M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l’article.

Mme Mireille Schurch. Si l’on peut certes considérer que la cession de terrains publics avec une décote significative pouvant aller jusqu’à la gratuité est de nature à constituer une bouffée d’oxygène pour les collectivités porteuses de projets urbains à caractère social, ainsi que pour les opérateurs de construction de logements locatifs sociaux, nous souhaitons néanmoins attirer votre attention sur quelques points, madame la ministre, et vous poser quelques questions.

En effet, nous estimons qu’il ne faudrait pas que les effets de cette « manne » soit annihilés par une baisse corrélative des subventions d’État au titre de la charge foncière – voire de la surcharge –, c’est-à-dire par une réduction des aides à la pierre, dont on sait par ailleurs qu’elles constituent souvent l’élément décisif de l’équilibrage du plan de financement des opérations, notamment en zones tendues…

En effet, si tel devait être le cas, on ne voit pas bien quelle serait l’incidence positive de la mesure sur l’équilibre financier des opérations en question. L’étude d’impact aborde ce problème, mais elle reste un tant soit peu évasive, évoquant pêle-mêle, mais de façon « alternative », soit une réduction éventuelle de loyer pour le locataire, dès lors que la décote serait répercutée sur le prix de revient de l’opération, soit un ajustement des subventions publiques, qui pourraient, selon l’étude d’impact, être reportées le cas échéant sur d’autres opérations.

Mais quelles assurances avons-nous que ce dispositif de décote ne fournira pas, à un moment ou à un autre, le prétexte à une diminution globale du volume des aides à la pierre ?

Certes, l’étude d’impact précise que, « à l’échelle agrégée, on peut considérer que la diminution du coût de revient moyen des opérations sur le foncier public n’entraînera pas une réduction du volume total des subventions à la construction de logement social, qui dépend plutôt des capacités des pouvoirs publics à subventionner ». Mais que vaut cet engagement au regard de la réduction annoncée des déficits publics ou de la mise en œuvre d’un traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance que le Gouvernement s’apprête à faire avaliser en dehors de toute consultation populaire ?

Un autre sujet d’interrogation est nourri par la lecture de l’étude d’impact, où l’on constate qu’une part significative de l’effort de décote serait supportée par des établissements publics – SNCF, RFF, VNF – qui pourraient voir, selon une hypothèse haute, leurs recettes prévisionnelles de cession de foncier amputées de quelque 370 millions d’euros sur la période 2012-2016.

À défaut de compensation par l’État, ne risque-t-on pas de voir ce manque à gagner intégré dans les bilans prévisionnels des établissements concernés, au travers de la recherche de recettes ou d’économies au titre d’autres pans de leurs activités, au détriment du bon accomplissement de leur mission de service public ?

Telles sont, madame la ministre, les interrogations auxquelles nous souhaitons que vous apportiez des réponses.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, sur l’article.

M. Pierre Jarlier. Comme je n’ai pas eu l’occasion de le faire lors de la discussion générale, je souhaite tout d’abord saluer l’esprit qui régit ce texte, même si, à l’instar de nombre de mes collègues, je déplore les conditions pour le moins particulières de ce débat.

Ce projet de loi participe de l’ambition de faire du logement une grande cause nationale. Certes, il est incomplet au regard de l’ampleur des mesures à prendre pour relancer la production de logements sociaux dans notre pays, mais son article 1er constitue une avancée considérable, car l’État s’affirme comme un véritable partenaire des collectivités locales et des opérateurs en matière de construction de logements sociaux.

De très nombreuses communes sont en effet dans l’attente d’un dispositif de soutien à leur effort de construction de logements sociaux, dans un contexte où le prix du foncier en secteur tendu peut représenter une part considérable du coût d’une opération et devenir même prohibitif. À titre d’exemple, rappelons que la construction de 11 000 logements sociaux dans la région d’Île-de-France est suspendue à la conclusion d’une transaction avec l’État pour libérer le foncier nécessaire.

Le coût du foncier peut donc constituer un frein considérable à la production de logements, en particulier lorsque ceux-ci présentent un caractère « social ».

La décote, qui pourrait aller jusqu’à 100 %, appliquée sur le prix des terrains cédés aux collectivités par l’État et ses établissements publics favorisera donc la réalisation de logements sociaux et le déblocage de nombreuses opérations. Nous devons saluer cet effort considérable de l’État et de ses établissements publics, dans la période de tension budgétaire sans précédent que nous connaissons.

Cependant, le dispositif, tel qu’il nous est présenté, comporte, à mon sens, plusieurs imperfections qui me semblent devoir être discutées. Je souhaite évoquer deux points à cet égard : le délai de cinq ans au terme duquel un mécanisme de réversion est prévu en cas de non-réalisation du programme ; le renvoi à des textes réglementaires pour la fixation du montant de la décote et les conditions d’application de l’article.

S’agissant du premier point, pour éviter la spéculation, le projet de loi assortit la cession de terrains avec décote de conditions : en particulier, en cas de non-réalisation du programme de logements dans un délai de cinq ans, l’acquéreur devra rembourser la décote. Or, force est de constater que les opérations de construction sont souvent retardées par des recours contentieux, des fouilles archéologiques ou encore des travaux de dépollution. Ces difficultés peuvent repousser de plusieurs années la réalisation des programmes et, à ce titre, elles devraient être neutralisées au titre des délais impartis. Plusieurs amendements allant en ce sens seront donc présentés.

S’agissant du renvoi à des dispositions réglementaires, vous avez souligné, madame la ministre, que ce texte répond à une urgence en matière de logement. Ce constat est, je le crois, partagé par nombre d’entre nous. Cependant, le renvoi à plusieurs reprises dans cet article à des textes réglementaires n’est-il pas incompatible avec une réponse appropriée à cette urgence ?

En effet, l’article 1er renvoie la fixation du pourcentage de la décote à un texte réglementaire. Il prévoit également que ses conditions d’application seront précisées par décret. Quant à la liste des établissements publics concernés par le dispositif de décote obligatoire, elle sera aussi établie par un décret prévu à l’article 2 !

L’expérience nous a malheureusement enseigné que les textes réglementaires d’application des lois sont publiés assez tardivement, voire jamais ! À défaut d’une modification du texte, des engagements clairs du Gouvernement sur un calendrier de mise en œuvre de la loi seraient bienvenus ; nous aimerions bien qu’il en prenne. C’est l’une des principales garanties que nous attendons en vue de répondre de façon opérationnelle à l’urgence en matière de construction de nouveaux logements sociaux. Dans quel délai cet article entrera-t-il en vigueur ?

Madame la ministre, au-delà du manque de logements, l’évolution des dépenses dans ce domaine, qui excède aujourd’hui les capacités contributives de très nombreuses familles, est très inquiétante. Le prix exorbitant du foncier, l’inflation du coût de la construction et l’augmentation considérable des dépenses liées à la consommation d’énergie sont les principales causes de cette situation.

Cet article a le mérite de s’attaquer à l’une des sources principales de l’inflation des dépenses des ménages en matière de logement, et c’est une bonne nouvelle, même si la réponse apportée reste partielle. Aussi, sous réserve de ces observations, je voterai l’article 1er.

M. le président. L'amendement n° 154, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) La première phrase est remplacée par une phrase ainsi rédigée : « L'État peut procéder à l'aliénation d’immeubles de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale lorsque ces immeubles, bâtis ou non bâtis, sont destinés à la réalisation de programmes de constructions comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social. »

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il nous est apparu nécessaire de reprendre, au sein de l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, la définition juridique habituelle du domaine privé de l’État, qui vise les « immeubles bâtis ou non bâtis ».

M. le président. Le sous-amendement n° 184, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Amendement n° 154

Alinéa 3

Remplacer les mots :

une partie au moins

par le pourcentage :

au moins 50 %

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Le présent projet de loi a pour objet de permettre la mobilisation du foncier public en faveur de la construction effective de logements accessibles.

Dans cette perspective, nous considérons que le dispositif de l’article 1er n’encadre pas les choses de façon suffisamment concrète. En effet, rien, hormis l’attrait de la décote, n’oblige l’acquéreur de terrains à définir un projet orienté principalement vers la construction de logements locatifs sociaux. Tout ce que prévoit le dispositif à cet égard, c’est un renforcement de la décote, qui passe de 35 % à 100 % en cas de construction de logements sociaux.

Nous pouvons donc craindre que certains des terrains recensés par vos services soient utilisés non pour la construction de logements locatifs sociaux, mais en vue d’autres finalités. Cela peut d’ailleurs s’entendre, mais l’objectif visé au travers du présent texte est la construction de logements, et non le déblocage de terrains publics.

Nous proposons donc, par le biais de ce sous-amendement, de caler le dispositif sur ce qui se pratique dans les départements d’outre-mer, où la décote opérée lors de la cession des terrains de l’État peut aller jusqu’à la gratuité, à condition que la moitié au moins des logements construits soient des logements locatifs sociaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. L’amendement n° 154 vise à substituer, au sein de l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, le mot « immeubles » au mot « terrains ». La différence entre les deux termes n’est guère évidente, et il me semble que la formulation « immeubles bâtis ou non bâtis » est redondante. Je souhaiterais donc que l’on en reste à la formulation « terrains bâtis ou non bâtis ».

La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

La commission n’a pas pu se prononcer sur le sous-amendement n° 184. À titre personnel, j’y suis défavorable, car exiger un minimum de 50 % de logements locatifs sociaux ne laisserait pas suffisamment de souplesse pour tenir compte de la diversité des situations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. De la souplesse est nécessaire : c’est le principe qui sous-tend ce projet de loi. Or la mise en œuvre du dispositif du sous-amendement n° 184 risquerait d’engendrer des situations de blocage dans certains cas, par exemple quand des terrains sont enchâssés dans une zone où les logements sociaux sont déjà très nombreux. Le Gouvernement est donc défavorable à ce sous-amendement.

Quant à l’amendement n° 154 de Mme Lienemann, il nous semble que la rédaction prévue par le texte, visant les « terrains bâtis ou non bâtis » alors que la rédaction actuelle de l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques fait référence aux seuls « terrains », est plus précise et suffit à englober l’ensemble des situations. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Lienemann, l'amendement n° 154 est-il maintenu ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dans la mesure où Mme la ministre nous indique que c’est bien la conception extensive de la notion de domaine privé de l’État qui prévaut, cet amendement n’a plus d’utilité et je le retire donc.

M. le président. L'amendement n° 154 est retiré.

En conséquence, le sous-amendement n° 184 n’a plus d’objet.

L'amendement n° 15, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Les mots : « une partie au moins est réalisée » sont remplacés par les mots : « 50 % au moins sont réalisés » ;

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 114, présenté par M. Bérit-Débat, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. Alinéa 5

Remplacer les mots :

, qui peut atteindre 100 % de la valeur vénale du terrain, est fixée en fonction

par les mots :

est fixée à 100 % de la valeur vénale du terrain. Elle peut être réduite afin de tenir compte

II. Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État de la modification des modalités de fixation de la décote est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Cet amendement vise tout simplement à inverser la logique de fixation du niveau de la décote appliquée lors de la cession de terrains de l’État en vue de la construction de logements sociaux.

Il prévoit ainsi que la décote soit fixée à 100 % de la valeur vénale du terrain pour la part du programme destinée à la réalisation logements sociaux. Elle pourra être réduite afin de tenir compte de la catégorie des logements sociaux concernés et des circonstances locales – situation du marché foncier et immobilier, conditions financières et techniques de l’opération.

Madame la ministre, cet amendement n’a d’autre objet que de permettre au Gouvernement de respecter la parole du Président de la République, qui a annoncé pendant la campagne, avant d’être relayé par M. le Premier ministre, que les terrains seraient cédés gratuitement aux collectivités locales pour construire du logement social.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. La rédaction proposée au travers de cet amendement n’emporte pas de différence juridique au regard du dispositif du projet de loi.

En revanche, il me semble qu’elle adresse un message qui rendra plus difficile la modulation inversée en fonction des situations, alors que la rédaction actuelle du texte permet d’aller jusqu’à la décote totale.

Pour cette raison, monsieur le rapporteur, même si je comprends parfaitement l’esprit de cet amendement, je vous demande de le retirer. À défaut, j’y serais défavorable.

M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 114 est-il maintenu ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Je le maintiens, car il vise à tenir compte d’un certain nombre de constats que nous faisons sur le terrain.

Je comprends la logique du Gouvernement, mais je ne voudrais pas que, sous prétexte de pouvoir faire varier la décote de 0 % à 100 %, la décote intégrale ne soit jamais pratiquée. À cet égard, je me méfie beaucoup de l’action de France Domaines, en particulier.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Je suis très surpris de la position de Mme la ministre. Bercy et les établissements publics sont très réticents à céder du foncier aux collectivités locales et freineront par tous les moyens la mise en œuvre de cette mesure.

Madame la ministre, votre démarche visant à favoriser la construction de logements sociaux était ambitieuse. J’aurais aimé que vous alliez jusqu’au bout de cette ambition.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Pour ma part, je me rangerai plutôt à l’avis de Mme la ministre. De toute façon, en droit, c’est la même chose.

Pour le reste, qui détient l’autorité : le ministre ou les directeurs de l’administration ? Dès lors que le législateur a clairement exprimé sa volonté, il serait tout de même fort de café que l’administration freine des quatre fers ! Nous savons que cela peut arriver, mais ce n’est pas normal.

Cela étant dit, ce qui me surprend, c’est que nous soyons tous d’accord ici pour autoriser l’État à céder des terrains à titre gratuit quelle que soit la situation du preneur ! Il serait tout de même choquant qu’une collectivité richissime n’ayant pas voulu construire suffisamment de logements par le passé bénéficie tout d’un coup d’un tel cadeau, tandis qu’une commune comme la mienne, dont le territoire ne compte pas de terrains appartenant à l’État ou à un établissement public, ne recevra aucune aide !

Certes, on nous dit que la décote pourra aller de 0 % à 100 %, mais il n’y a pas le début de l’ombre d’un critère pour la fixation du niveau de la décote ! Cela me choque !

Je défendrai ultérieurement un amendement visant à prévoir qu’il soit à tout le moins tenu compte du potentiel financier du preneur pour décider du taux de la décote.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Mme Schurch a évoqué tout à l'heure les conséquences financières de ce dispositif pour les établissements publics concernés. Il s’agit d’une question intéressante, que j’ai moi-même soulevée lors de la discussion générale ; il convient d’y répondre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer les mots :

de la catégorie à laquelle ces logements appartiennent et

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Cet amendement vise à supprimer la référence à la catégorie des logements qui seront construits sur le foncier cédé par l’État dans le calcul de la décote lors de la cession en vue de construire des logements locatifs sociaux. En effet, l’objectif visé au travers de cet article est bien de développer la construction de logements locatifs sociaux.

Dans la mesure où le prix du foncier entre dans le bilan global d’un programme de construction, il ne convient pas de mettre en péril l’équilibre financier de certains programmes, déjà difficile à atteindre étant donné la faiblesse des financements de l’État.

Le fait que l’État ne finance pas les PLS, qu’il finance les PLUS à hauteur de 500 euros environ – si je prends l’exemple de mon territoire – et les PLAI à hauteur de 8 500 euros – 9 500 euros dans les zones tendues – est déjà discriminatoire envers les PLS et de nature à inciter à la construction de logements PLAI.

Il résultera de l’application de l’alinéa 5, tel qu’il est actuellement rédigé, que la décote sera plus faible pour les PLS que pour les PLUS et les PLAI. En clair, cela signifie que certains programmes subiront une double peine : moins de financement et un coût du foncier plus important.

Or la construction de PLS, et même de PLUS, qui seront plus pénalisés que les PLAI, répond à un réel besoin dans certains territoires, toujours dans une logique de mixité sociale et de prise en compte globale des objectifs d’un programme local de l’habitat. Ces besoins sont d’ailleurs validés dans les PLH, dont la plupart ont élaborés avec l’ensemble des partenaires : les organismes d’HLM et les financeurs, dont l’État.

Mon objectif n’est pas de mener une guerre contre les PLAI, car ils répondent à un réel besoin dans certains territoires. La preuve en est que j’ai déposé un autre amendement tendant à prévoir qu’un PLAI soit comptabilisé comme deux logements sociaux construits. Je le présenterai ultérieurement. Son dispositif vise à inciter les collectivités locales à construire des PLAI sur leur territoire.

Le dispositif de décote ne doit pas, en opérant une distinction en fonction de la nature des logements sociaux devant être construits, aller à l’encontre de la mixité et menacer l’équilibre financier des programmes des collectivités locales.

M. Alain Fouché. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Le projet de loi prévoit la fixation de décotes en fonction de la catégorie des logements sociaux et des circonstances locales.

Notre collègue propose que ne soient prises en compte, pour la modulation de la décote, que les circonstances locales, et non la catégorie dont relèvent les logements locatifs sociaux envisagés.

Je ne suis pas favorable à cet amendement. À mon sens, il n’est pas choquant que, en fonction de circonstances locales, la décote n’atteigne pas 100 % pour les PLS.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Je partage très largement la position de M. le rapporteur.

Le principe même de la décote, c’est une modulation en fonction de l’opération envisagée, tenant compte des caractéristiques locales, des opérateurs amenés à intervenir et, bien évidemment, du type de logements devant être construits, notamment de leur caractère social, voire très social, la décote pouvant alors aller jusqu’à la gratuité.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. L’adoption de cet amendement aurait pour effet de détruire le dispositif dont nous avons discuté en commission : la décote moyenne doit avant tout être fonction de la typologie des logements sociaux à construire sur les terrains cédés. La décote pourra ainsi atteindre 100 % pour des PLAI ou des « super PLAI », mais je ne vois pas pourquoi une telle décote s’appliquerait pour des PLS !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne comprends pas très bien l’argumentation de Mme Létard.

En effet, aujourd'hui, financer la construction de PLS ne pose pas de difficultés dans la plupart des cas. J’observe d’ailleurs que, dans de nombreuses collectivités, ces logements ne trouvent pas preneurs, les candidats éventuels ne satisfaisant pas aux critères requis… Il arrive que l’on soit obligé de faire appel à des agences externes pour trouver des locataires !

En revanche, le financement des opérations de construction de PLAI pose souvent problème, en dépit de l’aide à la pierre, dont le montant est insuffisant. Il est donc normal et nécessaire que l’effort de la puissance publique porte prioritairement sur ce type d’opérations, d’autant que, sinon, la tendance à construire d’abord des PLS, au détriment des PLAI, se maintiendra.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

qui sont à appréhender avec l’établissement public de coopération intercommunale, dans la mesure où il a conclu une convention visée au deuxième alinéa de l’article L. 301-5-1 du code de la construction et de l’habitation

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Cet amendement tend à prévoir que les EPCI délégataires des aides à la pierre soient associés à la détermination du montant de la décote du prix du foncier public.

En effet, comment concevoir que, d’un côté, un organisme d’HLM négocie avec l’EPCI délégataire le bilan du financement d’un programme de construction de logements locatifs sociaux – je rappelle que ce bilan intègre, en dépenses, le coût du foncier, et, en recettes, les financements de l’État, aussi faibles soient-ils, ainsi que les bonifications financières dudit EPCI – et que, de l’autre, l’organisme d’HLM et l’État engagent une négociation financière sur le coût du foncier par le biais du taux de décote ?

Cela revient à ce que l’État pilote seul la négociation sur les dépenses des programmes de construction, alors que, dans le même temps, il délègue la gestion des financements de ces mêmes programmes aux EPCI.

Mes collègues le savent fort bien : monter le bilan financier d’un programme de construction de logements locatifs sociaux est un travail de longue haleine, qui nécessite des discussions et des négociations fermes et difficiles. Chacun sait que, en la matière, rien n’est normé et tout est complexe.

Chaque programme est différent, chaque plan de financement également. Tout programme nécessite des ajustements financiers particuliers. Il faut que l’ensemble des aides de l’État – subventions et rabais sur le prix du foncier – soient négociées, ou du moins validées, conjointement et dans un cadre partenarial, entre l’organisme d’HLM, d’une part, et l’État et l’EPCI délégataire des aides à la pierre, d’autre part.

L’objet de mon amendement est donc clair : il s’agit d’assurer la cohérence financière des différentes aides que l’État apporte aux programmes de construction de logement locatif social, dans un souci de bonne réalisation des programmes et d’équilibre financier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. L’article 1er prévoit que la décote soit fixée en fonction de la catégorie à laquelle appartiennent les logements sociaux compris dans le programme de construction et des circonstances locales, telles que la situation du marché foncier et immobilier ou les conditions financières et techniques de l’opération.

L’amendement n° 35 rectifié vise à préciser que les circonstances locales seront appréciées avec l’éventuel EPCI délégataire des aides à la pierre. J’avoue ne pas comprendre l’intérêt de cet amendement.

C’est à l’État qu’il revient de décider l’application d’une décote et de déterminer son taux. On voit mal pour quelles raisons de telles mesures seraient appréciées en lien avec un EPCI délégataire, ce qui ne manquerait pas de donner lieu à des décisions à géométrie variable.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Le niveau de décote consenti sur la valeur d’un terrain dépend notamment de la catégorie des logements programmés et de circonstances locales. La programmation des catégories de logements financées par les aides à la pierre doit naturellement être cohérente avec les options prises pour la répartition de ces aides.

Dès lors, dans le cas où l’attribution des aides à la pierre a été déléguée à un EPCI, il revient à l’autorité compétente de l’État de s’assurer de leur cohérence. À partir du moment où l’État s’assure de cette cohérence, il lui appartient aussi de gérer la décote qui sera consentie sur les terrains concernés par des opérations de construction de logement social.

Je vous prie, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.