M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la nécessité d’une prise en considération de l’impact des politiques publiques sur l’environnement, mais également d’une participation renforcée des citoyens à la prise de décision, fait aujourd’hui l’objet d’un quasi-consensus au sein de la classe politique, au moins dans les discours.

L’adoption de la Charte de l’environnement, qui a été intégrée en 2005 au bloc de constitutionnalité, a marqué un pas symbolique important, dont le législateur doit tirer l’ensemble des conséquences. C’est l’objet de ce projet de loi. Pour cette raison, nous avons participé aux débats dans un esprit constructif. Nous avons ainsi formulé, en première lecture – et unique lecture, du fait de l’engagement de la procédure accélérée –, nombre de propositions afin que la procédure de participation prévue par le projet de loi soit réellement efficiente et efficace. Certains de nos amendements ont été repris, d’autres ont été écartés, mais je peux dire que, globalement, nous avons été entendus, et je souligne une nouvelle fois le climat serein et constructif qui a régné au sein de la commission.

Nous sommes satisfaits que nombre des arguments que nous avions développés en première lecture aient été repris à l’Assemblée nationale ; je pense notamment à la possibilité d’une consultation physique en préfecture, voire en sous-préfecture. La fracture numérique doit nous conduire à conserver d’autres modes de consultation que la seule consultation électronique. La reprise de notre proposition est donc un point positif.

Cependant, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire comporte à nos yeux deux lacunes principales. Première lacune, alors que nous avions obtenu, lors de l’examen du texte en commission avant la première lecture, l’adoption d’un amendement posant le principe de l’information des élus sur les décisions ayant une incidence sur l’environnement de leur territoire, cette disposition a été supprimée en séance publique et n’a pas été réintroduite par l’Assemblée nationale. Nous n’en continuons pas moins d’affirmer qu’il serait utile et nécessaire que les élus locaux, interlocuteurs directs des habitants, disposent d’éléments d’information, voire qu’ils soient habilités à formuler un avis.

La disposition introduisant cette possibilité n’a pas été reprise au motif que le renforcement des obligations liées à la procédure la rendait plus fragile juridiquement.

Nous entendons cet argument, mais nous continuons de penser qu’il n’est pas suffisant. La démocratie suppose que nous soyons, nous, élus, en capacité de savoir qu’une procédure est lancée, afin d’en informer nos concitoyens.

La deuxième lacune a trait au contenu même de la procédure de participation du public. Nous maintenons que, si les mesures adoptées constituent des avancées, celles-ci restent néanmoins insuffisantes. Ainsi, il est positif que les délais de consultation aient été allongés et qu’une synthèse des observations ait été instituée, mais rien ne permettra de dire que cette participation du public sera effectivement prise en compte, et ce malgré la demande de nombreux parlementaires.

Je souhaiterais également souligner l’intérêt de la création d’un Conseil national de la transition écologique, comme annoncé en septembre dernier. Nous attendons maintenant d’en connaître les modalités de composition et de fonctionnement, qui ont été renvoyées à un décret.

Je terminerai en évoquant la troisième lacune de ce projet de loi, tel qu’il était issu des travaux de l’Assemblée nationale. J’avais déploré la suppression de la disposition, introduite sur notre proposition, au Sénat, conditionnant la délivrance de tout permis de recherche à une procédure de participation du public, telle que définie par le présent texte.

Vous le savez, la question des hydrocarbures de roche est extrêmement sensible pour les élus et les populations. La saisine récente de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques par la commission des affaires économiques du Sénat sur les différentes techniques d’extraction, de même que les conclusions du rapport Gallois, ou encore la tribune en faveur du gaz de schiste du président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, sans oublier les déclarations du 28 novembre dernier, de votre collègue Arnaud Montebourg, indiquant que « la France doit exploiter son gaz de schiste à l’aide de technologies propres plutôt que l’importer »,…

M. Jean Bizet. Ça, c’est pas mal !

Mme Évelyne Didier. … nous avaient un petit peu inquiétés. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Nous sommes donc satisfaits que Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ait tenu des propos extrêmement clairs et déterminés en la matière, précisant que toutes les demandes de permis avaient été rejetées. Cette fermeté est nécessaire. À cet égard, je voudrais d’ailleurs dire que les propos que nous a tenus M. Tuot, ce matin, en commission, ont éclairé le sujet de façon extraordinaire. J’invite donc tout le monde à lire le compte rendu de son intervention.

Pour ces raisons, nous sommes donc satisfaits que les travaux de la commission mixte paritaire aient permis de revenir sur cette suppression. Dans l’attente de la réforme du code minier, qui devrait permettre d’aborder de nouveau toutes ces questions, tout octroi de permis de recherche devra satisfaire à la procédure de participation du public, ce qui constitue une avancée, une garantie minimale nécessaire.

Au bénéfice de ces observations, le groupe CRC votera par conséquent ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. François Fortassin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.

M. Henri Tandonnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tout proches de la fin du processus législatif concernant ce projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Déposé le 3 octobre sur le bureau du Sénat, il aura fallu moins de deux mois pour que ce texte soit étudié par les deux assemblées et qu’un accord soit trouvé, hier, en commission mixte paritaire. Je tiens à saluer ici le travail de notre commission ainsi que celui de Mme la rapporteur.

Deux mois, monsieur le ministre, c’est court. Cette durée vous prouve que le Parlement est capable de légiférer rapidement quand les objectifs sont partagés et quand la situation juridique l’impose, comme c’est le cas avec les décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité.

Cela vous démontre, également, que vous n’êtes pas obligé d’avoir recours à une ordonnance pour légiférer sur la participation du public concernant les décisions dites « individuelles ». Je suis longuement intervenu, lors du travail en commission et en séance publique, sur ce point figurant à l’article 7 de ce projet de loi. Je serai donc bref aujourd’hui.

Au nom du groupe UDI-UC, je vous renouvelle notre opposition ferme et régulière au recours aux ordonnances. Les parlementaires ne peuvent pas accepter d’être dessaisis de leur compétence de législateur, d’autant, monsieur le ministre, qu’il nous reste neuf mois avant que les décisions du Conseil constitutionnel s’appliquent pour les décisions individuelles. On peut concevoir beaucoup de choses en neuf mois, y compris un projet de loi !

J’ai bien entendu votre volonté d’impliquer les parlementaires dans le travail sur cette ordonnance ; je vous en remercie ; c’est une meilleure méthode de travail. Néanmoins, la meilleure concertation qui soit se fait dans l’hémicycle, en séance publique. C’est bien le comble que des décisions sur la participation du public ne soient pas débattues dans des enceintes transparentes, au sein desquelles tous les échanges sont accessibles et retranscrits de manière officielle.

Au-delà de cette question, je souhaitais renouveler aujourd’hui mon adhésion aux objectifs de ce texte. Le principe de participation du public est au cœur des exigences en matière de développement durable.

Lorsqu’elle a un impact environnemental, la décision publique, qu’elle vienne de l’État, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales, concerne chaque citoyen, plus que dans toute autre matière.

Ainsi, la participation active des citoyens au processus décisionnel constitue un progrès démocratique et une avancée dans la transparence, que chacun peut saluer et doit soutenir.

Il faut néanmoins bien mesurer l’impact de la loi que nous nous apprêtons à voter. Nous devons trouver un chemin étroit entre la consultation publique, qui tient compte des observations des citoyens, et la nécessaire efficacité de la décision publique, laquelle ne doit pas être bloquée par les dispositions que nous lui imposons.

Le texte de compromis rédigé en commission mixte paritaire répond peu ou prou à ces objectifs. Il faut le souligner et le saluer.

La mise en œuvre de la participation du public aux décisions qui impactent l’environnement représentera un véritable changement dans la prise de décision publique. Je ne suis d’ailleurs pas tout à fait sûr que les décideurs en soient aujourd’hui tous complètement conscients. Souvent, une telle évolution va changer le quotidien de l’administration et sa relation au public.

Monsieur le ministre, vous nous avez fait observer que le Gouvernement devrait sans doute, avec ses directions, faire œuvre de pédagogie. Pourriez-vous nous expliquer comment vos services comptent mettre en œuvre ce texte concrètement, à tous les échelons de la prise de décision ?

De l’explication précise de ce texte dépendra sa bonne application. Dans son rôle de contrôle de l’application des lois, je ne doute pas que le Sénat se saisira un jour de la question, mais autant s’en assurer avant même son entrée en vigueur.

Certes, deux amendements ont été déposés in extremis, je dirais avant le coup de sifflet final. Un des deux me convient, puisque j’avais défendu en commission le fait d’écarter les arrêtés préfectoraux de la période d’expérimentation. L’autre me satisfait moins, car je me demande ce que nous allons faire entre le 1er janvier et le 1er avril 2013. Il y aura peut-être là un vide juridique difficile à régler.

En tout cas, je voterai en faveur de l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – MM. François Fortassin et Michel Teston applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais me prononcer sur ce texte au nom du groupe RDSE, en soulignant une fois de plus que, si le projet de loi que nous examinons aujourd’hui résultait, au départ, de quatre décisions sur des questions prioritaires de constitutionnalité rendues à partir du mois d’octobre 2011, il a été l’occasion, pour le Parlement, de se pencher sur un principe à valeur constitutionnelle dont la portée méritait d’être rapidement précisée.

Aussi, nous avons pu réfléchir sur la pleine effectivité du principe de participation prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, auquel la France a décidé de conférer une valeur constitutionnelle en 2005.

Le travail effectué ici même, au sein de notre Haute Assemblée, ainsi qu’à l’Assemblée nationale, a permis de faire évoluer la démocratie environnementale.

L’urgence ne nous a pas empêchés de légiférer de manière plus approfondie et je me réjouis du travail accompli autour de ce principe, imaginé lors de rencontres et de conférences internationales, évoqué par les textes nationaux, mais ignoré en pratique.

Ce texte constitue un nouveau pas vers l’horizontalité des relations entre l’administration et les citoyens, puisqu’il associe ces derniers à la prise de décision, afin de renforcer sa légitimité et son acceptabilité.

La preuve de la pertinence de la réécriture de l’article L. 120-1 du code de l’environnement par le présent texte est apportée par deux décisions du Conseil constitutionnel rendues le 23 novembre dernier, lesquelles abrogent d’autres dispositions du code de l’environnement pour les mêmes motifs, à savoir la méconnaissance du principe de participation.

Ce texte appelle à mettre fin à l’opacité de la prise de décision administrative et procède à une plus grande ouverture de l’administration à l’ensemble de nos concitoyens, qui deviennent alors actifs.

Le temps leur est accordé de participer pleinement, par leurs observations dans un délai de vingt et un jours, cela a été rappelé, aux projets de décision de l’État, de ses établissements publics et des autorités administratives indépendantes en matière environnementale. L’extension de cette procédure aux décisions individuelles et aux décisions des collectivités locales fera l’objet d’une ordonnance. À ce titre, les collectivités, comme que le Parlement, seront associées à l’élaboration du projet d’ordonnance. Nous prenons acte de cet engagement.

Par ailleurs, la participation du public doit être constructive. L’expérimentation prévue à l’article 1er bis A, qui débutera le 1er avril – ce n’est pas un poisson d’avril ! – sera l’occasion de confier à une personne qualifiée la rédaction de la synthèse des observations recueillies. Il faudra alors en faire bon usage !

Le travail doit être poursuivi sur deux points, qui nous semblent essentiels et que le Conseil d’État avait relevés dans son rapport public thématique, publié en 2011, intitulé : « Consulter autrement, participer effectivement ».

Il s’agit, d’une part, du développement du contentieux qui repose sur des vices de forme ou de procédure, sans lesquels nombre de décisions ne seraient pas annulées. En effet, si la participation du public est par nature efficace et démocratique, l’annulation de décisions à des fins uniquement dilatoires est contraire à l’intérêt général.

Il s’agit, d’autre part, du principe de participation du public, qui ne pourra être pleinement effectif que si la lutte contre la fracture numérique est engagée. Vous l’avez souligné, monsieur le ministre, et tout le Sénat a pris acte du fait que nous travaillerons ensemble pour mettre un terme à cette fracture.

Il est incontestable que les nouvelles technologies facilitent la participation du public, car elles rendent l’information plus accessible et la réponse, bien sûr, plus rapide. Cependant, ainsi qu’il a été souligné, elles excluent du processus toutes les personnes qui ne disposent pas de connexion à Internet, ainsi que celles qui ne sont pas familiarisées avec l’outil informatique.

En attendant cette révolution numérique, le RDSE se réjouit de la possibilité de consulter les documents, sur demande, dans les préfectures et les sous-préfectures concernées, et de communiquer les observations par voie postale.

Le professeur Jean Rivero, grand expert en droit public, écrivait déjà, en 1965, dans un article paru dans la Revue de droit social que « c’est l’efficacité même de l’action qui condamne l’État, dans le domaine économique et social, à choisir la voie du dialogue, la voie de la participation, la voie de l’explication ».

Ainsi, la participation du citoyen à la décision administrative illustre la fin de la soumission passive de l’administré à une décision élaborée, parfois, en secret. C’est d’autant plus vrai, aujourd’hui, que la société, grâce aux nouvelles technologies, accède plus facilement à l’information. Je salue également l’expérimentation d’un forum interactif, lieu de rassemblement des informations enregistrées au fur et à mesure qu’elles sont émises et accessibles à tous.

Autrement dit, ce texte s’inscrit au cœur même de la recherche de l’efficacité administrative, qui mériterait de faire l’objet d’une réforme plus globale et ambitieuse.

Tel est l’esprit dans lequel l’ensemble des membres du RDSE apporteront leur soutien à ce qu’ils considèrent être un progrès démocratique. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Henri Tandonnet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Ronan Dantec, membre de notre groupe siégeant à la commission du développement durable, qui est à Doha, en compagnie de Delphine Batho, ministre de l'écologie, afin de participer à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques.

Nous, les membres du groupe écologiste, avions soutenu, le 6 novembre dernier, ce projet de loi, qui met en œuvre dans notre droit de l’environnement, en cohérence avec la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004. Nous voterons de nouveau en faveur de ce texte, dont le principe est essentiel à la modernisation de notre vie démocratique.

Nous avons relevé plusieurs améliorations intervenues à la suite des débats dans les deux assemblées. C’est le cas, tout d’abord, sur la synthèse des observations du public, en particulier sur le fait que sa rédaction soit confiée, à titre expérimental, à une personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale du débat public, la CNDP. Nous n’avions pas été suivis, lors de l’examen au Sénat, dans notre proposition de doter l’ensemble de la procédure d’un organisme garant, tel que la CNDP, mais nous reconnaissons l’avancée que constitue la nouvelle disposition de ce texte.

Par ailleurs, dans un souci de renforcer l’accessibilité de l’information à tous, les projets de décision soumis à la procédure de participation du public pourront également être consultables dans les préfectures et sous-préfectures.

L’obligation pour l’autorité administrative de motiver sa décision constitue une autre avancée.

Nous approuvons également l’extension à l’énergie du champ de compétences du Conseil national de la transition écologique. Il est essentiel qu’une instance devant apporter une vision transversale de la transition écologique soit également consultée sur l’orientation des politiques énergétiques.

Nous soutenons aussi la mesure proposée par notre collègue Évelyne Didier, visant à soumettre la délivrance de permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures de schiste à la procédure de participation du public.

Cette mesure a été rétablie par la commission mixte paritaire. Mes chers collègues, vous n’êtes pas sans connaître l’opposition des écologistes à l’exploitation des hydrocarbures de schiste. Malheureusement, notre position n’est pas forcément majoritaire.

M. Jean Bizet. Dieu merci !

M. Jean-Jacques Mirassou. Dieu n’a rien à voir dans cette affaire !

M. Joël Labbé. Si d’autres permis doivent être délivrés, nous soutiendrons tout ce qui peut permettre d’encadrer de telles démarches par le code de l’environnement, sans attendre la réforme du code minier.

Malgré les nettes améliorations qu’apporte ce texte, le groupe écologiste a plusieurs regrets à formuler.

D’abord, la mesure visant à rendre publiques toutes les analyses et études mises à la charge des exploitants d’une installation classée, proposée par ma collègue Hélène Lipietz et adoptée au Sénat, a été supprimée lors de son passage à l’Assemblée nationale et non réintégrée depuis. Elle aurait pourtant permis de clarifier une telle obligation. En effet, la loi n’est pas appliquée dans certains cas, le public ou les associations ne parvenant pas toujours à avoir accès aux documents concernés.

Ensuite, il n’a pas été possible d’aborder la question de la sûreté nucléaire dans le cadre du projet de loi. Le groupe écologiste de l’Assemblée nationale avait proposé des amendements visant, d’une part, à informer le public lors du passage de convois transportant des déchets radioactifs, et, d’autre part, à organiser un débat public sur la prolongation de la durée de vie des centrales.

Nous n’avons pas été convaincus par les réponses faites par Mme la ministre de l’écologie, qui a invoqué l’impératif de confidentialité pour le transport des convois.

M. Jean-Jacques Mirassou. Elle a bien sûr raison !

M. Joël Labbé. Nous n’avons pas plus été convaincus par la prérogative suprême dont dispose l’Autorité de sûreté nucléaire concernant la prolongation des centrales.

Il y a clairement deux poids, deux mesures. Par exemple, alors qu’une installation éolienne est soumise à une procédure « installation classée », avec commissaire enquêteur et débat public, quand il s’agit de prolonger de dix ans la durée de fonctionnement d’une centrale nucléaire, la consultation du public n’est aucunement prévue et semble même inconcevable.

M. André Gattolin. Absolument !

M. Joël Labbé. Cela montre, encore une fois, qu’un débat transparent est très difficile à établir, dès lors que l’on parle de nucléaire en France.

Nous regrettons donc un certain manque d’ambition, mais nous saluons le travail collectif réalisé. Le groupe écologiste soutiendra ce texte, lequel constitue une étape importante dans la prise en compte des grands enjeux environnementaux et dans l’évolution, absolument nécessaire, de notre culture démocratique.

Il est inconcevable, aujourd’hui, d’engager des projets de grande ampleur sans concertation, consultation ni participation des citoyens.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisqu’il est question aujourd'hui de la participation du public, je conclurai en évoquant, de manière très « soft », Notre-Dame-des-Landes.

Si la mise en place d’une commission de dialogue doit évidemment être saluée, elle arrive bien tard. Nombreux sont ceux qui soutiennent le projet d’aéroport. C’est leur droit. Nous, nous sommes contre, nous l’avons déclaré. Ils ont leurs arguments, nous avons les nôtres.

En démocratie, si les choses doivent se faire, elles se font, à un moment ou à un autre. Sur ce dossier, nous regrettons simplement qu’il ait été mal enclenché.

Monsieur le ministre, je veux vous dire la profonde inquiétude des écologistes quant à la cohésion gouvernementale, à laquelle nous tenons, et à la cohésion de la majorité, que nous souhaitons.

M. Jean Bizet. C’est mal parti !

M. Joël Labbé. Pas du tout !

Mme Évelyne Didier. Pas de leçons !

M. André Gattolin. À l’UMP, la situation est compliquée !

M. Joël Labbé. Il importe également de nous préoccuper de la cohésion non seulement locale et territoriale, mais également nationale, sur un sujet devenu symbolique.

Je souhaite vivement que la commission de dialogue soit véritablement en mesure d’aller au bout de ses travaux et d’avancer dans la sérénité et l’apaisement ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Karine Claireaux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite avant tout dire combien je regrette l’absence de Mme la ministre de l’écologie. Si je n’ignore pas le rendez-vous de Doha, force est de constater que celui-ci était déjà prévu depuis quelque temps. La présence de Mme la ministre parmi nous aujourd'hui aurait été, à l’occasion de l'examen d’un tel texte, une marque de respect envers les élus.

Le projet de loi qui nous est soumis tire les conséquences de décisions rendues par le Conseil constitutionnel, la première, au mois d’octobre 2011, les trois suivantes, au mois de juillet dernier, puis deux autres encore récemment, à la fin du mois de novembre, à l’occasion de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité.

Ces décisions visent toutes une lacune de notre arsenal législatif au regard de l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui consacre le principe de participation du public aux décisions ayant des effets sur l’environnement.

Comme le posait la déclaration de Rio de 1992 dans son principe n° 10, « la meilleure façon de traiter les questions environnementales est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient ».

C’est ainsi que le principe de participation du public aux décisions ayant un impact sur l’environnement est apparu en France.

Par la suite, la volonté d’améliorer la prise en compte de l’environnement a conduit la France à signer, puis ratifier, le 8 juillet 2002, la convention d’Aarhus, laquelle garantit l’accès à l’information et la participation du public au processus décisionnel, ainsi que l’accès à la justice en matière d’environnement. Toutefois, c’est véritablement l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004, inscrite dans la Constitution en 2005, qui consacre la démocratie environnementale, en permettant l’ouverture de grands débats publics sur les projets ayant un impact environnemental.

Aux termes de cet article, « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

Ce texte ambitieux, initiative, faut-il le rappeler, du président Jacques Chirac, a constitué une avancée fondamentale. Il a réellement marqué les premiers pas de la démocratie environnementale, à laquelle nous sommes tous, quelle que soit notre couleur politique, particulièrement attachés aujourd’hui.

Mes chers collègues, je me permets de vous le rappeler, en 2004 et 2005, la majorité de l’époque, à laquelle nous appartenions, était quelque peu isolée, puisque ni le groupe socialiste ni les écologistes n’avaient voté la Charte de l'environnement et son principe de précaution.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’était une autre époque !

M. Roland Courteau. La situation n’était pas comparable !

M. Jean Bizet. Je referme ici la parenthèse, précisant juste que, entre-temps, des progrès ont été faits puisque les opposants d’hier sont moins nombreux aujourd'hui ! (M. André Gattolin sourit.)

La Charte de l'environnement a également, pour la première fois, consacré le droit de l’environnement, en conférant aux droits et devoirs qui y sont édictés une valeur constitutionnelle.

C’est grâce à la persévérance et à la force de conviction de Jacques Chirac que l’environnement figure désormais dans notre Constitution. Si cette inscription avait pu susciter des débats à l’époque, je crois que plus personne, aujourd’hui, ne la conteste.

Droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, principe de précaution, promotion du développement durable et, enfin, droit pour toute personne de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement : voilà, entre autres, plusieurs nouveaux principes à valeur constitutionnelle qui ont été introduits par la Charte de l’environnement.

Le présent projet de loi, monsieur le ministre, se donne donc pour objectif premier de conférer toute sa portée au droit de participation du public tel qu’il est énoncé par la Charte.

Son second objectif est de garantir la conformité à la Constitution des dispositions du code de l’environnement, lesquelles n’assuraient qu’une participation très limitée du public, voire aucune participation du tout.

L’article 7 de la Charte renvoyait en effet pour sa mise en œuvre à l’élaboration d’un texte législatif, pour préciser les conditions et les limites de son application. Par la suite, l’article 244 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « loi Grenelle 2 », codifiée à l’article L. 120-1 du code de l’environnement, a donc encadré la portée du principe de participation du public.

Or le Conseil constitutionnel a récemment, et à plusieurs reprises, déclaré que la mise en œuvre dudit principe telle que définie à cet article L. 120-1 n’était pas conforme à la Constitution.

Certes, l’objectif visé par le projet de loi est louable. Nous souhaitons tous impliquer de manière plus concrète les citoyens dans l’élaboration des décisions publiques ayant un impact environnemental.

Nous reconnaissons tous également la nécessité de consacrer le principe de participation du public. Toutefois, monsieur le ministre, le texte que vous nous soumettez aujourd’hui ne répond malheureusement pas aux nombreuses interrogations que suscite sa mise en œuvre. Nous ne vous cachons pas notre grande inquiétude devant ses insuffisances et multiples imperfections.

Tout d’abord, je le dis une nouvelle fois et je ne cesserai pas de le répéter, nous tenons à dénoncer la volonté persistante du Gouvernement d’engager quasi systématiquement la procédure accélérée sur les textes qui nous sont soumis, et ce depuis le début de la législature. Ceux-ci ont eu par la suite, il faut bien l’avouer, des fortunes diverses, et ce n’est pas la gauche de cet hémicycle qui me contredira.

Une telle précipitation est désormais célèbre et constitue, je le dis sans aucune animosité, la marque de fabrique de cette majorité. Cela n’est, selon nous, ni le gage d’un travail efficace des parlementaires ni l’assurance de débats constructifs.

J’en veux pour preuve ce que nous avons découvert juste avant notre arrivée dans l’hémicycle et qu’a déjà dénoncé le président de notre commission : le dépôt, à quinze heures, donc bien après la réunion de la commission mixte paritaire, de deux amendements du Gouvernement. Nous ne sommes pas habitués, je l’avoue, à pareille façon de faire. Il y a là un peu de désorganisation et d’improvisation,…