M. Gérard Longuet. Vous ne serez donc pas déçus !

M. Michel Mercier. Pour le moindre projet, on voit les uns obtenir trente millions d’euros, les autres quinze millions d’euros… Quant à nous, parce que nous nous sommes déjà mis d’accord, nous vous servons une métropole toute faite, et nous n’aurons rien ; d’ailleurs, nous ne demandons rien !

Nous savons très bien que ce ne sont pas les quelques millions que l’on obtiendrait qui nous rendraient meilleurs, ou plus forts.

M. Gérard Longuet. Il faut donner à ceux qui en ont besoin !

M. Michel Mercier. Mais nous n’empêchons pas les autres de demander ! (Sourires.) Simplement, nous ne nous donnons pas pour modèle.

Aujourd'hui, la République peut s’appuyer sur la diversité. En définitive, le véritable ennemi de l’unité de la République, c'est l’uniformité. On peut avoir une belle, une grande métropole à Lyon, un projet extraordinaire, sans pour autant l’imposer aux autres. (Applaudissements au banc des commissions.)

Tout reste à faire, et c'est ce qui est formidable.

Pour la communauté urbaine, prendre la place du département n'est cependant pas une victoire. En réalité, c'est un énorme boulot qui incombera aux élus de cette communauté urbaine…

M. Michel Mercier. Alors qu’ils ont une culture faite de projets, notamment de projets d’urbanisme, ils devront désormais s’occuper des plus pauvres, des exclus. Voilà qui requiert une nouvelle culture, mais c'est cela qui est intéressant.

M. le président. Merci de bien vouloir terminer, mon cher collègue.

M. Michel Mercier. Évidemment, on essayera de faire au mieux.

Il reste cependant encore quelques points – de tout petits – qui ne vont pas. Par exemple, s’agissant des transferts financiers, vous nous dites que les ressources doivent assurer, le moment venu, la compensation intégrale des charges transférées. Quel beau programme, mesdames les ministres !

On va donc transférer le RSA – le revenu de solidarité active – et la ressource affectée, sachant que celle qui nous vient de l’État ne couvre que 27 % de la charge. J’interroge le directeur général des collectivités locales : où trouve-t-on le reste ? Dans notre projet politique, et pas dans le texte… C'est bien entendu la même chose pour toutes les compétences sociales que l’on transfère.

Ainsi, le principe d’une compensation des transferts de compétence qui est écrit dans le texte ne correspond pas à la réalité, car il n’y a pas les recettes qui vont avec.

M. le président. Cher collègue, vous connaissez les règles : vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Michel Mercier. Mais, ce temps, je vous le rendrai, monsieur le président. (Rires.) Je ne sais pas quand, mais je vous le rendrai, et avec intérêt ! (Nouveaux rires.) Il me suffira de m’inscrire dans un débat et de ne pas intervenir !

Je veux terminer sur notre SDIS, le service départemental d'incendie et de secours, qui marche bien et qui doit continuer ainsi ; n’allons surtout pas le casser. J’observe simplement que les communes de la métropole n’ont jamais été membres du SDIS en tant que telles, parce que c’est la communauté urbaine qui exerce cette compétence. Jamais les communes de la métropole n’ont versé de taxe au SDIS, parce que c'est la communauté urbaine qui paye. Or, à l’article 25, alinéa 38, vous voulez les faire payer. Quel vilain cadeau pour saluer l’avènement de la Métropole de Lyon !

Alors oui, ce projet est formidable. Oui, j'ai envie de voter votre texte. Alors aidez-nous à le voter ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. Jean-Claude Lenoir. Vive la capitale des Gaules !

M. Jacques Mézard. Et le Primat des Gaules…

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tenais à rendre hommage au rapporteur de la commission des lois, qui a fait un travail d’« honnête homme », au meilleur sens du terme.

Chers collègues, sommes-nous toujours dans le pays de Descartes ? La Ve république est-elle celle de la raison ?

In limine, en abordant la discussion de ce texte, je voudrais dire que deux vers de Boileau me sont venus régulièrement à l’esprit : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement » et « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ». (Sourires.)

Remis le 5 mars 2009, le rapport Balladur avait pour titre : Il est temps de décider. Nous sommes à la mi-2013, une alternance s’est produite et, si une chose me paraît claire, c’est que citoyens et élus locaux sont encore plus qu’hier plongés dans un abîme d’incompréhension et d’indifférence toujours plus grand face à la complexité de notre organisation territoriale, une organisation dont personne ne peut sérieusement soutenir qu’elle est devenue plus performante et rationnelle ces dernières années.

Existe-t-il une vision d’ensemble de la modernisation de l’action publique territoriale ? J’en doute.

Moderniser, cela doit signifier rendre les institutions plus efficaces au meilleur coût pour les contribuables tout en assurant, comme le disait le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, une meilleure solidarité entre les territoires. Il faut donc plus de simplicité et une compréhension facilitée pour nos concitoyens.

Est-ce le cas quand on commence par s’abstenir de définir un cadre global d’action avant de décliner ensuite les différents volets ? C’est bien de consulter toutes les associations d’élus, mais les ministres successifs le font depuis longtemps et l’on connaît, depuis tout aussi longtemps, les positions respectables mais figées de ces associations. Madame la ministre, s’il s’agit d’un projet de loi, au Gouvernement d’assumer ses responsabilités comme le firent, en 1982, Pierre Mauroy, Premier ministre, et Gaston Deferre, ministre de l’intérieur et de la décentralisation !

Comment peut-on avancer rationnellement et avec bon sens quand, un jour, un texte est examiné qui traite des ressources financières, que, plusieurs années plus tard, vient en discussion un autre texte traitant cette fois des transferts de compétences entre l’État et les collectivités et qu’un autre texte, après ou avant, est relatif aux compétences de chaque strate territoriale ou à la définition de ces strates ?

On arrive même à cette absurdité que, sur le même objet, trois textes différents peuvent être en navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale, comme c’est le cas en ce moment.

Je prendrai un autre exemple : le fameux « binôme », successeur du non moins illustre « conseiller territorial », exige un redécoupage cantonal qui sera le plus souvent déconnecté des intercommunalités, dont la carte n’a pas été suffisamment rationalisée.

Il est très difficile, certes, de modifier l’organisation territoriale. Difficile, car il s’agit d’un meccano très complexe dont les pièces sont indissociables : définition et structure des collectivités locales, répartition et harmonisation de leurs compétences et, fondamentalement, ressources financières.

Les articles de la Constitution relatifs aux collectivités seraient-ils gravés définitivement dans le marbre ?

Considérons que c’est le cas en l’état, puisque, à supposer qu’il existe un projet, réunir une majorité de trois cinquièmes est un exercice plus que délicat. Il faut donc impérativement s’inscrire dans l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre, dans l’existence constitutionnelle des communes, des départements et des régions, dans la notion de libre administration et, telle qu’elle figure dans le cinquième paragraphe de l’article 72 de la Constitution, dans celle de concours de plusieurs collectivités pour l’exercice d’une compétence. Quant à la fin de ce paragraphe, quelque peu floue, est à l’origine de l’exégèse sur la définition du « chef de file », résultante d’une formulation transactionnelle qui aurait plu au défunt président Edgar Faure.

Les quatre principes dégagés par le Président de la République peuvent nous convenir : clarté entre l’État et les collectivités et entre les collectivités elles-mêmes dans l’exercice de leurs compétences, confiance entre les partenaires de l’action publique, cohérence pour conforter la logique des blocs de compétence et démocratie.

Le problème, c’est la déclinaison de ces excellents principes. Qu’attendons-nous, nous ? Un ciselage de la décentralisation ! Il est encore des morceaux de compétence partagés entre certains services de l’État et les collectivités. Il convient de finir le travail et donc d’achever certains transferts. En sens inverse, la question des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, mérite aussi d’être réexaminée. Il faut également avancer sur la question de la compensation du coût des transferts de compétences.

Nous voulons, nous, une simplification dans tous les domaines. Les états généraux ont mis en évidence la question des normes : trop de lois, de règlements, de contraintes administratives, de blocages, d’enterrement de projets, et, au bout du compte, la lassitude des élus.

S’agissant de l’architecture territoriale, comment les citoyens et même nombre d’élus peuvent-ils aujourd’hui s’y retrouver entre communes, intercommunalités, syndicats mixtes, sociétés d’économie mixte, sociétés publiques locales, cantons, arrondissements, pays, départements, régions ?

Au nom de la démocratie et de la pseudo-concertation, on veut multiplier les schémas, les conférences, les comités de pilotage, les hauts conseils, dans tous les domaines. Le comble, d’ailleurs, serait l’instauration d’un haut conseil des territoires : que deviendrait notre Sénat ?

M. Christian Cambon. N’est-ce pas précisément ce qu’ils veulent ?...

M. Jacques Mézard. Arrêtez cette inflation pseudo-démocratique, madame la ministre ! Nous sommes en désaccord profond avec vous sur la question des cumuls : vous voulez le non-cumul des mandats pour les parlementaires et affichez votre volonté de maintenir les cumuls horizontaux. Toutefois, à force de multiplier les organismes de réflexion, de concertation, à force d’absence de décision, je comprends qu’avec le non-cumul horizontal il nous faudra plus d’élus qu’il n’y a d’électeurs et donc encore plus de professionnels de la politique !

M. Jacques Mézard. Oui, nous attendons une simplification et une clarification des compétences. Oui, nous devons faciliter les fusions de collectivités à tous les niveaux, c’est le bon sens, cher collègue François Patriat ; oui à de plus grandes et plus fortes régions. Mais n’oublions pas que le succès de la loi Chevènement sur l’intercommunalité a largement reposé sur des enveloppes de dotation globale de fonctionnement...

M. Philippe Dallier. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. … et que cela est plus difficile à mettre en œuvre en période de vaches maigres.

M. Philippe Dallier. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. Madame la ministre, votre projet de loi suit depuis l’origine un parcours chaotique. Il inaugure le système de la scissiparité législative (Sourires.), reproduction cellulaire législative originale.

Vous annonciez, le 25 septembre dernier : « Nous voulons un seul texte de loi. Il est écrit, il est prêt. Son but : organiser le qui fait quoi ? ». Nous connaissons la suite et le parcours du combattant qu’a connu ce texte. Nous avons entendu, début mars, le Président Hollande faire confiance au Sénat pour apporter à ce texte tous les aménagements nécessaires, pour bien répartir les compétences, définir les chefs de file, faire émerger les métropoles.

Le Sénat a réécrit le texte ; je salue le travail du rapporteur et du président de la commission des lois. En fait, ce texte est devenu un projet de loi sénatorial. (Sourires.) C’est une originalité. Le restera-t-il ? Sachez que nous sommes prêts, madame la ministre, à faire la même chose sur le non-cumul.

Nous considérons que le Sénat a amélioré le texte initial.

Pour ce qui est des métropoles, et j’en termine rapidement, monsieur le président, il est évident que Paris, Lyon et Marseille justifient que le fait métropolitain soit conforté. À cet égard, la présence ce matin des maires de Lyon et de Marseille dans l’hémicycle témoigne de l’importance du cumul. Ces métropoles sont indispensables au développement de tous les territoires, de par leur rayonnement national et européen et leur capacité à jouer un rôle moteur.

En revanche, comme Michel Mercier, nous sommes réservés quant à la multiplication des métropoles sur tout le territoire. Ce serait d’ailleurs une curieuse façon de procéder à l’évaporation du département.

Nous restons sceptiques sur la pertinence des conférences territoriales, en raison de la question de leur compatibilité avec l’article 72 de la Constitution et des difficultés qui en découleraient.

Enfin, s’agissant de la spécialisation des compétences, il n’est de meilleure conclusion que de se reporter au travail de Gaston Defferre, à une époque où l’État assumait ses responsabilités sans se noyer dans les consultations forcément contradictoires et paralysantes. L’article 3 de la loi du 7 janvier 1983 sur la répartition des compétences entre collectivités et État disposait que « chaque domaine de compétence ainsi que les ressources correspondantes » devaient être « affectés en totalité soit à l’État, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions. »

Cet objectif législatif n’a pas été respecté. Il a été dévoyé par tous les gouvernements successifs à travers nombre de dérogations législatives spéciales ultérieures ! Tirons tous ensemble la leçon de cette malheureuse expérience.

En tout cas, et j’en termine tout fait, notre groupe votera ce texte en fonction de l’évolution du débat et nous espérons, madame la ministre, que l’on fera confiance au travail réalisé par le Sénat. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste, du groupe UDI-UC et du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Discussion générale (suite)

4

Questions cribles thématiques

budget européen

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le budget européen.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée maximale d’une minute peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sur France 3 ; il importe donc que chacun respecte son temps de parole.

La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la négociation du cadre financier de l’Union européenne pour la période 2014-2020.

De l’avis général, le Président de la République a bien négocié lors du Conseil européen de février dernier, compte tenu d’un contexte très difficile et fortement contraint, les États membres ayant les yeux rivés sur leur solde net.

Nous aurions, bien sûr, préféré un accord plus ambitieux, mais ce résultat préserve l’essentiel et ouvre de nouvelles perspectives dans des domaines clés. Je pense notamment à la recherche, à l’interconnexion des réseaux, à l’emploi des jeunes et à la création de la catégorie des « régions en transition », qui concernera dix régions françaises.

Cela ne veut pas dire que nous ignorons les zones d’ombre, comme les moyens encore insuffisants accordés au programme Erasmus ou au Fonds européen d’aide aux plus démunis. Mais, sur ces points, le dernier mot n’a peut-être pas été dit.

En effet, le traité de Lisbonne, je le rappelle, a consacré le rôle du Parlement européen dans l’élaboration du cadre financier pluriannuel. Certes, le Parlement européen avait déjà un rôle important puisque, en pratique, il fallait un accord interinstitutionnel pour mettre en œuvre ce qu’on appelait les « perspectives financières ». Maintenant, les traités indiquent expressément que le cadre financier pluriannuel est soumis à l’approbation du Parlement européen, statuant à la majorité des membres qui le composent. Le Parlement européen a donc pleinement son mot à dire.

Cela m’a conduit à mettre ce sujet à l’ordre du jour d’une réunion conjointe des commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui s’est tenue en présence des membres français du Parlement européen.

Nos discussions ont fait ressortir un très large soutien, pour ne pas dire un soutien unanime, aux demandes du Parlement européen : une clause de flexibilité pour mieux mobiliser les crédits, une clause de révision à mi-parcours pour réévaluer les besoins et, enfin, une négociation pour doter à l’avenir le budget européen d’authentiques ressources propres. En effet, tant que le budget européen sera financé, pour l’essentiel, par des prélèvements sur les budgets nationaux, nous aurons toujours les mêmes difficultés à développer des politiques européennes.

Je souhaiterais donc connaître, monsieur le ministre, la position du Gouvernement à l’égard de ces demandes, la manière dont vont se dérouler les discussions avec le Parlement européen, ainsi que les probabilités qu’un accord soit trouvé.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président de la commission des affaires européennes, vous avez rappelé les conditions dans lesquelles le cadre financier pluriannuel a été négocié, le 8 février dernier. Le contexte était très difficile. Nous avons dû faire face à des gouvernements conservateurs, qui ne souhaitaient pas que l’Europe soit dotée d’un vrai budget, et avaient pour base de négociations un montant de 820 milliards d’euros.

Nous avons dû user de toute notre force de conviction pour donner des moyens à l’Europe et orienter son budget vers la croissance et la solidarité, en faisant passer ce montant à 960 milliards d’euros.

C’est maintenant une phase de négociation avec le Parlement européen qui s’ouvre. Nous voulons concrétiser les acquis de ce budget – l’augmentation des dépenses en faveur de la recherche et du développement, du mécanisme d’interconnexion pour l’Europe –, pérenniser le programme européen d’aide aux plus démunis, et engager la lutte contre le chômage des jeunes, notre priorité.

Nous souhaitons donc créer les conditions d’un accord du Parlement européen, et abordons de manière positive les échanges que nous avons avec lui. Je tiens, monsieur le sénateur, à vous indiquer la position du Gouvernement sur les conditions que pose en quelque sorte le Parlement européen.

Premièrement, nous sommes favorables à une clause de révision générale, qui pourrait être mise en œuvre au milieu de l’année 2017. Une telle révision devrait porter à la fois sur le volet « dépenses » et sur le volet « recettes », les deux étant liés.

Deuxièmement, lors du Conseil européen de février dernier, le Président de la République a défendu une clause de flexibilité maximale, ce qui est une demande du Parlement européen.

Troisièmement, nous soutenons pleinement la mise en place d’une feuille de route claire et précise sur l’ensemble du système de financement de l’Union, y compris les corrections, rabais et chèques. Nous souhaitons, avec vous, que le champ exploré s’étende à d’autres ressources propres que les seules TVA et taxe sur les transactions financières, que soit prévu un calendrier précis, avec une échéance au 1er janvier 2017, et que le Conseil soit responsabilisé sur ces questions.

Tout en tenant compte des conditions et des rapports de force politiques en Europe, nous avons bon espoir de pouvoir élaborer, sous la présidence irlandaise, le meilleur budget possible, un budget orienté vers la croissance et l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, pour la réplique.

M. Simon Sutour. Je fais le même souhait que vous, monsieur le ministre, mais le voir se réaliser sous la présidence irlandaise est peut-être un peu optimiste ! Il faut y travailler ; nous avons un peu plus d’un mois pour y parvenir.

À mon sens, il est positif que, pour la première fois, les parlements aient à se prononcer. (M. le ministre marque son approbation.) Le traité de Lisbonne requiert l’approbation, et non la codécision, du Parlement européen sur ces questions.

Les parlements nationaux profitent de cette nouvelle procédure pour dire leur mot. C’est ce que nous faisons aujourd’hui. Tout cela me semble positif.

Je voudrais insister sur un des points que vous avez développés, monsieur le ministre. Il faut à tout prix que les crédits affectés aux régions en transition soient maintenus, voire augmentés. Ils représentent, pour l’heure, une somme de 3 milliards d’euros. Les régions françaises le demandent. Comme vous l’avez indiqué, dix régions françaises, qui n’étaient pas concernées pour la période 2007-2013, pourront l’être pour la période 2014-2020.

Je vous remercie, monsieur le ministre, et vous souhaite bon courage dans votre action !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, les chiffres publiés par Eurostat à la fin de la semaine dernière attestent une augmentation dramatique du chômage des jeunes au sein de l’Union européenne.

Près de 23 % des Européens âgés de quinze à vingt-quatre ans sont aujourd’hui sans emploi. Dans près de trois quarts des régions d’Europe, le taux de chômage des jeunes représente au moins le double du taux de chômage total.

Confrontée à une situation sociale explosive – 6 millions de jeunes de moins de vingt-cinq ans sont sans emploi –, l’Union européenne a jeté, en février dernier, les bases d’un dispositif destiné à lutter contre le chômage des jeunes. Dans son futur budget 2014-2020, elle prévoit à cette fin une enveloppe de 6 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros seraient issus du Fonds social européen.

Ces sommes devraient permettre de financer une « garantie pour la jeunesse », censée proposer à tous les jeunes de moins de vingt-cinq ans une offre de qualité portant sur un emploi, un complément de formation, un apprentissage, ou bien un stage dans les quatre mois suivant leur sortie de l’enseignement ou la perte de leur emploi.

Parallèlement à la mise en place de ce dispositif communautaire, je constate que plusieurs États membres passent des accords bilatéraux. C’est ainsi que l’Espagne et le Portugal se sont entendus ces dernières semaines avec l’Allemagne, pour coopérer étroitement dans la lutte contre le chômage de leurs jeunes.

Il y a deux jours, nous avons à notre tour dévoilé une initiative du même type, en commun avec nos voisins allemands. Au cours de la présentation de ce projet, le Président de la République a insisté sur l’urgence à mobiliser très rapidement les fonds européens prévus.

Monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser trois questions.

Quelle est l’originalité du dispositif que nous voulons mettre en place avec l’Allemagne ? A-t-il vocation à être étendu à l’ensemble de l’Europe ? Comment s’articulera-t-il avec les décisions qui doivent être prises à ce sujet lors du sommet européen des 27 et 28 juin ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, l’emploi des jeunes est la priorité nationale. Nous tentons, sous l’impulsion du Président de la République, d’en faire une priorité européenne.

Les ministres français et allemand des affaires sociales, M. Michel Sapin et son homologue, Mme Ursula von der Leyen, ont pris une initiative en ce sens cette semaine. Ils ont discuté ensemble de ce que la presse a présenté comme un « New Deal » franco-allemand pour la lutte contre le chômage des jeunes. Ce plan pourrait s’articuler autour de trois points, que je veux vous indiquer très précisément. Ils s’inscrivent dans la ligne des propositions que la Commission a formulées dans son paquet pour l’emploi des jeunes, en décembre 2012.

Il s’agit, tout d’abord, de la création d’une ligne de crédit spéciale pour stimuler la création d’emploi dans les petites entreprises, que pourrait mettre en place la Banque européenne d’investissement. La BEI a, d’ailleurs, été recapitalisée à hauteur de 10 milliards d’euros, à la suite de l’adoption du pacte de croissance voulu par la France, en juin 2012.

Ensuite, la création d’une Europe de l’alternance est proposée, afin de stimuler la mobilité des apprentis. Pour cela, nous avons suggéré d’élargir le dispositif Erasmus aux jeunes apprentis, qui ne peuvent y prétendre aujourd’hui.

M. Jean Arthuis. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous allons porter cette ligne de 8 milliards d’euros à 12 milliards d’euros sur la période 2014-2020.

M. Jean Arthuis. Excellent !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Enfin, la création d’entreprise par les jeunes devra être encouragée, par un accès facilité au crédit et grâce aux pépinières européennes, qui soutiendront ces initiatives. Les réseaux Erasmus et EURES seront développés.

Comme vous le voyez, il s’agit d’outils mis en place à l’échelon européen, et qu’il nous faut pleinement mobiliser.

Je vous indique également, monsieur le sénateur, que nous souhaitons mobiliser le plus rapidement possible la ligne de 6 milliards d’euros proposée dans le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020. Pour créer un effet de levier, nous désirons concentrer cette somme sur les années 2014 et 2015, plutôt que l’étaler sur sept ans, afin de nous placer aux côtés de la jeunesse qui attend un emploi en Europe, et l’aider à trouver cet emploi en Europe.

Je pense que le Président de la République ne manquera pas d’évoquer ce sujet ce soir, à l’issue de son entretien avec Mme Merkel. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.

M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse détaillée.

Cependant, je voudrais vous faire part d’un certain scepticisme face à cette multiplication d’initiatives nationales. Ces dernières, d’ailleurs, semblent irriter le commissaire européen à l’emploi, qui préférerait que la « garantie jeunesse » soit d’abord mise en œuvre.

J’ai tendance à penser que ces initiatives, prises sous la houlette de nos partenaires allemands, s’inspirent trop facilement du modèle d’outre-Rhin, dont le faible taux de chômage des jeunes serait l’une des grandes réussites, grâce, en particulier, à l’efficacité du dispositif d’apprentissage allemand.

Différentes études, y compris en Allemagne, ont pourtant montré les limites de ce système, qui semble avoir pour grand avantage de rapporter aux employeurs plus qu’il ne leur coûte, et de permettre, surtout, d’attirer des jeunes de pays européens en crise.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le ministre, depuis 2008, le budget annuel de l’Union européenne et, surtout, les cadres financiers pluriannuels dont il découle relèvent du domaine de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil. C’est l’une des grandes avancées du traité de Lisbonne.

Le problème tient au fait que nous nous retrouvons face à une anomalie démocratique : les cadres financiers pluriannuels sont toujours déterminés pour une période de sept ans, distincte de la durée des mandats au Parlement, soit cinq ans.

Ainsi, le cadre financier pluriannuel, dont les institutions européennes devraient accoucher, avec les difficultés que l’on connaît, dans les semaines qui viennent, fixera un cap extrêmement contraignant à l’assemblée européenne qui sera renouvelée, elle, en mai 2014.

À cette aberration de nature politique s’en ajoute une autre, de nature économique. En effet, on peut se demander s’il n’est pas absurde, vu l’évolution très rapide de nos sociétés et de nos économies, de prétendre bâtir une planification à horizon aussi lointain.

Je souhaite soulever un autre problème, celui de la fongibilité qui semble s’être établie au sein des grands chapitres du budget européen. Je pense notamment à la politique agricole commune, où on envisage la fongibilité des crédits entre la partie consacrée aux subventions agricoles, qui sont récurrentes et versées automatiquement, chaque année, et la partie budgétaire, dédiée au développement rural et au verdissement de la PAC. Il est évident que la seconde partie mettra beaucoup de temps à produire des effets. Compte tenu de l’étroitesse du budget voté, il y a donc de fortes chances que les subventions agricoles prennent le dessus, et que l’on ne soit pas en mesure de financer les changements structurels que la politique agricole commune mériterait.

Ainsi, monsieur le ministre, ma question est double. Premièrement, ne pensez-vous pas qu’il serait temps de faire passer la durée du programme pluriannuel de sept à cinq ans, et de faire élaborer ce dernier au cours des deux premières années d’une nouvelle mandature du Parlement européen ?

Deuxièmement, n’est-il pas urgent de se doter de garde-fous au sein des grands chapitres budgétaires de l’Union, entre les dépenses récurrentes, prévisibles et constantes tout au long du programme, et les politiques de transformation du modèle économique et social européen, qui renvoient à une montée en charge plus progressive ?