Mme la présidente. La parole est à M. Claude Dilain.

M. Claude Dilain. Je vous remercie de ces bonnes nouvelles, monsieur le ministre.

Permettez-moi cependant de revenir sur les chiffres. Je n’ai pas le sentiment que les taux de chômage de Livry-Gargan et de Clichy-sous-Bois soient comparables. Selon l’INSEE, le taux de chômage à Livry-Gargan s’établit à 9,8 %, contre 22,3 % à Clichy-sous-Bois.

Par ailleurs, monsieur le ministre, la création d’une agence Pôle emploi dans la communauté d’agglomération de Clichy-Montfermeil aurait une très forte valeur symbolique. En effet, cette population se sent abandonnée, et il me semble tout à fait nécessaire de prendre en compte cette dimension de la situation.

En faisant preuve d’un peu d’humour noir, je dirais que, malgré sa proximité géographique, la ville de Livry-Gargan est très difficile d’accès et le restera, d’ailleurs, tant que le tramway, qui a été promis, ne sera pas en service. Mais je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous serez à nos côtés pour défendre ce projet !

avenir de l’association pour la formation professionnelle des adultes

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 226, adressée à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés rencontrées par l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, véritable école de la deuxième chance.

En soixante ans, l’AFPA a formé des millions de personnes qui n’avaient, jusque-là, aucune qualification. Sur les 160 000 stagiaires formés chaque année, 75 % trouvent un emploi dans les six mois qui suivent leur formation. En Bretagne, les neuf centres AFPA forment à près de cent métiers répartis en quatre secteurs : bâtiment, industrie, tertiaire et formation préqualifiante. Dans un contexte économique très difficile, la fermeture d’une telle institution serait catastrophique.

Or, aujourd’hui, sur le terrain, les formateurs sont très inquiets. C’est le cas à l’AFPA de Morlaix, dans le Finistère, où 80 % des personnes trouvent pourtant un travail à l’issue de leur formation.

Comme le ministre du travail le soulignait en juin dernier, l’AFPA connaît des difficultés importantes de positionnement et de financement, en grande partie liées aux choix désastreux effectués par les gouvernements successifs depuis 2004 : désengagement brutal de l’État, gestion erratique du dossier de la dévolution du patrimoine à l’AFPA, transfert mal préparé des missions d’orientation à Pôle emploi, transfert à l’Association de gestion des fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, sans contrepartie financière, des marchés de formation des personnes handicapées.

Pourtant alerté par les syndicats et les régions, le précédent gouvernement a mené le transfert de compétences au pas de charge, sans méthode et de manière brutale, tant et si bien que l’AFPA se trouve aujourd’hui dans une situation de quasi-cessation de paiement !

Conscient de l’importance de cette association, alors que la France subit une grave crise économique et que le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter, le ministre du travail a rencontré les syndicats le 19 juin 2012 et a pris une première mesure d’importance, en débloquant, dès la fin du mois de juillet, la somme de 80 millions d’euros.

La formation professionnelle a également été l’un des thèmes majeurs de la grande conférence sociale de juillet dernier. Elle sera, bien évidemment, liée à l’acte III de la décentralisation, avec une compétence « emploi » accrue pour les régions.

Le Gouvernement a donc été très actif sur ce dossier.

Cependant, je souhaite plus particulièrement attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le rôle que l’AFPA doit jouer en direction des jeunes.

En effet, le chômage des jeunes a atteint un niveau très inquiétant : 22,7 % des 15-24 ans, soit 634 000 personnes, étaient sans emploi au deuxième semestre 2012. Ce taux s’élève à 40 % pour ceux qui sortent du système scolaire sans diplôme, ce qui représente, en moyenne, une population de 120 000 personnes chaque année.

Le 1er novembre dernier, le Gouvernement a lancé les emplois d’avenir, qui vont concerner, d’ici à 2014, 150 000 jeunes peu ou pas diplômés.

Dès lors, comment, monsieur le ministre, rassurer les acteurs locaux sur l’avenir de l’AFPA ? Quel sera le partage des rôles en matière de formation des demandeurs d’emploi ? Comment améliorer l’orientation des chômeurs en lien avec Pôle emploi ? Comment mieux remplir toutes les offres de stage ? Enfin, de quelle manière l’AFPA va-t-elle s’engager dans les emplois d’avenir ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le sénateur, l’AFPA n’est effectivement pas un organisme de formation comme les autres. Elle est d’abord, grâce à son organisation nationale, le principal organisme de formation des demandeurs d’emploi en France. Elle accueille 120 000 stagiaires chaque année, qu’elle amène, pour une grande partie d’entre eux, à une qualification certifiée, leur permettant une insertion durable dans l’emploi. De plus, l’AFPA offre des services, tels que l’hébergement et la restauration, que les autres organismes de formation n’assurent pas, permettant ainsi d’accueillir en formation des demandeurs d’emploi en situation de fragilité ou venant de territoires éloignés.

Lors du déplacement que nous avons effectué à Caen, hier, sur un site de l’AFPA, le Premier ministre a rappelé que la politique mise en place par l’État en matière d’emploi et de formation s’était toujours appuyée sur l’AFPA, et ce depuis sa création, en 1949.

De par sa compétence, l’AFPA rend un véritable service d’intérêt général. Pourtant, il faut bien le dire, à notre arrivée au pouvoir, il y a quelques mois, elle était dans une situation très dégradée, au point que son existence même semblait menacée. C’est d’ailleurs l’un des premiers dossiers qui m’ont été confiés lors de ma prise de fonction et il m’a beaucoup mobilisé tout au long des derniers mois.

Vous l’avez dit, dès la grande conférence sociale, le Gouvernement s’est engagé en faveur du sauvetage de l’AFPA. Il a pris plusieurs décisions en ce sens.

Tout d’abord, une nouvelle direction a été mise en place, avec la nomination d’un nouveau président, Yves Barou, qui a été chargé d’élaborer un plan de refondation et de créer une nouvelle dynamique de développement pour l’AFPA.

Ensuite, l’attribution de fonds propres à l’AFPA doit lui permettre d’emprunter à moyen terme, de financer sa refondation et de procéder aux investissements qui permettront la remise à niveau de son patrimoine. Cette année, l’État va apporter à l’AFPA 110 millions d’euros de dotations, auxquels s’ajoutera la mobilisation des établissements bancaires. Sur la période 2014-2017, l’État souscrira de nouveau, avec d’autres partenaires, un montant global équivalent à celui de la souscription de 2013.

Au total, c’est un financement de 430 millions d’euros que l’État et ses partenaires devraient apporter.

Enfin, l’immobilier est un autre grand chantier. Ainsi que je l’ai annoncé à l’Assemblée nationale en décembre dernier, l’État signera avec l’AFPA des baux emphytéotiques administratifs dès les premiers mois de cette année, ce qui permettra à l’association d’occuper le domaine public dans la durée et de bénéficier des droits réels pour adapter et étendre ses locaux, et en améliorer la gestion.

Outre ces avancées concrètes, et ces espèces sonnantes et trébuchantes, le Gouvernement étudie la possibilité d’ajuster la gouvernance de l’AFPA, afin de permettre aux différents partenaires, dont l’État, de mieux suivre la mise en œuvre du plan de refondation et le devenir de l’association.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement poursuit le même objectif que vous : pérenniser l’AFPA sans recourir au licenciement économique, et l’inscrire comme un acteur majeur dans la bataille pour l’emploi.

Bien qu’il s’agisse d’une question orale, votre question aurait pu prendre place dans la séance des questions d’actualité, puisque les décisions dont je viens de vous donner connaissance ont été annoncées hier !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Je tiens simplement à remercier M. le ministre de toutes ces informations réconfortantes. Elles iront certainement droit au cœur des formateurs, dont l’inquiétude est au moins égale à celle des jeunes et des moins jeunes auxquels ils s’adressent.

J’ai découvert les décisions annoncées par le Premier ministre dans la presse de ce matin. Ma question est donc tout à fait d’actualité, c’est vrai !

Fort de toutes ces informations, je m’en vais rassurer l’AFPA de Morlaix, qui m’avait saisi du sujet. Bien évidemment, je dirai également à l’ensemble des AFPA qu’une nouvelle voie semble désormais tracée. Elles ont grand besoin de le savoir, elles qui ont beaucoup souffert les deux dernières années, au point de redouter une cessation de leur activité.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. C’est cela, le changement !

éclatement des plu intercommunaux

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 160, adressée à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

M. Yves Détraigne. Madame la ministre, je souhaitais attirer votre attention sur les conséquences de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales pour les plans locaux d’urbanisme intercommunaux.

En effet, la réforme des intercommunalités entraîne des fusions, des éclatements et des regroupements de communautés de communes, qui ont, pour certaines, des PLU intercommunaux et, pour d’autres, des PLU communaux.

De ce fait, les élus s’interrogent sur la conduite à tenir dans le cas d’une fusion entre un établissement public de coopération intercommunale à PLU intercommunal avec un établissement public de coopération intercommunale où existent plusieurs PLU communaux.

Est-il possible de faire coexister des situations différentes à l’intérieur d’un même territoire communautaire, certaines communes disposant d’un PLU intercommunal et d’autres ayant chacune leur PLU ? Ou bien le PLU intercommunal doit-il être éclaté en plusieurs PLU communaux dès lors que la nouvelle communauté n’a pas choisi la compétence « urbanisme » ? Si c’est le cas, l’éclatement obéit-il à un formalisme particulier ? Dans l’attente de l’éclatement éventuel, le PLU intercommunal continue-t-il à s’appliquer et à être opposable malgré tout ?

À l’inverse, si le nouveau groupement a acquis la compétence « urbanisme », doit-il obligatoirement élaborer un PLU intercommunal correspondant à son nouveau périmètre ? Si tel est le cas, les PLU existants demeurent-ils opposables tant que l’élaboration d’un PLU intercommunal n’est pas achevée ?

Ces interrogations étant partagées par de nombreux élus communaux et intercommunaux, je vous saurais gré, madame la ministre, de bien vouloir nous préciser les règles qui s’appliquent dans ces cas.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, votre question est d’autant plus importante que je souhaite voir les intercommunalités s’allier de manière volontaire, au-delà de la révision de la carte intercommunale, qui a été réalisée dans des conditions parfois difficiles. Certaines d’entre elles se posent d’ores et déjà la question, y compris dans la région évoquée il y a un instant par M. Fichet. Leur petite taille crée pour certaines intercommunalités des difficultés qu’elles souhaitent résoudre en s’agrandissant.

Monsieur le sénateur, le problème que vous soulevez n’avait pas échappé au précédent gouvernement, qui avait procédé à des modifications de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme – pardonnez, je vous prie, le caractère technique et pourtant indispensable des références utilisées – pour répondre aux questions relatives aux conséquences sur les PLU existants d’une fusion entre des EPCI dont un ou plusieurs seulement disposent de la compétence en matière d’élaboration d’un PLU.

En effet, l’ordonnance n° 2012-11 du 5 janvier 2012 portant clarification et simplification des procédures d’élaboration, de modification et de révision des documents d’urbanisme a abordé la question de l’incidence de l’évolution des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale sur les plans locaux d’urbanisme à travers un nouvel article L.123-1 du code de l’urbanisme, auquel vous faites référence, monsieur le sénateur, qui dispose notamment que, « en cas de modification du périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, les dispositions du ou des plans locaux d’urbanisme applicables aux territoires concernés par cette modification restent applicables. Chaque établissement public de coopération intercommunale ou commune intéressé révise ou modifie ces plans pour adopter un plan couvrant l’intégralité du périmètre de l’établissement compétent ou du territoire de la commune au plus tard lors de la prochaine révision ».

Cet article, en dépit de sa précision, pose encore question, je le comprends bien.

Que la fusion s’opère dans les conditions de droit commun, en application de l’article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, ou qu’elle résulte de la mise en œuvre du dispositif temporaire prévu au III de l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, l’EPCI issu de la fusion pourra soit restituer cette compétence aux communes membres, soit exercer la compétence PLU des EPCI ayant fusionné.

Si le conseil communautaire de l’EPCI à fiscalité propre issu de cette fusion décide de ne pas conserver cette compétence, la restitution pourra intervenir à l’issue du processus de fusion ou dans un délai maximum de deux ans. Dans l’attente de l’adoption de PLU par les communes précédemment membres de l’EPCI qui s’était doté d’un PLU intercommunal, ce PLU continuera à s’appliquer dans son périmètre initial, ce qui répond à votre interrogation, monsieur le sénateur.

Dans le cas où l’EPCI aura, en revanche, choisi d’exercer la compétence PLU sur son nouveau périmètre, il devra réviser ou modifier celui-ci pour adopter un PLU qui couvrira l’ensemble du territoire intercommunal. Dans l’attente de cette intégration au PLU intercommunal, les communes qui étaient jusqu’alors membres d’un EPCI non compétent en matière de PLU et qui avaient élaboré leur propre PLU continueront à appliquer celui-ci.

Vous avez eu raison de poser cette question, monsieur le sénateur. Cela nous permet de rassurer beaucoup de communes ou d’EPCI qui croyaient déceler ici un vide juridique et se posaient la question de l’opposabilité aux tiers qui demandent des permis de construire.

Cette ordonnance est entrée en vigueur le 1er janvier 2013. Les choses sont désormais claires. Vous pourrez donc, monsieur le sénateur, indiquer aux maires et aux présidents d’EPCI concernés la marche à suivre qui a été retenue et ordonnée, et qui leur permettra de disposer de deux ans pour régler au mieux les problèmes auxquels ils sont confrontés en la matière.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Je tiens à remercier Mme la ministre non seulement de la clarté et la précision de sa réponse, qui va simplifier les choses dans les départements et les collectivités où la question se posait, mais aussi de sa présence ce matin au Sénat tout spécialement pour répondre à cette seule question. J’y suis très sensible.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Quand on peut, on fait ! (Sourires.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

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Hommage aux militaires français tués en opérations

M. le président. Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux alors que les forces françaises viennent d’être engagées par le Président de la République dans une difficile opération au Mali, en réponse à la demande du président Dioncounda Traoré et dans le respect des résolutions votées par le Conseil de sécurité des Nations unies.

En application de l’article 35, deuxième alinéa, de la Constitution, le Premier ministre m’a adressé, le samedi 12 janvier, une lettre m’informant de cette intervention. Je vous en ai transmis copie par voie électronique dès réception.

Comme l’indiquait son courrier, M. le Premier ministre m’a reçu hier soir avec le président de l’Assemblée nationale, les présidents des groupes politiques des deux assemblées et ceux des commissions des affaires étrangères et de la défense du Sénat et de l’Assemblée nationale, pour nous présenter les objectifs et les modalités de l’opération engagée au Mali. Nous aurons l’occasion d’en débattre dès demain après-midi.

Je veux, à cet instant, saluer en votre nom à tous le courage et le dévouement de nos forces armées, dont les membres combattent au péril de leur vie depuis cinq jours.

L’opération Serval a coûté la vie à un officier français, le lieutenant Damien Boiteux, du quatrième régiment d’hélicoptères des forces spéciales de Pau. Mes pensées vont à sa famille, si cruellement éprouvée. Au nom de la Haute Assemblée, je lui présente mes condoléances les plus attristées.

Je vous demande d’observer une minute de silence à la mémoire du lieutenant Damien Boiteux, ainsi qu’à celle des militaires tués lors de la tentative de libération de l’otage français Denis Allex en Somalie. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite m’associer, au nom du Gouvernement, à l’hommage qui vient d’être rendu à l’officier Damien Boiteux, tombé au Mali le 12 janvier.

Comme M. le président du Sénat vient de l’indiquer, le lieutenant Damien Boiteux était chef de bord d’hélicoptère au sein du quatrième régiment d’hélicoptères des forces spéciales de Pau. L’opération Serval est menée pour faire reculer les terroristes qui menacent l’intégrité territoriale du Mali et portent quotidiennement atteinte aux valeurs auxquelles nous croyons. J’ai une pensée pour sa famille et ses proches, à qui je présente mes condoléances. M. le Premier ministre et M. le ministre de la défense président en ce moment même une cérémonie d’hommage aux Invalides.

Je veux également rendre hommage à la mémoire de nos soldats tombés en Somalie, dans le cadre d’une opération destinée à libérer l’un de nos agents retenu depuis plus de trois ans dans des conditions extrêmement éprouvantes. Nous ne pouvons que saluer l’unanimité qui prévaut pour soutenir nos soldats, engagés au péril de leur vie sur des théâtres d’opérations difficiles.

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Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne
Discussion générale (suite)

Traité relatif à l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne

Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne (projet n° 225, texte de la commission n° 237, rapport n° 236).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le processus d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne est engagé depuis de très nombreuses années. Nous le savons, les procédures sont longues. En effet, le cadre de négociation, rigoureux et exigeant, comporte des dispositifs itératifs de contrôle et d’évaluation afin de garantir que les engagements pris par les pays candidats à l’adhésion seront scrupuleusement respectés.

Le fait que nous puissions débattre aujourd'hui d’un projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne témoigne de la paix retrouvée dans cette région des Balkans. Dans un passé récent, encore bien présent à nos mémoires, cette partie de l’Europe était déchirée par des conflits extrêmement meurtriers. Des populations auxquelles nous sommes liés par l’histoire étaient exposées à la violence, à la guerre, parfois même à la barbarie.

La Croatie a aujourd'hui retrouvé durablement le chemin de la paix. Elle entretient des relations apaisées avec ses voisins. Des efforts sont réalisés partout, dans cette région, pour lutter sans relâche contre la corruption et le crime organisé et faire triompher les valeurs auxquelles nous croyons tous ici : les droits de l’homme, l’indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs, la liberté de la presse, la démocratie.

En Croatie, ces valeurs ont progressé, grâce au cadre exigeant de négociation qui régit les relations entre ce pays et l’Union européenne depuis 2005. Par des vérifications constantes, nous avons pu nous assurer que l’agenda pour l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne était bien respecté selon chacun des critères.

Aujourd’hui, nous avons à examiner le traité définissant les dispositifs particuliers qui régiront l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne et les neuf annexes à l’acte d’adhésion, visant à préciser les modalités de celle-ci, ainsi qu’un protocole, un acte final et quatre déclarations. Ces textes, dont la portée juridique est considérable, ont été étudiés au sein des différentes institutions de l’Union européenne et par la commission des affaires étrangères du Sénat. Ils témoignent de la rigueur du cadre de négociation qui a régi les discussions entre la Croatie et l’Union européenne.

Bien entendu, ces textes signifient aussi que la Croatie, qui sera partie intégrante de l’Union européenne à compter du 1er juillet prochain, sous réserve de la ratification du traité d’adhésion par l’ensemble des États membres, reprendra tout l’acquis communautaire, y compris les textes dérivés ou les politiques mises en œuvre par l’Union européenne, qui constituent autant de règles communes auxquelles les pays membres de celle-ci doivent se conformer.

La reprise de l’acquis communautaire, l’application du droit dérivé ne signifient pas qu’il n’y aura pas des possibilités d’adaptations transitoires sur un certain nombre de sujets, dans le cadre d’un dialogue établi et de conventions acceptées entre l’Union européenne et la Croatie.

Je pense, par exemple, aux dispositions qui s’appliqueront en matière de politique de la pêche ou de politique agricole, aux nécessaires adaptations qui seront mises en œuvre en matière de droit de la concurrence. Je pense aussi aux règles particulières qui régissent l’espace de Schengen.

Néanmoins, en dépit de ces adaptations, l’idée est bien que la Croatie mette en œuvre immédiatement la totalité du droit communautaire et reprenne l’intégralité de l’acquis communautaire, ce qui a exigé beaucoup d’exigence, de rigueur et de vérifications au cours de la négociation. Cette dernière s’est ouverte en octobre 2005, pour se conclure en juin 2011 : c’est dire si elle s’est inscrite dans un temps long. Ce temps long de la négociation européenne a permis aux institutions de l’Union et au Gouvernement de la Croatie, dans le cadre d’un dialogue exigeant, itératif, d’examiner tous les sujets qui étaient à l’ordre du jour.

Je voudrais en évoquer quelques-uns, qui témoignent de la rigueur de la discussion et du niveau d’exigence de l’Union européenne lorsqu’il s’agit de procéder à un élargissement. Certains ont tendance à considérer que l’élargissement est un processus sans fin, qui ne serait assorti d’aucune exigence et pourrait conduire bien des pays aujourd’hui aux portes de l’Union européenne à entrer en son sein sans conditions. En réalité, il n’en est rien.

L’Union européenne impose aux pays qui souhaitent l’intégrer le respect d’un certain nombre de valeurs portées par le Conseil de l’Europe, celles de la démocratie. C’est là une extraordinaire incitation, pour ces pays, à adapter leurs institutions, à les faire évoluer, à les moderniser, à les démocratiser. La perspective d’une adhésion à l’Union européenne les encourage dans une mesure considérable à accélérer le processus de réforme de leurs institutions, dans le sens de la promotion de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme.

Ce qui se passe depuis quelques mois dans les relations entre l’Union européenne, la Serbie, le Kosovo et d’autres pays témoigne de cette extraordinaire dynamique qui est à l’œuvre. L’Union européenne, en ouvrant la perspective d’une adhésion, incite des pays à se moderniser et à s’engager dans la voie des indispensables réformes démocratiques.

La Croatie s’est ainsi engagée sur un chemin dont les étapes ont été constamment respectées. Tous les six mois, la Commission européenne a évalué le déroulement du processus d’adhésion et en a rendu compte au Conseil européen, jusqu’à ce que ce processus arrive à son terme et que l’adhésion soit possible.

J’insiste sur ce point, cela a permis à la paix de s’instaurer durablement dans une partie de l’Europe marquée hier par les conflits. Les relations entre la Croatie et la Serbie sont désormais pacifiées. Des coopérations ont été engagées, y compris dans des domaines sensibles comme la sécurité et la défense. Le resserrement des liens entre les deux pays a contribué à créer dans la zone un climat nouveau.

Il en a été de même pour les relations entre la Croatie et la Slovénie, grâce notamment à l’acceptation par la Croatie de l’intervention d’un tribunal arbitral sur la question de la baie de Piran.

Par-delà l’amélioration des relations de voisinage, on ne saurait négliger, au titre du chapitre 23 du cadre de négociation, les progrès réalisés par la Croatie en matière de promotion de l’État de droit, de modernisation et d’indépendance de la justice, de séparation des pouvoirs, de reconnaissance des droits fondamentaux, de liberté de la presse. C’est ainsi toute la démocratie qui progresse dans ce pays.

On ne peut pas non plus ignorer, en regard des réels efforts accomplis par la Croatie, l’importance de l’engagement de l’Union européenne, qui s’est manifesté d’abord par une mobilisation politique : les représentants permanents des pays de l’Union européenne ont participé à pas moins de treize réunions de négociation, auxquelles ont fait écho treize Conseils des ministres des affaires étrangères pour mener à son terme le processus et faire en sorte que l’adhésion intervienne dans des conditions maîtrisées.

La mobilisation n’a pas été uniquement politique et diplomatique ; elle a également été financière. Ainsi, près de 1,5 milliard d’euros ont été consacrés par l’Union européenne à l’accompagnement financier de la Croatie dans le processus d’adhésion. En effet, les pays candidats à l’adhésion qui connaissent quelques retards par rapport aux États déjà membres ont parfois besoin d’être accompagnés sur le chemin de la démocratie et de l’intégration dans l’Union européenne.

Nous ne pouvons pas non plus ne pas souligner le travail très important qui a été accompli par les forces politiques croates, souvent toutes tendances confondues, pour rendre cette évolution possible.

Le processus d’adhésion a également contribué à créer un climat de coopération renforcée sur le plan économique entre la France et la Croatie, ce qui permet aujourd’hui à un certain nombre de nos grandes entreprises d’être présentes sur des chantiers importants : je pense notamment à la construction de l’aéroport de Zagreb ou des autoroutes d’Istrie.

Il faut aussi mentionner l’importance de la coopération culturelle entre les deux pays, qui s’est traduite par l’ouverture d’une saison croate en France, en septembre dernier. À cette occasion, les œuvres d’artistes croates ont été exposées dans les plus beaux musées de Paris, en particulier le Louvre ou le Palais de Tokyo. Des musiciens, des créateurs, des plasticiens ont été accueillis dans notre pays. En octobre, le président croate a participé au côté du président Hollande au vernissage d’une magnifique exposition d’art croate.

Au terme d’un processus rigoureux et exigeant de négociation, la Croatie s’apprête donc aujourd’hui à intégrer l’Union européenne. Parallèlement, la France a approfondi ses relations avec elle.

La présentation de ce projet de loi témoigne du chemin accompli conjointement par l’Union européenne et la Croatie pour aller l’une vers l’autre. Je ne puis que vous inviter, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’adopter. (Applaudissements.)