et plus large qu’en France. Aux missions traditionnellement assumées par la police française s’ajoutent en effet celles imparties dans notre pays à l’administration pénitentiaire, aux services des préfectures et à la sécurité civile.

Les équipements des forces de police des Émirats arabes unis sont impressionnants par leur nombre et leur qualité, et la sécurité est une priorité budgétaire. Faut-il préciser que, dans ce pays, les problèmes de finances publiques ne sont pas très importants ? Le parc automobile est bien fourni, tout comme celui des hélicoptères, au nombre d’une cinquantaine. Les réseaux de communication ou l’utilisation intensive de l’informatique dans les tâches administratives sont autant de signes tangibles de la qualité des équipements. Dubaï est en passe de s’équiper d’une importante vidéosurveillance sur la voie publique et la ville d’Abou Dhabi devrait l’imiter rapidement.

Les autorités émiriennes s’inquiètent du développement du trafic et de la consommation des stupéfiants, ainsi que de la prostitution, particulièrement à Dubaï, avec son corollaire mafieux, notamment d’origine russe, indienne et chinoise. Le développement de l’aéroport et du port de Dubaï fait de cette ville une zone très propice à l’immigration illégale et aux trafics en tout genre.

Les Émirats arabes unis ne connaissent ni opposition politique, ni contestations sociales importantes, ni islamisme radical, bien que la police d’Abou Dhabi ait arrêté voilà quelques jours un groupe d’islamistes qualifiés de radicaux.

La lutte contre le terrorisme est une priorité absolue. Les autorités suivent avec attention la situation en Arabie saoudite et au Yémen, s’inquiétant de toute contagion possible venant de l’extérieur. J’ajoute qu’un millier de soldats des Émirats arabes unis sont actuellement à Bahreïn, pays voisin gagné par l’agitation du « printemps arabe » depuis l’an dernier et où les manifestations sont toujours réprimées. La fédération se trouve donc dans cette périphérie extrêmement mouvante, mais j’aurai l’occasion de revenir sur ce sujet plus tard.

Madame la ministre déléguée, la volonté du pouvoir fédéral de renforcer son autorité sur les polices de chaque émirat passe par l’instauration d’une meilleure coordination. C’est un point essentiel, vital pour l’efficacité de cette convention. Cette coordination doit prendre la forme d’une interconnexion des fichiers criminels et d’immigration des sept émirats, complétant le réseau de la carte d’identité informatique.

Mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande d’adopter le présent accord, déjà ratifié par les Émirats arabes unis, lesquels financeront intégralement les actions à venir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, si l’histoire des Émirats arabes unis est davantage liée à celle des Britanniques, la France a tout de même développé régulièrement de nombreux liens d’amitié et de coopération avec ces territoires bordant le Golfe persique, territoires qu’une journaliste décrivait comme « une bulle de bonheur climatisée peuplée de centres commerciaux géants » continuant « de célébrer l’alliance technochic de l’acier et du turban ».

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. Ce n’est pas très gentil !

M. Jean-Claude Requier. C’est en 1975 que la France et les Émirats arabes unis ont posé les fondations d’une coopération culturelle et technique devenue dense. En effet, au fil des décennies, les échanges se sont intensifiés, s’inscrivant parfaitement dans la stratégie de la fédération, qui consiste à s’imposer comme un pôle culturel mondial à l’horizon de 2030.

Cette ambition passe par des projets assez singuliers, tels que l’installation d’un musée du Louvre dans le district culturel de l’île de Saadiyat à Abou Dhabi.

Le bâtiment devrait ouvrir ses portes en 2015. Cette transposition de l’un des fleurons culturels de la France illustre la volonté des Émirats arabes unis de se construire une identité. Il faut savoir que la France tirera avantage de cette coopération : 360 millions d’euros dans un premier temps et beaucoup plus à terme. Souhaitons toutefois que les enjeux financiers ne fassent pas perdre au musée français le contrôle de son label « Louvre ».

La France et la fédération entretiennent également des relations économiques, mais elles sont, à mon sens, en deçà de ce qu’elles pourraient être au regard du potentiel des Émirats arabes unis. Ces derniers ont judicieusement diversifié leur économie afin de dépasser la seule rente pétrolière, qui leur garantit un socle de croissance bien enviable, mais qui est menacée à terme par le fameux « pic de Hubbert ». En attendant, si les Émirats arabes unis ont subi le contrecoup de la crise mondiale, ils se sont relevés assez vite, ce qui démontre toute la pertinence de leur stratégie de diversification vers l’industrie et les services.

Sachons profiter davantage de ce marché. Le poids de la France dans les importations de cet État n’est que de 3,48 %, ce qui classe notre pays au neuvième rang des fournisseurs de la fédération. C’est bien peu, et ce ne sont pas les revers commerciaux que nous avons subis avec l’EPR français ou encore les Rafale qui vont doper nos exportations.

Au-delà de la confiance et des intérêts qui lient réciproquement notre pays avec les Émirats arabes unis dans le domaine culturel et économique, des liens plus récents se sont noués au cours des dernières années dans des domaines plus sensibles. Je pense en particulier à l’accord qui a permis l’installation d’une base militaire française à Abou Dhabi, signé le 26 mai 2009. Décidée par l’ancien Président de la République, cette implantation forte de 670 hommes combine des installations aériennes, aéronavales et terrestres. Comme vous le savez, mes chers collègues, la base militaire d’Abou Dhabi est la première ouverte depuis cinquante ans hors de l’Afrique. Elle se trouve de surcroît dans une zone d’influence anglo-saxonne.

Si certains peuvent s’interroger sur la pertinence de ce choix, il faut bien reconnaître que l’épicentre de l’arc de crise défini dans le dernier Livre blanc de 2008 se déplace de plus en plus vers l’est. Dans ces conditions, on peut apprécier l’intérêt d’un point d’ancrage militaire français face à l’Iran.

J’ajouterai que la fédération des Émirats arabes unis a toujours entretenu de bonnes relations avec les alliés occidentaux. Dans différentes crises, elle s’est rangée de notre côté. Souvenons-nous de son rôle positif dans la libération du Koweït. Plus récemment, en Libye, les Émirats arabes unis ont été les premiers, avec le Qatar, à s’engager militairement dans ce conflit. En effet, je rappellerai que, à l’issue d’une phase humanitaire, ils ont participé aux opérations d’instauration de la zone d’exclusion aérienne.

S’agissant du dossier syrien, la fédération étant membre de la Ligue arabe, elle a rejoint la position notamment exprimée par le Conseil de sécurité de l’ONU.

À l’égard de l’Iran, les Émirats arabes unis entretiennent une position plus complexe. Leurs autorités perçoivent bien ce pays comme une menace, mais deux éléments modèrent les rapports entre les deux voisins. D’une part, l’Iran est l’un de leurs principaux débouchés économiques et, d’autre part, une forte communauté iranienne de 500 000 personnes est présente dans la fédération, surtout à Dubaï.

Au regard des postures adoptées ces dernières années par les Émirats arabes unis sur la scène internationale, la France a jugé opportun d’approfondir en toute confiance sa coopération bilatérale avec eux.

L’accord de coopération en matière de sécurité intérieure qui nous est soumis pour ratification, conclu le 26 mai 2009 à Abou Dhabi, s’inscrit dans cette démarche. Il a connu une gestation relativement longue puisqu’il a été proposé en 1995, mais un certain nombre d’obstacles juridiques ont ralenti le processus. En effet, comme vous l’avez souligné, madame la rapporteur, l’accord avec les Émirats arabes unis est d’une ambition moindre que celle de l’accord type de sécurité intérieure élaboré par la France en 2007.

Il est vrai que certaines contraintes juridiques subsistent, s’agissant, en particulier, de la protection des données à caractère personnel, puisque nos législations ne concordent pas. Précisons également que les Émirats arabes unis ne sont pas encore suffisamment impliqués dans certaines conventions internationales, notamment en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, ce qui a réduit en conséquence les considérants de l’accord.

Malgré toutes ces réserves, l’accord a été finalisé et il est soumis aujourd’hui à l’approbation du Sénat.

II s’agit, vous l’avez dit, madame la ministre déléguée, d’aider les Émirats arabes unis à améliorer l’efficacité de leur service de sécurité intérieure. Compte tenu de leurs importants moyens financiers, la police fédérale et les polices locales n’ont pas de problème de qualité en matière d’équipement. J’ajouterai que cet État ne connaît pas une forte délinquance. Toutefois, l’enrichissement rapide de la zone a favorisé le trafic et la consommation de stupéfiants, la prostitution, le blanchiment d’argent et l’immigration illégale. Malgré toutes ces difficultés, le pays demeure assez sûr, même si, il faut bien le dire, cette sûreté doit beaucoup à une surveillance étroite des habitants, notamment des étrangers, et à une loi pénale particulièrement dissuasive.

Les services de renseignement sont particulièrement actifs à l’égard des Indiens, des Pakistanais et des Iraniens. Un peu trop d’ailleurs, selon Amnesty International, qui a déploré, en 2010, l’expulsion, pour des raisons de sécurité nationale, d’étrangers qui résidaient de longue date aux Émirats arabes unis. Ces personnes étaient des Palestiniens originaires de Gaza et des Libanais de confession chiite. Mais fermons la parenthèse sur ces épisodes, qui, disons-le sans détour, embarrassent quelque peu le jeu diplomatique.

Mes chers collègues, c’est essentiellement en termes de coopération technique que les autorités locales souhaitent bénéficier de l’expertise occidentale, en l’occurrence française.

Mme la rapporteur a exposé les points faibles de la police émirienne. Je ne ferai que les énumérer : une expérience récente du fait de l’accession tardive des Émirats arabes unis à l’indépendance, une géographie handicapante pour la supervision fédérale, des effectifs étrangers pour l’exécution et émiriens pour l’encadrement, et, enfin, l’absence d’une doctrine d’emploi claire et adaptée à la zone d’intervention.

L’accord de coopération, fondé sur neuf articles, permettra, espérons-le, d’aider les Émirats arabes unis à progresser dans le domaine de la sécurité intérieure et, en contrepartie, de bénéficier à la France, dans la mesure où l’échange d’informations pourra également lui être utile en la matière. C’est le sens du texte signé le 26 mai 2009 par la France et les Émirats arabes unis.

Le RDSE, soucieux de contribuer à la présence française au Moyen-Orient, apportera son soutien au projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre déléguée.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. Bravo !

M. Daniel Reiner. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la demande de nos collègues de l’UCR d’un débat de deux heures sur un tel sujet nous a, dans un premier temps, un peu surpris. Cet accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre les Émirats arabes unis et notre pays s’inspire en effet d’un « accord type », dont de nombreux avatars ont déjà été adoptés via une procédure de vote simplifiée, sans débat ni prise de parole dans l’hémicycle. J’y vois, toutefois, l’occasion de développer la position des écologistes sur ce type de textes en général et sur le présent projet de loi en particulier.

Nous avons pour habitude de nous abstenir lorsqu’un accord de sécurité intérieure est soumis à cette assemblée. En effet, de tels textes entrent globalement en contradiction avec la conception écologiste de l’intérêt général et notre attachement au principe de protection des libertés individuelles. J’y reviendrai dans un instant.

S’agissant de l’accord dont il est question aujourd’hui, alors que le débat nous donne l’opportunité d’examiner le fond de la chose et de préciser ce qui, à nos yeux, pose véritablement problème, la position du groupe écologiste se veut plus ferme encore qu’à l’accoutumée.

Tout d’abord, vous me permettrez, mes chers collègues, de m’arrêter sur ce qui constitue l’accord type de coopération en matière de sécurité intérieure : élaboré par la France en 2007, il appartient à l’héritage que nous a laissé, en matière de sécurité et de politique étrangère, l’ancienne majorité, notamment la ministre de l’intérieur de l’époque et l’un de ses successeurs.

Cet accord type a pu, certes, obtenir l’assentiment de nos amis socialistes à plusieurs reprises, ce qui prouve bien que ces domaines sont complexes et appréciés diversement, indépendamment des clivages politiques. Je crois cependant que, comme le reste dudit héritage, il mérite d’être évalué et repensé. D’autant que le changement arrivé en France a aussi frappé à la porte d’autres États, et dans des proportions autrement plus importantes ! Je veux parler d’États avec lesquels de semblables coopérations ont pu être menées par le passé et avec lesquels nous nous devons de mettre en place des relations sur des bases franchement renouvelées.

Ensuite, en ce qui concerne le contenu de l’accord type, notre première réticence réside dans son champ d’application, défini à l’article 1er. Celui-ci place en effet au même rang les différents domaines que recouvre la notion de « sécurité intérieure », donnant autant d’importance à la « lutte contre l’immigration illégale » qu’à la « lutte contre la criminalité organisée » ou « la lutte contre la traite des êtres humains, contre l’abus et l’exploitation sexuelle des enfants ».

Un tel amalgame nous semble inopportun, alors qu’il paraît nécessaire d’apporter une réponse proportionnée à chacun de ces domaines. En particulier, mettre au même niveau l’« immigration illégale » et la « traite des êtres humains » va clairement à l’encontre de notre attachement à la liberté de circulation des personnes.

L’article 2 de l’accord type expose les méthodes de coopération. Il s’agit notamment de faciliter l’échange d’informations entre les autorités des deux pays et de prendre les mesures policières nécessaires à la demande de l’autre partie, ce qui ne nous semble pas adapté sur des domaines tels que l’immigration illégale.

Mes chers collègues, l’accord type de coopération en matière de sécurité intérieure ne nous paraît généralement pas posé de façon pertinente : pour sa genèse, pour sa finalité, comme pour ses modalités précises.

J’en viens au cas particulier qui nous occupe aujourd’hui, un cas d’autant plus particulier que les Émirats arabes unis sont réputés appartenir aux pays les plus sécuritaires de la planète.

Il ne s’agit pas de dénier toute logique à l’accord. Après tout, formaliser la coopération bilatérale en matière de sécurité intérieure entre la France et les Émirats arabes unis, qui existe déjà, de fait, depuis 1995, paraît sensé. En outre, nous reconnaissons les raisons qui poussent nos collègues à voter ce texte, lequel présente peu de contraintes pour notre pays, sur les plans tant financier et opérationnel que juridique. La ratification d’un accord de coopération est toujours perçue comme un signal positif et une preuve d’ouverture sur le plan diplomatique. Cela facilite également les échanges d’expériences et le partage de compétences entre les deux États concernés. Aux yeux de beaucoup, ces avantages paraissent sans doute suffisants.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je crains, toutefois, qu’en suivant ce raisonnement nous ne fassions fausse route. Est-il vraiment nécessaire de rappeler la situation des droits humains aux Émirats arabes unis ?

À quoi cela rimerait-il d’établir une coopération de sécurité avec un pays où le simple fait de critiquer le gouvernement et de réclamer des réformes est passible d’emprisonnement ?

À quoi cela rimerait-il de coopérer avec un pays qui place l’impératif de sécurité intérieure au-dessus de tout respect des droits humains ?

Les Émirats arabes unis sont dotés, comme l’a rappelé Mme la rapporteur, de services de renseignement très pointus, reposant sur un réseau d’informateurs vraiment dense et un important recours au croisement de fichiers informatiques. L’État émirien s’appuie également sur l’utilisation des nouvelles technologies, notamment au travers de son réseau de carte nationale d’identité informatique permettant la reconnaissance des empreintes digitales et de l’iris, ce qui lui assure une efficacité redoutable en matière de lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine. Il est inutile de préciser que, dans ces conditions, la population migrante, qui représente 87 % des habitants, est très étroitement surveillée.

Les sanctions pénales à l’encontre des expatriés sont systématiquement assorties d’une expulsion, voire d’une interdiction de retour. Elles sont parfois motivées par le seul fait d’avoir voulu exercer un droit syndical, puisque le gouvernement a le pouvoir de briser une grève et de forcer la reprise du travail ; l’an dernier, au moins 71 personnes originaires du Bangladesh ont ainsi été expulsées en raison de leur rôle dans un conflit social.

Le code pénal donne le pouvoir à l’État de poursuivre et d’emprisonner des citoyens pour atteinte à la sûreté de l’État. Ce dernier y a eu recours, l’an dernier, contre au moins 5 hommes qui avaient simplement critiqué, sur internet, la direction du pays. Le code pénal donne aussi à chaque homme le droit de discipliner femme et enfants, si besoin par la force.

Je ne rappellerai pas le rôle qu’ont pu jouer les Émirats arabes unis en 2011, lorsqu’ils ont prêté main-forte à Bahreïn, qui faisait alors face à une contestation grandissante. Certes, les troupes émiraties n’ont, semble-t-il, pas directement participé à la répression. Mais qu’aurait-on dit si tel avait été le cas et que certains de leurs éléments avaient été formés par la France en vertu de cet accord ? Il faut le savoir, parmi les formations dont les forces de l’ordre émiraties ont pu bénéficier au cours des années 2009 et 2011, on trouve aussi bien un apprentissage aux techniques d’enquête en matière de crime sexuel – je ne trouve rien à y redire – que des formations dites « snipers » ou « snipers avancées » !

Mes chers collègues, à quoi cela rime-t-il de ratifier un accord de sécurité intérieure avec un pays dont la conception de la sécurité est telle qu’elle va à l’encontre des valeurs de la République française ?

Certains espèrent qu’en partageant nos compétences techniques nous encouragerons les Émirats arabes unis à faire évoluer leur droit interne vers une meilleure garantie des droits humains. N’encourageons-nous pas, au contraire, cet État ultrasécuritaire à poursuivre sa politique ? Ne cautionnons-nous pas, indirectement, des pratiques attentatoires aux libertés publiques, en contribuant à renforcer l’efficacité des forces de l’ordre émiriennes ?

J’exprimerai une dernière réserve sur le présent texte. Présentant une spécificité par rapport à l’accord type, il pourrait nous placer dans une situation délicate sur le plan diplomatique. Je pense aux dispositions de l’article 6, aux termes duquel, en cas de refus de coopération, la partie sollicitée doit justifier sa décision auprès de la partie requérante. Cette précision a été demandée par l’État émirien, alors que, dans l’accord type de coopération de sécurité intérieure, la partie sollicitée doit simplement informer de son refus, et non le justifier.

Je n’ose imaginer la prudence dont nos services devront faire preuve, dans leurs travaux de justification, dès lors qu’ils voudront décliner une demande tout en évitant un incident diplomatique. Je ne serais pas surpris que cela s’avère le moyen le plus efficace de nous contraindre à l’autocensure.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, voilà deux mois, les citoyens français ont fait le choix du changement. Ce choix, nous devons le respecter dans tous les domaines. Cela passe, notamment, par une vision renouvelée de nos relations diplomatiques.

Le champ de la coopération internationale est vaste ; adopter un accord en matière de sécurité intérieure avec un État sécuritaire ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons d’un quinquennat humaniste et progressiste.

Pour nous, écologistes, l’heure n’est plus à la ratification de traités à la finalité douteuse. Notre pays s’est doté des moyens intellectuels et humains nécessaires pour proposer à nos partenaires internationaux des accords pertinents.

Mes chers collègues, nous avons confiance dans le Gouvernement et dans sa capacité à impulser un vrai changement. C’est précisément pour cela que nous voterons contre ce texte, élaboré à une autre époque et ne reflétant pas ce qui doit constituer, pour nous, les priorités de la majorité en matière de diplomatie, de défense et de sécurité.