M. Jacques Mézard. Les zones de montagne !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Les zones de montagne, en effet, les zones éloignées, les zones plus proches… Bref, quelle serait la réalité de l’écotaxe poids lourds ?

Permettez-moi de revenir sur les différents arguments avancés, et ce au regard du consensus auquel est parvenu le Parlement, dans son ensemble, voilà quelques années à propos de ce dispositif.

La responsabilité qui est la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs, et que nous partageons, est précisément de réaffirmer que le principe de l’assujettissement de l’écotaxe poids lourds est lié au type de véhicule et non à l’usage du véhicule.

M. le rapporteur l’a rappelé, nous devons respecter la directive Eurovignette, qui concerne tous les véhicules de plus de 3,5 tonnes. Il n’est donc pas possible d’exonérer tel ou tel véhicule en fonction de l’usage qui en est fait.

M. Bruno Sido. Mais si !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Sur quelle base ? Et pour quelle raison ?

Il est nécessaire de réduire les impacts environnementaux et de pallier la dégradation des infrastructures.

Aussi, je le répète, je ne puis qu’être défavorable aux amendements visant à exonérer les véhicules forains ou tous les secteurs que j’ai déjà énumérés.

Quand bien même le Sénat en viendrait, au travers d’une mauvaise décision, à exonérer un certain nombre de professions, quid de l’efficacité des contrôles ? Comment fera-t-on pour procéder aux contrôles et vérifier si l’assujettissement est lié à telle pratique ou telle activité ?

Actuellement, l’assujettissement de l’écotaxe poids lourds est lié au type de véhicule. Il est donc simple d’interroger les services des immatriculations. C’est la solution la plus efficace, qui est aussi de nature à éviter les contentieux en tout genre.

En outre, la mise en place de l’écotaxe poids lourds a pour objectif de mieux refléter dans le prix des produits le coût réel du transport, ce qui nous permettra de mesurer ainsi son impact : plus les distances seront longues, plus l’écotaxe sera importante. À l’inverse, si le signal prix est correctement traduit, elle renforcera la compétitivité des produits locaux.

La directive Eurovignette ne permet pas d’exonérer telle ou telle activité, pas plus qu’elle ne prévoit d’exonérer le transport de proximité, en tenant compte de la distance parcourue.

Certains amendements présentés visent à exonérer les parcours de moins de 100 kilomètres. Mais c’est revenir sur le principe même de l’écotaxe poids lourds, dans la mesure où 80 % des transports se font dans un rayon de moins de 75 ou de 80 kilomètres !

Par ailleurs, le montant annuel de la taxe due pour les trajets de moins de 75 kilomètres est estimé à 315 millions d’euros environ et à 450 millions d’euros pour les trajets de moins de 150 kilomètres. Dès lors, autant dire que nous revenons aussi sur le mode de financement des infrastructures et sur le développement des modes de transport alternatifs ! Les exonérations que vous proposez par voie d’amendement entraîneraient une perte de recettes significative et réduiraient à néant le dispositif que nous essayons de mettre en place depuis un certain nombre d’années.

Concernant le transport de proximité, considérons la réalité des chiffres.

S’agissant des trajets locaux, toutes les voiries, notamment départementales, ne sont pas soumises à l’écotaxe poids lourds ; c’est même une extrême minorité de ces voiries qui est concernée. Aujourd’hui, ce sont 5 000 kilomètres du réseau local qui sont soumis à cette écotaxe, soit 1,3 % du réseau local départemental et 0,5 % du réseau local total. Or c’est précisément cette faible proportion qui pose problème.

D’ailleurs, on ne peut pas dire que l’écotaxe soit un problème pour les livraisons de proximité. Pour assurer un transport de proximité, les véhicules empruntent souvent des voies communales ou d’autres routes qui n’y sont pas soumises. Ce sont plutôt les grands axes ou les routes départementales très fortement empruntées qui sont concernées.

Vous le voyez, la question qui se pose est plutôt celle-ci : veut-on vraiment de l’écotaxe poids lourds ? Ou, en tout cas, souhaite-t-on que la volonté politique qui, au-delà des contingences politiques, a animé les deux chambres du Parlement trouve ici son prolongement ? Veut-on remettre en cause le principe adopté, ce qui ferait de la France, disons-le, une exception européenne ?

De plus, cela reviendrait à balayer d’un revers de la main l’expertise de la commission Duron, qui est chargée de hiérarchiser les infrastructures de transport, donc les financements. D’ailleurs, faute de financement, l’AFITF disparaîtrait.

Certains d’entre vous sont même allés jusqu’à parler du coût induit pour le consommateur. Le week-end dernier, je me suis livré, avec les membres de mon cabinet ministériel, à quelques calculs pour mesurer l’effet de l’écotaxe sur les prix.

N’effrayons pas les consommateurs ! Il s’agit d’un pourcentage du coût du transport à l’intérieur du prix global de la marchandise : c’est une majoration moyenne de 3,74 % d’un poste qui ne représente que 2 % du coût total du produit vendu. Ainsi, dans l’agroalimentaire, pour ce qui concerne la charcuterie élaborée, cette taxe représentera une augmentation de 0,06 % des prix.

Mme Nathalie Goulet. Et pour les lasagnes Findus ? (Sourires.)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je me souviens fort bien de votre rappel au règlement sur cette question, madame la sénatrice ! (Nouveaux sourires.)

Pour les produits halieutiques et, plus précisément, les produits issus du mareyage, cela représentera une augmentation de 0,3 %. D’ailleurs, en d’autres temps, ont été créées des taxes sur les poissons, qui ont été contestées et qu’il a fallu rembourser au motif qu’elles n’étaient pas euro-compatibles.

Bref, l’argument du coût pour le consommateur ne vaut pas non plus, et il n’est pas à la hauteur de l’enjeu de ce dispositif.

Soyons clairs ! Notre volonté est de mettre en place ce mécanisme de majoration. Nous avons évoqué toutes les attentes que ce dispositif a suscitées et rappelé, notamment, la nécessité de prévoir une expérimentation, pour sécuriser le dispositif, afin qu’il soit applicable à tous les types de transport. Nous assumons l’écotaxe poids lourds, qui permettra aussi de financer les infrastructures nécessaires au développement intermodal des transports. Telle est la réalité politique !

Bref, je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, non pas de remettre en cause le dispositif de 2009, mais de le sécuriser par voie législative. Comme l’a souligné fort justement M. le rapporteur, si vous ouvrez la boîte de Pandore, ce sont les fondements même du dispositif que vous remettrez en cause.

Certains d’entre vous ont demandé l’exonération des zones de montagne, alors que d’autres souhaitent précisément que l’écotaxe y soit appliquée pour des raisons environnementales ! Vous le voyez, à tout argument s’oppose un autre, celui de la réalité. Et je vous rappelle que le Parlement a voté à la quasi-unanimité les fondements mêmes du dispositif. Pour ma part, je ne le remettrai pas en cause, et c’est pourquoi je vous propose un mécanisme de majoration du prix, qui permet une application sécurisée. (Mme Odette Herviaux applaudit.)

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le ministre, je veux vous rassurer : le consensus auquel nous sommes parvenus lors du Grenelle de l’environnement ainsi que la belle unanimité qui nous a alors unis existent toujours. Toutefois, comme nous traitons de la mise en œuvre du dispositif, des difficultés apparaissent aujourd’hui, que nous n’avions pas vues lorsque nous avons voté les grands principes du Grenelle.

Certains amendements visant à créer des exemptions à l’écotaxe me paraissent tout à fait légitimes, en particulier l’amendement n° 47 que M. Houel a excellemment défendu et l’amendement n° 37 que M. Sido présentera dans quelques instants.

Les véhicules affectés à l’entretien et à l’exploitation des routes, que vise l’amendement n° 37, sont non pas des véhicules de transport de marchandises, mais des engins de travaux.

Monsieur le ministre, si je puis comprendre que vous refusiez la création d’exemptions dans le domaine du transport de marchandises, je le conçois beaucoup moins s’agissant de véhicules d’entretien des routes dont je vous signale, mes chers collègues, qu’ils appartiennent à des entreprises placées sous votre autorité, quand ce ne sont pas directement vos départements ou vos communes qui en sont propriétaires. Ces camions de plus de 3,5 tonnes, destinés par exemple à saler les routes, sont non pas des véhicules de transport de marchandises, mais des engins de travaux.

Par ailleurs, j’observe que, à ce jour, le code des douanes exonère seulement, outre les véhicules militaires et agricoles, les véhicules prioritaires d’intérêt général, c’est-à-dire ceux de la police, de la gendarmerie, des pompiers, du SAMU et des douanes, ainsi que les fourgons pénitentiaires.

En revanche, les véhicules d’intérêt général « bénéficiant de facilités de passage » – ce sont les termes du code de la route –, c’est-à-dire notamment les engins de service hivernal comme les saleuses, les véhicules de secours d’EDF et de GDF et les ambulances, ne sont pas exonérés. Je trouve que cette situation est anormale et mérite d’être réformée.

Je m’exprimais jusqu’ici à titre personnel. À présent, je vais exposer le point de vue de la commission des finances.

M. le président. Je vous en prie, madame le rapporteur pour avis.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. Par principe, la commission des finances a décidé de ne pas proposer d’amendement de nature fiscale sur le présent projet de loi. En revanche, monsieur le ministre, je crois qu’elle apprécierait que le Gouvernement s’engage à traiter dans le prochain projet de loi de finances rectificative des cas soulevés par les amendements nos 47 et 37, c’est-à-dire des véhicules affectés à la collecte des déchets et à l’entretien des routes. (M. Bruno Sido acquiesce.)

En tout cas, pour ce qui concerne les véhicules affectés à l’entretien et à l’exploitation des routes, je ne comprends vraiment pas qu’on puisse refuser de les exonérer. Si cette mesure ne peut être introduite dans le présent projet de loi – la commission des finances est puriste –, nous serions sensibles à l’engagement que le Gouvernement pourrait prendre de la faire figurer dans le prochain projet de loi de finances rectificative.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Monsieur le ministre, je ne peux pas laisser sans réponse certains de vos propos ; dans cet hémicycle, on peut tout dire, mais on a aussi le droit de réagir.

En qualité de rapporteur des lois Grenelle I et Grenelle II, j’ai passé des heures et des heures, avec d’autres, à débattre de l’écotaxe. À l’époque, nous cherchions à favoriser le report modal de la route vers le chemin de fer et nous avons longuement discuté des moyens d’atteindre cet objectif. Il s’agissait également de pénaliser les transporteurs routiers qui, pour ne rien payer, empruntent les routes nationales ou départementales plutôt que les autoroutes concédées.

Nous visions en particulier le transport de grand transit, c’est-à-dire, par exemple, les camions transportant d’Essaouira à Bruxelles des sardines qui auraient très bien pu transiter par le réseau ferroviaire. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, ces trajets ne sont pas l’essentiel du transport, dont 80 % a lieu dans un rayon de 300 kilomètres – et non 75 ou 80 kilomètres – autour du point de départ. Telle est la réalité.

Lorsque l’écotaxe a été votée à l’unanimité, notre objectif était de taxer le transport de grand transit, pas le camion de lait, monsieur Boyer, ou le camion de céréales, ni la benne à ordures ou le camion d’assainissement. Notre intention n’était pas davantage de taxer les camions par lesquels les départements assurent l’entretien de leurs propres routes ; au sujet de ces véhicules, je défendrai dans quelques instants, avec d’autres, l’amendement n° 37. Je répète qu’il s’agissait de taxer le transport de longue distance pour favoriser le report modal et limiter les émissions de CO2.

Malheureusement, cette belle idée est en train de se transformer en une taxe peut-être nécessaire, mais banale, dont la seule fonction est de lever des recettes. Si encore il s’agissait d’entretenir les routes… Mais je n’en suis même pas sûr.

Monsieur le ministre, je trouve assez curieux que, lorsque les départements ont demandé qu’un certain nombre de routes départementales servant au grand transit soient assujetties à la taxe poids lourds – c’est un président de conseil général qui vous parle –, l’administration ait refusé. Il en résulte des situations incohérentes, tous les tronçons d’une même route n’étant pas soumis au même régime : par exemple, dès qu’on quitte la Côte-d’Or et qu’on entre en Haute-Marne, ce n’est plus la même situation.

La taxe proposée par le Gouvernement frappera indifféremment les gros transporteurs et les sans-grade, c’est-à-dire les petits transporteurs locaux. Certes, son incidence ne sera pas considérable. Toutefois, elle entraînera un surcoût qui, même si l’on dit qu’il sera répercuté sur le donneur d’ordres, sera de toute façon supporté in fine par le consommateur.

Comme Mme Des Esgaulx l’a expliqué très brillamment, un certain nombre de catégories ont su se protéger. Cette protection est assurée non pas par le code des douanes, mais par le code de la route, qui définit les véhicules d’intérêt général prioritaires, parmi lesquels figurent notamment les véhicules de l’armée et des pompiers – heureusement d'ailleurs, car ces derniers sont financés par les départements.

M. François Rebsamen. Et par les communes !

M. Bruno Sido. Par les communes aussi, en effet.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, une partie des amendements qui ont été présentés auraient pu tendre à modifier le code de la route plutôt que l’article 269 du code des douanes, afin d’allonger la liste des véhicules d’intérêt général prioritaires.

Je continue de soutenir la taxe poids lourds, mais je regrette qu’elle soit victime d’un certain dévoiement. Il est dommage qu’on l’ait transformée en une banale taxe destinée seulement à lever des recettes. Ce n’était pas cela, la belle idée du Grenelle !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Je tiens à soutenir l’amendement n° 39 de notre excellent collègue Jean Boyer, relatif aux zones de montagne. En effet, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, monsieur le ministre, ces territoires sont dans une situation tout à fait particulière.

L’amendement n° 39 tend à exonérer de la taxe poids lourds les opérations de transport de marchandises réalisées dans les zones de montagne définies par la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Monsieur le ministre, nous ne voulons pas remettre en cause la loi. Nous ne cherchons pas à obtenir son abrogation, comme cela s’est produit pour le conseiller territorial : nous nous efforçons de l’améliorer.

Le projet de loi vise à atteindre un objectif écologique, à lutter contre une distorsion de concurrence et à financer les modes de transport alternatifs à la route. Lorsque l’on parle des zones de montagne, il faut bien se représenter la réalité du terrain : dans ces départements, le train est réduit à sa plus simple expression, c’est-à-dire qu’il roule à 30 ou à 40 kilomètres par heure – je ne vous rappellerai pas les horaires de 1905, car je vous les ai déjà donnés… –, l’avion fonctionne une fois par jour dans le meilleur des cas et avec des incidents une fois sur trois, enfin les routes sont dans un état absolument lamentable, digne d’un autre âge. Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment envisagez-vous de développer les modes de transport alternatifs ?

C’est un fait : dans les zones de montagne, on ne vit pas de la même manière qu’en Alsace, en Bretagne, dans la région parisienne ou à proximité de réseaux autoroutiers.

Mes chers collègues, songez que, à certains endroits, il n’y a qu’une route en mauvais état pour acheminer tout ce dont nos concitoyens ont besoin. En outre, puisqu’on parle de distorsion de concurrence, je note que c’est dans les zones de montagne que le prix de l’essence est le plus élevé : voilà la réalité du terrain !

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, quand on se targue de favoriser l’égalité territoriale, il faut savoir entendre certains messages, comme celui qu’Alain Bertrand vous a adressé avec beaucoup de brio et celui que vient de lancer Jean Boyer. Je vous en adresserai un autre dans quelques instants.

Vous ne pouvez pas rester sourd à ces demandes. D’autres sont restés sourds pendant des décennies. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus attendre !

M. le président. La parole est à M. Jean Besson, pour explication de vote.

M. Jean Besson. J’appuie la position de M. Mézard et je regrette que M. le rapporteur comme M. le ministre mettent tous les amendements dans le même sac. À mes yeux, pour une bonne discussion démocratique, il conviendrait de distinguer l’amendement n° 39 des autres.

En effet, les zones de montagne étant bien définies par la loi du 9 janvier 1985, il sera très facile, dans les décrets d’application, de traiter de façon particulière ces zones très limitées, qui ne concernent qu’une vingtaine de départements et où le trafic est réduit.

Mes chers collègues, je souhaite donc que, lors du vote, vous distinguiez l’amendement présenté par M. Boyer des autres amendements en discussion commune.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Je m’associe pleinement aux propos qui viennent d’être tenus par MM. Mézard et Besson au sujet des zones de montagne. Mais je veux surtout revenir sur l’écotaxe.

C’était une bonne mesure et nous l’avons votée en conscience. Toutefois, nous divergeons sur les modalités de sa mise en œuvre concrète dans les territoires.

Bien entendu, il ne s’agit pas de mettre en place une taxe qui ne sera pas acceptée par la société : nous devons plutôt nous attacher à élaborer un dispositif qui permettra de dégager les fonds dont l’État et les collectivités ont besoin pour réparer certaines routes, en même temps qu’il sera de nature à encourager des comportements plus vertueux en matière de choix des modes de transport.

Cela étant, monsieur le ministre, vous avez eu le souci de protéger les transporteurs, surtout ceux qui ont une certaine surface financière et possèdent une flotte importante de camions. (M. le ministre délégué le nie.) Je note que les petits transporteurs sont beaucoup moins protégés !

Nous sommes tout à fait d’accord pour que le surcoût soit répercuté sur le chargeur. Seulement, on ne se pose pas la question de ce qui se passe au-delà. Or, aujourd’hui, c’est bien l’amont qui se trouve terriblement fragilisé. Certaines coopératives, à l’évidence, ne pourront pas répercuter le surcoût du transport sur le consommateur, tant il est vrai que, dans la chaîne de valeur entre producteurs, transformateurs et distributeurs, il est très difficile de trouver un prix d’équilibre. On sait très bien que, dans ce cas de figure, c’est le producteur qui sera finalement pénalisé.

Dans la discussion générale, notre collègue Fichet a pris l’exemple de la SICA de Saint-Pol-de-Léon : cette coopérative ne pouvant pas répercuter le surcoût de 4 millions à 7 millions d’euros sur le transformateur, elle le répercutera immanquablement sur le producteur.

Je me rappelle l’objectif annoncé en Bretagne par le Président de la République lors du salon international de l’élevage, le SPACE, en septembre dernier : « faire du secteur agricole et agroalimentaire un moteur de croissance et un atout du redressement productif ». Or, avec le dispositif qui nous est proposé aujourd'hui, on va fragiliser encore plus des territoires ruraux en difficulté, qui sont déjà confrontés à la volatilité des prix des matières premières agricoles !

C’est la raison pour laquelle, encore une fois, ces amendements portant sur les distances, les tonnages ou les zonages, s’ils ne visent nullement à remettre en cause l’écotaxe, ont pour objet d’en cibler l’application sur des axes où celle-ci apparaît plus logique, en prenant soin de ne pas pénaliser des zones rurales fragiles.

Personnellement, je ne pourrai pas m’associer au vote d’un texte qui fragiliserait davantage encore nos territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Après avoir entendu la présentation des amendements par leurs auteurs et toutes les explications de vote, je veux rappeler les propos du rapporteur et du ministre : le projet de loi que nous examinons vise à améliorer le dispositif de répercussion de l’écotaxe poids lourds sur les chargeurs et les principaux donneurs d’ordres.

Nous n’avons pas à nous prononcer à nouveau sur la création de l’écotaxe poids lourds, ni à remettre en cause les principes qui ont été votés ici lors de l’examen du Grenelle 1, puis de la loi de finances pour 2009 !

Si nous adoptions tout ou partie de ces amendements, que resterait-il de l’écotaxe poids lourds ? Rien, ou presque !

M. François Rebsamen. Ils n’en veulent pas !

M. Michel Teston. Par conséquent, quels que soient les arguments que vous avancez, les uns ou les autres, je ne vois pas comment nous pourrions vous suivre. Je le dis très nettement : le groupe socialiste ne votera pas ces amendements, car il ne resterait rien de l’écotaxe poids lourds !

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.

Mme Mireille Schurch. Bien sûr, je comprends les arguments relatifs à l’aménagement du territoire, au soutien aux entreprises, par exemple celles qui assurent la collecte laitière dans les zones les plus défavorisées.

Mais M. le ministre nous a tout de même rassurés en disant que la taxe s’appliquerait seulement à 0,5 % du réseau local. Quoi qu'il en soit, j’ai compris que, dans leur immense majorité, les routes qui sont situées dans ces zones de montagne extrêmement défavorisées et qu’empruntent les camions de collecte de lait ne seront pas soumises à la taxe.

Selon moi, le dispositif que M. le ministre nous propose pour cette écotaxe est véritablement juste. De plus, elle rapporterait, a-t-on dit, 1,2 milliard d’euros à l’AFITF pour inciter au report modal et également améliorer les routes, ce qui me paraît relever d’une démarche intelligente.

Par conséquent, nous ne voterons pas ces amendements, afin de ne pas vider l’écotaxe de sa substance et de ne pas en réduire sensiblement le rendement.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je commence à me demander si le débat sur « l’écotaxe pour tous » va être aussi long que le débat sur le mariage pour tous à l’Assemblée nationale ! (Sourires.)

On est en train de partir de l’idée qu’en diminuant la cagnotte de mutualisation qu’est l’écotaxe on va réduire l’inégalité entre les territoires. Or c’est exactement l’inverse ! En appliquant la totalité des exonérations dont il est ici question, on priverait les territoires en difficulté de ressources leur permettant justement d’avoir plus d’argent pour favoriser le train et rattraper leur retard.

Nous sommes ici pour créer des flux financiers suscitant des dynamiques positives ! Je crains qu’il ne s’agisse pour certains – pas pour tous – d’un effet de manche, mais c’est pourtant le sens de l’écotaxe poids lourds.

Cela permet d’insister sur l’importance qu’il y a à s’interroger sur le coût écologique du transport routier et, au-delà, sur la façon d’utiliser ce flux financier pour l’égalité des territoires. Comme cela a été dit avant la suspension, c’est peut-être cet aspect-là qu’il faudra examiner à l’occasion d’un débat général sur l’aménagement du territoire. Or, si l’on « déshabille » la taxe, on n’atteindra pas cet objectif !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Un certain nombre d’arguments contradictoires ayant été avancés, permettez-moi d’apporter quelques précisions.

Tout d’abord, il faut souligner que, contrairement à ce qui a été indiqué – je crains qu’il n’y ait eu une confusion entre ces amendements et la série de ceux qui suivent –, un certain nombre de véhicules ne seront pas assujettis à l’écotaxe poids lourds : il s’agit des véhicules spécialisés non affectés au transport de marchandises et dédiés à l’entretien, ainsi que des véhicules d’intérêt général tels que ceux des pompiers, des véhicules militaires, etc. Un décret apportera des précisions à ce sujet.

Il est bien clair aussi, mais peut-être n’ai-je pas été suffisamment précis lorsque j’ai été interpellé sur ce point, qu’il y aura un comité de suivi de l’écotaxe poids lourds. Cela nous permettra, au bout d’un an, de revenir sur les éventuels dysfonctionnements qui auront été relevés à propos tant de la classification ou non d’un certain nombre de routes – y compris celles qui, dans les faits, seront devenues des itinéraires alternatifs – ainsi que sur des difficultés ponctuelles qui auront pu être rencontrées.

Enfin, puisque c’est le dispositif que nous vous présentons sous forme de dispositions législatives qui est critiqué, j’attire votre attention sur le fait qu’il ne faudrait pas, au détour de propos maladroits, que vous remettiez en cause le champ d’application de l’écotaxe poids lourds que vous avez-vous-mêmes voté ! Or il semblerait que ce soit un peu le cas puisque, à certains égards, c’est le principe même de cette écotaxe que vous remettez en cause.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Si vous n’y prenez garde, c’est le dispositif figurant dans le décret dont j’ai hérité – il m’attendait lorsque j’ai été nommé ministre des transports – qui s’appliquera. Alors, vous devrez assumer cette responsabilité devant les transporteurs, les petits et les grands, mais particulièrement les petits qui, eux, devront assurer un suivi de leurs camions à la palette près, au kilomètre près et au client près, et donc tenir une comptabilité jour et nuit !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Alors que nous avons souhaité un système simplifié, vous êtes en train de réintroduire des prescriptions qui seront insoutenables pour les transporteurs, particulièrement les petits.

Pour bien connaître la profession, notamment les artisans transporteurs, je peux vous dire que, tel qu’il a été conçu, le décret que j’ai trouvé en arrivant serait de nature à remettre en cause la sécurité économique de dizaines de milliers d’entreprises. Voilà la réalité !

Prenez garde à la responsabilité qui sera la vôtre ! Le texte tel que nous l’avons voulu est large, consensuel – c’est d’ailleurs ce qui en explique la technicité –, afin de rendre le dispositif applicable et de garantir au mieux une sécurité. Peut-être n’est-il pas parfait ; il est même loin de l’être. Mais avouez que vous critiquez une disposition qui améliore pourtant le décret que nous avons trouvé et sur lequel vous vous montrez bien indulgents.

Vous faites porter la responsabilité à l’administration lorsqu’il s’agit d’un décret signé par mes prédécesseurs et à la majorité lorsqu’il s’agit d’une disposition législative présentée par le gouvernement actuel !