M. Jean Arthuis. Nous sommes d’accord !

M. Albéric de Montgolfier. Belle conversion !

M. Jean-Pierre Caffet. Se pose alors immédiatement une deuxième question : que faire pour restaurer la compétitivité des entreprises de notre pays ?

Le précédent gouvernement avait réagi en instaurant la TVA sociale. Je fais partie de ceux qui ont combattu cette mesure : elle ne me paraissait pas bonne, pour deux raisons.

En premier lieu, elle reposait sur une analyse erronée, selon laquelle le coût du travail serait trop élevé dans notre pays.

En second lieu, elle opérait, au plus mauvais moment, alors que la croissance était extrêmement faible en France, un transfert de charges de plus de 10 milliards d’euros des entreprises vers les ménages.

Si notre manque de compétitivité ne tient pas à un coût du travail trop élevé, en tout cas dans l’industrie, il est néanmoins une réalité à laquelle nous ne pouvons pas échapper : la rentabilité des entreprises françaises est trop faible. Leur taux d’autofinancement, dans l’industrie, est de l’ordre de 60 %, contre 100 % en moyenne dans la zone euro, voire 120 % dans certaines branches en Allemagne.

Le rapport Gallois l’a très bien expliqué : parce que nous avons une mauvaise spécialisation, parce que le positionnement en gamme de l’industrie française est mauvais, nos entreprises sont obligées, pour préserver leurs parts de marchés – sans d’ailleurs y parvenir – de faire des efforts sur les prix et, ce faisant, de comprimer leurs marges. Cela explique que le taux de marge dans l’industrie manufacturière ait reculé de dix points, passant de 30 % à 20 %. Voilà pourquoi on arrive à des taux d’autofinancement aussi faibles en France. Il faut donc restaurer la rentabilité des entreprises si nous voulons regagner en compétitivité.

Telle est la raison pour laquelle je soutiens très fortement la mesure proposée par le Gouvernement. En effet, contrairement à ce que disent certains, elle ne porte pas sur le coût du travail : elle n’opère aucune baisse des cotisations sociales patronales, mais seulement une réduction des charges des entreprises, de manière à leur permettre d’investir, d’innover et d’embaucher. Telle est la grande différence avec le système qui avait été instauré par le précédent gouvernement, consistant en des baisses de cotisations sociales compensées par une augmentation de la TVA, soit un transfert de charges des entreprises vers les ménages.

Dès lors, une troisième question se pose : les entreprises pourront-elles utiliser comme elles l’entendent les fonds apportés par le CICE ?

Sur ce point, monsieur Delattre, vous comprendrez que nous ne puissions pas être d’accord avec vous. Vous dites avoir été intéressé par ce dispositif au départ, mais que nous l’avons compliqué, en l’assortissant de critères de conditionnalité, de contrôles. Comment pourrions-nous ne pas instaurer un contrôle a minima de l’usage des fonds dont les entreprises vont bénéficier ? Il est bien évidemment hors de question, pour nous, que des entreprises puissent utiliser ces allégements de charges pour verser des dividendes supplémentaires à leurs actionnaires ou pour augmenter la rémunération de leurs dirigeants ! Il est tout à fait logique de prévoir que les salariés puissent eux aussi exercer un tel contrôle, sous des formes qui restent à déterminer. À cet égard, je rappelle que le rapport Gallois préconise des avancées en matière de démocratie sociale.

Je le répète : ces fonds doivent être utilisés pour développer l’investissement, l’innovation, l’emploi et la recherche, c’est-à-dire les moyens devant permettre aux entreprises de restaurer leur compétitivité, pour que la France puisse redevenir, à terme, un pays compétitif sur les marchés internationaux.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 33 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 167 est présenté par MM. Placé, Gattolin et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 232 est présenté par M. Arthuis.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l’amendement n° 33.

Mme Marie-France Beaufils. J’ai bien écouté ce que vient de dire notre collègue Jean-Pierre Caffet.

Nos entreprises ont effectivement un problème de compétitivité à l’export, mais nous ne partageons pas l’analyse, fréquemment avancée, selon laquelle la solution serait d’alléger le coût du travail.

Nous souffririons également, entre autres maux, d’une insuffisante productivité du travail. Or aucune étude ne montre que celle-ci serait faible en France, en particulier dans l’industrie manufacturière : les données les plus récentes de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, indiquent que ce n’est nullement le cas.

Les études de l’INSEE mettent également en évidence le fait que le ralentissement apparent de la progression de la productivité du travail a, depuis vingt ans, été de pair avec les politiques publiques de l’emploi, qui ont quasiment toutes privilégié les emplois de service, c’est-à-dire des emplois peu qualifiés et peu susceptibles de connaître une évolution sensible. Les allégements de cotisations sociales, qui représentent un véritable boulet pour les finances publiques, ont d’ailleurs été centrés sur les bas salaires.

De plus, la politique industrielle du pays s’est souvent limitée à la cession régulière de titres et parts d’entreprises publiques, une fois assurée la rentabilité des actions par versement de dividendes.

La classe ouvrière industrielle s’est donc peu à peu trouvée entourée d’une masse de plus en plus dense de salariés mal payés, souvent peu considérés, aux possibilités de promotion sociale faibles. La sous-traitance, ce cancer de la production industrielle d’aujourd’hui, s’est largement développée, ce qui a mené à l’apparition d’un prolétariat de plus en plus précarisé, dans le droit fil de la mise en œuvre des lois promouvant la flexibilité des horaires.

Changer la règle du jeu ne passe donc pas par l’attribution d’une nouvelle enveloppe de crédits publics, répartie aveuglément, même si l’Assemblée nationale a essayé d’assortir la mise en place du CICE d’un certain nombre d’objectifs. Il n’est d’ailleurs pas interdit de penser que le dispositif servira, dans bien des cas, à financer des investissements visant à substituer des machines au travail humain.

Quant au financement de la mesure, assis sur une hausse de la TVA, l’émergence d’une fiscalité écologique et de nouvelles économies dans les budgets publics, il nous est évidemment impossible de l’approuver.

Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, la dépense publique est indispensable à notre économie et au maintien de l’action publique en direction des populations. Par exemple, la dépense publique en faveur de l’éducation joue un rôle important non seulement pour nos concitoyens, mais aussi pour notre économie, qui peut grâce à elle s’appuyer sur un personnel qualifié.

Quant à la hausse de la TVA, elle risque d’avoir des conséquences lourdes sur le pouvoir d’achat des ménages. En outre, elle engendre bien plus d’effets récessifs que le crédit d’impôt n’emportera d’effets positifs. Pour ne prendre que l’exemple du secteur du bâtiment et des travaux publics, toute hausse de la TVA sur les travaux aura des incidences importantes sur l’emploi, notamment dans le domaine du logement.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 167.

M. Joël Labbé. Nous, écologistes, considérons que des mesures tendant à améliorer la compétitivité et à favoriser l’emploi sont évidemment nécessaires. Toutefois le dispositif qui nous est proposé manque par trop, de notre point de vue, de critères de conditionnalité.

Le CICE représente un chèque en blanc – à cet égard, la baisse de la TVA dans la restauration fut un échec – accordé à toutes les entreprises sans distinction : grandes ou petites, en difficulté ou distribuant des dividendes, soumises à la concurrence internationale ou pas, écologiquement vertueuses ou polluantes, toutes bénéficieront du dispositif !

Un telle mesure, pourtant extrêmement onéreuse, ne fournit donc aucun levier à l’État pour orienter l’économie vers l’indispensable, l’inéluctable transition écologique. L’État versera à ce titre de 20 millions à 30 millions d’euros par an à Mittal, de 30 millions à 40 millions d’euros à Sanofi, qui, aujourd'hui, licencie, malgré 5 milliards d’euros de profits !

Le bénéfice attendu de la mise en œuvre du CICE est la création, annoncée par le Gouvernement, de 300 000 à 400 000 emplois. Dans l’hypothèse la plus optimiste, chaque emploi créé sera donc subventionné à hauteur de 50 000 euros, ce qui correspond à un salaire net mensuel de 2 000 euros ! À l’heure où nombre de fonctionnaires partant à la retraite ne sont pas remplacés, le Gouvernement nous propose donc que l’État prenne intégralement en charge des emplois dans le secteur privé, en ajoutant ce crédit d’impôt accordé sans condition à l’exonération « Fillon » de charges patronales sur les bas salaires.

S’agissant du financement du dispositif, les 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires sur les dépenses publiques prévues s’ajouteront à celles que nous impose déjà le respect dogmatique de la règle des 3 % de déficit public. Elles contribueront au démantèlement dramatique des services publics et grèveront les crédits d’intervention de la plupart des ministères. D’ailleurs, nous ne savons absolument pas, aujourd'hui, sur quels secteurs ces économies porteront.

Par ailleurs, alourdir la TVA de 7 milliards d’euros revient à faire payer aux ménages le chèque accordé aux entreprises. La hausse de la TVA se traduira essentiellement par le relèvement du taux intermédiaire, qui passera de 7 % à 10 %. Or ce taux est appliqué à la plupart des secteurs qui participent à la transition socio-écologique, qui se verront ainsi pénalisés : je pense aux transports en commun, au traitement des déchets, à la rénovation thermique des bâtiments, au logement social…

Enfin, si l’annonce de l’émergence d’une fiscalité écologique est évidemment une bonne nouvelle à nos yeux, le calendrier est très flou, les modalités inconnues et le montant –3 milliards d’euros – trop faible : il faudrait qu’il atteigne au moins 20 milliards d’euros, ne serait-ce que pour rejoindre la moyenne européenne !

Certes, il s’agit là d’une réforme structurante, probablement de la réforme économique la plus importante du quinquennat. Cependant, rien ne justifiait de l’anticiper avec autant de précipitation. Le 31 août dernier, à Châlons-en-Champagne, le Président de la République avait expliqué que le travail ne coûtait « pas plus cher en France qu’en Allemagne » et que la compétitivité était « affaire surtout de gammes plus élevées, de secteurs à plus haute valeur ajoutée ».

Cette précipitation a amené le Gouvernement à introduire la réforme par voie d’amendement à son projet de loi de finances rectificative, pratique qui n’est guère propice à la concertation politique, ni au débat. En outre, cela l’a conduit à se dispenser de produire une étude d’impact, pour une mesure dont le coût s’élève tout de même à 20 milliards d’euros…

Pour toutes ces raisons, les écologistes voteront en faveur de la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis, pour présenter l’amendement n° 232.

M. Jean Arthuis. Le Gouvernement nous propose un pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. C’est un message très fort, qui nous réjouit. Cela signifie que deux tabous viennent de tomber : premièrement, il est reconnu que le niveau des charges sociales pose problème en termes de compétitivité et ruine l’emploi ; deuxièmement, une augmentation de la TVA cesse d’être une hypothèse interdite.

Pour notre part, nous sommes favorables à un allégement très substantiel des charges sociales, à hauteur de 50 milliards d’euros au moins, et non de 20 milliards d’euros, monsieur le ministre. Nous considérons que, pour compenser cet allégement, il faut augmenter l’impôt de consommation, c'est-à-dire la TVA.

Mes chers collègues, asseoir le financement de la politique sociale, de la politique familiale et d’une partie de la politique de santé sur les salaires, comme nous le faisons actuellement, revient de facto à prélever une sorte de droit de douane sur ceux qui produisent et emploient en France, dont sont exonérés tous ceux qui approvisionnent le marché national avec des produits fabriqués hors de nos frontières !

Le feu est dans la maison. Le chômage ne cesse d’augmenter. Le pays s’est très largement désindustrialisé. Il y a urgence à agir !

Vous avez décidé d’instaurer un crédit d’impôt ; ce choix, nous le contestons. D’abord, il eût été plus simple de baisser les taux des cotisations : avec votre dispositif, les entreprises vont, en quelque sorte, préfinancer l’allégement des charges sociales, et l’État ne versera sa contribution qu’au bout d’un an. Cela relève du maquillage budgétaire : les entreprises constateront dès 2013 une créance sur l’État, alors que l’État ne constatera pas sa dette envers les entreprises. Le déficit public pour 2013 se trouvera augmenté de 13 milliards d’euros.

Il me semble que, en son temps, le bouclier fiscal avait suscité quelques polémiques. Notre collègue Joël Labbé a évoqué le chèque qui sera versé à Mittal : voilà qui ne manquera pas d’en soulever d’autres !

De surcroît, monsieur le ministre, vous le savez bien, les mécanismes de crédit d’impôt débouchent sur des contentieux considérables : on le voit avec le crédit d’impôt recherche. Les conditionnalités prévues par le texte rendront illisible votre démarche.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 24 bis. Nous proposerons tout à l’heure de relever très substantiellement les taux de TVA : si l’on allège les charges sociales, les produits fabriqués en France ne seront pas plus chers, toutes taxes comprises, qu’aujourd'hui pour nos compatriotes. C’est de cela que je voudrais vous convaincre, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet article est l’un des plus importants que nous ayons à examiner, en raison tant de ses conséquences financières que de la portée de son dispositif.

Je remercie ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui ont salué la qualité du travail de la commission des finances. Nous avons procédé à une analyse approfondie des tenants et des aboutissants du dispositif. Nous avons pu établir, me semble-t-il, que la mise en œuvre de celui-ci permettrait très probablement d’atteindre les résultats escomptés, à savoir la création de 300 000 nouveaux emplois et une amélioration significative de la compétitivité de nos entreprises.

Par conséquent, le dispositif est incontestablement solide et bien construit, même s’il n’est certes pas parfait. C’est pourquoi je vais maintenant essayer, mes chers collègues, de vous convaincre de ne pas voter ces amendements de suppression de l’article 24 bis.

La France traverse-t-elle de graves difficultés ? Sommes-nous dans une situation catastrophique ? (Oui ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) La réponse est « oui » ! Je vous renvoie au rapport Gallois.

M. Albéric de Montgolfier. Nous le savions avant le rapport Gallois !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je pense que nous sommes tous d’accord sur ce point.

Dans ces conditions, faut-il agir en urgence ? (Oui ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Albéric de Montgolfier. Dès maintenant !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je le crois aussi. Par conséquent, la démarche du Gouvernement est la bonne.

En agissant en urgence, faut-il avoir à l’esprit que l’emploi est en train de se dégrader dans une mesure considérable…

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … et que l’amélioration de la compétitivité de nos entreprises passe par la mise en place d’un dispositif favorisant l’investissement, l’innovation et la recherche ? Là encore, la réponse est « oui ».

Y a-t-il une condition pour que cela réussisse ? Oui : il faut mobiliser le pays autour de ces objectifs ! (Oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Francis Delattre. Et les chefs d’entreprise !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et les salariés ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est là que réside la difficulté, mes chers collègues : pour mobiliser le pays autour d’objectifs ambitieux, nous devons donner à nos compatriotes le sentiment que les efforts demandés seront justement répartis ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

De ce point de vue, le Gouvernement a introduit une innovation majeure au mois de juillet : on sollicite plus…

M. Francis Delattre. On matraque !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … ceux qui peuvent donner plus. Cela est nécessaire pour que nos concitoyens aient le sentiment que la répartition des efforts sera juste et que chacun récoltera demain une part des fruits de cet investissement collectif.

Dans ces conditions, mes chers collègues, je crois que le Gouvernement nous engage dans une voie d’avenir.

Le dispositif, s’il présente quelques imperfections, est néanmoins solide. Dans les mois à venir, il devra être complété par des mesures fiscales, pour aller vers plus de justice, ainsi que par des réformes structurelles, dans le secteur financier, avec la création de la Banque publique d’investissement, et dans le secteur bancaire, qui va être modernisé et restructuré.

Il nous faut également mettre en place une politique industrielle. Nombre de nos collègues ont fortement insisté sur ce point ces dernières semaines, en évoquant en particulier l’automobile et d’autres secteurs traversant des difficultés considérables. Il y a eu sur ce plan un laisser-aller invraisemblable de la part du précédent gouvernement,…

Mme Michèle André. Tout à fait !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … qui a conduit à mettre en péril notre industrie dans la compétition mondiale.

M. Jean Arthuis. Et les 35 heures, monsieur le rapporteur général !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous en restez à des généralités, monsieur Arthuis !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En conclusion, mes chers collègues, le Gouvernement, conscient de l’importance des enjeux, s’engage résolument dans la voie d’une réforme structurelle profonde de notre économie, de notre système bancaire et de notre politique industrielle La mise en place du CICE est le préalable indispensable de cette réorientation générale : supprimer l’article 24 bis ne serait pas rendre service à notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Sur le plan de la forme, tout d’abord, je ne prétends pas que procéder par voie d’amendement à un projet de loi de finances rectificative soit la méthode la plus appropriée pour introduire une réforme aussi importante, mais ce n’est pas une première, et surtout il arrive que nécessité fasse loi !

Vous savez parfaitement, mesdames, messieurs les sénateurs, à quels contraintes et impératifs de calendrier est soumise la préparation d’un projet de loi de finances rectificative : il faut recueillir l’avis préalable du Conseil d’État avant l’adoption en conseil des ministres puis le dépôt sur le bureau du Parlement, promulguer la loi avant le 1er janvier, donc prévoir un délai suffisant pour que le Conseil constitutionnel ait le temps, s’il est saisi, de se prononcer…

Tous ces éléments ne permettaient pas d’intégrer en tout ou partie, dans le présent projet de loi de finances rectificative, les conclusions du rapport Gallois, que le Gouvernement avait commandé, je le rappelle, presque dès son entrée en fonction.

Aucun retard dans la mise en œuvre de ses orientations ne peut donc être imputé à l’actuel gouvernement, qui a acquis très tôt une conscience aiguë du fait que les politiques économiques, sociales et industrielles menées au cours des dix dernières années n’avaient pas abouti aux résultats qu’en escomptaient leurs promoteurs, comme en témoignent le déficit du commerce extérieur, la perte de parts de marchés à l’export, y compris dans la zone euro, la montée du chômage.

Nous pouvons au moins nous accorder sur ce constat. On sait que le déficit du commerce extérieur a été de plus de 70 milliards d’euros l’année dernière, que le nombre des chômeurs a augmenté de plus de 1 million sur cinq ans, que le taux de marge des entreprises est historiquement faible, que la part de l’industrie dans le produit intérieur brut est passée de 18,7 % à 12 5 % en dix ans !

L’échec des politiques économiques et industrielles menées pendant la dernière décennie est donc patent. En conséquence, il faut changer de politique. Certains ont peut-être établi ce constat avant nous, mais ils n’ont pas pour autant pris en temps voulu les dispositions qui convenaient pour enrayer ce qui représente incontestablement un déclin économique et industriel de la France,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … auquel le Gouvernement et sa majorité, de même, j’en suis sûr, que l’opposition, ne se résolvent pas.

Il fallait donc agir. Pour nourrir notre réflexion, nous avons demandé un rapport à M. Louis Gallois. Chacun a reconnu que le choix de cette personnalité était judicieux. Tout ceux qui ont lu son rapport savent qu’il porte une critique extrêmement sévère sur les politiques menées ces dernières années dans notre pays.

L’urgence à agir explique, justifie la forme. Nous ne pouvions attendre l’élaboration, au début de l’année prochaine, d’une loi de finances rectificative portant sur la compétitivité. C’est pourquoi nous avons procédé par voie d’amendement. Je conçois que le Parlement puisse s’en offusquer, mais je souhaite que vous en compreniez la nécessité.

Sur le fond, ensuite, l’analyse des causes de la perte de compétitivité, notamment en matière de prix, de nos entreprises doit être nuancée.

En termes de coût horaire du travail dans l’industrie, la comparaison avec l’Allemagne n’est pas à ce point à notre désavantage qu’il fallait agir immédiatement. Cependant, si l’on prend en compte le coût de l’ensemble des services dont l’industrie a besoin – services que, dans notre pays, elle a d’ailleurs externalisés –, le constat est plus inquiétant, car ce coût est beaucoup plus élevé en France qu’en Allemagne. Il ne me paraît pas loyal d’exclure le coût des services lorsque l’on veut apprécier la compétitivité-prix de l’industrie ; j’estime que c’est à juste titre qu’il en a été tenu compte dans le rapport Gallois.

Demeure la très grande difficulté à laquelle tout gouvernement est confronté : aider un secteur particulier à l’exclusion d’autres, jugés peut-être moins stratégiques ou prioritaires. Les aides sectorielles prévues dans les nombreux plans de soutien à l’agriculture ou à l’industrie qu’a connus notre pays ont toutes fait l’objet d’une condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne.

Il s’agissait donc d’imaginer une formule nous permettant, tout en ne ciblant pas l’effort sur un secteur donné, de venir en aide à l’industrie. Il me semble que la solution qui a été retenue par le Gouvernement atteint cet objectif. L’effort consenti en faveur de l’industrie sera ainsi, en proportion, deux fois plus important que sa part dans la production de richesse de notre pays.

Certes, il aurait été très certainement souhaitable de faire davantage. J’attends que des parlementaires, convaincus de cette nécessité, me proposent une solution compatible avec les textes communautaires, qui ne soit pas passible d’être condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne, avec obligation, pour les entreprises concernées, de rembourser les aides leur ayant été accordées par l’État… Cette politique de gribouille, qui a pu être suivie dans le passé par des gouvernements de sensibilités politiques différentes, ne peut plus être menée désormais.

Nous proposons donc une politique en faveur de la compétitivité et de l’emploi qui, objectivement, privilégie l’industrie, sans encourir le risque d’être accusée de comporter des aides sectorielles ou des aides d’État.

Cette politique s’inscrit dans une stratégie économique qui vise à préserver autant que faire se peut la consommation des ménages en 2013, année qui, nous le savons, sera la plus dure de cette mandature axée sur le redressement de nos comptes publics. La consommation des ménages fondant à hauteur de près de 60 % la croissance économique dans notre pays, elle doit en effet être préservée dans toute la mesure du possible, notamment pour les ménages les plus modestes et pour les classes moyennes.

Il est vrai que l’imputation sur les comptes de l’État n’interviendra qu’à partir de 2014, mais on sait que les agents économiques ont une formidable capacité à anticiper. Nous prévoyons que cette anticipation produira des effets bénéfiques dès 2013, année durant laquelle, en outre, ne s’appliquera pas encore la hausse de la TVA. Cette conjonction d’une politique de l’offre et d’une politique de la demande devrait permettre à notre pays de passer au mieux une année qui s’annonce extraordinairement délicate.

Dans le détail, monsieur Delattre, je puis vous indiquer que la créance sera suffisamment certaine, juridiquement, pour qu’elle puisse être cédée dès lors que la déclaration au titre de l’impôt sur les sociétés aura été déposée.

En tout état de cause, la créance sera parfaitement prévisible. L’entreprise pourra donc notamment crédibiliser sa prévision en s’appuyant sur ses comptes de l’année antérieure et sur les dépenses salariales déjà réalisées depuis le début de l’année.

En ce qui concerne la conditionnalité, si des critères me paraissent nécessaires, inscrire des conditions dans la loi, comme certains le souhaiteraient,…

M. Albéric de Montgolfier. C’est une source de contentieux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … ne serait pas satisfaisant, dans la mesure où cela créerait un climat d’incertitude au sein des entreprises. Or, il s’agit au contraire de donner une visibilité suffisante, notamment aux chefs d’entreprise, afin que, dès 2013, les effets de notre politique de l’offre puissent se faire sentir sur l’emploi et la croissance.

Le Gouvernement a donc donné son accord, à l’Assemblée nationale, à l’élaboration de critères qui permettront aux partenaires sociaux d’apprécier la façon dont l’argent public aura été utilisé par les entreprises, mais il refusera toute inscription de conditionnalité dans la loi. Outre que nous ne voulons pas créer un climat d’incertitude qui ne serait pas propice au développement de la politique que nous avons choisie, les commissaires aux comptes n’accepteraient pas de tenir compte de ces créances sur l’État dès lors que le respect d’une condition aurait à être vérifié.

Cet argument de comptabilité, qui n’a pas été suffisamment développé, me paraît tout à fait essentiel, si l’on considère que les entreprises ont un besoin impératif de restaurer leurs marges, notamment pour amener le secteur bancaire à reprendre le chemin du financement des entreprises, dont il s’est manifestement quelque peu écarté au cours des dix dernières années, s’agissant en tout cas des PME.

Le dispositif est-il complexe ? Il ne l’est pas davantage que les allégements « Fillon », puisque l’assiette est la même, et pas davantage non plus que le crédit d’impôt recherche, puisque le mécanisme est le même. Je comprends donc mal que des parlementaires – je ne parle pas nécessairement de vous, monsieur Delattre – ayant accepté les allégements « Fillon » et voté le crédit d’impôt recherche puissent qualifier le CICE de complexe.

Monsieur Foucaud, il ne s’agit pas d’un cadeau, ou alors c’est un cadeau au pays. Il ne s’agit pas de favoriser je ne sais quelle catégorie de privilégiés, sauf à considérer comme des privilégiés ceux qui retrouveront du travail l’année prochaine si l’emploi repart.

Nous sommes au moins d’accord pour reconnaître qu’il serait parfaitement illégitime que cet argent serve à augmenter les rémunérations déjà indécentes de dirigeants de grandes entreprises ou à majorer des dividendes. Nous avons d’ailleurs taxé la distribution de dividendes,…