M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faut nationaliser ! (Sourires.)

M. Francis Delattre. … nous vous suggérons de rapporter immédiatement des mesures stupides telles que la non-déductibilité fiscale des intérêts des prêts consacrés par les entreprises à leurs investissements, la surfiscalisation des revenus du capital entrepreneurial – par essence à risque, puisque confronté à la concurrence mondiale – ou la surtaxation des plus-values de cession de parts de PME.

L’orientation générale de votre politique, visant à raboter tous les revenus issus d’un capital, est totalement contradictoire avec votre discours sur la nécessaire montée en gamme des produits de notre industrie, qui exige de plus en plus de capital.

Ces incohérences, nous les devons à une majorité introuvable sur les sujets économiques et à un gouvernement incapable d’arrêter puis d’assumer des choix compatibles avec les réalités de la mondialisation. Ces dispositions auraient ainsi très bien pu être présentées dès la rentrée, pour qu’un vrai débat ait lieu dans les hémicycles.

Vos contradictions et atermoiements s’illustrent donc dans les dispositions qui nous sont soumises aujourd’hui : symboliques, incohérentes, souvent non financées, elles manquent la plupart du temps leur cible.

Vous invoquez souvent des majorités de circonstance au Sénat, qui ne sont en réalité que la somme de vos renoncements et reniements électoraux pour les uns et de vos incohérences érigées en politique pour les autres. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre ce troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Daniel Raoul. Tout ça pour ça !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques jours après son rejet par le Sénat, le contenu de ce collectif budgétaire de fin d’année a été, pour l’essentiel, préservé par l’Assemblée nationale, par le biais de l’adoption d’amendements présentés par le Gouvernement et le rapporteur général, au nom de la commission des finances : quelque 175 amendements ont été déposés au Palais Bourbon.

Il s’agissait de redonner au projet de loi de finances rectificative l’ampleur qu’il avait prise à la suite de l’introduction de nombreuses mesures par voie d’amendement gouvernemental, singulièrement la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et la hausse globale de la TVA, qui constitue l’un des éléments du financement de ce que nous considérons comme un nouveau cadeau fiscal fait aux entreprises.

Les autres éléments de ce financement consistent en un détournement de la fiscalité écologique – on n’en connaît pas encore les contours, mais déjà la destination ! – et en un nouvel effort de réduction de la dépense publique, qui sera d’autant plus difficile à supporter qu’il frappera, comme souvent en pareil cas, ceux qui souffrent déjà.

Sur les amendements déposés au Palais Bourbon, moins de vingt émanaient du Gouvernement et une quarantaine du rapporteur général. Ce sont évidemment ces deux ensembles d’amendements qui ont modelé la rédaction du collectif telle qu’elle apparaît aujourd’hui, avec notamment la réintroduction des deux articles consacrés au CICE et à la hausse de la TVA, que le Sénat avait rejetés, même si ce fut par des majorités dont les composantes étaient animées de motivations parfois divergentes.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Des majorités d’idées !

M. Thierry Foucaud. Mais il arrive parfois que le choc des contraires suffise pour conduire aux résultats que nous avons constatés samedi dernier.

Je tiens à réaffirmer clairement ici notre opposition de principe et de fond aux deux mesures principales, prétendument de compétitivité, qui, en altérant le contenu de ce collectif, ont « changé la donne » politique de ce débat.

Ma collègue et amie Marie-France Beaufils a eu l’occasion de relever, notamment vendredi, lors de la discussion générale, que des sommes déjà considérables venaient alimenter les comptes de nos entreprises, sans que cela ait une traduction tangible en termes d’investissements, d’emploi, de formation et, bien sûr, de compétitivité.

Entre régimes particuliers au titre de l’impôt sur les sociétés, report en arrière des déficits, crédit d’impôt recherche, exonérations ou allégements de cotisations sociales, défiscalisation progressive des plus-values sur cession de titres ou de biens et d’actifs matériels, allégements de fiscalité directe locale, admissions en non-valeur et remboursements de trop-perçus divers, sans oublier la TVA déductible, ce sont pas moins de 170 milliards à 180 milliards d’euros qui, au final, ne sont pas payés par les entreprises.

Des années de vassalisation de nos politiques budgétaires, notamment au profit des groupes à vocation financière et internationale, ont conduit à la quasi-absence d’imposition de la plupart de nos entreprises vedettes du CAC 40, lesquelles sont autant engagées dans la course à l’optimisation permanente que dans celle à la mise en œuvre de plans sociaux et d’opérations dites de « délocalisation compétitive ».

Alors, à quoi serviront donc ces 20 milliards d’euros supplémentaires ?

La question se pose avec d’autant plus d’acuité que les géants de la distribution figurent parmi les bénéficiaires de la mesure. Ils ont choisi de longue date de privilégier leurs marges commerciales contre les productions nationales et importent sans discontinuer tout ce qui peut se vendre à l’étalage, pourvu que cela contribue à augmenter leurs profits !

L’actualité récente semble indiquer, en outre, que leurs dirigeants, une fois retraités, préfèrent le doux soleil du Hainaut belge aux rivages brumeux de la Côte d’Azur… (Sourires.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un soleil bien voilé !

M. Thierry Foucaud. C’est le soleil pour quelques-uns, monsieur le président de la commission des finances.

Interrogeons-nous maintenant, avec le recul relatif de quelques jours et après une lecture plus approfondie tant du rapport que des éléments fournis par la presse et les analystes économiques, sur la pertinence du crédit d’impôt.

Le dispositif devrait mobiliser entre 20 milliards et 25 milliards d’euros, c’est-à-dire entre 6 % et 8 % des recettes de l’État ou environ un point de PIB marchand. À plein régime, cet effort engendrera, si l’on en croit les analyses et l’esquisse d’étude d’impact contenues dans le rapport, une croissance de 0,5 % du PIB. Cela signifie que l’effet de levier du CICE sera, grosso modo, deux fois moindre que les sommes mobilisées pour le mettre en œuvre ! Je ne sais si ces prévisions sont exagérément modestes, sinon prudentes, mais on peut tout de même se demander si cela vaut vraiment la peine de faire valser les étiquettes, en augmentant la TVA, pour un résultat aussi incertain.

Outre la fiscalisation renforcée du financement de la sécurité sociale induite par la mesure, nous avons une autre raison de rejeter le CICE et la hausse de la TVA qui lui est associée.

Nul n’aura oublié que les scrutins publics ayant conduit à la suppression des deux articles concernés ont eu des résultats différents, nos collègues du groupe UDI-UC s’étant distingués en refusant de voter en faveur de la suppression de l’article relatif à la hausse de la TVA. Je me souviens très bien avoir entendu l’un d’entre eux affirmer que le CICE, en l’état, était une mesure insuffisante et qu’il faudrait, pour créer un véritable choc de compétitivité, le porter à 50 milliards d’euros ! Quant à établir le taux normal de TVA à 25 %, comme dans les pays nordiques, cela n’avait selon lui rien de choquant…

Soyons clairs, s’il s’agit de proposer un crédit d’impôt de 50 milliards d’euros, alors que l’impôt sur les sociétés est censé rapporter 52,3 milliards d’euros en 2013, autant aller à l’essentiel : mes chers collègues, ne perdons plus de temps, proposez la suppression pure et simple de l’impôt sur les sociétés, et courez ensuite le pays pour expliquer à nos concitoyens que les dépenses publiques seront gagées demain sur les recettes de la TVA, de la CSG, de ce qui restera de l’impôt progressif sur le revenu et de taxes diverses frappant la consommation, en particulier les 25 milliards d’euros de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques !

Allez-y, coupez donc le lien entre les entreprises et la nation, qui se construit aussi par l’acquittement de l’impôt ! Expliquez-nous, mes chers collègues, pourquoi le financement de l’action publique devrait se trouver hors du creuset naturel de la richesse de notre pays, c'est-à-dire le monde économique, le monde du travail, les entreprises, leurs ateliers, leurs bureaux d’études !

Vous rendez-vous compte que la disparition progressive de toute contribution fiscale ou sociale des entreprises a un effet pervers, celui de faire perdre tout sens à un sport pourtant fort pratiqué, celui de l’optimisation des facteurs de production et des centres de profit ?

Parce que la France ne peut pas s’engager dans la voie que vous avez ainsi tracée au fil du débat sur ce collectif, nous ne pouvons que confirmer notre opposition de fond au contenu de ce dernier ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous n’allons bien sûr pas revenir sur tous les points que nous avons abordés lors de la première lecture.

J’ai expliqué ici même, il y a quelques jours, les raisons pour lesquelles nous ne pouvions pas accepter ce projet de loi de finances rectificative. J’ai personnellement insisté sur l’aberration que représente l’ouverture d’autorisations d’engagement à hauteur de 900 millions d’euros pour l’immobilier des ministères en plein cœur de Paris et à La Défense !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est bien vrai ! Excellent !

M. Vincent Delahaye. Ne serait-ce que pour cette raison, ce texte mérite d’être repoussé.

Je souhaite maintenant revenir sur le dispositif extrêmement complexe, coûteux et aux effets douteux qui nous est proposé pour relancer la compétitivité de nos entreprises. Je ne prétendrai pas que le programme du candidat Hollande soit mon livre de chevet… (Sourires.) Mais, pour un certain nombre de nos collègues, il s’agit manifestement d’une référence permanente, d’une sorte de bible justifiant toutes les mesures présentées depuis quelques semaines.

Je me suis donc replongé dans ce programme pour préparer le débat d’aujourd’hui. Il est intéressant, en effet, de revenir aux sources d’inspiration de la politique conduite depuis six mois, et de redécouvrir que le mot « compétitivité » n’y figure qu’une seule fois. J’ai eu beau lire et relire ce document, je n’y ai trouvé qu’une seule occurrence du terme qui recouvre le principal problème de notre pays. De plus, figurez-vous que ce mot a été employé non pas pour affirmer que l’amélioration de la compétitivité devait être une priorité, alors que la crise a commencé en 2008, qu’elle ne cesse de prendre de l’ampleur et que personne ne pouvait l’ignorer, surtout pas un candidat à la Présidence de la République, mais seulement pour encourager les exécutifs régionaux à prendre des participations dans des entreprises ! Le problème majeur rencontré par notre économie n’était clairement pas une priorité pour le Président et son gouvernement il y a encore six mois !

M. Jean-Pierre Caffet. Ni pour vous pendant dix ans !

M. Vincent Delahaye. Je n’étais pas au pouvoir, je n’étais même pas sénateur !

M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’était pas une priorité pour les vôtres !

M. Vincent Delahaye. Il est vrai qu’une rupture est survenue en la matière, comme vous l’avez déclaré ici, monsieur le ministre, lors de votre première intervention sur le projet de loi de finances rectificative. C’est déjà, en soi, une bonne nouvelle…

La lecture du programme du candidat François Hollande m’a également permis de retrouver les hypothèses de croissance qui étaient censées rendre crédible votre projet de dépenser plus.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah !

M. Vincent Delahaye. Ce n’est pas une surprise, l’optimisme électoral était plus grand encore que l’optimisme gouvernemental : le candidat Hollande prévoyait 0,5 % de croissance pour 2012, 1,7 % pour 2013 puis de 2 % à 2,5 % chaque année jusqu’en 2017…

En six mois, que de retournements, que de conversions, que de ruptures !

Le problème de compétitivité est devenu une vérité révélée, une urgence absolue, alors même que, en juillet dernier, lors des débats sur les premières mesures de ce gouvernement, toute allusion à cette réalité était balayée d’un revers de main… et de loi !

Autre révélation assénée chaque matin par tout ministre se trouvant devant un micro : la crise est là, une crise épouvantable, insoutenable ! Cette même crise, en mai, n’était qu’une excuse du candidat d’en face pour justifier ses mauvais résultats…

La croissance atteindra donc, en réalité, au mieux 0,3 % en 2012 et en 2013, soit bien moins que le 1,7 % escompté… Je vous le dis à nouveau – mais vous faites encore semblant de ne pas y croire –, les taux de croissance, de 2014 à 2017, ne seront pas ceux que vous espérez !

C’est pourquoi nous vous invitons à opérer une ultime conversion, qui manque encore cruellement pour que votre politique soit à la mesure de la situation et de la crise : dites-nous quelles réformes structurelles vous comptez mener pour réduire le train de vie de l’État. Jusqu’à présent, vous n’avez pris que des mesures cosmétiques.

Comme l’a justement rappelé M. Arthuis dans cet hémicycle, il va falloir oser : oser réduire nos dépenses, pour rendre les services publics plus efficaces et moins coûteux ! Il faut montrer à ceux qui en doutent, notamment à gauche de cet hémicycle, que cela est possible, et pas seulement à l’étranger.

En fondant l’équilibre du projet de loi de finances pour 2013 sur des taxes nouvelles pour les deux tiers et sur de prétendus efforts de limitation des dépenses pour seulement un tiers, vous avez envoyé un premier mauvais message. Et encore avez-vous fait passer pour une réduction ce qui était plutôt une absence d’augmentation, une stabilité du total des dépenses de l’État.

La semaine dernière, le recours à une nouvelle augmentation de la contribution à l’audiovisuel public, qui atteindra 5 % l’an prochain, excusez du peu, a été préféré à un effort de réduction des dépenses du groupe France Télévisions.

Ainsi, contre toute logique budgétaire et économique, vous continuez à avoir les taxes et les dépenses faciles, quand il faudrait réduire les unes et les autres.

Contrairement à ce que vous annoncez, les taxes pèsent sur tous les Français et les démotivent, tandis que les accroissements de dépenses ne soutiennent pas la croissance, mais la mettent au contraire en danger.

Peut-être la modernisation de l’action publique, qui vient remplacer feue la RGPP, est-elle le signe que s’amorce cette autre conversion ; nous verrons bien !

Mais ce projet de loi de finances rectificative est surtout marqué par l’introduction du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, via l’adoption de deux amendements.

Je ne reviendrai pas sur la forme : elle est choquante, nous l’avons dit, et constitue l’aveu de votre brutale conversion, ainsi que d’une grande précipitation. Or la précipitation conduit à prendre de mauvaises décisions, monsieur le ministre !

Lors de nos débats de la semaine dernière, nous vous avons suggéré des pistes pour corriger le tir : aller plus loin pour provoquer un vrai choc de compétitivité, tel que préconisé par le rapport Gallois et à demi réalisé au travers de vos propositions. Vous donnez d’une main aux entreprises 20 milliards d’euros, alors que, de l’autre, vous leur en avez pris 10 le mois précédent : c’est trop peu pour encourager quoi que ce soit !

Au cours des débats dans cet hémicycle, vous avez également été engagé à financer autrement vos mesures : augmenter les taux intermédiaires de TVA, lesquels, par définition, ne concernent pas les produits importés, est contreproductif. Nous vous demandons de revenir sur cette décision et de relever dans une mesure plus importante le taux normal.

Le Gouvernement, qui se flatte d’écouter davantage le Parlement, serait bien inspiré d’amender son projet dans ce sens. C’est la voie du bon sens et de l’efficacité. À défaut, je crains que nous ne nous retrouvions dans six mois pour assister à de nouvelles conversions, monsieur le ministre…

Si votre volonté de réduire les dépenses publiques est réelle, nous serons à vos côtés, avec courage et sans démagogie, pour soutenir vos efforts. Si, en revanche, vos annonces restent sans lendemain et si vos propositions ne sont que poudre aux yeux, vous pouvez comptez sur nous pour le faire savoir haut et fort !

En conclusion, je dirai, pour paraphraser Sénèque, que si les temps sont difficiles, c’est parce que nous n’osons pas assez. Nous n’osons pas assez engager les réformes de structures qui réduiront nos dépenses ; nous n’osons pas assez créer un véritable choc de compétitivité ; nous n’osons pas assez mettre à contribution les produits importés !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est grand temps, pour le bien de la France et des Français, de prendre des mesures beaucoup plus audacieuses que celles qui nous sont présentées dans ce projet de loi de finances rectificative que, bien sûr, nous ne voterons pas. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2012, comme les nombreux textes budgétaires que nous avons examinés ces derniers mois, a vocation à permettre le redressement de nos comptes publics.

Il s’agit d’une priorité. Comme le Premier ministre l’a très justement rappelé lors de son récent déplacement en Auvergne, « il n’est pas acceptable que le premier budget de la France soit le remboursement des intérêts de la dette ».

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Jusque-là, nous sommes d’accord !

M. Jacques Mézard. Si nous ne faisons rien, ce sont nos enfants et nos petits enfants qui devront payer le prix de notre irresponsabilité.

C’est pourquoi il est urgent de reprendre en main l’avenir de notre pays, en commençant par réduire le déficit public, sans pour autant mener une politique d’austérité aveugle qui inhiberait la croissance et nous plongerait dans un cercle vicieux récessif dont il serait fort difficile de sortir.

L’objectif de ramener le déficit à 4,5 % du PIB en 2012 devrait être atteint grâce aux efforts, il faut le dire, des gouvernements successifs, dont celui de M. Ayrault. C’est en effet la première fois qu’est constatée en cours d’exercice une amélioration du solde budgétaire de l’État, qui correspond à un effort exceptionnel de l’ordre de 5 milliards à 6 milliards d’euros.

Pour parvenir au redressement de nos finances publiques, les hausses de prélèvements sont inévitables. Elles seront acceptées par nos concitoyens si elles sont lisibles et justes. Mais il est tout aussi indispensable de montrer l’exemple, en réalisant, partout où cela est possible, des économies.

Le Gouvernement a lancé le grand chantier de la « modernisation de l’action publique ». Le comité interministériel de modernisation de l’action publique qui s’est réuni hier doit « rapprocher l’administration des citoyens et simplifier les démarches pour les entreprises et les collectivités ». Ces deux chantiers seront difficiles à mener à bien, mais, en tout cas, je crois que nous pouvons tous être d’accord avec de tels objectifs. Il est essentiel, tout en réduisant les coûts, de préserver, et si possible d’accroître, la qualité et l’efficience de nos services publics.

Outre les économies qui peuvent être réalisées grâce à la rationalisation de certaines politiques publiques ainsi qu’à la suppression des doublons et de multiples commissions consultatives plus ou moins obscures et, surtout, peu efficaces, il y a, monsieur le ministre, un autre chantier à ouvrir pour retrouver des marges de manœuvre budgétaires, tout en renforçant la justice fiscale et sociale : celui du réexamen des niches fiscales. En effet, il y a là aussi des économies à réaliser.

La lutte contre la fraude fiscale, qui est un axe majeur du collectif budgétaire que nous examinons aujourd’hui, permettra également de redresser nos comptes publics et de rétablir, comme le demandent nos concitoyens, justice et équité dans notre système fiscal. L’action du Gouvernement en la matière, qui a débuté dès l’élaboration du collectif de juillet dernier, est incontestable. Il convient de poursuivre les efforts en ce sens.

J’en viens maintenant à la principale mesure de ce projet de loi de finances rectificative, à savoir la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Tous les membres de la Haute Assemblée et la majorité des Français sont d’accord, le constat est plus qu’alarmant. Le taux de chômage dépasse 10 % et continue de monter, le déficit commercial atteint un record de 70 milliards d’euros, les fermetures d’entreprise se multiplient sur tout le territoire. Il fallait donc agir d’urgence, et c’est ce que le Gouvernement a fait en introduisant dans ce collectif budgétaire, par voie d’amendement, l’article 24 bis.

Ce fut probablement une décision difficile, emportant un certain nombre de conséquences assez regrettables –absence d’étude d’impact, latitude d’appréciation forcément limitée pour les parlementaires –, mais c’était la seule solution susceptible de permettre l’amorçage immédiat d’un nouveau projet afin de rendre la France compétitive, d’obtenir une croissance forte et créatrice d’emplois. Nous devons cela aux Français !

C’est pourquoi je regrette, à l’instar de la grande majorité des membres de mon groupe, que le Sénat ait supprimé en première lecture cet article. C’est un acte grave, car il s’agissait de la principale disposition du projet de loi. Le Gouvernement a donc été conduit à demander une seconde délibération et un vote bloqué. Cette situation a rendu impossible toute discussion sur le dispositif lui-même et sur les améliorations qui auraient pu lui être apportées. Je pense, par exemple, à la proposition de mon groupe d’élargir le bénéfice du CICE aux entreprises individuelles, question qui méritait un véritable débat.

Nous regrettons donc que cette discussion n’ait pu avoir lieu, car s’il y avait un article dans ce projet de loi de finances rectificative qui aurait dû faire consensus, c’était bien celui-là, tant la situation est grave et grande l’urgence. Certains groupes n’ont peut-être pas bien mesuré le poids de leur décision, mais c’est leur responsabilité !

C’est grâce à la productivité et à la compétitivité de nos industries que nous sortirons par le haut du marasme économique : il n’y a pas d’autre voie possible.

Enfin, ce projet de loi de finances rectificative est assez hétéroclite, eu égard notamment à l’adoption de cinquante-neuf articles additionnels par l'Assemblée nationale. Ceux qui avaient été adoptés par le Sénat ne seront malheureusement pas retenus.

Je me réjouis cependant que des propositions sénatoriales concernant notamment la cotisation foncière des entreprises et la révision des valeurs locatives foncières aient été reprises par les députés.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de conclure mon intervention en abordant un point qui n’est pas directement lié à ce texte.

Si nous attendons la justice fiscale entre les citoyens, nous l’attendons aussi entre les territoires. Or je tiens ici à dénoncer ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale au cours de ces dernières heures, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, à propos de la question de la péréquation entre les départements en matière de droits de mutation à titre onéreux.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jacques Mézard. Au mépris de toute justice, la Seine-Saint-Denis et ses relais politiques ont pesé, dans des conditions inacceptables sur la forme et le fond, au détriment des départements ruraux, déjà les plus pénalisés.

M. Jean Arthuis. Très bien !

M. Jacques Mézard. En effet, l’effort fiscal par habitant est, en Seine-Saint-Denis et dans les départements comparables, très inférieur à ce qu’il est dans nombre de nos départements.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances, et M. Jean Arthuis. Très bien !

M. Jacques Mézard. Si la nomination d’un ministre de l’égalité territoriale aboutit à des arrangements entre amis sur la fiscalité locale,…

M. Gilbert Roger. Pas du tout !

M. Jacques Mézard. … c’est une imposture.

Monsieur le ministre, nous attendons vos explications sur ce point. La loyauté politique, nous la pratiquons depuis que le Gouvernement est en place : il faudrait, il faut qu’elle soit réciproque. Entendez ce message, il émane de ceux qui représentent les collectivités territoriales au sens de l’article 24 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste, de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, quatre jours seulement après le rejet du projet de loi de finances rectificative pour 2012 en première lecture au Sénat, nous voici réunis pour l’examiner en nouvelle lecture. Nous notons la grande réactivité avec laquelle le Parlement analyse ce texte, qui vise à instaurer un crédit d’impôt de 20 milliards d’euros par an, à réaliser 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires sur la dépense publique et à augmenter les recettes de la TVA à hauteur de 7 milliards d’euros. Le sujet de la fiscalité écologique sera plus amplement abordé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.

La première lecture fut animée. Tout en reconnaissant des avancées en matière de lutte contre la fraude fiscale, une majorité de parlementaires ont estimé,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Une forte majorité !

M. Jean-Vincent Placé. … au travers de leur vote de samedi dernier, que le CICE, tel qu’il est proposé, n’est pas vraiment satisfaisant.

Si nous pouvons nous réjouir de l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’un amendement écologiste visant à préciser que le CICE a pour objet d’améliorer la compétitivité des entreprises en finançant la transition écologique et énergétique, nous regrettons toutefois que le Gouvernement ait reculé sur la question des coopératives. En effet, celles-ci ne pourront pas bénéficier du crédit d’impôt, alors qu’elles en ont pourtant certainement davantage besoin que certaines grandes entreprises comme ArcelorMittal ou certains groupes du CAC 40. De surcroît, de nombreuses coopératives contribuent fortement à la transition écologique et énergétique.

Nous ne pouvons donc toujours pas accepter le CICE, car il ne répond pas à nos attentes, en termes de contrepartie, de mise en place de critères, d’attention particulière envers les PME et les entreprises de taille intermédiaire, les fameuses ETI, ainsi que les filières d’avenir.

Par ailleurs, la commission des finances a d’ores et déjà annoncé que le coût du CICE serait plus proche de 24 milliards d’euros que de 20 milliards d’euros. Cette mesure semble donc devoir être un gouffre sans fond, aucune étude d’impact n’ayant évalué les conséquences de sa mise en œuvre en termes d’emploi et de compétitivité. Mais c’est là peut-être l’avantage de procéder par voie d’amendement…

Notre rejet du CICE ne relève malheureusement pas d’un simple « geste de mauvaise humeur », comme certains ont pu le dire. Notre acrimonie est la manifestation d’un réel désaccord sur le fond.

En ce qui concerne le financement, le rendement de la fiscalité écologique atteindrait 3 milliards d’euros, peut-être avant 2016. Si le coût du CICE devait s’élever à 24 milliards d’euros, pourquoi ne pas aller alors jusqu’à 7 milliards d’euros ? Telle est la proposition que je formule pour l’année prochaine.

Christian de Perthuis, président du Comité sur la fiscalité écologique, a annoncé que les taxes sur les carburants devraient faire l’objet d’un rééquilibrage en raison notamment des risques sanitaires liés au diesel. Les écologistes réclament une telle mesure lors de l’examen de chaque texte financier, ou presque ! Si de nombreuses préconisations du rapport Gallois ont été rapidement mises en œuvre, M. Gallois a déclaré qu’il s’était un peu autocensuré à propos du diesel, pour des raisons industrielles que nous pouvons comprendre, même si nous estimons qu’il faudra revenir sur cette question le plus rapidement possible, y compris d’ailleurs dans une perspective de soutien à l’exportation. En effet, il apparaît clairement que la politique française de promotion du diesel trouve ses limites à l’échelle européenne et internationale.

Toutefois, nous ne pensons pas que la fiscalité écologique doive financer un pacte de compétitivité qui s’exonère des enjeux de la transition écologique de l’économie. Nous avons besoin de recettes pour soutenir le développement des énergies renouvelables, de l’accès aux transports collectifs à des prix attractifs, des investissements dans la rénovation des logements, du fret ferroviaire, de la valorisation des déchets, de l’agriculture biologique… Les projets ne manquent pas.

Il serait fort dommage que la fiscalité écologique soit détournée de sa vocation par un dispositif qui ne tient pas réellement compte des véritables enjeux de la crise économique et sociale.

Le groupe écologiste tient, une fois de plus, à souligner le poids de la croissance des coûts en matière d’énergie, l’importance de la compétitivité hors coût – question dont nous n’avons malheureusement pas assez parlé, alors que le rapport Gallois comportait trente propositions, le plus souvent excellentes, sur ce thème –, le retard de la France dans les filières d’avenir.

Les effets prévisibles de l’augmentation du taux intermédiaire de TVA de 7 % à 10 % sur tous les secteurs écologiques et culturels renforcent d’ailleurs nos inquiétudes. Le ministre nous a promis une réflexion plus approfondie sur la modulation des taux de TVA en 2013, ainsi que sur la fiscalité verte et les niches fiscales anti-écologiques. Nous serons présents au rendez-vous pour faire des propositions, et nous espérons que nous pourrons agir rapidement et efficacement.

Puisque la volonté du Gouvernement, que nous ne partageons pas, est de mettre l’accent sur la compétitivité-coût, pourquoi augmenter le taux intermédiaire de la TVA ? Il faut aller au bout de la logique, et relever le taux normal de la TVA à 20 %, voire à 20,5 %.