M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le sénateur, j’ignore si ma réponse vous paraîtra primesautière, mais je tiens à dire de manière très claire que, dans le domaine de l’hébergement d’urgence, il me paraît plus que nécessaire d’être réfléchi et posé. Je l’ai déjà indiqué en réponse aux précédentes questions

Je saisis donc l’occasion qui m’est offerte de m’exprimer dans cet hémicycle, bien plus calme que d’autres, pour vous signaler qu’il est nécessaire, je le maintiens – le Premier ministre l’a d’ailleurs également déclaré dans l’interview qu’il a donnée à un journal dimanche dernier –, de réquisitionner des bâtiments vides, car personne n’a répondu à l’appel que j’ai lancé. Il faut mettre à la disposition de l’État, dans le cadre d’un partenariat et en contrepartie d’une indemnité, des bâtiments pouvant être utilisés pour y loger ceux qui ont besoin d’un hébergement.

Le dispositif, y compris les places hivernales, est aujourd'hui arrivé totalement à saturation dans certains territoires. Ainsi, en Île-de-France, il n’est désormais plus possible de louer une chambre d’hôtel supplémentaire pour y héberger des familles.

Il est par conséquent nécessaire que tous les mètres carrés vacants soient utilisés, qu’il s’agisse de bâtiments publics de l’État, d’anciennes casernes, de bureaux inoccupés, ou encore de locaux appartenant à des compagnies d’assurance ou à des banques. Je rappelle que pour être réquisitionnés, les bâtiments doivent être vacants depuis plus de deux ans. Il faut aussi noter que certains locaux sont vacants depuis bien plus longtemps.

Nous avons décidé que tous les bâtiments susceptibles d’être réquisitionnés devaient l’être. Nous le faisons sans sectarisme, sans aucune volonté primesautière, mais au contraire en ayant le sens des responsabilités. À cet égard, j’aimerais que ceux qui se sont beaucoup émus de notre décision de procéder à des réquisitions soient plutôt émus par la situation de ceux qui ont aujourd'hui besoin d’être logés.

Pour vous répondre très précisément, monsieur le sénateur, je vous indique que les efforts budgétaires consacrés par le Gouvernement sont significatifs. Afin de ne pas être en situation de sous-dotation permanente, comme l’a relevé la Cour des comptes, nous avons décidé de baser le budget pour 2013 sur le budget consommé en 2012.

Par ailleurs, nous avons prévu de lancer un grand plan structurel de réforme de l’hébergement d’urgence afin de ne plus avoir à recourir aux hôtels, d’une part pour éviter le coût très élevé de cette solution pour les finances publiques, d’autre part pour améliorer la vie des personnes que nous logeons. Je pense en particulier aux enfants, qui ne peuvent pas être scolarisés de façon durable lorsqu’ils sont pris en charge dans ce type d’hébergement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Richard. Si cela avait été fait avant, cela ne serait plus à faire !

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour la réplique.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Je prends acte de l’annonce du lancement d’un plan structurel. Je suppose qu’il sera prochainement présenté au Parlement, car c’est important. J’attends désormais d’en connaître le contenu.

Permettez-moi d’attirer de nouveau votre attention sur les délégations que votre ministère confie aux conseils généraux, car vous ne m’avez pas répondu sur ce point. Je souhaitais savoir s’il en existe beaucoup. Je sais qu’il y en a une à Paris, mais qu’en est-il pour les autres conseils généraux, notamment ceux de la région d’Île-de-France, mais aussi sur l’ensemble du territoire, car nous ne représentons pas que Paris ?

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.

M. Claude Dilain. Madame la ministre, lors de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, vous avez travaillé avec les associations sur la question de l’hébergement d’urgence et de l’accès au logement.

Les mesures prises à l’issue de cette conférence vont dans le bon sens, en particulier l’augmentation des possibilités d’hébergement d’urgence. Le plus important me paraît être le retour symbolique à la notion de solidarité, en rupture totale avec les condamnations inacceptables de l’assistanat qui ont prévalu ces cinq dernières années.

Permettez-moi d’insister sur la localisation de ces hébergements d’urgence. Nous constatons que, alors que la pauvreté augmente, elle se territorialise également, conduisant certains territoires à se spécialiser dans la pauvreté et l’exclusion.

M. Claude Dilain. Il ne faudrait pas que, pour répondre aux besoins de la population en cause, la stratégie des lieux d’implantation renforce cette fracture territoriale.

On peut regretter, par exemple, que le SAMU social de Paris transporte trop souvent les personnes sans-abri dans des hôtels de la Seine-Saint-Denis, dans des communes très éloignées, enclavées, et déjà très paupérisées. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.) Cette pratique entraîne évidemment une augmentation des dépenses sociale de ces villes, pauvres, où la demande sociale est déjà très importante.

Je souhaiterais donc connaître, madame la ministre, les réformes structurelles que vous comptez mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez raison pour ce qui concerne la question de l’ancrage territorial et de la répartition de l’ensemble des places d’accueil, d’hébergement d’urgence. Ce que vous dites vaut également pour le logement social. À cet égard, nous nous retrouverons la semaine prochaine pour voter une nouvelle fois le projet de loi faisant obligation à toutes les communes de disposer de 25 % de logements sociaux.

Toutefois, je pense que c’est à l’échelon régional que nous parviendrons à aboutir à un véritable pilotage de la répartition des places d’hébergement.

En Île-de-France, il existe un problème spécifique : nous manquons tout simplement de places. C’est pourquoi le SAMU social emmène aujourd'hui les sans-abri dans des lieux existants et qu’il est possible d’utiliser. Telle est la réalité. Il n’y a pas de volonté de reléguer les gens dans ces lieux. Nous faisons simplement face à une nécessité.

Par ailleurs, des moyens de pilotage supplémentaires doivent être mis en place. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre des arbitrages rendus à l’issue de la conférence contre la pauvreté et pour – vous l’avez relevé – l’inclusion sociale, des moyens seront dégagés afin de renforcer les services intégrés de l’accueil et de l’orientation, les SIAO.

Ces pilotages, cette harmonisation, ce travail en réseau des différents intervenants de ce secteur sont absolument indispensables. Il faut notamment mieux articuler les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées, les PDALPD, et les plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion, les PDAHI, afin que les différentes étapes de l’hébergement, du logement soient mieux gérées. Cette nouvelle articulation figurera dans le projet de loi que j’aurai l’honneur de présenter au printemps prochain devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

Enfin, au-delà de cette première étape, il s’agira aussi de travailler sur les diagnostics. Nous avons ainsi décidé, conjointement avec l’ensemble des trente-trois associations regroupées au sein du Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans abri ou mal logées, d’établir un dispositif de diagnostics précis dans les territoires afin de préparer le plan de sortie d’hiver et une réforme structurelle de l’hébergement. Il s’agira également d’envisager une meilleure articulation territoriale. Ce sera là l’une des priorités de l’action de mon ministère pour l’année 2013. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, pour la réplique.

M. Claude Dilain. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui m’a totalement satisfait. Il est vrai qu’il serait plus simple de gérer l’hébergement d’urgence si les logements sociaux étaient beaucoup plus nombreux. J’espère donc que, dès lundi soir, tous les membres de la Haute Assemblée, quelles que soient les travées sur lesquels ils siègent, se mobiliseront en faveur du logement social. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, année après année, au début des jours froids, se pose cette cruelle question : comment peut-on laisser dormir dans la rue des hommes, des femmes et des enfants ?

Aujourd’hui, lorsqu’ils appellent le 115, près de 80 % des sans-abri se voient refuser, faute de place, l’accès à ce droit essentiel, pourtant reconnu comme une liberté fondamentale, qu’est celui d’avoir un toit sous lequel dormir.

Parce qu’une telle situation heurte profondément notre pacte républicain, nous avons proposé, en conférence des présidents, que cette problématique fasse l’objet d’une séance de questions cribles thématiques, et nous avons été entendus.

Vous avez tenu, madame la ministre, la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Le Gouvernement a pris des engagements forts : celui de faire construire 8 000 nouvelles places d’hébergement, dont 4 000 places d’hébergement d’urgence, puis celui de recourir à la réquisition des logements vides. Nous saluons positivement ces efforts.

Le Premier ministre a aussi annoncé mardi que 50 millions d’euros supplémentaires seraient consacrés à l’hébergement, mais cela ne nous semble pas suffisant compte tenu des besoins criants, et vous le savez bien. La question financière reste donc ouverte et centrale, je dirais même ardue, d’autant plus qu’il faut également financer la réhabilitation des centres d’hébergement existants, afin qu’ils respectent enfin la dignité humaine.

Dès lors, pourquoi le Gouvernement a-t-il refusé la création d’une taxe sur les bureaux vacants qui aurait permis de contribuer au financement de ces mesures positives ? Comme vous sans doute, madame la ministre, nous le regrettons.

De plus, sachant que les associations estiment à 50 000 le nombre réel d’expulsions annuelles, pourquoi ne pas prendre la décision politique d’abonder le fonds d’indemnisation des propriétaires et d’interdire les expulsions sans relogement des personnes ne pouvant se maintenir dans les lieux par leurs propres moyens ?

Pour cela, il vous suffirait simplement, madame la ministre, d’inscrire à l’ordre du jour du Sénat la proposition de loi que nous avons déposée en ce sens au mois de septembre dernier… (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Madame la sénatrice, je tiens, avant de répondre à votre question, à saluer le travail exceptionnel qui a été fait en préparation de la conférence précitée. Nous avons choisi d’associer le plus grand nombre d’acteurs, les collectivités locales, les syndicats, ainsi, évidemment, que les acteurs de terrain.

À cet égard, Christophe Robert et Alain Régnier m’ont remis le 3 décembre dernier un rapport très riche, que vous devez sûrement connaître, dans lequel ils proposent de faire de 2013 une année de mobilisation particulière et de transformer en profondeur les modes d’accueil.

Il faut également travailler sur la question de la prévention des expulsions, sujet qui vous tient à cœur. Cette question figurera parmi les réformes que je vous proposerai dans le projet de loi qui vous sera soumis au printemps.

Le Premier ministre a lui aussi évoqué ce sujet et fait part de sa volonté de mettre en place une garantie universelle des loyers, laquelle permettrait d’identifier, dès les premiers mois, voire dès le premier mois, de loyer impayé, les locataires en difficulté et de sécuriser la suite de leur parcours. Ce dispositif permettrait également de rassurer les bailleurs et de remettre sur le marché des logements aujourd'hui vacants.

Les dispositions coercitives sont utiles, les dispositions incitatives également. Il faut donc donner des garanties aux bailleurs, afin de pouvoir loger les personnes fragiles.

Nous allons travailler sur tous ces sujets. Un plan pluriannuel sera annoncé le 22 janvier. Il reprendra l’ensemble des questions, du premier hébergement, en passant par l’accueil des personnes et des familles les plus fragiles, le logement et la prévention des expulsions. Vous avez raison, madame le sénateur, ce moment est décisif pour éviter la mise à la rue. Des filets de sécurité existent, mais on sait qu’une grande partie des personnes ou des familles ne font pas appel aux dispositifs existants, par méconnaissance, par crainte, par angoisse, ou tout simplement pour garder une certaine distance.

De nombreux mécanismes seront mis en œuvre dans le cadre de ce plan pluriannuel, et plus largement dans la loi. Ils permettront d’anticiper ces situations et d’y répondre de manière structurelle. Ce travail sera évidemment réalisé en lien étroit avec l’ensemble des parlementaires, et donc avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour la réplique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la ministre, je vous remercie de vos précisions.

Pour ma part, je souhaite attirer votre attention sur une population qui nécessite qu’on lui porte un intérêt particulier en matière d’hébergement d’urgence : les femmes victimes de violences conjugales.

C’est au terme d’un cheminement psychologique douloureux, souvent en période de crise aigüe, que ces femmes prennent la difficile décision de quitter leur conjoint violent. Aussi faut-il être en mesure de leur proposer très vite une solution d’hébergement.

Des collectivités territoriales ont pris des initiatives dans ce domaine, tel le dispositif « Un toit pour elle » en Seine-Saint-Denis ou celui qui a été mis en œuvre par des communes de la boucle nord des Hauts-de-Seine. Mais cela ne peut suffire. L’État doit prendre sa part.

Vous annoncez que sur les 4 000 places d’hébergement d’urgence qui seront créées pendant le quinquennat, près d’un tiers d’entre elles seront réservées aux femmes victimes de violences. Bien !

Permettez-moi néanmoins de faire deux remarques.

Les femmes victimes de violences, notamment parce qu’elles sont souvent accompagnées par des enfants, constituent un public spécifique. Il faut donc imaginer pour elles une solution d’hébergement d’urgence spécifique.

En outre, l’hébergement d’urgence ne doit constituer qu’une solution transitoire. Il est indispensable d’être en mesure de leur proposer très rapidement des formes d’hébergement pérennes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, le droit au logement opposable, dit « DALO », a été créé par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

La procédure prévoit le dépôt d’un dossier auprès de la commission de médiation, laquelle rend sa décision dans un délai de trois ou six mois, selon les départements, avant, lorsqu’elle considère que la demande est prioritaire et qu’un logement doit être attribué en urgence, de transmettre la requête au préfet. À compter de la décision de la commission de médiation, celui-ci dispose d’un délai de trois ou six mois, selon les départements, pour faire des propositions de logement adaptées aux besoins du demandeur.

À l’échelon national, près de 300 000 recours ont été déposés depuis le 1er janvier 2008, au rythme de 7 000 par mois au premier semestre 2012. Les retards de mise en œuvre des décisions favorables s’accumulent, particulièrement en Île-de-France, dans la région PACA et en outre-mer. Selon les estimations, en Île-de-France, 27 500 ménages étaient concernés au 30 juin 2012. Ces retards sont très inquiétants, notamment pour les foyers sous le coup d’une décision d’expulsion.

Dans ce contexte, je tiens à me féliciter de la circulaire en date du 26 octobre dernier, qui oblige les préfets à mettre en œuvre le relogement effectif des ménages reconnus prioritaires avant la date à laquelle leur expulsion pourrait avoir lieu, et qui met en place des aides supplémentaires permettant de réduire le délai de relogement des ménages ayant accumulé des dettes locatives.

Madame la ministre, quels sont les moyens concrets dont vous allez disposer pour assurer l’entière mise en œuvre de la circulaire précitée, y compris pour ce qui concerne le renforcement de la prévention et de l’accompagnement en amont des procédures d’expulsion ? De plus, comment sera mis en place le plan de relogement annoncé mardi ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. Claude Dilain applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Madame la sénatrice, vous pointez du doigt un sujet fondamental : la mise en œuvre d’une loi très importante, que beaucoup ont saluée et qui a été votée largement, instituant le droit au logement opposable. Malheureusement, les moyens nécessaires à la construction des logements sociaux, qui auraient permis de la rendre applicable, n’ont pas suivi.

Aujourd’hui, 47 000 ménages sont reconnus prioritaires au regard de cette loi et sont dans l’attente d’un logement. Par la circulaire du 26 octobre dernier, à laquelle vous avez fait référence, nous avons fait en sorte qu’aucun de ces ménages ne puisse être expulsé sans qu’un relogement lui soit proposé. C’est une mesure attendue par beaucoup. Elle semble, d’ailleurs, assez logique, puisque l’État est responsable du relogement ; il est obligé par la loi de l’assurer. Il était donc incohérent qu’il recoure à la force publique pour faire expulser les ménages en cause.

Je tiens à le répéter devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, cette circulaire est entrée en vigueur avant la trêve hivernale ; elle le restera encore après.

Nous allons mobiliser l’ensemble des contingents pour permettre le relogement de ces ménages. Cette solution sera retenue pour le relogement prioritaire de 15 000 familles, que le Premier ministre a annoncé pour l’année prochaine.

Je précise que nous parlons de 15 000 ménages, à comparer aux 490 000 attributions de logements sociaux décidées chaque année. Si l’ensemble des partenaires concourant au logement social se mobilisent, il sera possible d’apporter une réponse à ce problème.

Néanmoins, la situation nous interpelle. Le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO, qui a remis son rapport au Président de la République en personne, a attiré son attention sur cette question. La seule réponse qui vaille repose sur une mobilisation très importante des acteurs du relogement, et surtout de ceux et celles qui participeront à la création de nouvelles offres de logements.

Vous connaissez nos objectifs en matière de constructions neuves. Un autre chantier est encore devant nous : la garantie universelle. La hausse de la taxation sur les logements vacants permettra également de répondre à ce problème. En France, deux à trois millions de logements vacants sont actuellement disponibles. Il s’agit de logements épars qu’il n’est pas question, je l’affirme, de réquisitionner. Au contraire, l’idée est de donner aux propriétaires la possibilité de remettre en location ces logements. Voici, mesdames, messieurs les sénateurs, un autre chantier prioritaire, dont l’objectif est d’augmenter l’offre pour pouvoir répondre à une demande criante. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.

Mme Aline Archimbaud. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, qui montre un réel engagement dans ce domaine.

Je me permettrais cependant d’insister sur deux points.

D’une part, il me semble important de ne pas faire l’économie d’une réflexion sur la nécessaire prévention. Cette dernière suppose, bien sûr, des moyens. Mais elle évite, je le crois, des drames et des moyens supplémentaires à déployer ensuite.

D’autre part, j’en appelle à la vigilance de tous à la fin de la trêve hivernale, le 15 mars 2013, pour empêcher que les problèmes s’accumulent de nouveau. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.

M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la chute des températures constatée ces derniers jours, et ce matin encore, pose le problème de l’hébergement d’urgence de la façon la plus impérieuse et la plus pressante qui soit.

Je voudrais, madame le ministre, que vous éclaircissiez deux interrogations qui me préoccupent en tant que sénateur de Paris et vice-président du conseil général, mais qui m’interpellent, comme vous le dites, en tant que citoyen, révolté par le sort de ceux qui affrontent quotidiennement le froid dans la rue ; chaque hiver, certains malheureux ne se relèvent pas.

Récemment, lorsque vous avez mentionné la possibilité de réquisitionner des locaux vacants – et évoqué maladroitement l’Église –, vous avez entretenu le doute sur la possibilité de le faire pour des logements privés.

Comment expliquer à nos compatriotes que le droit fondamental qu’est le droit de propriété risque d’être remis en cause par votre gouvernement, alors même que des organismes publics disposent de dizaines de milliers de mètres carrés vacants ? (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

À titre d’exemple, je voudrais mentionner les 20 000 mètres carrés vacants, sur 40 000 mètres carrés au total, du bâtiment sis au 17, boulevard Morland et qui appartient à la Ville de Paris. Les exemples de ce type sont nombreux. Ce serait l’honneur de votre gouvernement et de la Ville de Paris de procéder à un inventaire précis, que, de notre côté, nous n’arrivons pas à obtenir, et de mettre à disposition ses propres locaux, avant de menacer les propriétaires privés qui ont investi dans un appartement.

Par ailleurs, comment expliquer à nos compatriotes les plus fragiles, vivant dans la précarité la plus totale, que leur demande reste sans réponse, quand, dans le même temps, l’État loge dans des hôtels où la nuitée coûte 150 euros des clandestins qui occupaient une cathédrale ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. On va vous donner d’autres exemples, et pour des sommes bien supérieures à 150 euros !

M. Pierre Charon. Je fais référence à l’occupation de la basilique de Saint-Denis, qui a eu lieu au mois d’août dernier.

Ce relogement est une forme de prime à la délinquance. En l’espèce, a d’ailleurs été commise une double transgression de la loi : séjour illégal sur notre territoire et occupation illégale d’un édifice religieux.

Face à cette double infraction, d’autres familles subissent, elles, une double peine : vie dans la rue et discrimination dans l’accès au logement d’urgence pour bonne conduite.

Ce constat est d’autant plus choquant que ces familles, qui attendent des solutions de relogement et qui vivent souvent dans la plus grande détresse, refusent justement de transgresser les lois de notre République pour garder une dignité, mise à mal par leurs conditions de survie. Cette situation est grave sur le plan moral.

Il ne s’agit pas, bien entendu, de hiérarchiser les souffrances. Mais, quelle que soit la détresse des populations qui se retrouvent sur notre territoire, l’accès à l’hébergement d’urgence ne peut être facilité par la transgression, souvent médiatique, de la loi, au détriment des plus faibles de nos concitoyens, qui meurent aujourd’hui dans la rue. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme Éliane Assassi. C’est indécent !

Mme Corinne Bouchoux. Il faut oser !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le sénateur, je me contenterais de répondre aux éléments techniques de votre question, sans m’étendre sur ceux qui se veulent polémiques.

Je vous le dis, sur ce sujet, je n’ai entretenu aucune ambiguïté. Je ne retire d’ailleurs aucun de mes propos. En effet, la loi de 1998, si elle vise exclusivement les personnes morales, les englobe toutes, sans exception, pour la procédure de réquisition.

Je constate que certains ont tenté de s’engouffrer dans la brèche pour entretenir la polémique. Je vois, d’ailleurs, que c’est sur ce plan que vous placez votre intervention, en prétendant que la réquisition risquerait de mettre en péril la situation de personnes quittant leur logement pour le week-end. Monsieur le sénateur, il est tout à fait indécent d’essayer de nourrir la polémique sur cette question ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Éliane Assassi. Exactement !

Mme Cécile Duflot, ministre. En outre, je tiens à répondre à vos allégations de manière très précise. Le prix moyen d’une chambre d’hôtel en Île-de-France est de 15 euros par personne et par nuit. Cela représente un budget de 5 000 euros par an et par personne.

M. Pierre Charon. Non ! Vous êtes élue de Paris, vous devriez le savoir !

Mme Cécile Duflot, ministre. Nous sommes loin de 150 euros par nuit !

M. Pierre Charon. Je l’ai vécu à Paris !

Mme Cécile Duflot, ministre. Je vous invite à contacter les nombreuses associations qui se feront un plaisir de vous faire visiter les hôtels dans lesquels ces personnes sont accueillies. Vous conviendrez, alors, que les conditions de décence ne sont pas toujours remplies. Néanmoins, je l’ai dit, nous n’avions pas, jusqu’à maintenant, les moyens de faire autrement.

Ce sujet relève de la dignité humaine.

Mme Annie David. Exactement !

Mme Cécile Duflot, ministre. La manière dont nous considérons des hommes, des femmes et des enfants qui sont nos égaux et qui vivent parfois dans la rue, dans des conditions absolument inacceptables, est une question essentielle pour un pays comme le nôtre, qui revendique les valeurs d’égalité, de fraternité, mais non pas de charité.

Mme Cécile Duflot, ministre. Je considère qu’il est du devoir de la République de loger de façon respectable l’ensemble de ses habitants.

C’est, en tout cas, ce à quoi s’emploie le Gouvernement, sans esprit de polémique, mais avec une détermination qui n’a d’égale que la force de ses valeurs. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour la réplique.

M. Pierre Charon. Madame le ministre, ayant récemment été élue à Paris, vous aurez l’occasion de vérifier le prix des chambres d’hôtel. Les Français qui nous regardent actuellement à la télévision peuvent le faire aussi !

Mes collègues sont d’accord avec moi : le prix d’une chambre d’hôtel ne s’élève pas à 15 euros, loin de là ! Cela dit, je comprends votre gêne. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Éliane Assassi. Lamentable !

M. Pierre Charon. C’est moi qui ai la parole, vous ne pouvez pas intervenir ! (Oh là là ! sur les mêmes travées.) C’est tout l’intérêt des questions cribles ! La démocratie existe au Sénat !

Ma proposition est claire : avant de faire la leçon à tout le monde, il faut balayer devant sa porte. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)