M. le président. L'amendement n° I-407, présenté par Mme Lienemann, MM. Raoul et Bérit-Débat, Mme Bataille, M. M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Dilain, Fauconnier, Guillaume et S. Larcher, Mme Nicoux, MM. Mirassou, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Supprimer les mots :

à bâtir

II. - Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

ou de terrains bâtis ayant préalablement fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme en vue de la construction de logements

III. - Alinéas 5, 8, 9, 13, 15, 25 et 27

Supprimer les mots :

à bâtir

IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à III ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Michèle André. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je ne suis pas favorable au dispositif proposé dans cet amendement, car l’application à toutes les cessions, qu’il s’agisse de foncier bâti ou de terrains à bâtir, des trois dispositions que sont la suppression immédiate de l’abattement pour durée de détention, la « barémisation » des plus-values à compter de 2015 et l’abattement supplémentaire de 20 % pour les cessions réalisées en 2013 reviendrait à appliquer aux mêmes cessions des mesures de type « carotte » et des mesures de type « bâton ». Ce serait assez incohérent. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

En outre, le coût supporté par l’État deviendrait encore plus lourd, alors qu’il atteint déjà 286 millions d’euros pour ce qui concerne les seuls terrains bâtis.

Dans ces conditions, j’émets, au nom de la commission des finances, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le dépôt de l’amendement n° I-407 résulte d’un constat. De plus en plus, en zones urbaines un peu tendues, où les acteurs sont à la recherche de foncier, sont pratiquées assez fréquemment des opérations qualifiées de « réhabilitations-constructions », c’est-à-dire des rénovations de bâtiments existant. Je pensais utile d’élargir le dispositif de l’article 10 à leur égard.

Cela étant, j’ai bien pris note de l’argument développé par M. le rapporteur général. C’est pourquoi je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° I-407 est retiré.

L'amendement n° I-186, présenté par M. Doligé, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 4

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

...° Le II de l'article 150 VC est ainsi rétabli :

« II. - Par exception au I, la plus-value brute réalisée lors de la cession de terrains à bâtir mentionnés au 1° du 2 du I de l'article 257 ou de droits s'y rapportant, ou de terrains bâtis pour lesquels a été obtenu un permis de construire ayant pour objet la construction de logements, est réduite à :

« - 50 % si la cession a été précédée d'une promesse de vente ayant acquis date certaine avant le 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle ces terrains sont devenus constructibles ;

« - 30 % si la cession a été précédée d'une promesse de vente ayant acquis date certaine avant le 1er janvier de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle ces terrains sont devenus constructibles ;

« - 10 % si la cession a été précédée d'une promesse de vente signée ayant acquis date certaine avant le 1er janvier de la troisième année.

« Aucun abattement n'est consenti au titre des années suivantes. »

...° L'article 150 VC est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - Les I et II sont applicables aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er janvier 2013. Pour les terrains constructibles et détenus avant cette date, les délais mentionnés au I pour bénéficier des abattements courent à compter de cette même date. »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° I-253 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° I-379 est présenté par M. J.L. Dupont, Mme Létard, M. Détraigne, Mme Férat et MM. Jarlier, Marseille et Lasserre.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Après l'alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... – À la seconde phrase du V de l’article 210 E, les mots : « 31 décembre 2010 » sont remplacés par les mots : « 31 décembre 2015 ».

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° I-253.

M. Éric Bocquet. Cet amendement, en apparence œcuménique, tend à permettre la renaissance d’un dispositif de réaffectation des plus-values réalisées par les opérateurs de logement social dans la gestion de leur patrimoine, en vue de dégager les conditions de financement de nouvelles opérations de construction de logements sociaux.

Sans faire de longs discours, je veux juste indiquer qu’il convient, eu égard à la situation particulièrement tendue du secteur du logement, de faire en sorte que les bailleurs sociaux disposent de tous les moyens nécessaires pour mener à bien leur action au service de la population.

Si le bon usage de leurs ressources est ainsi garanti, la réalisation des objectifs qu’ils visent par ailleurs en sera facilitée.

La mesure que je propose n’est évidemment pas la panacée pour résoudre la crise du logement que nous connaissons, laquelle dépend de nombreux autres paramètres. Mais elle apparaît clairement comme l’un des outils, qui, avec la mobilisation du foncier, l’allégement de la TVA sur les travaux – nous en avons débattu ce matin –, la disparition des prélèvements autoritaires sur les ressources du 1 % logement ou sur le fonds de roulement des organismes d’HLM, et la détente organisée sur le marché immobilier – de ce point de vue, nous estimons qu’il faut cesser de mettre en place des dispositifs incitatifs à l’investissement locatif privé –, pourra y contribuer.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l'amendement n° I-379.

M. Hervé Marseille. Le présent amendement a également pour objet de soutenir le secteur du logement social.

Jusqu’au mois de décembre 2010, nous disposions d’un levier important d’investissement dans ce secteur.

Le paragraphe IV de l’article 210 E du code général des impôts permettait de faire bénéficier aux bailleurs sociaux de taux réduits d’impôt sur les sociétés pour ce qui concerne un certain nombre de plus-values tout à fait particulières. Je pense notamment à celles qui sont réalisées en vue d’être réinvesties dans le logement social dans un délai de trois ans.

Par cet amendement, nous proposons donc de restaurer cette disposition jusqu’au 31 décembre 2015, afin de disposer de nouveau d’un moyen important permettant d’atteindre l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an.

Nous ne partageons pas l’avis du Gouvernement en matière de plus-values. Plutôt que de les intégrer au barème de l’impôt sur le revenu, cette disposition autoriserait leur réaffectation directe dans un circuit de financement économique dont nous avons tous besoin dans nos communes, surtout dans la perspective du prochain projet de loi relatif au logement, lequel prévoit, notamment, un durcissement des exigences issues de la loi SRU.

M. le président. L'amendement n° I-401, présenté par MM. Daunis, Raoul et Bérit-Débat, Mme Bataille, M. M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Dilain, Fauconnier, Guillaume et S. Larcher, Mmes Lienemann et Nicoux, MM. Mirassou, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... – À la seconde phrase du V de l’article 210 E, les mots : « jusqu'au 31 décembre 2010 » sont remplacés par les mots : « entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015 ».

II. - La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean Germain.

M. Jean Germain. Afin de favoriser l’investissement des bailleurs sociaux et de les aider à construire 150 000 nouveaux logements sociaux par an, je vous propose, par cet amendement, de rétablir le dispositif visé à l’article 210 E du code général des impôts.

En effet, ce dernier prévoyait qu’un certain nombre de plus-values immobilières, réalisées sous certaines conditions, pouvaient bénéficier d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés, soit 19 % au lieu de 33,33 %. Parmi ces plus-values figuraient, aux termes du paragraphe IV de l’article précité, les plus-values réalisées par les bailleurs sociaux sur les ventes d’immeubles, qui n’étaient pas constitués de logements sociaux, dès lors qu’ils s’engageaient à réinvestir ces sommes dans le logement social dans un délai de trois ans.

Cependant, cette disposition ayant pris fin le 31 décembre 2010, le présent amendement a pour objet de la rétablir en faveur des cessions dont l’acte authentique de vente est signé entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015.

Outre le souci d’aider le Gouvernement dans sa volonté de créer un choc d’offre aidant à la fluidification du marché immobilier, nous permettrions ainsi aux bailleurs sociaux d’accentuer leur effort dans le domaine de la politique d’accessibilité du logement pour tous.

Si ces arguments ne suffisaient pas à vous convaincre, j’ajouterai qu’il n’y a pas aujourd’hui de correspondance entre l’augmentation de 11 % du budget alloué à la construction de logements sociaux, c’est-à-dire entre 450 millions et 500 millions d’euros, et les objectifs de construction, majorés de 25 % passant de 120 000 à 150 000 logements par an. L’adoption du présent amendement permettrait donc de soutenir le financement de l’effort demandé en termes de logements sociaux

En outre, la mesure que nous proposons a un coût peu élevé eu égard au faible niveau des transactions concernées et à l’état du marché immobilier.

Enfin, elle devrait favoriser les recettes liées aux droits de mutation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les trois amendements qui viennent d’être présentés visent à remettre en vigueur un dispositif qui existait jusqu’au 31 décembre 2010 et qui consistait à taxer au taux de 19 % les plus-values immobilières réalisées par les bailleurs sociaux sur les ventes d’immeubles qui ne constituent pas des logements sociaux, dès lors qu’ils s’engagent à réinvestir ces sommes dans le logement social dans un délai de trois ans.

Au nom de la commission des finances, je suis favorable à la réactivation de ce dispositif pour une durée de deux ans. Néanmoins, il serait souhaitable de disposer régulièrement d’un bilan détaillé de son application, à la fois pour mesurer son coût exact et pour s’assurer de la réalité du réinvestissement des produits de cession dans le logement social.

Sous réserve de cette précision, la commission émet un avis favorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Aujourd’hui, les entreprises qui cèdent des locaux à usage de bureaux pour que ces derniers soient transformés en locaux à usage d’habitation bénéficient d’un régime d’exonération partielle sur la plus-value réalisée.

Les particuliers se trouvant dans la même situation bénéficieront également d’exonérations particulières, si la loi est promulguée telle que l’Assemblée nationale l’a votée.

Les auteurs de ces amendements souhaitent une généralisation des exonérations et proposent de faire profiter d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés les entreprises qui céderaient des biens immobiliers pour réaliser des logements sociaux.

Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, il est de mon devoir de vous rappeler que cette généralisation a un coût considérable et qui est connu, ce dispositif ayant déjà existé par le passé : il s’élève à 350 millions d’euros.

Je le répète, même si cela a été maintes fois rappelé lors du débat et le sera encore, je le crains, les tensions qui pèsent sur nos finances publiques sont telles qu’une dépense d’un tel montant ne paraît pas raisonnable si l’on veut respecter l’article d’équilibre, qui contraint fortement les politiques publiques aujourd’hui. Je le constate pour le déplorer, car je préférerais évidemment que des marges de manœuvre existent afin de pouvoir mener des politiques publiques de cette nature.

C’est pourquoi, à mon immense regret, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En commission des finances, nous avons examiné ces amendements à la lumière d’une évaluation différente de celle que M. le ministre vient de nous indiquer.

Nous avions une estimation bien plus faible, à telle enseigne que, considérant que nous devions prévoir la recette correspondant à la restauration de ce dispositif coûteux, nous avons décidé de présenter l’amendement n° I-5, dont nous allons discuter dans un instant, dont l’adoption est censée produire une recette de 70 millions ou 80 millions d’euros permettant de financer ce rétablissement.

Monsieur le ministre, si nous avions disposé du coût de l’application antérieure de la mesure en question, nous aurions probablement agi différemment. L’adoption de ces amendements déséquilibrerait sensiblement le solde. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le chiffrage que je viens d’indiquer est aisément vérifiable, puisqu’il figure dans le fascicule « voies et moyens », document communiqué au Parlement par le ministère de l’économie et des finances. Je suis prêt, naturellement, à vous donner les références de cette estimation, dont la fiabilité, je crois, est peu douteuse, ce dispositif ayant déjà été appliqué. Et c’est précisément en raison de son coût que l’État avait décidé de revenir en partie dessus.

Je l’ai déjà indiqué, un bout de chemin a été parcouru, sur l’initiative non pas du Sénat, mais de l’Assemblée nationale, au moyen de l’élaboration d’un mécanisme d’exonération, dès lors que des particuliers vendent aux fins de constitution de logement sociaux.

La généralisation du système, telle que les auteurs des amendements le préconisent, aurait un coût similaire au chiffre que je vous ai rappelé. J’y insiste, la somme que j’ai indiquée est parfaitement réaliste.

J’en appelle donc à la conscience de chacun. Il serait infiniment souhaitable de procéder par étapes, au regard de l’état de nos finances publiques. Cette année, nous avons ouvert le dispositif aux particuliers. Pourquoi ne pas envisager de le généraliser ultérieurement, peut-être même dès l’année prochaine ? Je remercie en tout cas M. le rapporteur général de ses propos.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Sur la foi de ces nouveaux éléments d’information, je me tourne vers les auteurs des différents amendements pour leur suggérer, dans ces conditions, de les retirer.

M. le président. Monsieur Germain, l'amendement n° I-401 est-il maintenu ?

M. Jean Germain. Étant donné les informations qui viennent de nous être transmises et en attendant de plus amples vérifications, nous retirons cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-401 est retiré.

Monsieur Marseille, l’amendement n° I-379 est-il maintenu ?

M. Hervé Marseille. Je suis quelque peu étonné de constater que divers chiffrages fusent dans cette enceinte à propos d’une telle mesure. La commission des finances a travaillé sérieusement, à partir des documents transmis. Il n’y a pas non plus lieu de contrarier M. le ministre, et je lui donne acte de son évaluation.

Je ferai tout de même observer que trois groupes différents ont présenté des amendements similaires. On nous demande de faire du logement social. Si nous partageons cet objectif, celui-ci a forcément un coût. Il faut donc nous donner les moyens d’y parvenir. C'est la raison pour laquelle je maintiens l’amendement, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° I-253 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-253 et I-379.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-104, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin et Baylet, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. L’article 10 du projet de loi de finances pour 2013 réforme le régime actuel de taxation des plus-values immobilières des particuliers par trois mesures, pérennes ou exceptionnelles, de nature, selon le Gouvernement, à créer, à court terme, un « choc d’offre » en matière foncière et à fluidifier le marché immobilier.

Pour ce qui concerne les terrains à bâtir, il est prévu de supprimer l’abattement pour durée de détention et de soumettre les plus-values de cession au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Nous souscrivons tout à fait à ces propositions, qui répondent à la fois à un objectif de justice fiscale et à une nécessité de lutter contre la rétention foncière.

Instaurer une durée de trente ans comme condition d’exonération totale de la taxation sur les plus-values, ainsi que l’a fait la précédente majorité, c’est évidemment une très forte incitation à la détention longue de terrains à bâtir. Les conséquences se font d’ailleurs sentir : force est en effet de constater le gel actuel des transactions.

Notre groupe défend depuis longtemps l’idée d’une fiscalité inversée. Nous nous félicitons donc d’une telle avancée.

En revanche, nous nous interrogeons sur le bien-fondé et l’efficacité de l’abattement exceptionnel de 20 % sur les plus-values nettes imposables réalisées lors des cessions d’immeubles autres que les terrains à bâtir.

C’est là une mesure assurément favorable aux propriétaires et particulièrement coûteuse pour l’État. Si celle-ci peut, il est vrai, relancer le marché de l’immobilier dans l’ancien, elle crée surtout des effets d’aubaine, et nous ne sommes pas les seuls à le dire.

Je peux comprendre, à la limite, son intérêt dans les zones tendues, disposant de peu de terrains à bâtir et où la priorité est de dégager des immeubles bâtis en faveur d’opérations de densification urbaine.

Toutefois, 260 millions d’euros, c’est cher payé au regard de l’effet hypothétique sur la baisse des prix de l’immobilier et de l’objectif essentiel que nous devons viser, à savoir relancer la construction de nouveaux logements.

À n’en pas douter, cet abattement bénéficiera plus aux résidences secondaires ou aux immeubles de rapport qu’il ne permettra de dégager des terrains disponibles à la construction.

C’est pourquoi nous proposons de le supprimer. Tel est l’objet de l’amendement n° I-104.

M. le président. L'amendement n° I-105, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin et Baylet, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 27, première phrase

Remplacer les mots :

de l’année 2013 de biens mentionnés aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC du code général des impôts, autres que des terrains à bâtir mentionnés au I de l’article 150 VC de ce code ou de droits s’y rapportant

par les mots :

des années 2013 et 2014 de terrains à bâtir mentionnés au I de l’article 150 VC du code général des impôts ou de droits s’y rapportant, autres que celles pour lesquelles une promesse de vente a acquis, avant le 1er janvier 2013, date certaine et l’acte de vente est signé avant le 1er janvier 2014

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à cibler l’abattement de 20 % sur les terrains à bâtir.

Non seulement les propriétaires de tels terrains n’ont plus à avoir d’intérêt fiscal à les détenir très longtemps, mais ils doivent aussi être incités fortement à les mettre sur le marché au plus vite. Là aussi, il faut assurer une certaine cohérence avec les textes précédemment votés ; je veux parler, en l’occurrence, du projet de loi sur le logement, que notre assemblée sera amenée à examiner une nouvelle fois.

L’article 10 ne prévoit que des mesures punitives. Nous, nous proposons plutôt la carotte ! Pour nous, le choc d’offre doit concerner, en premier lieu, les terrains constructibles. Ce serait plus efficace et moins coûteux.

Je précise au passage qu’un amendement identique à celui que je vous soumets, mes chers collègues, a été adopté par la commission des finances de l’Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur général. C’est donc loin d’être une idée incongrue, semble t-il, aux yeux de nombre d’élus, de la majorité comme de l’opposition.

M. le président. L'amendement n° I-5, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 27, première phrase

Remplacer le taux :

20 %

par le taux :

15 %

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos I-104 et I-105.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Afin d’accélérer la mise sur le marché des terrains autres que les terrains à bâtir, situés donc surtout dans les zones urbaines, l'article 10 prévoit, pour les seules cessions réalisées en 2013, un abattement supplémentaire de 20 % sur les plus-values nettes imposables.

Cet abattement exceptionnel, a priori très incitatif pour les propriétaires, s’ajoute à l’abattement pour durée de détention calculé dans les conditions de droit commun.

La perte de recettes d’impôt sur le revenu résultant de cette mesure est estimée à 285 millions d'euros, soit 260 millions d'euros en 2013 et 25 millions d'euros en 2014.

Nous avons considéré que le taux pouvait être ramené de 20 % à 15 %, sans que l’effet incitatif de la mesure soit remis en cause. Le dispositif coûterait un peu moins cher, puisque l’État récupérerait en définitive le quart de la somme que j’ai citée à l’instant, c'est-à-dire entre 70 millions et 80 millions d’euros. Dans notre esprit, cela permettrait de financer d’autres dispositions en faveur du logement social, comme je l’ai indiqué précédemment.

Tel est l'objet de cet amendement. Notre proposition permet de préserver l’effet incitatif d’un dispositif qui a toute sa pertinence, à l’heure où il est sans doute nécessaire de donner un coup de fouet à la construction de logements, ce qui passe par des cessions de terrains en plus grand nombre.

Cela étant dit, je suis bien obligé de constater que les amendements nos I-104 et I-105 sont en contradiction avec l’amendement n° I-5 de la commission que je viens de présenter.

L’amendement n° I-104 vise purement et simplement à supprimer l’abattement de 20 %. Il va de soi que je ne peux y être favorable.

Quant à l’amendement n° I-105, il tend à instaurer un ciblage sur les terrains non bâtis. C’est un renversement de logique qui nous est ici proposé par rapport aux dispositions figurant dans le projet de loi de finances pour 2013. Je sais que certains de nos collègues de l’Assemblée nationale y ont souscrit, considérant que cela pouvait avoir des effets positifs.

Dès lors qu’une telle modification serait adoptée, le dispositif ne permettrait plus d’atteindre le même objectif, puisque serait supprimée toute incitation à la remise sur le marché de terrains bâtis, situés surtout, je le répète, dans ces secteurs urbains où l’on veut dynamiser le marché.

La commission a donc estimé qu’il n’était pas imaginable de procéder ainsi. Par ailleurs, le Gouvernement a promis une évaluation du dispositif. Attendons alors de voir les effets de la mesure proposée à l'article 10. Le cas échéant, il sera assez tôt de renverser la logique ou d’élargir le dispositif pour aller dans le sens que vous préconisez, monsieur Mézard.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Mézard, comme vous-même et M. le rapporteur général venez de l’indiquer, la logique de l’abattement supplémentaire de 20 % est clairement de créer un choc d’offre. Une telle disposition vient s’ajouter à la suppression temporaire du régime d’abattement actuel, créé d’ailleurs par la majorité précédente pour financer en partie la réforme de l’ISF et qui reportait à un délai de trente ans l’exonération totale des plus-values.

Le choc d’offre attendu a deux finalités.

Il s’agit, d'une part, de libérer du foncier, car c’est l’un des principaux écueils auxquels se heurtent les communes et les agglomérations en vue de la construction de logements, notamment sociaux. Le problème est réel.

Il s’agit, d'autre part, d’obtenir évidemment, par un accroissement du volume des cessions, une majoration des droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, lesquels représentent l’une des principales ressources de certaines collectivités locales.

Le Gouvernement est persuadé, à tort ou à raison, mais je vous remercie par avance de bien vouloir lui accorder le crédit de la plus parfaite des bonnes fois, que la suppression temporaire du régime actuel, couplée à l’instauration d’un abattement supplémentaire de 20 %, aura bien pour effet de créer un choc d’offre, avec les deux conséquences que je viens d’indiquer.

Certes, je comprends la finalité de votre amendement, monsieur le sénateur. Incontestablement, en effet, un certain nombre d’opérateurs, qui auraient de toute façon décidé de vendre, vont bénéficier d’un effet d’aubaine. Mais c’est le propre de toute mesure incitative : outre qu’elle modifie les comportements des uns, elle profite à d’autres, qui, en toute hypothèse, n’auraient pas agi différemment. Cet inconvénient existe et je comprends que vous ayez souhaité le limiter le cas échéant.

En réalité, il faut choisir entre deux inconvénients : d’un côté, l’effet d’aubaine ; de l’autre, les très grandes difficultés des opérateurs à dégeler du foncier, et celles des collectivités à percevoir un montant suffisant de DMTO. Le Gouvernement a fait le choix de l’effet d’aubaine, et il l’assume.

À cet égard, si l’amendement n° I-5 présenté par M. le rapporteur général était adopté, l’abattement serait abaissé de 20 % à 15 %, mais le choc d’offre maintenu. Autrement dit, le volume supplémentaire de cessions constaté permettrait de libérer du foncier tout en augmentant le produit des DMTO ; toutefois il amoindrirait, certes faiblement, mais incontestablement, l’effet d’aubaine.

Cette solution est peut-être plus équilibrée. Il m’est cependant difficile d’émettre un avis favorable sur cet amendement, monsieur le rapporteur général, mais je peux prendre sur moi la responsabilité d’inviter le Sénat, au nom du Gouvernement, à faire preuve de sagesse en la circonstance.

L’essentiel, à mes yeux, est de préserver le choc d’offre et les ressources tirées des DMTO tout en diminuant, monsieur Mézard, l’inconvénient que vous avez judicieusement souligné, à savoir l’effet d’aubaine.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° I-104, ainsi qu’à l’amendement de repli n° I-105, et s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° I-5.