M. Dominique Watrin. Permettez-moi d’exprimer tout d'abord une pensée pour les 900 000 caissières qui travaillent à temps partiel, mais aussi, plus généralement, pour les 3,7 millions de personnes – dont 85 % sont des femmes – qui, en France, travaillent à temps partiel. Comme l’a dit Gérard Filoche, « la flexibilité, ce n’est pas seulement un malheur, c’est une ineptie, ça ne nuit pas seulement aux humains, mais à l’économie, à la productivité, ça crée du chômage, c’est un non-sens ! Et pourtant, elle ne cesse de se développer. Et plus elle se développe, plus le chômage se développe. »

La négociation prévue par l’article 8, qui n’a aucune force contraignante pour les employeurs en matière de réduction des temps partiels, entraînera d’abord et avant tout des dérogations au droit existant, et non un renforcement des droits et protections des personnes exposées aux temps partiels ; nous le regrettons infiniment !

La négociation portera notamment sur les dérogations à la fameuse durée minimale de vingt-quatre heures hebdomadaires. On peut craindre que ces dérogations ne soient importantes puisque l’objet de la négociation sera la durée proprement dite des périodes d’interruption au cours d’une même journée et du délai de prévenance pour modifier les horaires.

Cet article, que vous présentez comme une avancée, définit un nombre minimal d’heures hebdomadaires pour les salariés à temps partiel, mais le droit de modifier en permanence les conditions de travail et le contrat de travail des salariés fragilise singulièrement la situation de ces derniers. Le texte prévoit que ces modifications pourront se faire par accord de branche et à la demande du salarié, mais la liberté de celui-ci est illusoire, on le sait, du fait du rapport de subordination qui existe entre l’employeur et son salarié.

La Fédération des entreprises de propreté et services associés s’insurgeait en 2012 contre les règles actuelles, qui interdisent aux employeurs de décaler, par avenant, le seuil de déclenchement des heures complémentaires. On peut dire que les vœux de cette fédération patronale seraient exaucés si l’alinéa 5 demeurait. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de le supprimer.

Mme la présidente. L'amendement n° 526, présenté par Mme Génisson, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

le délai de prévenance préalable à la modification des horaires

insérer les mots :

sans qu’il puisse être inférieur à quatre jours,

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Je souhaite, comme nos collègues du groupe CRC, que le plancher du délai de prévenance soit remonté de trois à quatre jours.

Cela paraît vraiment nécessaire quand on connaît les difficultés qu’ont les femmes qui travaillent à temps partiel pour organiser leurs journées, surtout quand elles sont à la tête d’une famille monoparentale.

J’ajoute que, pour le secteur de l’aide à domicile, la convention collective a fait remonter ce plancher de trois à quatre jours.

Mme la présidente. L'amendement n° 280, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, cette négociation ne peut avoir pour effet de réduire les droits des salariés ou de réduire le délai de prévenance.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. De prime abord, cet amendement peut s’apparenter à un amendement de précision puisqu’il prévoit que la négociation triennale ne peut en aucun cas avoir pour effet de réduire les droits des salariés ou le délai de prévenance.

Si nous avons souhaité déposer cet amendement, c’est parce que la rédaction actuelle des alinéas 4 et 5 nous inquiète. En l’état, la négociation pourrait aboutir à une aggravation de la précarité des salariés à temps partiel.

En effet, l’alinéa 5 indique que la négociation portera « notamment sur la durée minimale d’activité hebdomadaire ou mensuelle, le nombre et la durée des périodes d’interruption d’activité, le délai de prévenance préalable à la modification des horaires et la rémunération des heures complémentaires ». Rien dans cette rédaction n’exclut la possibilité que cette négociation se conclue par une réduction du délai de prévenance.

Pour celles et ceux qui l’ignorent, je précise que le salarié qui travaille à temps partiel peut subir, sans qu’on lui demande son accord ni même son avis, une modification de ses horaires de travail. L’employeur doit toutefois respecter certaines conditions, et notamment un délai de prévenance. La loi fixe ce délai à sept jours, mais force est de constater que ce délai est aujourd’hui devenu théorique. En effet, les conventions collectives ou les accords de branche peuvent réduire ce délai à trois jours. Cela prouve que, contrairement à ce que nous avons entendu depuis le début de nos travaux, à savoir que les partenaires sociaux ne signeraient pas de mauvais accords, ils peuvent pourtant signer des accords moins favorables aux salariés.

De manière plus concrète, la négociation pourrait avoir pour effet de faire passer le délai de prévenance de cinq à trois jours, par exemple, ce qui ne serait pas sans conséquence, chacun le mesurera, sur l’organisation de la vie privée et familiale des salariés.

On peut également craindre que cet accord de branche n’ait pour effet de réduire les contreparties financières garanties aux salariés en compensation d’un délai de prévenance inférieur au délai légal de sept jours.

Notre amendement vise donc à apporter une sécurité supplémentaire aux salariés concernés et aurait, par conséquent, mérité d’être voté.

Mme la présidente. L'amendement n° 290, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait pour une organisation représentant les employeurs, ou pour un employeur, de refuser ou de ne pas mettre en œuvre la disposition mentionnée au premier alinéa de l’article L. 2241-1 est constitutif d’un délit d’entrave. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. La négociation visée à l’article 8 portera sur « la durée minimale d’activité hebdomadaire ou mensuelle, le nombre et la durée des périodes d’interruption d’activité, le délai de prévenance préalable à la modification des horaires et la rémunération des heures complémentaires ». Vous en conviendrez, le champ est large !

Le projet de loi prévoit l’ouverture d’une négociation, mais n’assortit d’aucune sanction le non-respect de cette disposition. Il faut que les employeurs ou les représentants patronaux qui ne respectent pas les obligations que la loi leur impose soient poursuivis pour délit d’entrave.

L’article L. 2241-1 du code du travail dispose que « les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels, se réunissent, au moins une fois par an, pour négocier sur les salaires », mais rien n’est prévu pour sanctionner les employeurs réfractaires. C’est un non-sens puisque l’absence de négociation a des effets sur les conditions de travail, et donc de vie, des salariés. Nous vous proposons donc de remédier à cette incohérence en adoptant cet amendement.

Comme le disait notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, « aujourd’hui, le travailleur pauvre est une femme à temps partiel ».

Mme Isabelle Debré. Il n’y a pas qu’elles !

Mme Annie David. Comme l’a révélé l’étude « Femmes et précarité » du Conseil économique, social et environnemental, publiée en février 2013, le taux de féminisation des emplois à temps partiel avoisine 82 %, madame Debré.

Mme Isabelle Debré. Vous avez raison, mais les femmes à temps partiel ne sont malheureusement pas les seules à être touchées par la pauvreté !

Mme Annie David. Pour lutter contre ce phénomène, le rapport d’information « Femmes et travail : agir pour un nouvel âge de l’émancipation », publié en janvier 2013, préconise d’offrir aux salariés à temps partiel une priorité d’accès au temps plein. Le rapport souligne aussi qu’il importe « d’assurer à tous les salariés à temps partiel l’accès aux droits sociaux, soit en instaurant une durée minimum légale de travail, soit en imposant aux employeurs de cotiser à concurrence de l’ouverture des droits sociaux ».

Avec 10 % de ses hommes et 22 % de ses femmes travaillant à temps partiel, la France se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE. Il faut cependant prendre en compte une caractéristique très importante : selon le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur la politique d’égalité professionnelle en France, publié en janvier 2013, la France fait partie « des pays mobilisant le plus le temps partiel pour les femmes ayant des enfants de moins de quinze ans à charge ».

Mes chers collègues, il arrive que nos concitoyennes et concitoyens, soumis à la nécessité immédiate de pourvoir aux besoins de leur famille, ne soient pas en position de négocier. C'est la raison pour laquelle nous devons permettre aux organisations qui les représentent de le faire dans de bonnes conditions.

Mme la présidente. L'amendement n° 514 rectifié, présenté par MM. Cardoux et Milon, Mmes Bouchart, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Savary, J.C. Leroy, Lefèvre, Lenoir, Mayet, Sido et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sont exonérées de cette obligation les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels prévoyant déjà des dispositions fixant une durée minimale d’activité à temps partiel. »

La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai également l’amendement n° 513 rectifié.

L’article 8 crée une obligation de négocier dans les branches professionnelles qui recourent structurellement au temps partiel. Il instaure également une durée de travail minimale de vingt-quatre heures par semaine.

Cependant, certains accords de branche existants prennent déjà en considération les spécificités de leur secteur d’activité. Certains d’entre eux peuvent avoir fixé un temps de travail hebdomadaire inférieur à vingt-quatre heures. Nous proposons donc, par l'amendement n° 514 rectifié, que les branches ayant conclu de tels accords ne soient pas obligées de renégocier des dispositions plus favorables qui seraient inadaptées à leur situation.

L’amendement n° 513 rectifié vise, quant à lui, à instaurer des dérogations, qui seront ciblées par la suite, au principe d’une durée minimale de vingt-quatre heures. Il renvoie à un décret la désignation des activités présentant des contraintes en termes de durée de travail.

Il est possible de déroger à la durée minimale par accord de branche, mais sous réserve de mettre en œuvre une répartition des horaires de travail sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes, afin, notamment, de permettre aux salariés de cumuler plusieurs emplois et d’atteindre ainsi une durée de travail plus importante.

Cependant, il faut souligner que de nombreux emplois sont contraints en termes d’heures de par la nature même de leurs conditions d’exercice, telles que l’adaptation aux besoins des publics ou la saisonnalité. Ainsi, les services à la personne, les structures sanitaires, sociales et médico-sociales, les services de portage de presse, les groupements d’employeurs et d’autres verraient leur activité économique bouleversée par l’application de l’article tel qu’il est rédigé actuellement.

En effet, comme ma collègue Marie-Thérèse Bruguière l’a dit avec beaucoup de pertinence, les modalités dérogatoires proposées dans le cadre d’accords de branche prévoyant des regroupements d’heures semblent assez floues et peu réalistes pour des secteurs où l’activité répond à des modes de vie collectifs ou à des besoins spécifiques des usagers.

Mme la présidente. L'amendement n° 589, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 3122-2 du même code, les mots : « à l’année » sont remplacés par les mots : « au mois ».

La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 589 est retiré.

L'amendement n° 292, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Le texte tend à prévoir qu’une convention collective ou un accord de branche peut déroger à la règle commune selon laquelle un salarié à temps partiel peut demander à prendre un emploi à temps complet dans le même établissement ou la même entreprise, dans la même catégorie professionnelle, en étant prioritaire lors de l’attribution du poste. Pourtant, il s’agit d’un droit qui permet au salarié de bénéficier d’un avancement dans l’entreprise et qui récompense son attachement à celle-ci, tout en lui donnant la possibilité de quitter un emploi à temps partiel.

En l’état, le projet prévoit que les employeurs pourront leur répondre en proposant des emplois ne relevant pas de leur catégorie professionnelle.

L’encadrement par l’accord est encore une fois un trompe-l’œil, particulièrement quand on connaît la situation de nombreuses branches où les droits des salariés sont bafoués ; je pense en particulier à la restauration rapide, à l’hôtellerie ou à la distribution.

L’effet immédiat sera de permettre de priver les salariés d’un droit important. En effet, dans beaucoup de cas, une telle disposition autorisera les employeurs à proposer des postes dont personne ne veut. Pourquoi, dans ces conditions, un salarié irait-il demander à bénéficier de ce droit s’il risque de se retrouver sur un emploi, certes plus pérenne, mais complètement inadapté ?

Surtout, il n’est pas précisé si l’accord conclu retreindra ou non les catégories professionnelles.

En privant de fait les salariés à temps partiel de ce droit, vous leur enlevez l’une des possibilités d’obtenir de l’avancement et de sortir du précariat. C’est pourquoi nous proposons de supprimer ces alinéas.

Mme la présidente. L'amendement n° 308, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 6 et 7

Rédiger ainsi ces alinéas :

II. – L’article L. 3123-8 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 3123-8. – Il est interdit à une entreprise de procéder au recrutement d’un salarié à temps plein pour un type d’emploi lorsque, au sein de cette entreprise, un ou plusieurs salariés à temps partiel exercent déjà un emploi équivalent ou un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Cet amendement se justifie par son texte même.

J’ajoute simplement qu’il résulte d’une proposition de la délégation aux droits des femmes du Sénat et qu’il permettrait de combattre efficacement les pratiques de certains employeurs peu scrupuleux qui réussissent à contourner le droit existant.

Mme la présidente. L'amendement n° 296, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sont réputés nuls les contrats, avenants, accords ou convention de toute nature qui prévoient que la journée de travail comporte plus d’une coupure ou qui prévoit que cette coupure est supérieure à deux heures. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Depuis les années 1990, les politiques d’assouplissement du droit du travail et d’allégement de la part patronale de cotisations sociales ont conduit les entreprises à recourir de plus en plus au temps partiel, comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises.

Les grands gagnants sont connus : ce sont les entreprises, qui trouvent avec le temps partiel, mais aussi avec les contrats à durée déterminée, le moyen d’ajuster presque au jour le jour la durée du travail aux fluctuations de l’activité, pour assurer des gains de productivité dont seuls les actionnaires tirent réellement bénéfice.

Comme le précisait Christiane Marty devant le conseil scientifique d’ATTAC, « les contrats sont généralement fixés au plus court, les employeurs adaptent ensuite la présence des salarié(e)s par des heures complémentaires, avec une faible majoration du coût horaire. Cela revient à transférer une grande partie du risque de fluctuation du marché sur les salarié(e)s ».

Qui plus est, les salariés qui relèvent des emplois à domicile ou les caissières savent que les difficultés du temps partiel sont aggravées par la faculté dont disposent, à ce jour, les employeurs de leur imposer des journées de travail morcelées, à charge pour ces salariés de se rendre disponibles de 9 à 11 heures, puis de 14 à 16 heures et, enfin, de 18 à 20 heures, quand l’affluence est la plus grande.

Le fait d’imposer aux salariés, et surtout aux salariées, des rythmes de travail morcelés permet, là encore, aux employeurs de leur faire supporter les conséquences d’une recherche permanente de rentabilité, ce qui accroît leur stress.

Les travaux menés par Robert Karasek pour mesurer le stress au travail montrent que l’association de différents facteurs a des effets sur la santé des salariés. Parmi ces éléments figurent l’intensité du travail et son morcèlement, qui, dans certains secteurs, comme celui de la propreté, est tel que les horaires sont qualifiés d’« ingérables ».

Mes chers collègues, ce morcellement du travail, qui flexibilise chaque jour un peu plus, nous vous proposons d’y mettre fin en adoptant cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 281, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer les mots :

ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3122-2

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. En portant la durée minimale de travail à vingt-quatre heures, cet article apporte, enfin, une disposition qui soit protectrice pour tous les salariés.

M. Michel Sapin, ministre. Eh oui !

Mme Isabelle Pasquet. Vous voyez, monsieur le ministre, nous pouvons être d’accord !

Il est effectivement impératif que la loi intervienne pour garantir une durée minimale et ainsi rompre avec ce que l’on appelle les « miettes de travail », dont la conséquence est justement d’émietter le salaire et les conditions de vie.

La plupart des conventions collectives prévoient la possibilité de recourir à des temps partiels inférieurs à vingt-quatre heures. À titre d’exemple, dans les entreprises de propreté, 77 % des salariés sont employés avec un contrat prévoyant une durée de moins de vingt-quatre heures et 50 % travaillent moins de dix-sept heures et demie par semaine.

Cette disposition contenait les prémices d’une bonne mesure, protectrice, mais – et là, monsieur le ministre, nous serons un peu moins d’accord – la règle, à peine posée, est quasiment annulée non pas par une, mais par deux dérogations, qui lui retirent toute efficacité.

Ainsi, une convention pourra prévoir une durée de travail inférieure à vingt-quatre heures, prétendument dans l’intérêt des salariés, et à leur demande. Prévoir une telle possibilité, c’est évidemment reconnaître la situation de dépendance et de précarité dans laquelle sont placés les salariés à temps partiel.

Leur accès à l’emploi étant déjà particulièrement précaire, qui peut croire un instant que, dans leur immense majorité, les salariés oseront s’opposer à un employeur qui viendrait exiger d’eux de signer un document, sans doute déjà rédigé par lui, prévoyant le renoncement à cette durée minimale ?

Celles et ceux qui connaissent les pressions qu’exercent actuellement les employeurs sur les salariés ne savent que trop que la liberté des salariés s’arrête là où commence la volonté patronale…

Qui plus est, l’alinéa 11 tend à prévoir que la durée de travail du salarié est fixée à vingt-quatre heures « ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3122-2 ».

Ces quelques mots, que nous proposons de supprimer, permettent ni plus ni moins d’introduire, pour déroger à la règle des vingt-quatre heures hebdomadaires, l’annualisation de la durée du travail. Personne n’ignore, et notre collègue Catherine Génisson l’a justement rappelé devant la délégation aux droits des femmes, que l’annualisation peut constituer une technique de contournement de la loi.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. On le voit, la règle d’une durée de travail au moins égale à vingt-quatre heures, qui est une bonne règle, risque fort, hélas ! de ne jamais être appliquée, tant les dispositions permettant de la contourner ou d’y déroger sont nombreuses.

Mme la présidente. L'amendement n° 260 rectifié, présenté par MM. Vanlerenberghe, Bockel et Roche, Mmes Jouanno et Dini, MM. Marseille et Amoudry, Mme Férat, M. Détraigne et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette durée minimale n'est pas applicable aux salariés lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de la mettre en œuvre compte tenu des caractéristiques de son activité.

L'amendement n° 261 rectifié, présenté par MM. Vanlerenberghe, Bockel, Marseille et Amoudry, Mme Dini, M. Roche, Mmes Jouanno et Férat, M. Détraigne et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette durée minimale n’est pas applicable aux salariés des associations et entreprises de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale, des services d’aide à la personne, y compris des particuliers employeurs, et de portage de presse.

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour présenter ces deux amendements.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous considérons, bien sûr, que l’ANI offre un progrès incontestable en fixant une durée minimale de vingt-quatre heures pour le travail à temps partiel.

Nos amendements visent à mettre en place un système de dérogation, plus souple que celui qui est déjà prévu dans le texte, à la durée minimale de travail à temps partiel au profit de certains secteurs, que je vais essayer de défendre. La seule différence entre les deux amendements que je présente est que le premier édicte une règle un peu générale, tandis que le second énumère les secteurs concernés.

Afin d’encadrer la pratique du travail à temps partiel, l’article 8 du texte tend à établir un socle de durée minimale fixé à vingt-quatre heures. Les dérogations par accord de branche sont effectivement déjà prévues – c’est certainement ce que vous allez me rétorquer, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre –, mais elles sont possibles à condition, d’une part, que le salarié bénéficie d’horaires réguliers, c’est-à-dire non fractionnés, et, d’autre part, que lesdits horaires soient regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes.

Monsieur le ministre, j’ai quelque expérience dans ce domaine et je peux vous dire – M. le rapporteur pourrait sans doute apporter le même témoignage – combien il sera difficile d’organiser des journées de travail, notamment dans le secteur de l’aide à la personne, pour répondre aux exigences de l’article 8.

À mon sens, les modalités d’organisation prévues sont incompatibles avec l’exercice de certaines activités, telles que celle que je viens de citer, mais aussi le portage de presse…

Mme Catherine Génisson. Ce n’est pas pareil !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … ou tous les métiers de la branche sanitaire, sociale ou médico-sociale.

Il est bien naturel que ces secteurs, qui sont pour la plupart composés d’associations, s’inquiètent vivement de l’impact de cette mesure sur leur devenir.

Je crains que cet article, auquel nous sommes, pour l’essentiel, favorables, n’entraîne en réalité des pertes d’emplois. Il faut bien l’avouer, ce serait totalement paradoxal s’agissant d’un projet de loi qui vise au contraire à sécuriser l’emploi.

Monsieur le ministre, comment pouvons-nous sortir de cette impasse ? J’attends une réponse de votre part.

Mme Isabelle Debré. Il va vous la donner !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Il y a une contradiction entre l’objectif de protection sociale de ce texte et la réalité économique de certains secteurs. À défaut de donner votre accord à l’adoption de ces amendements, j’aimerais que vous puissiez rassurer ces acteurs économiques sur les dérogations envisageables pour permettre une bonne application du texte dans leurs secteurs.

Mme la présidente. L'amendement n° 527, présenté par Mme Génisson, est ainsi libellé :

Alinéa 12, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Une durée du travail inférieure à celle prévue à l'article L 3123-14-1 peut être fixée à la demande du salarié pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles et/ou pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d'atteindre une durée globale d'activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée au même article.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Il s'agit d’un problème d’interprétation de la rédaction.

Le projet de loi prévoit d’introduire dans le code du travail un article L. 3123-14-2 précisant qu’une « durée de travail inférieure à celle prévue à l’article L. 3123-1-1 », c'est-à-dire à vingt-quatre heures par semaine, « peut être fixée à la demande du salarié soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités ».

Je craignais que ce dernier membre de phrase ne puisse être interprété comme posant l’exigence d’une cumulation des deux hypothèses. Mais M. le rapporteur m’a assuré que ce n’était pas le cas et que le problème rédactionnel que j’avais cru déceler n’existait pas.

M. Michel Sapin, ministre. En effet !

Mme Catherine Génisson. Dans ces conditions, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 527 est retiré.

L’amendement n° 294, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement se situe dans la même logique que notre amendement précédent puisque l’alinéa 14 de l’article 8 apporte une nouvelle dérogation à la règle des vingt-quatre heures.

Comme le disait Isabelle Pasquet, nous estimons que cette règle est protectrice, car il nous semble important de fixer une durée minimale hebdomadaire pour les contrats à temps partiel. Malheureusement, cette règle, aussitôt posée, voit sa portée considérablement restreinte par une série de dérogations.

À l’alinéa 14, il s’agit de permettre, par convention ou accord de branche étendu, que cette durée hebdomadaire soit inférieure à vingt-quatre heures.

Il nous semble que la loi doit être nationale et protectrice. En la matière, un accord de branche étendu ou une convention pourraient permettre que le droit ne soit plus national. Depuis que ce type d’accord a été introduit dans le droit du travail, nous ne cessons de dénoncer l’inversion de la hiérarchie des normes qui en résulte. En effet, aujourd’hui, notre code du travail contient des règles qui s’appliquent à l’ensemble des salariés de notre pays, mais certaines organisations ont la possibilité de signer des accords dérogeant à la loi et n’assurant qu’un niveau de protection inférieur, ce que nous contestons.

C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de l’alinéa 14.

Mme la présidente. L’amendement n° 243 rectifié, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau, Povinelli et Labazée, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

horaires réguliers

par les mots :

horaires permettant la conciliation avec une vie familiale et personnelle normale

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.