compte rendu intégral

Présidence de M. didier guillaume

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

3

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi ce jour, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

4

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, vous venez d’informer la Haute Assemblée que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte pour les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de M. François Brottes instaurant une tarification progressive de l’énergie n’avait pas abouti ce matin.

Je voudrais préciser comment les choses se sont passées.

Il n’y a pas eu, comme on aurait pu l’imaginer, un rejet du texte proposé par égalité des voix pour et contre. En effet, nos collègues socialistes et communistes n’ont pas accepté non plus le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, qui a donc été repoussé à une très large majorité.

M. Roland Courteau. C’est logique !

M. Jean-Claude Lenoir. En conséquence, l’Assemblée nationale va de nouveau être saisie d’un texte au mois de janvier, puisque les auteurs de la proposition de loi sont déterminés à aboutir.

Nous souhaitons – ce point de vue est, me semble-t-il, partagé par l’ensemble des membres de la Haute Assemblée – que le texte qui sera, je l’imagine, recomposé à l’Assemblée nationale soit aussi respectueux que possible des grands principes auxquels nous sommes attachés, s’agissant notamment de la péréquation tarifaire, afin que le Sénat ne soit pas conduit, en février – la date a déjà été annoncée –, à exprimer un nouveau rejet.

J’espère donc que le Gouvernement sera très attentif à la rédaction de ce texte, dont l’adoption, en l’état actuel des choses, provoquerait des changements considérables pour l’ensemble des consommateurs et des distributeurs d’électricité, de gaz et d’eau. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Lenoir.

5

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2012

Rejet d’un projet de loi en nouvelle lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (projet n° 238, rapport n° 240).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’économie de ce projet de loi de finances rectificative est globalement la même qu’en première lecture ; je regrette que le Sénat l’ait alors rejeté.

Cette économie se caractérise par quelques éléments marquants, que je vais maintenant rappeler.

En premier lieu, en 2012, ce projet de loi de finances rectificative en atteste, la trajectoire de nos finances publiques est conforme aux engagements pris par notre pays : le déficit public sera bien de 4,5 % du PIB, grâce à la loi de finances rectificative de cet été. Sans cette dernière, qui se trouve ici légitimée, nous n’aurions pu atteindre notre objectif.

J’ajoute que, par rapport à la loi de finances initiale pour 2012, la réduction de la dépense publique est de 3,6 milliards d’euros, et de 2,4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances rectificative du début de cette année, votée sous l’empire de la précédente majorité. En exécution, par rapport à 2011, il y aura une diminution, en valeur absolue, de 200 millions d’euros. C’est un fait remarquable, sans précédent, puisque, ces cinq dernières années, en exécution, le solde s’est dégradé en moyenne de 5 milliards à 6 milliards d’euros au lieu de s’améliorer, fût-ce de quelques centaines de millions d’euros.

Un effort considérable a donc bien été consenti cette année, dont le mérite revient aux gouvernements successifs qui ont présidé aux destinées du pays en 2012, donc au moins en partie à celui de Jean-Marc Ayrault.

L’effort structurel engagé est tout à fait important : en deux ans, notre déficit structurel passera de 4,8 % à 1,6 % du PIB, puisque, après la réduction de 1,2 point de PIB de cette année, un nouvel effort de 2 points de PIB sera réalisé l’an prochain afin que nos finances publiques retrouvent un équilibre qu’elles ont perdu depuis bien longtemps, sous la conduite de différents gouvernements.

En deuxième lieu, ce texte comporte un certain nombre de dispositions relatives à la lutte contre la fraude ou l’exode fiscal. Elles sont d’une importance majeure, car en cas d’adoption elles simplifieront le travail de l’administration fiscale. Depuis mon entrée en fonctions, je veille soigneusement à ce qu’il en aille ainsi ; il me semble que l’accueil du Parlement est plutôt positif à cet égard.

En troisième lieu, le Gouvernement demande au Parlement d’approuver différentes garanties ou comblements, à l’instar du plan concernant Dexia, dont on peut espérer qu’il sera le dernier, c’est-à-dire le bon. Je pense également à la banque PSA Finance, à laquelle l’État se propose d’apporter sa garantie. Ces sujets ont déjà été abordés par la Haute Assemblée.

En outre, par voie d’amendement, le Gouvernement a décidé d’introduire une réforme majeure, avec la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Cette nouvelle lecture, mesdames, messieurs les sénateurs, sera l’occasion de prolonger notre débat d’il y a quelques jours. Depuis la première lecture au Sénat, des précisions ont été apportées concernant le champ couvert par le dispositif – les entreprises acquittant l’impôt sur les sociétés –, le montant engagé – 20 milliards d’euros –, les modalités de financement de cette réforme – pour moitié par des économies, pour moitié par une modulation des taux de TVA et par la création, absolument indispensable, d’une fiscalité écologique.

Enfin, seront certainement évoqués des sujets que le Gouvernement n’avait pas envisagé d’aborder à cette occasion mais que l’Assemblée nationale ou le Sénat ont décidé de traiter, notamment celui du seuil minimal de cotisation foncière des entreprises. C’est sur l’initiative du Sénat qu’une réforme a été entreprise sur ce point ; l’Assemblée nationale l’a reprise à son compte.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est une bonne chose !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Effectivement ! Il me semble que la Haute Assemblée devrait pouvoir approuver cette réforme.

Le texte prévoit également la création d’un fonds d’aide aux collectivités territoriales qui ont été les victimes, plus ou moins consentantes, de prêts « toxiques ».

M. Philippe Dallier. Oui, et c’est nous qui payons…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce fonds est doté de 50 millions d’euros.

La création d’un fonds d’aide aux départements en grande difficulté, d’un montant de 170 millions d’euros, est aussi proposée. Ces crédits seront répartis pour moitié selon des critères objectifs, et pour l’autre moitié en fonction de situations très délicates susceptibles d’apparaître en 2013 pour des motifs qu’il est difficile d’anticiper en cette fin d’année.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’aurai l’occasion de m’exprimer plus longuement lors de l’examen des articles. Pour autant, il me semblait nécessaire de préciser dès maintenant les intentions du Gouvernement et de rappeler les principaux ajouts opérés grâce à la discussion parlementaire, que ce soit par l’Assemblée nationale ou par le Sénat. Votre assemblée a rejeté le texte en première lecture, pour des raisons qui ont été largement exposées, mais les débats y ont été de très grande qualité. Au demeurant, l’Assemblée nationale a repris des dispositions que vous aviez introduites. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Assemblée nationale avait substantiellement enrichi ce projet de loi de finances rectificative lors de la première lecture, en triplant le nombre de ses articles et, surtout, en y insérant une disposition qui marquera la politique économique conduite pendant ce quinquennat : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui est une composante du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi présenté par le Premier ministre le 6 novembre 2012, au lendemain de la remise du rapport de M. Louis Gallois.

Tout cela est encore assez frais dans nos esprits puisque c’est il y a seulement quatre jours, le samedi 15 décembre, que le Sénat a rejeté le présent texte en première lecture. La commission mixte paritaire qui s’est tenue lundi a logiquement échoué, ce qui a conduit l’Assemblée nationale à examiner ce projet de loi de finances rectificative en nouvelle lecture, la nuit dernière.

L’équilibre budgétaire est à peu près inchangé à l’issue de cette nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Le déficit s’établit à 86,2 milliards d’euros, en aggravation de 50 millions d’euros par rapport à la rédaction résultant de la première lecture, en raison de la mise en place d’une sortie progressive du dispositif de baisse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE.

Sur le plan des dépenses, il faut souligner une ouverture de crédits importante, au titre de la mission « Défense », d’un montant de 195 millions d’euros sur le titre 2, c’est-à-dire pour les dépenses de personnel, gagée par des annulations sur la même mission à hauteur de 100 millions d’euros et sur les autres missions à hauteur de 95 millions d’euros.

Cette ouverture intervient quelques jours après qu’un décret d’avance a ouvert 280 millions d’euros de crédits du titre 2 sur la mission « Défense ». À cet égard, nous aimerions en savoir un peu plus, monsieur le ministre, au sujet des difficultés que rencontre le ministère de la défense dans la gestion de sa masse salariale, en attendant les résultats de l’enquête que nous avons demandée à la Cour des comptes sur le régime des primes de ce ministère.

Je rappelle que la principale dépense inscrite dans ce collectif est la recapitalisation de Dexia, pour un montant de 2,6 milliards d’euros.

L’Assemblée nationale a moins modifié le texte qu’elle avait adopté en première lecture qu’elle ne l’avait fait pour le projet de loi de finances. Elle a maintenu soixante et un articles dans leur rédaction issue de la première lecture et en a modifié vingt-neuf.

En outre, les apports du Sénat étaient surtout constitués d’articles additionnels, que la procédure interdit à l’Assemblée nationale de reprendre en nouvelle lecture. Néanmoins, huit articles ont été modifiés afin d’assurer la prise en compte de dispositions adoptées par le Sénat avant qu’il ne rejette l’ensemble du texte.

À l’article 17, on peut ainsi relever que notre souhait, issu des travaux de la mission d’information conduite par Charles Guené et Anne-Marie Escoffier, que les tarifs de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, soient indexés sur l’inflation, a été satisfait.

Les aménagements que nous avons apportés au régime de fixation des bases minimales de cotisation foncière des entreprises ont été pour l’essentiel conservés, même si la marge de manœuvre des collectivités pour déterminer le niveau de la deuxième tranche a été quelque peu réduite.

L’Assemblée nationale a également repris, à l’article 17 nonies, l’amendement de Philippe Adnot portant de 1,1 à 1,3 le coefficient multiplicateur de la taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base, dite « de stockage ».

À l’article 28 ter, notre amendement a été repris dans son esprit, mais selon un dispositif tout de même plus éloigné de notre souhait. Nous avions demandé la transmission aux commissions des finances des deux assemblées, pour information, du plan financier défini chaque année par l’Union des entreprises et des salariés pour le logement, l’UESL, afin d’assurer le remboursement des prêts. Nous nous étions inspirés du dispositif existant en cas de ponction sur les fonds d’Action logement. Le Gouvernement a préféré prévoir la remise d’un rapport annuel plutôt que de nous laisser accéder au plan financier lui-même, dont nous pourrons toutefois avoir communication en application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Mes chers collègues, vous trouverez dans le rapport la liste des dispositions adoptées par le Sénat que l’Assemblée nationale n’a pas reprises. C’est ce qui se produit lorsque nous ne pouvons pas défendre nos idées en commission mixte paritaire…

Mmes Michèle André et Bernadette Bourzai. Voilà !

M. Richard Yung. Ce n’est pas notre faute !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas la nôtre non plus !

M. Roland Courteau. Alors, à qui la faute ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cherchez ailleurs !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Dans certains cas, l’absence de reprise de nos propositions par l’Assemblée nationale ne constitue pas une surprise, dans la mesure où le Gouvernement s’était opposé à nos initiatives. Je songe notamment à nos votes concernant la fiscalité immobilière, en particulier le prêt à taux zéro, le PTZ. Notre argument selon lequel le PTZ étant, en zone C, la dernière aide fiscale à la disposition des accédants à la propriété aux moyens modestes, il n’était pas opportun de sacrifier l’accession sociale pour encourager l’accession très sociale n’a pas été entendu. Nous devons donc continuer à travailler pour espérer parvenir à nos fins sur ce point.

Dans d’autres cas, la déception est grande : ainsi, les critères d’éligibilité au fonds de soutien aux départements en difficulté et de répartition des aides sont très différents de ceux que nous avions votés, sur l’initiative de la commission des finances et de Gérard Miquel. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il convient à présent de relever les quelques nouveautés issues des débats à l’Assemblée nationale.

Tout d’abord, je mentionnerai l’adoption d’un amendement tendant à exclure du prélèvement au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales, le FPIC, les communes situées dans les îles maritimes mono-communales.

Ensuite, l’Assemblée nationale a précisé que le CICE a également vocation à contribuer au financement de la transition écologique et énergétique. Elle a en outre élargi le bénéfice de ce crédit d’impôt à l’ensemble des entreprises ou organismes partiellement exonérés d’impôt par les dispositions de l’article 207 du code général des impôts. Le Gouvernement avait déposé un amendement en ce sens au Sénat. Enfin, les conditions dans lesquelles les entreprises pourront préfinancer le CICE, et notamment céder la créance, ont été précisées.

S’agissant de la nouvelle taxe sur les plus-values de cessions immobilières, l’Assemblée nationale a adopté un amendement introduisant un dispositif de lissage des effets de seuil induits, mais sans préciser ses conséquences sur le rendement de la taxe.

Néanmoins, outre l’introduction du CICE, l’événement important de la discussion au Parlement de ce projet de loi de finances rectificative s’est produit au Sénat, lorsque le Gouvernement a déposé, en réponse à un amendement présenté sur le même sujet par la commission des finances, un amendement posant le principe d’une révision générale des valeurs locatives des locaux d’habitation et définissant un calendrier précis pour sa mise en œuvre.

Certes, cette disposition ne figurera pas dans le texte définitif de la loi de finances rectificative, puisque l’Assemblée nationale n’était pas en capacité de le reprendre. Mais il faut considérer cet amendement comme un engagement politique de la part du Gouvernement. Il est prévu de consacrer la première moitié de l’année à venir à la concertation entre les différents acteurs, de manière à aboutir, à l’automne 2013, à la rédaction d’un dispositif complet et détaillé fixant les modalités selon lesquelles une expérimentation sera conduite dans trois départements. Je rappelle que le Lot est candidat.

Je répète ce que j’ai dit l’autre jour : il serait préférable, monsieur le ministre, que ce dispositif figure dans le texte initial du projet de loi de finances pour 2014, qui sera rendu public en septembre 2013, de façon que nous ayons le temps de l’expertiser avant de le voter.

Atteindre cet objectif suppose que la concertation soit lancée très tôt en 2013. La commission des finances sera particulièrement vigilante sur ce point.

L’expérimentation devra déboucher, en septembre 2015, sur un rapport qui en dressera le bilan. À la lumière de cet enseignement, les travaux de révision commenceront dans tous les départements en 2016, en vue de leur prise en compte pour l’établissement des impôts dus en 2018. (M. Daniel Raoul acquiesce.)

Mes chers collègues, ce calendrier est totalement compatible avec l’ensemble des scrutins locaux et nationaux.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est essentiel !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est un point important !

Ce calendrier est ambitieux tout en restant réaliste. Il nécessite à la fois un investissement de l’administration et une volonté politique.

À ce titre, je remercie le Gouvernement d’avoir répondu à notre sollicitation et, après avoir accepté, à notre demande, la généralisation de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels en juillet dernier, d’avoir engagé la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation. Il s’agit d’une mesure de justice fiscale, qui contribuera à garantir que nos concitoyens sont vraiment égaux devant l’impôt.

Mes chers collègues, tels sont, brièvement résumés, les principaux éléments de ce projet de loi de finances rectificative. Avec la création du CICE et l’engagement de la révision des valeurs locatives, deux des mesures qui resteront comme emblématiques du quinquennat seront issues de la discussion de ce collectif budgétaire de fin d’année.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Attendons d’en connaître les résultats !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Parce que vous ne pouvez pas manquer ces rendez-vous historiques, et bien que la majorité de la commission des finances ait adopté la position inverse ce matin même, il vous faut considérer ce projet de loi de finances rectificative comme un texte tout à fait indispensable à l’ajustement nécessaire de la loi de finances pour 2012 et à la préparation des exercices à venir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte nous pose tout d’abord un problème de forme au regard du respect dû au Parlement, compte tenu de l’introduction par voie d’amendement d’un dispositif qui dénature totalement sa version initiale.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est sûr et certain !

M. Francis Delattre. Du reste, cela n’est peut-être pas sans poser un problème de constitutionnalité.

M. Francis Delattre. Pour l’essentiel, le présent projet de loi de finances rectificative est devenu le véhicule d’une réforme bâclée autour d’un thème essentiel pour notre pays : la compétitivité de nos entreprises.

Après le matraquage fiscal des entreprises et des entrepreneurs organisé par la première loi de finances rectificative présentée, en juillet dernier, par le nouveau pouvoir et prévoyant le prélèvement de 10 milliards d’euros d’impôts nouveaux, il était habile, en termes de communication, d’annoncer trois mois plus tard au monde économique un pacte pour la compétitivité de l’industrie française. Ce dispositif est issu du rapport Gallois, lequel relevait au moins que les charges sociales pesant sur le travail sont trop élevées.

Monsieur le ministre, ce problème unanimement reconnu avait été traité par le biais d’un transfert fiscal, à hauteur de 13 milliards d’euros, mis en place via la loi dite « anti-délocalisations » de mars 2012, que vous avez annulé dès votre arrivée au pouvoir en invoquant le modèle social français, qui a pour particularité d’engendrer, depuis trente ans, un chômage de masse…

Par rapport au diagnostic de M. Gallois, ce dispositif amorçait sérieusement et immédiatement le choc de compétitivité préconisé pour redonner à nos entreprises des marges, les aider à résoudre leurs problèmes de trésorerie ou à reprendre leurs investissements, aujourd’hui en chute libre.

Mais votre obsession de détricoter le travail des prédécesseurs, par essence injuste, vous conduit à transformer ce projet de loi de finances rectificative en un véhicule de dépannage, inadapté eu égard à l’urgence, complexe et d’un financement aléatoire.

Sans votre comportement irresponsable, les entreprises de notre pays bénéficieraient aujourd’hui des allégements de charges indispensables à beaucoup d’entre elles pour retrouver des prix compétitifs sur les marchés, alors que cette merveille de montage de technologie financière qu’est le CICE sera largement inopérante en 2013, ses effets devant s’étaler jusqu’en 2017 ; pour le moins, son dispositif n’est pas adapté à l’urgence de la situation économique du pays.

Par ailleurs, ce crédit d’impôt, présenté initialement comme une créance fiable et négociable par les entreprises, a perdu l’essentiel de sa liquidité dès lors que des critères de conditionnalité ont été introduits par l’Assemblée nationale. Qui dit conditions dit contrôles, en l’occurrence contrôles fiscaux !

Les bénéficiaires pourront-ils réunir plus ou moins simultanément les sept conditions énumérées à l’alinéa 3 de l’article 24 bis ? Les contentieux fiscaux, avec les craintes qui les accompagnent, seront légion. Pour les PME et les PMI, en particulier, un dispositif fiscal incitatif doit absolument être simple et sûr, au contraire du meccano que vous proposez, monsieur le ministre !

Non seulement les 20 milliards d’euros de ristournes fiscales à accorder jusqu’en 2017 relèvent de la cavalerie budgétaire, mais, au surplus, cette somme sera bien insuffisante pour créer un quelconque choc de compétitivité. D’ailleurs, le texte n’est accompagné d’aucune étude d’impact ; les 300 000 emplois nouveaux annoncés relèvent d’un savant calcul de M. le rapporteur général.

Au surplus, les commerçants, les artisans, les travailleurs indépendants, les professions libérales, qui constituent la colonne vertébrale de l’emploi dans nombre de nos territoires et sont déjà fortement touchés par les charges et les impôts que vous avez votés depuis six mois, sont les grands oubliés de ce pseudo-choc de compétitivité.

S’agissant du financement, d’un côté vous prévoyez une hausse de la TVA, de l’autre vous annoncez 10 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques. Mais nous ne voyons pas le début du commencement d’une économie dans ce texte.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et pourtant nous avons cherché, comme Diogène avec sa lanterne ! (Sourires.)

M. Francis Delattre. Au contraire, les dépenses s’alourdissent et la masse salariale augmente.

Est-ce avec la suppression de 100 conseils consultatifs, annoncée hier par M. Ayrault, que vous comptez nous faire croire au début d’une politique de rigueur dans la gestion des dépenses publiques ?

En quelques mots, la raison de notre opposition ne porte pas sur l’objectif du mécanisme, ou sur son principe, mais sur le choix du levier utilisé, c’est-à-dire le crédit d’impôt, dispositif que nous jugeons bien moins lisible et efficace qu’une exonération de CSG.

De surcroît, les effets de seuil et le ciblage de votre dispositif sur les rémunérations inférieures à 2,5 fois le SMIC entraveront l’évolution des salaires. En dernier ressort, comme l’a remarqué M. le président de la commission des finances, les prévisions quant au coût de la mesure sont extrêmement variables, ce qui ne manque pas d’inquiéter.

L’autre versant de ce mécanisme est l’augmentation des différents taux de TVA.

Il est à croire que vous avez déterminé ces taux à partir de considérations plus esthétiques qu’économiques, vous conduisant à arrondir le taux intermédiaire de 7 % à 10 %, le taux normal de 19,6 % à 20 % et le taux réduit de 5,5 % à 5 %. Si, en politique, le faire-savoir est parfois aussi important que le savoir-faire, le caractère « publicitaire » de ces nouveaux taux n’aura échappé à personne.

Toutefois, au-delà de l’affichage, ces taux seront-ils efficients ?

Pour ce qui est du taux de 5 %, nous comprenons l’argument social ou « éthique », si je puis dire, qui vous amène à réduire le taux de TVA minimal. Cependant, le différentiel de 0,5 % sera rapidement absorbé par l’inflation, hélas ! Ajoutons que la répercussion d’une baisse de 0,5 point de la TVA sur les prix des biens de grande consommation tels que ceux qui bénéficient du taux de TVA réduit ne sera que de quelques centimes.

Le passage de 7 % à 10 % du taux intermédiaire, soit une augmentation de 40 % en une seule fois, est nettement plus intéressant. Il s’agit là de l’effort maximal que vous consentez, mais permettez-moi de vous dire que vous manquez votre cible ! Les produits et secteurs de consommation concernés par ce taux de TVA intermédiaire ont pour seul point commun de ne pas être délocalisables.

Le discours sur le logement social économe en énergie s’accommodera mal de décisions majorant la fiscalité sur les travaux. Quant aux travaux artisanaux, j’observe que l’application de taux réduits avait fait fortement reculer le travail non déclaré.

Enfin, la majoration de certains taux s’appliquant aux services publics locaux, tels que les transports publics, entraînera en réalité un transfert financier supplémentaire des collectivités territoriales vers l’État.

En fait, 25 % des produits que nous consommons sont importés ; or moins d’un cinquième de ces produits se voient appliquer le taux de TVA de 5,5 %. À l’inverse, plus des quatre cinquièmes des biens que nous importons sont soumis au taux normal de 19,6 %, que vous souhaitez porter à 20 %. Dans ces conditions, si vous entendez vraiment octroyer un avantage à celles de nos entreprises qui destinent leur production au marché français, face auxquelles se dresse une concurrence mondiale soutenue, c’est sur ces taux qu’il faut agir.

En d’autres termes, comme pour le CICE, il nous apparaît que le ciblage proposé par le Gouvernement pour l’évolution des taux de TVA ne correspond aucunement aux objectifs assignés, notamment par le fameux rapport Gallois, qui, comme la Cour des comptes, préconisait un effort également réparti entre la fiscalité et les économies sur les dépenses de l’État.

Que dire du dernier grand dispositif que vous introduisez au travers de ce projet de loi de finances rectificative : le durcissement de la taxation des plus-values immobilières ?

Que dire de la cohérence gouvernementale ? Comment peut-on justifier la cohabitation de l’abattement de 20 % sur les plus-values de cessions immobilières dans le projet de loi de finances pour 2013 et la surtaxation de ces mêmes plus-values dans le présent projet de loi de finances rectificative pour 2012, examiné simultanément ?

De plus, afin de compenser la disparition de la taxe sur les résidences secondaires proposée pourtant par le Gouvernement, les rapporteurs généraux des deux assemblées suggèrent de mettre en place une nouvelle tranche d’imposition sur les plus-values de cessions immobilières allant de 50 000 à 100 000 euros. Or il ne s’agit pas là de plus-values exceptionnelles ; la nouvelle tranche d’imposition concernera directement les contribuables des couches moyennes. En gelant le marché, cette tranche minimale viendra casser l’offre de logements de petite et moyenne taille dans les zones tendues, qui sont le cœur de cible d’une politique du logement raisonnée et efficace.

En réalité, le pacte de compétitivité, qui constitue l’innovation majeure du PLFR, s’apparente surtout aujourd’hui à des promesses mal financées, alors que vos hausses d’impôt, elles, sont bien réelles et pèsent sur les résultats de nos entreprises.

Par rapport à un PIB de 2 000 milliards d’euros et à un actif des entreprises privées de près de 6 000 milliards d’euros, un choc à 20 milliards d’euros sur quatre ans n’a pas grande signification, monsieur le ministre. Ce n’est pas l’État, aujourd’hui endetté à hauteur de 1 800 milliards d’euros, qui pourra financer les besoins d’une économie compétitive à l’échelle mondiale.

Pour rassurer la sphère privée et donner une chance au redressement productif,…