compte rendu intégral

Présidence de M. Didier Guillaume

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-François Humbert,

M. Gérard Le Cam.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Articles additionnels après l’article 8 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Première partie

loi de finances pour 2013

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Article 9

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 147, rapport n° 148).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie du projet de loi de finances, des dispositions relatives aux ressources.

PREMIÈRE PARTIE (suite)

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS (SUITE)

B. – Mesures fiscales (suite)

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Article additionnel après l'article 9

Article 9

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. – À la fin du premier alinéa de l’article 885 A, les mots : « la limite de la première tranche du tarif fixé à l’article 885 U » sont remplacés par le montant : « 1 300 000 € » ;

B. – La section II du chapitre Ier bis du titre IV de la première partie du livre premier est complétée par un article 885 G quater ainsi rédigé :

« Art. 885 G quater. – Les dettes contractées par le redevable pour l’acquisition ou dans l’intérêt de biens qui ne sont pas pris en compte pour l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune dû par l’intéressé ou qui en sont exonérés ne sont pas imputables sur la valeur des biens taxables. Le cas échéant, elles sont imputables à concurrence de la fraction de la valeur de ces biens qui n’est pas exonérée. » ;

C. – L’article 885 O ter est ainsi rédigé :

« Art. 885 O ter. – Les éléments du patrimoine social non nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société ne sont pas considérés comme des biens professionnels et doivent être compris, pour leur valeur au 1er janvier de l’année d’imposition, dans le patrimoine du ou des propriétaires des parts ou actions, à concurrence du pourcentage détenu dans cette société.

« Cette règle s’applique quel que soit le nombre de niveaux d’interposition entre la société et les biens non nécessaires à son activité. » ;

D. – L’article 885 U est ainsi rédigé :

« Art 885 U. – 1. Le tarif de l’impôt est fixé à :



 

« 

(En %)

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine

Tarif applicable

N’excédant pas 800 000 €

0

Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 300 000 €

0,50

Supérieure à 1 300 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 €

0,70

Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 5 000 000 €

1

Supérieure à 5 000 000 € et inférieure ou égale à 10 000 000 €

1,25

Supérieure à 10 000 000 €

1,50

 



« 2. Pour les redevables dont le patrimoine a une valeur nette taxable égale ou supérieure à 1 300 000 € et inférieure à 1 400 000 €, le montant de l’impôt calculé selon le tarif prévu au tableau du 1 est réduit d’une somme égale à 17 500 € - 1,25 % P, où P est la valeur nette taxable du patrimoine. » ;



bis (nouveau). – L’article 885 V est abrogé ;



E. – Il est rétabli un article 885 V bis ainsi rédigé :



« Art. 885 V bis. – I. – L’impôt de solidarité sur la fortune du redevable ayant son domicile fiscal en France est réduit de la différence entre, d’une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l’étranger au titre des revenus et produits de l’année précédente, calculés avant imputation des seuls crédits d’impôt représentatifs d’une imposition acquittée à l’étranger et des retenues non libératoires, et, d’autre part, 75 % du total des revenus mondiaux nets de frais professionnels de l’année précédente, après déduction des seuls déficits catégoriels dont l’imputation est autorisée par l’article 156, ainsi que des revenus exonérés d’impôt sur le revenu et des produits soumis à un prélèvement libératoire réalisés au cours de la même année en France ou hors de France.



« II. – Pour l’application du I, sont également regardés comme des revenus réalisés au cours de la même année en France ou hors de France :



« 1° Les intérêts des plans d’épargne-logement, pour le montant retenu au c du 2° du II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale ;



« 2° La variation de la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation, des placements de même nature, notamment des contrats d’assurance-vie, ainsi que des instruments financiers de toute nature visant à capitaliser des revenus, souscrits auprès d’entreprises établies en France ou hors de France, entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année précédente, nette des versements et des rachats opérés entre ces mêmes dates ;



« 3° Les produits capitalisés dans les trusts définis à l’article 792-0 bis du présent code entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année précédente ;



« 4° Pour les porteurs de parts ou d’actions d’une société passible de l’impôt sur les sociétés, et à proportion des droits du redevable dans les bénéfices de la société, le bénéfice distribuable, au sens de l’article L. 232-11 du code de commerce, du dernier exercice clos entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année précédente, minoré du report bénéficiaire mentionné à ce même article et majoré des sommes à porter en réserve en application des statuts et des charges exposées au profit des porteurs. Les distributions se rapportant à des bénéfices pris en compte pour l’application du présent 4° ne sont pas prises en compte pour l’application du I.



« Le premier alinéa du présent 4° s’applique lorsque les droits détenus dans les bénéfices de la société par le redevable, directement ou par personne interposée ou par l’intermédiaire du conjoint ou du concubin notoire, de leurs ascendants et descendants ou de leurs frères et sœurs, ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années ;



« 5° Les plus-values ayant donné lieu à sursis d’imposition, au titre de l’année de l’opération ayant donné lieu au sursis ainsi que les gains nets placés en report d’imposition.



« III. – Les revenus et produits mentionnés aux 1° à 5° du II sont pris en compte sous déduction des mêmes revenus et produits déjà retenus pour l’application du présent article au titre des années antérieures en application des mêmes 1° à 5°. Cette disposition s’applique de la même façon lors du dénouement des contrats mentionnés au 2° du II.



« Le 4° du II ne s’applique pas au bénéfice de sociétés exerçant de manière prépondérante une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.



« Les plus-values, y compris celles mentionnées au 5° du II, ainsi que tous les revenus sont déterminés sans considération des exonérations, seuils, réductions et abattements prévus au présent code, à l’exception de ceux représentatifs de frais professionnels.



« Lorsque l’impôt sur le revenu a frappé des revenus de personnes dont les biens n’entrent pas dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, il est réduit suivant le pourcentage du revenu de ces personnes par rapport au revenu total. » ;



F. – Le 2 du I de l’article 885 W est ainsi modifié :



1° Au premier alinéa, les mots : « comprise dans les limites de la deuxième ligne de la première colonne du tableau du 1 du I de l’article 885 U » sont remplacés par les mots : « inférieure à 2 570 000 € » et, après le mot : « mentionnent », sont insérés les mots : « la valeur brute et » ;



2° Au second alinéa, après le mot : « valeur », sont insérés les mots : « brute et la valeur » et les mots : « est portée » sont remplacés par les mots : « sont portées » ;



G. – Au I de l’article 990 J, la référence : « du I » est supprimée ;



H. – Après le deuxième alinéa du 1 du IV de l’article 1727, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :



« En matière d’impôt de solidarité sur la fortune, le point de départ du calcul de l’intérêt de retard est le 1er juillet de l’année au titre de laquelle l’imposition est établie si le redevable est tenu à l’obligation déclarative prévue au premier alinéa du 2 du I de l’article 885 W. »



II. – S’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l’année 2012, le point de départ du calcul de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts est le 1er décembre 2012 si le redevable est tenu à l’obligation déclarative prévue au premier alinéa du 2 du I de l’article 885 W du même code.



III. – Le IV de l’article 1er de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 est complété par un 4° ainsi rédigé :



« 4° Par dérogation au III du présent article, les a et b du 1° du II et le 3° du II du présent article s’appliquent pour le contrôle de l’impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l’année 2011. Pour l’application de cette disposition, les redevables mentionnés au 2 du I de l’article 885 W sont ceux dont le patrimoine est compris entre 1 300 000 € et 3 000 000 € et qui se sont acquittés de leur obligation déclarative. »



IV. – Le I s’applique à l’impôt de solidarité sur la fortune dû à compter de l’année 2013.



(nouveau). – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2014, un rapport évaluant l’opportunité de créer un droit à restitution pour la fraction des impositions qui excède le seuil de 75 % des revenus mentionné à l’article 885 V bis du code général des impôts.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l’article.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention vaudra également présentation des deux amendements que notre groupe a déposés sur l’article 9, en l’occurrence les amendements nos I-153 et I-154.

Avec cet article, nous sommes face au retour d’un impôt de solidarité sur la fortune, ou ISF, plus conforme aux nécessités de notre temps. Nous avons aussi la confirmation de la situation que nous avons pu constater lors du collectif budgétaire de cet été.

Ainsi, pour le dire vite, les plus pauvres et les plus modestes des contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune, ceux dont le patrimoine atteint une valeur comprise entre 800 000 euros et 1,3 million d’euros, ont la confirmation qu’ils sont dispensés du paiement de l’impôt.

Pour comprendre la démarche accomplie, chacun gardera évidemment en mémoire que le patrimoine médian des habitants de notre pays se situe aux alentours de 120 000 euros – le seuil d’imposition de l’ISF est plus de dix fois supérieur –et que, si environ 300 000 contribuables sont désormais exonérés, il en reste à peu près autant qui ne le sont pas et qui devront payer.

Voilà qui justifie pleinement, me semble-t-il, le fait que nous restions fidèles à l’ancien taux de l’ISF. Le barème commençait à hauteur de 800 000 euros et le nombre de contribuables, c'est-à-dire environ 600 000, continuait tout de même de représenter une minorité de personnes, au regard, par exemple, des 36 millions de Françaises et de Français qui font une déclaration pour le calcul de l’impôt sur le revenu.

Il est évidemment possible de se demander ce qui continue de motiver la démarche que le Gouvernement a finalement retenue pour relever le seuil d’imposition. Il s’agit, on peut au moins le penser, d’épargner le cadre supérieur parisien ou francilien en fin de carrière professionnelle qui disposerait d’un peu de bien…

Soyons clairs : nous ne croyons pas tout à fait à cette vision du contribuable de base de l’ISF, pas plus qu’à celle du pauvre paysan de l’Île de Ré qui serait soudain confronté à la hausse de la valeur de ses terrains du fait de leur rareté sur le marché.

D’autant que nos principes constitutionnels sont connus : l’impôt doit être justement réparti entre les membres de la société, et ceux qui ont des moyens et facultés plus importants que les autres doivent contribuer à raison de ces moyens et facultés.

En d’autres termes, l’intérêt particulier du contribuable doit s’effacer derrière l’intérêt général de la collectivité, un intérêt général dont il tirera au demeurant également parti.

Le paiement de l’ISF peut être ressenti comme une lourde charge par certains, voire comme une mesure pénalisante qui découragerait le travail et l’effort, mais il n’en demeure pas moins que nous avons aussi en France des routes, des écoles, des services publics, une police et une justice, bref tous les éléments d’un État moderne et toutes les infrastructures d’un pays avancé, et ce grâce à l’impôt. Les contribuables assujettis à l’ISF devraient être fiers de participer, plus encore que les autres, à cet effort, œuvrant in fine pour le bien de tous.

Comme nous l’avons souvent indiqué, pour un contribuable moyen, le taux de prélèvement constaté en matière d’ISF demeure relativement limité.

Y faire face impose soit de renoncer à une partie – mais c’est loin d’être le tout – du rendement d’un patrimoine dès lors que ce dernier est correctement géré, soit d’en céder quelques éléments pour pouvoir payer la facture.

Par conséquent, avec l’article 9, nous avons aujourd'hui un ISF qui est presque revenu à ses qualités d’origine et dont l’apport peut être déterminant dans la réduction des déficits publics.

Nous vous proposons tout simplement de le rendre plus opérationnel encore, en adoptant les amendements que notre groupe a déposés sur ce texte, afin de faire de l’ISF un élément essentiel, une sorte de pivot, de notre fiscalité du patrimoine.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons cette séance du samedi avec l’article 9, qui concerne effectivement, comme nous l’indiquait M. Éric Bocquet, l’impôt de solidarité sur la fortune, un prélèvement que l’on va réformer une nouvelle fois.

Après la potion amère du collectif budgétaire de l’été dernier, qui a créé une contribution complémentaire non plafonnée, car dite « exceptionnelle », on pourrait estimer de prime abord que les retouches proposées ici sont finalement relativement minimes.

Il est envisagé, semble-t-il, de rétablir un barème progressif un peu plus léger que celui qui était en vigueur jusqu’à la réforme de 2011, avec, en particulier, un taux maximal de 1,5 % au-delà d’un patrimoine de 10 millions d’euros.

En réalité, les apparences sont trompeuses. L’article 9, s’il était adopté, aurait des effets profondément nuisibles, et ce pour au moins trois raisons.

En premier lieu, depuis 2011, et du fait des gouvernements successifs, la fiscalité que supportent les revenus de l’épargne a été sensiblement alourdie. Le présent projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont tout à fait « exemplaires » à cet égard. Il faut tenir compte de cet élément lorsque l’on détermine les taux d’assujettissement des patrimoines.

En deuxième lieu, j’observe que le barème proposé s’appliquerait à une assiette élargie, du fait d’une disposition discrète, mais non moins réelle, relative aux biens considérés comme non indispensables à l’activité et logés au sein d’une société considérée, quant à elle, comme un bien professionnel. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

En troisième lieu, et c’est peut-être l’essentiel, le « plafonnement » de l’ISF qu’il est proposé d’instaurer, ou de réinstaurer, à cet article – en réalité, on s’efforce de traduire l’injonction du Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 août dernier – est un leurre. En effet, seront inclus, pour le calcul du plafonnement, des revenus que n’aura pas perçus le contribuable, voire qu’il n’a pas la faculté de décider de percevoir.

M. Albéric de Montgolfier. C’est anticonstitutionnel !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Dès lors, ce mécanisme n’est pas vraiment protecteur. À mon sens, il est douteux – mais nous verrons bien ce qu’il adviendra – que la mesure corresponde aux critères dont le Conseil constitutionnel exige le respect et qu’il a réaffirmés le 9 août dernier.

Au total, cet article s’inscrit bien dans une logique « punitive » pour la détention du capital. Il est déconnecté de la réalité économique, en particulier en temps de crise. Comment taxer à 1,5 % de leur valeur vénale des biens dont les revenus auront été frappés par un impôt de 45 %, majoré de 15,5 % de contributions sociales, et le tout sans véritable plafonnement, sans plafonnement incontestable ?

Monsieur le ministre, j’aurais tendance à penser qu’une telle réforme n’est pas « Gallois-compatible », puisqu’il s’agit d’une référence à la mode.

Plus sérieusement, l’article 9 est, il faut le dire, dangereux. Il risque de faire fuir – nous en parlions d’ailleurs hier soir – de nombreux contribuables excédés par une pression fiscale aveugle. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Caffet. Les émigrés de Coblence !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Dès lors, mes chers collègues, le plus sage serait de ne pas adopter cet article ; c’est, bien entendu, l’appel que je lance à la Haute Assemblée. À tout le moins, il convient d’apporter de sérieux correctifs au dispositif, dans l’intérêt même du Gouvernement compte tenu de la conjoncture économique actuelle.

C’est pourquoi j’ai déposé deux amendements, parmi d’autres excellents amendements qui figurent sur notre dérouleur et que nous allons examiner dans quelques instants.

M. le président. L'amendement n° I-204, présenté par MM. de Montgolfier, du Luart et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Albéric de Montgolfier.

M. Albéric de Montgolfier. La réforme que nous avions instaurée au mois de juillet 2011 avait deux objets : d’une part, diminuer le taux de l’ISF, pour le rendre plus compatible avec la réalité économique ; d’autre part, simplifier le dispositif, en créant deux taux d’imposition, l’un à 0,25 % et l’autre à 0,5 %. C’est donc une réforme qui s’inscrivait dans une perspective de bon sens économique et de simplification technique.

La réforme qui nous est proposée aujourd'hui va exactement dans la direction contraire, puisqu’il s’agit de revenir sur ce qui a été adopté au mois de juillet 2011. Comme l’a très bien dit Philippe Marini à l’instant, c’est une aberration économique, pour deux raisons au moins.

La première raison réside évidemment dans le taux tout à fait élevé, confiscatoire, de cet impôt, notamment par comparaison avec les autres pays d’Europe, dont la plupart n’appliquent pas ce type de fiscalité. Nous connaissons effectivement les risques de fuite d’entrepreneurs à l’étranger, en particulier en Belgique. (Murmures sur les travées du groupe CRC.) Les cas de « départ fiscal » sont régulièrement évoqués, et le relèvement des taux d’imposition aggravera évidemment la situation.

D’ailleurs, monsieur le ministre, vous reconnaissez vous-même que nous sommes à la limite du taux confiscatoire, puisque vous voulez réintroduire un mécanisme de plafonnement, certes sous l’injonction du Conseil constitutionnel.

La seconde raison est liée au taux lui-même, qui est totalement déconnecté des rendements des placements actuels.

Je vous le rappelle, dans les années quatre-vingt, lors de la création d’un impôt sur la fortune – à l’époque, c’était l’impôt sur les grandes fortunes, l’IGF –, le taux marginal était, de mémoire, de 1,6 %. Mais le taux des placements était alors nettement plus élevé. En 1982, il y avait même des emprunts d’État à des taux de 14 % ou de 15 %. Dans ces conditions, un IGF au taux marginal de 1,6 % pouvait être supportable.

Nous connaissons les rendements des placements financiers actuels ; ils sont, au mieux, très proches du taux d’inflation, quand ils ne sont pas nuls, voire négatifs ! Les placements en actions et les placements obligataires sont des placements à taux faibles. Et le taux marginal d’ISF qui nous est proposé aujourd'hui est totalement déconnecté de cette réalité.

Dès lors, pour acquitter l’impôt, les détenteurs de patrimoine doivent non seulement prendre sur le rendement, mais aussi, parfois, liquider une partie du patrimoine. Par conséquent, on s’approche bien du caractère confiscatoire de l’impôt !

Récapitulons : d’une part, votre réforme ne va pas dans le sens de la simplification ; vous créez un système complexe, en élargissant la base de l’impôt – Philippe Marini l’a rappelé – par un certain nombre de mesures techniques, certes un peu discrètes, mais qui auront des conséquences importantes ; d’autre part, le taux d’imposition devient totalement déconnecté des réalités économiques.

Par conséquent, le groupe UMP s’oppose fermement à l’article 9 et propose sa suppression. L’idéal serait de revenir à la réforme simplificatrice et salutaire adoptée au mois de juillet 2011.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous le voyons de nouveau ce matin – c’était déjà le cas cette nuit –, il y a bien deux logiques qui s’opposent.

M. Albéric de Montgolfier. Oui, c’est clair !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. D’un côté, il y a la logique de notre groupe majoritaire au Sénat. Nous considérons que le déficit public de la France est une catastrophe. Nous en connaissons les raisons, et nous en subissons aujourd'hui les effets. Nous voulons donc sortir de cette situation gravissime.

Dans cette perspective, et sur l’initiative de notre ancienne collègue l’excellente Nicole Bricq, aujourd'hui membre du Gouvernement, notre groupe majoritaire avait proposé l’an passé une trajectoire en vue de redresser les finances publiques, avec 50 % d’efforts sur les dépenses et 50 % sur les recettes. Nous avions ainsi proposé d’améliorer le solde budgétaire de 10 milliards d’euros. Le Gouvernement a retenu cette configuration.

De l’autre côté, il y a la logique de l’UMP, qui va en sens rigoureusement inverse. Alors que la responsabilité de la situation actuelle est clairement établie, les propositions de l’UMP – il y a eu un certain nombre d’amendements hier – se traduiraient, si elles étaient adoptées, par une dégradation globale du solde budgétaire d’au moins 10 milliards d’euros en 2013.

À cette fin, différentes mesures sont proposées pour réduire les recettes du projet de loi de finances. La disposition sur l’ISF fait partie du lot. Elle représente 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires que l’on propose de supprimer.

La perte cumulée des mesures déjà proposées par l’UMP s’élève à 6 ou 7 milliards d’euros. Mais d’autres dispositions de ce type sont encore à venir : je pense notamment à l’article 15, où quatre suppressions de recettes sont prévues. Au total, les pertes s’élèveront certainement à plus de 10 milliards d’euros.

Deux logiques sont donc face à face.

Nous avons, pour notre part, le souci du redressement des finances publiques. C’est dans cet esprit que le Gouvernement nous présente le projet de loi de finances pour 2013. L’ISF doit à notre avis contribuer à l’effort. L’article 9 va dans un sens souhaitable, et la commission est donc défavorable à sa suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Le Gouvernement est évidemment défavorable à l’adoption de cet amendement.

Plusieurs critiques ont été évoquées.

La première critique est de nature juridique : on suppose que la disposition ne résisterait pas à un examen par le Conseil constitutionnel. Nous avons déjà entendu cet argument lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.

M. Philippe Marini. Ce n’est pas passé loin…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le mécanisme n’était naturellement pas le même, mais certains étaient au moins aussi affirmatifs qu’aujourd’hui. Chacun sait ce qu’il en fut !

Le Gouvernement ne croit pas que la disposition proposée au Parlement serait censurée par le Conseil constitutionnel si elle était adoptée.

M. Francis Delattre. Nous ne désespérons pas !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La deuxième critique est de nature politique. Je veux faire remarquer à ceux qui, aujourd’hui, souhaitent supprimer l’ISF qu’ils en ont eu la possibilité pendant dix ans et qu’ils ne l’ont pas fait !