compte rendu intégral

Présidence de M. Thierry Foucaud

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,

Mme Odette Herviaux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication d'un avis sur un projet de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 722-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la commission des lois, lors de sa réunion du mercredi 5 décembre 2012, a donné un avis favorable – 18 voix pour, 2 voix contre et 6 bulletins blancs ou nuls – sur le projet de nomination de M. Pascal Brice aux fonctions de directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Acte est donné de cette communication.

3

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil Constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi ce jour, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

4

Modification de l'ordre du jour

M. le président. La commission des finances demande que le Sénat examine la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe à la suite du projet de loi relatif à la création de la banque publique d’investissement.

Monsieur le ministre, je pense que le Gouvernement est d’accord ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Tout à fait, monsieur le président !

M. le président. Ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune et des mêmes modalités de discussion.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, l’ordre du jour du lundi 10 décembre s’établit désormais comme suit :

LUNDI 10 DÉCEMBRE 2012

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme ;

2°) Projet de loi relatif à la création de la banque publique d’investissement et proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe.

5

Démission d’un membre d’une commission et candidatures

M. le président. J’ai reçu avis de la démission de M. Luc Carvounas comme membre de la commission des affaires sociales.

J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

- à la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Luc Carvounas, démissionnaire,

- à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Didier Boulaud, démissionnaire de son mandat de sénateur.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

6

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la création de la banque publique d’investissement (n° 176, 2012-2013), dont la commission des finances est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires économiques et à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique.

7

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour un rappel au règlement.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, mon rappel au règlement s’appuie sur l’article 29 bis de notre règlement.

Une fois encore, comme cela a été le cas le 23 octobre dernier pour la proposition de loi sur le cabotage maritime ou bien le 7 novembre dernier pour la proposition de loi sur la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, l’ordre du jour vient d’être bouleversé au dernier moment.

Nous avons été informés hier après-midi du retrait de l’ordre du jour du jeudi 13 décembre 2012 de deux textes, à la demande du président François Rebsamen : d’une part, la proposition de loi visant à verser les allocations familiales et l’allocation de rentrée scolaire au service d’aide à l’enfance lorsque l’enfant a été confié à ce service par décision du juge ; d’autre part, la proposition de loi visant à accorder la nationalité française aux pupilles de la Nation.

Pour cette seconde proposition de loi, il faut rappeler que c’est la deuxième fois qu’elle est retirée de l’ordre du jour.

De telles pratiques ne permettent pas de travailler dans de bonnes conditions !

L’examen en séance publique d’une proposition de loi nécessite une préparation importante, un travail pour les sénateurs, pour les commissions permanentes et pour les groupes. La retirer brutalement de l’ordre du jour une semaine avant son examen ne peut s’expliquer que pour des raisons exceptionnelles dont je doute qu’elles soient réunies pour l’ensemble des cas récents que je viens de rappeler.

Notre groupe tient donc à rappeler que les travaux de notre Haute Assemblée doivent être organisés par la conférence des présidents, conformément à l’article 29 bis du règlement du Sénat, afin que le législateur que nous sommes puisse exercer sereinement sa mission.

M. le président. Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

8

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement
Discussion générale (suite)

Principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement

Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l’environnement (texte de la commission n° 178, rapport n° 177).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission mixte paritaire, en remplacement de Mme Laurence Rossignol, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement
Article 1er A

M. Raymond Vall, président de la commission mixte paritaire, en remplacement de Mme Laurence Rossignol, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément au deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, nous nous sommes réunis hier en commission mixte paritaire pour proposer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord. Le texte qui a été élaboré par la commission mixte paritaire est, je le crois, équilibré et traduit la volonté de nos deux assemblées d’aboutir à un bon compromis. Plusieurs ajouts apportés au texte par le Sénat mais que l’Assemblée nationale avait supprimés ont été rétablis, notamment la disposition qui vise à accroître l’ambition du projet de loi initial en matière de transparence et de participation. Nous avons néanmoins maintenu l’essentiel de l’important travail effectué par nos collègues de l’Assemblée nationale.

À l’ouverture des travaux de la commission mixte paritaire, deux dispositions principales restaient en discussion : en premier lieu, le recours à l’expérimentation d’un forum électronique pour tester la publicité des observations du public, et ce pour un nombre limité d’actes réglementaires ; en second lieu, la question de l’application de la procédure de participation du public aux permis exclusifs de recherches prévus par le code minier.

L’obligation de publicité des observations déposées par le public lors d’une procédure de participation avait été introduite au Sénat, sur l’initiative de notre rapporteur Laurence Rossignol. Il s’agissait d’assurer une meilleure transparence de la participation du public et de faire en sorte que cette consultation ne soit pas uniquement verticale, des citoyens vers l’État, mais bien horizontale et participative.

La solution préférée par l'Assemblée nationale était de recourir à une expérimentation, dans un champ et une période limités, pour évaluer la pertinence et la faisabilité du dispositif. L’expérimentation devait aussi permettre de confier la rédaction de la synthèse des observations du public à une personnalité qualifiée, garante de la procédure.

La rédaction de l’Assemblée nationale nous a semblé en deçà de l’exigence insérée dans le texte en première lecture par le Sénat. En effet, l’expérimentation ne portait que sur « certains projets de décrets et d’arrêtés ministériels » et renvoyait à un décret le soin d’en déterminer le champ exact.

La commission mixte paritaire est finalement parvenue à un compromis : l’expérimentation est maintenue, mais il est précisé à l’article 1er que, à l’issue de la période d’expérimentation, la publicité des observations est de droit dans le cadre de toutes les consultations organisées. Par ailleurs, sur proposition de la rapporteur de l'Assemblée nationale, Sabine Buis, l’expérimentation a été étendue aux projets d’arrêtés préfectoraux.

L’idée est donc de laisser une période de transition et d’adaptation à l’administration, tout en réaffirmant fortement l’objectif de publicité complète des observations du public. Je pense que nous pouvons nous féliciter de ce compromis.

Sur la soumission des permis exclusifs de recherches à la procédure de participation prévue à l’article L. 120-1 du code de l’environnement, les discussions de la commission mixte paritaire ont été vives.

Pour mémoire, le Sénat avait introduit, sur proposition de notre collègue Evelyne Didier et du groupe CRC, une disposition soumettant les permis exclusifs de recherches à la procédure de participation du présent projet de loi. Il nous avait en effet semblé que, dans l’attente de la refonte du code minier, il était opportun d’envoyer un signal politique fort sur cette question et de prévoir un régime transitoire de participation. Bien trop souvent, les élus locaux sont les derniers informés des permis de recherche accordés sur leurs territoires ; Mme Évelyne Didier l’a rappelé.

Lors de la lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, cette disposition a été supprimée. Nos collègues ont jugé qu’il n’était pas souhaitable d’anticiper sur la réforme du code minier.

Les discussions d’hier nous ont permis de constater de nouveau que nos collègues députés partagent les mêmes préoccupations que nous en matière de permis de recherche et d’exploration du sous-sol. La divergence entre l’Assemblée nationale et le Sénat tenait principalement à la méthode retenue.

Après de longues discussions, la disposition introduite au Sénat a finalement été rétablie. À compter de la promulgation de la loi, les permis exclusifs de recherches seront soumis à participation du public.

La commission du développement durable a auditionné ce matin Thierry Tuot, conseiller d’État en charge de la refonte du code minier, et a pu prendre connaissance des premières réflexions sur ce sujet.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Raymond Vall, rapporteur. Tous les membres de la commission présents ont été rassurés quant à la manière dont ce dossier est pris en main et à la compétence avec laquelle il est conduit.

M. Roland Courteau. Absolument !

Mme Odette Herviaux. Tout à fait !

M. Raymond Vall, rapporteur. M. Tuot a indiqué le calendrier de la réforme, qui n’en est qu’à ses débuts. Nous avons donc eu raison de ne pas attendre pour introduire cette adaptation la fin de ce travail très important pour notre pays.

Il s’agit là d’un réel apport de la commission mixte paritaire et d’une véritable avancée introduite par le Sénat, qui s’est montré ferme sur ce point crucial et consensuel sur les autres points.

Je finirai en indiquant que nous avons pris connaissance, il y a quelques instants seulement, de deux amendements déposés par le Gouvernement.

Je déplore cette méthode de travail pour plusieurs raisons.

Sur la forme d’abord, déposer des amendements à la dernière minute ne permet bien évidemment pas d’examiner sereinement les propositions du Gouvernement…

M. Jean Bizet. Effectivement !

M. Raymond Vall, rapporteur. … et traduit en outre une remise en cause du travail de la commission mixte paritaire.

M. Jean Bizet. Eh oui !

M. Raymond Vall, rapporteur. Sur le fond ensuite, ces amendements constituent un recul par rapport au texte voté par la commission mixte paritaire, même si les dispositions qu’ils tendent à insérer sont acceptables. J’espère que nous n’aurons pas à connaître d’autres modifications sur ce texte.

Le travail sur ce projet de loi ne s’achève donc pas dans les conditions d’un débat parlementaire apaisé. Cela est d’autant plus regrettable qu’il s’agissait là d’un texte voté, au Sénat, à l’unanimité des suffrages exprimés. Il était donc difficile d’y apporter des modifications de dernière minute.

Grâce à ce texte néanmoins, nous répondons aux exigences du Conseil constitutionnel ; il est juste temps ! Nous sécurisons un très grand nombre de procédures décisionnelles en cours. Surtout, nous donnons pleinement sens au principe de participation du public, consacré par la Charte de l’environnement de 2004. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. - M. Henri Tandonnet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les sénateurs, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Delphine Batho, étant retenue à l’étranger par le sommet de Doha, c’est donc à moi qu’il revient, au nom du Gouvernement, de vous présenter ce texte.

Pour avoir repris moi-même entièrement le parcours suivi par ce projet de loi, je dois vous dire à quel point j’ai été satisfait, en tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, de constater comment, d’un projet de loi dicté par l’urgence de quatre décisions du Conseil constitutionnel venues censurer des dispositions du code de l’environnement, les deux composantes du Parlement ont fait un texte exigeant, marqué par une grande ambition. C’est pour moi la preuve, s’il m’en fallait une, de la richesse du bicamérisme.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je le dis d’autant plus volontiers que l’on aurait pu attendre du Parlement qu’il éprouve une certaine réticence face à cette démocratie participative dont les fondements reposent sur une tout autre légitimité que la sienne. Au contraire ! Le Parlement s’est saisi de ce texte pour affirmer, de la façon la plus claire et la plus nette possible, sa volonté d’aller vers une démocratie environnementale à laquelle aspirent nombre de nos concitoyens.

Le Gouvernement ne peut ignorer la force de ce message. Il le peut d’autant moins que la France s’est depuis longtemps engagée dans cette voie en élevant l’obligation de faire participer les citoyens à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement, posée pour la première fois par la Convention ratifiée le 8 juillet 2002, au rang de principe constitutionnel, avec l’adoption, en 2004, de la Charte de l’environnement. C’est l’article 7 de cette Charte qui a consacré, comme vous le savez, le droit de tous à l’information environnementale et à la participation.

Je remercie donc tous ceux qui ont apporté leur pierre à la construction du projet de loi en son état actuel. Il est le résultat d’un véritable consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat et témoigne du débat constructif et ouvert qui a eu lieu entre l’ensemble des groupes représentés, toutes sensibilités confondues.

De ce point de vue, ce projet de loi est un exemple que le Gouvernement va méditer. Nous sommes collectivement capables de parvenir à un consensus lorsqu’il s’agit d’avancées de la démocratie.

Mes remerciements vont d’abord au Sénat, devant lequel le projet de loi a été présenté en première lecture il y a un peu plus de trois semaines, et au président de sa commission du développement durable, Raymond Vall. Je connais également l’engagement de la rapporteur initiale de ce texte, Laurence Rossignol.

Je voudrais vous signaler que nous avançons désormais avec une plus grande sécurité juridique en matière de participation du public, puisque, le 23 novembre dernier, c’est-à-dire peu après la discussion du projet de loi à l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a statué sur une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité importante pour nous car elle a tranché la question de la constitutionnalité de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, article qui se trouve au cœur du nouveau dispositif qui vous est proposé dans le cadre de ce projet de loi.

À cette occasion, le Conseil constitutionnel a précisé que n’étaient concernées par le principe de participation que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement. Notre projet fait simplement référence aux décisions ayant une incidence sur l’environnement. Nous maintenons toutefois cette formulation, qui est celle que l’on trouve dans la Charte de l’environnement. Elle devra être interprétée à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il n’y a donc pas de contradiction.

Le Conseil constitutionnel a également affirmé – c’est un point important, qui, je le sais, a été longuement débattu au Sénat en première lecture – que les décisions individuelles entraient dans le champ du principe de participation. Le projet de loi renvoie la mise en conformité de la procédure de participation du public à l’élaboration de ces décisions à une ordonnance, que l’article 7 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre, en vertu de l’article 38 de la Constitution. Là non plus, il n’y a pas de contradiction. S’il est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité avant que l’ordonnance soit prise, le juge constitutionnel en tiendra compte. Le Gouvernement ne tardera pas à adopter cette ordonnance et vous présentera rapidement l’outil de ratification. J’en prends ici l’engagement.

En revanche, le juge constitutionnel n’a rien dit, dans la récente décision que j’ai mentionnée, sur la procédure à respecter concrètement pour permettre une participation effective du public, alors qu’il ne pouvait ignorer que ce projet de loi était en cours d’élaboration. Nous sommes donc renvoyés à notre imagination et à notre efficacité collectives.

L’essentiel de la réforme qui vous est proposée repose sur une nouvelle rédaction de l’article L. 120-1 du code de l’environnement. La procédure électronique qui figure à l’article 1er du projet de loi s’applique lorsqu’aucune disposition particulière n’est prévue pour assurer la participation effective du public. Dans la rédaction actuelle de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, elle n’est mise en œuvre que pour des actes réglementaires. Elle aura désormais vocation à s’appliquer à toutes les décisions de l’État et de ses établissements publics, qu’elles soient réglementaires, d’espèce ou individuelles. En première lecture, le Sénat a élargi ce champ d’application en y ajoutant les décisions des autorités administratives, comme l’Autorité de sûreté nucléaire.

Le dispositif concerne également les décisions des collectivités territoriales. Le Gouvernement a pris des engagements, au Sénat notamment, pour que l’ordonnance qui définira la procédure applicable aux décisions des collectivités territoriales fasse préalablement l’objet d’une concertation approfondie avec les associations représentant l’ensemble des élus locaux. La ministre de l’écologie, Delphine Batho, a pris des engagements fermes en ce sens devant l’Assemblée nationale, et a présenté un calendrier de discussion. Je constate que la commission mixte paritaire n’est pas revenue sur ce point. Je vous remercie de la confiance que vous avez ainsi accordée au Gouvernement, d’autant que vous êtes, je le sais, particulièrement vigilants sur ce sujet. (M. Michel Teston opine.)

C’est surtout sur l’article 1er du projet de loi que se sont concentrées les discussions en commission mixte paritaire. C’est donc sur cet article que j’insisterai. La procédure qui vous est proposée est pour l’essentiel une procédure électronique et dématérialisée. Je sais que le Sénat a, le premier, alerté le Gouvernement sur la nécessité de prendre en compte la fracture numérique. Tous les Français n’ont pas encore accès à un ordinateur et à Internet. Toutes les communes ne sont pas encore équipées de bornes électroniques. Or la participation est un droit ouvert à tous. C’est pourquoi le projet de loi prévoit, d’une part, la possibilité de formuler des observations par voie postale – c’est un amendement du Sénat – et, d'autre part, la mise à disposition dans les préfectures et les sous-préfectures, sur demande, des projets de textes ou de décisions mis en consultation – c’est un amendement de l’Assemblée nationale.

Le projet de loi prévoit également que le public sera informé trois mois à l’avance des décisions et des textes qui seront mis en consultation, afin qu’il puisse s’y préparer dans de bonnes conditions. Les délais minimaux de mise à disposition du projet de décision seront portés à vingt et un jours, contre quinze aujourd’hui. Il s’agit là aussi d’un amendement du Sénat.

Le principe de participation du public implique que les observations qu’il formule soient prises en compte par l’autorité compétente avant sa décision. Le public doit donc pouvoir s’assurer en toute transparence que toutes ses observations ont été analysées avec attention. C’est pourquoi le projet de loi impose à l’autorité compétente d’élaborer une synthèse écrite de ces observations. L’Assemblée nationale a ajouté à cette obligation celle de rédiger un document séparé indiquant les motifs de la décision.

Le Gouvernement a accepté d’aller plus loin. Pour répondre à une demande du Sénat, qui a réclamé l’organisation de forums électroniques en ligne permettant des interactions entre les participants au débat, il s’est engagé à réaliser une expérimentation. Cette expérimentation avait été proposée par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement s’est rallié à cette proposition, car il doit expertiser le coût de la généralisation d’un tel dispositif, sa faisabilité pour les collectivités locales, la dimension de responsabilité légale assumée, comme vous le savez, par l’hébergeur en cas de propos injurieux ou racistes, et les questions, notamment budgétaires, que poserait le recrutement en masse de modérateurs pour animer et surveiller ces forums. À cette première expérimentation s’en ajoutera une seconde, qui visera à tester la mise en place d’un garant du débat désigné par la Commission nationale du débat public, la CNDP.

Voilà, dans ses grandes lignes, le projet qui a été adopté hier par la commission mixte paritaire. De ce texte, je retiens tout d’abord, comme je l’ai déjà dit, l’expression d’un consensus. Le texte a peu bougé, signe qu’il traduit un équilibre. Le Gouvernement sera donc très vigilant à ce qu’il reste en l’état. Par conséquent, je ne vous propose que trois mesures nouvelles, justifiées par le souci de rendre pleinement opérationnel le dispositif que vous avez collectivement élaboré.

La première consiste à introduire à l’alinéa 3 de l’article 1er un renvoi à un décret qui précisera les conditions dans lesquelles les projets de textes et de décisions devront être mis à la disposition du public sur sa demande. Nous sommes en train d’inventer une procédure nouvelle. Nous voulons lui donner toutes chances de réussir. Nous voulons éviter les risques juridiques et la déception que susciteraient des procédures disparates mises en œuvre de façon inégale dans les départements. Les préfectures et sous-préfectures doivent donc recevoir un cadrage national pour ces nouvelles obligations. Nous vous faisons une proposition en ce sens.

Ma deuxième proposition est de même nature. À l’article 1er bis A, le texte issu de la commission mixte paritaire étend l’expérimentation concernant la désignation d’un garant du débat par la CNDP aux arrêtés préfectoraux et maintient au 1er janvier 2013 la date de début de l’expérimentation. Je vous le dis sincèrement : ce dispositif n’est pas viable en l’état. Le 1er janvier 2013, c’est demain. En quinze jours, le Gouvernement ne peut pas élaborer un décret précisant les modalités de désignation et de rémunération des garants du débat par la CNDP. Celle-ci ne pourra pas le faire. Nous avons besoin de temps pour être opérationnels. Je vous propose donc, dans un souci d’efficacité, de remplacer la date du 1er janvier 2013 par la date du 1er avril 2013. Je vous propose également de revenir à la version antérieure du texte, qui ne mentionnait que les décrets et arrêtés ministériels. Nous avons besoin d’un champ délimité pour réaliser l’expérimentation dans de bonnes conditions.

Ma troisième proposition concerne l’alinéa 7 de l’article 1er. La commission mixte paritaire a réinséré, à cet alinéa, le texte qu’avait adopté le Sénat en première lecture consistant à prévoir qu’à l’issue de l’expérimentation « les observations du public sont rendues accessibles par voie électronique au fur et à mesure de leur réception », ce qui revient en fait à généraliser l’utilisation de forums interactifs avec des modérateurs sitôt l’expérimentation terminée.

Je ferai une première remarque : en l’état, cette insertion rend le projet totalement contradictoire. Pourquoi prévoir un rapport transmis au Parlement afin de faire le bilan de cette expérimentation si on la généralise d’emblée ? Je vous rappelle également que ce dispositif concernera les collectivités locales. Elles ne comprendraient pas que nous allions aussi vite. Nous avons besoin de tirer d'abord les enseignements de l’expérimentation. Il faudra s’adapter aux situations des administrations et évaluer nos besoins. Nous avions envisagé un amendement, que nous n’avons finalement pas déposé, mais je veux qu’il soit bien clair que le texte que vous allez adopter est quelque peu contradictoire, et que sa rédaction actuelle va au rebours de l’efficacité.

J’arrête là ma présentation, afin de permettre des échanges au sujet de ces points concrets sur lesquels il me paraissait nécessaire d’attirer votre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Joël Labbé applaudit également.)