M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi ne traite sans doute pas de toutes les grandes questions qui intéressent le présent et l’avenir de nos collectivités, mais il aborde, dans certains cas avec pragmatisme, des enjeux importants. J’apprécie en particulier que nous nous engagions sur la voie d’une certaine diversité, et non plus sur celle de l’uniformité. La France n’a que trop souffert d’un État qui plaçait toutes les collectivités sous la même toise.

Las, votre projet de loi, mesdames les ministres, est largement inabouti. Il n’y a rien dans ce texte qui soit de nature à réellement clarifier les missions respectives du département et de la région. Il est vrai que la loi du 16 décembre 2010 ne tranchait pas non plus la question.

En rétablissant la clause de compétence générale tout en incitant chaque collectivité à s’investir principalement dans les domaines d’action qui lui sont propres, vous montrez que vous ne craignez pas la contradiction. Vous tentez également de donner davantage de consistance à la notion encore très floue de chef de file. Je ne suis pas certain que cette piste soit féconde.

Il est vrai que, en l’observant de manière théorique, notre système n’apparaît pas satisfaisant. Il comporte également l’inconvénient pratique d’alourdir les processus de décision et les charges de fonctionnement des collectivités, en multipliant les services d’instruction d'un même dossier. Notre système de financements croisés n’est toutefois pas dénué d’avantages. Il s’est construit empiriquement par des consensus locaux, départementaux et régionaux, qui permettent de dépasser les clivages autour de projets d’avenir. Mieux vaut un projet partagé à plusieurs qu’un projet imposé par une seule collectivité ! Cela vaut également mieux que de n’en avoir aucun.

C’est la raison pour laquelle, à structures territoriales inchangées, notre commission des lois a souhaité assouplir votre texte en veillant à éviter toute hiérarchisation des collectivités, de crainte de créer une forme de tutelle des unes sur les autres. Une tutelle de cette nature serait d’abord contraire aux dynamiques de consensus local entre collectivités. Elle serait ensuite contraire au principe de subsidiarité. Celui-ci implique que les collectivités ne s’emboîtent pas les unes dans les autres en fonction de leur taille, comme des poupées russes, mais s’articulent les unes aux autres en se déployant en fonction de leurs missions, complémentaires mais distinctes. La subsidiarité n’est pas la subordination et les intercommunalités ne peuvent être des succursales des départements, ni les départements des filiales des régions.

S’agissant des compétences dévolues à chaque chef de file, on voit bien que l’effort de clarification se heurte très vite à des zones de chevauchement qui peuvent en réalité occuper un espace très large. C’est le cas, par exemple, entre « aménagement du territoire », « solidarité des territoires » et « développement local », respectivement dévolus à la région, au département et au « bloc communal ». Nous touchons ici la limite objective de l’effort de rationalisation affiché par le Gouvernement.

Dans ces conditions, il vaut mieux ne pas chercher à accorder des pouvoirs excessifs aux collectivités chefs de file, notamment en multipliant les pactes, schémas, plans et programmes plus ou moins contraignants, qui seraient autant de vecteurs de bureaucratisation de nos collectivités et d’enfermement de leurs actions dans un carcan rigide. Ce n’est pas la bonne voie.

Il faut se méfier de l’émergence d’un centralisme régional tout autant que de la recentralisation rampante de l’action territoriale par l’État, que les transferts successifs de compétences, y compris, madame la ministre, ceux que vous avez annoncés, contribuent paradoxalement à aggraver.

J’en viens maintenant aux métropoles.

J’admets volontiers la diversité des régimes applicables aux plus grandes d’entre elles. Je constate, pour Lyon, un large accord sur une solution définie dans le détail entre élus. Je conçois que l’État reprenne à son compte cet accord. J’ai pourtant une interrogation et même une inquiétude quant au précédent ainsi créé, que nos débats permettront peut être d’atténuer. Je vois en effet, dans le projet de métropole lyonnaise, une rupture définitive de solidarité entre l’urbain et le rural, entre la métropole et les terroirs qui l’entourent. Il reste à démontrer que ce choix local peut être judicieux dans le Rhône, tout en n’étant probablement souhaitable nulle part ailleurs. C’est un risque que nous prenons. Si nous voulons ouvrir la voie aux libertés locales en sortant de l’uniformité, il faut fixer des limites de prudence à cette évolution.

S’agissant d’Aix-Marseille-Provence, la situation est bien différente. L’absence d’accord local sur le projet du Gouvernement est regrettable, mais il ne suffit pas à disqualifier ce projet. Celui-ci doit être évalué à l’aune de l’intérêt général. C’est bien notre rôle au moment d’écrire la loi.

Deux questions doivent impérativement être résolues.

Premièrement, il faut résoudre celle des charges de centralité assumées par la ville de Marseille pour le compte de l’ensemble de l’agglomération. De ce point de vue, Marseille n’est peut-être pas un cas unique, mais les difficultés rencontrées par la ville sont d’une ampleur particulière, eu égard aux évolutions constatées au fil des décennies dans la répartition de la population et au déplacement des activités économiques. De fait, nous ne pouvons l’ignorer, les problèmes se posent de plus en plus aujourd’hui à l’échelle de toute l’agglomération.

Deuxièmement, symétriquement, Marseille assume pour le compte de l’État des charges qui devraient être mieux partagées. Nous le savons tous, c’est le cas des marins-pompiers.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Oh oui !

M. Philippe Bas. Il est donc souhaitable de poser un cadre permettant de mettre en place un nouveau modèle de développement pour cette grande conurbation, avec plus de cohérence dans l’action, plus de solidarité locale et une participation de l’État plus équitable eu égard aux charges assumées par les collectivités. Si certains amendements, nécessaires, sont adoptés, le projet de loi peut y contribuer.

Enfin, vous vous donnez le temps de mettre en place la métropole parisienne, en reportant les échéances de regroupement intercommunal, tout en renforçant les contraintes de ce processus. Mais, alors que tout est pratiquement prêt pour le 1er janvier 2014, la remise en question du travail difficile accompli par les élus de l’Île-de-France pour faire progresser l’intercommunalité me paraît particulièrement déloyale. Qui plus est, il est tout de même curieux de devoir faire coexister une métropole et une région sur un périmètre presque identique. Nous cherchons, en vain, une raison objective à ce choix.

Ce texte manque peut-être d’ambition quand on le rapporte au projet d’écrire une troisième étape de la décentralisation après les lois de 1983 et de 2004, mais il ne manque pas d’intérêt si on laisse de côté les généralités sans grande portée contenues dans ses premiers articles, dont la commission des lois a souhaité, à juste titre, extraire le venin. Pour ma part, je serai attentif aux améliorations que nos discussions permettront d’obtenir, notamment pour faire en sorte que les nouvelles métropoles aient réellement les moyens de leurs ambitions. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE. – M. le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, tout d’abord, remercions le Gouvernement d’avoir eu la volonté et le courage de remettre en cause la réforme de 2010, qui était en train de mettre à mal trente ans de décentralisation réussie. Celle-ci déstabilisait le statut et le rôle des collectivités territoriales et fragilisait un édifice qui s’était pourtant renforcé au fil des années.

Le temps qui m’est imparti m’oblige à sérier mon intervention, en laissant à d’autres le soin d’évoquer la question des métropoles. Pour ma part, je concentrerai mon propos sur les premiers articles du projet de loi.

Concernant la notion de chef de file, je veux rappeler la définition de la loi de 2004 : « Lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. »

On voit bien que nous sommes là dans le champ du facultatif et du potentiel, mais, en aucun cas, dans celui du prescriptif aussi atténué soit-il, puisque le chef de filat relève de la volonté et de la capacité des acteurs locaux à se coordonner.

Pour ce qui nous concerne, nous n’attendons pas de l’État qu’il définisse d’en haut qui doit assurer le leadership dans tel ou tel domaine. Sortons d’une logique prescriptive pour promouvoir une logique de coopération contractuelle entre les principales collectivités.

Par ailleurs, la rédaction de l’article 3 du projet de loi, qui constitue une novation majeure en ce qu’il consiste à définir dans chaque ensemble régional un compromis de responsabilité, me paraît équilibrée. L’exemple le plus flagrant est le tourisme, que la commission propose de confier à la région pour des raisons, nous dit-on, économiques. Pourquoi reviendrions-nous sur le fonctionnement harmonieux de cette compétence…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission a évolué !

M. Bernard Cazeau. Je l’espère, mais je parle du texte de la commission !

Pourquoi reviendrions-nous sur le fonctionnement harmonieux de cette compétence, disais-je, qui, selon les cas, est souvent l’apanage des trois collectivités que sont la région, le département et la commune,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous vous avons entendu !

M. Bernard Cazeau. … chacune d’entre elles y puisant au travers de son action et de son positionnement l’essentiel de sa force de proposition ?

Le tourisme a été structuré au niveau des départements, avec le levier des comités départementaux de tourisme. Avant d’être un véritable moteur économique, monsieur le rapporteur, il faut parfois créer de toutes pièces, voire développer, une entité touristique qui doit son existence à la restauration patrimoniale, au développement des réceptifs et à la mise en œuvre d’actions spécifiques. Il faut construire cette entité avant qu’elle ne rapporte !

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !

M. Bernard Cazeau. En ce sens, le développement touristique est d’abord le résultat d’une politique d’aménagement du territoire portée et structurée par les départements.

C’est à la Dordogne, premier département touristique de l’intérieur, hors Île-de-France, que l’on doit d’avoir lancé les opérations menées dans la grotte de Lascaux, avec la fabrication du fac-similé, une innovation majeure pour pouvoir continuer à découvrir aujourd'hui le contenu des chefs-d’œuvre de nos anciens dans les grottes du paléolithique.

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !

M. Bernard Cazeau. Enfin, il faut arrêter de vouloir confiner le département au seul rôle des allocations sociales.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Bien sûr !

M. Bernard Cazeau. Comme personne ne veut s’en occuper, on laisse au département le soin de le faire !

Il faut aussi réaffirmer le rôle qu’a joué au fil des années le département en matière de solidarité et d’aménagement du territoire : c’est au niveau du département que s’est développé ou se développera la téléphonie mobile, le haut débit et, bientôt, le très haut débit, sans occulter, bien sûr, l’action qu’il mène sur la biodiversité, au regard de ce qui est fait depuis trente ans pour la préservation de la faune et des milieux humides, essentiels à la vie des espèces.

Dans le même état d’esprit, il me paraît très sage que la commission ait allégé les conditions d’exercice de la conférence territoriale de l’action publique, qui doit être effectivement un lieu de coordination de nos actions plutôt qu’un lieu d’affrontement et de remise en cause.

Voilà, en conclusion, mes chers collègues, quelques rapides éléments pour défendre une collectivité que je connais bien et qui doit, me semble-t-il, conserver une identité forte pour toutes les questions liées à la proximité. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, du groupe CRC, de l'UMP et du RDSE.)

M. Philippe Bas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roland Povinelli.

M. Roland Povinelli. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, je serai bref, mais incisif.

Depuis ce matin, je me demande si je suis dans un univers kafkaïen ou dans la réalité. Je ne vais pas reprendre tout ce qui a été excellemment dit par Jean-Noël Guérini, mais je rappelle que 109 maires sur 119, 6 sénateurs sur 8 – nos collègues Isabelle Pasquet, communiste, Samia Ghali, Jean-Noël Guérini et moi-même, socialistes – pour ce qui me concerne, je ne sais pas encore pour combien de temps ! –, ainsi que Sophie Joissains, UMP, sont d’accord. Pourtant, nous ne sommes pas fous. Nous ne sommes pas des élus ne voulant ni métropoles ni intercommunalités. Nous savons juste ce qu’il faut faire.

M. Nègre, maire de Cagnes-sur-Mer, a dit qu’il était pour la métropole.

M. Louis Nègre. Je persiste et signe !

M. Roland Povinelli. Gérard Collomb et Jean-Claude Gaudin ont dit la même chose.

Mais vous oubliez une chose, mes chers collègues, à savoir l’article 31 relatif à la métropole d’Aix-Marseille-Provence : « La métropole exerce de plein droit, » – de plein droit ! – « en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes […] » Je vous les passe, il y en a sept pages ! Elles y sont toutes, ou presque : on nous a quand même laissé l’état civil. Après tout, c’est bien, l’état civil…

M. Pierre-Yves Collombat. Oui, mais c’est une compétence de l’État !

M. Roland Povinelli. Il aurait été beaucoup plus courageux de fusionner les communes. Au moins, les choses auraient été claires !

Ce qui fait mal au socialiste que je suis, c’est que trente ans après les lois Mitterrand-Mauroy-Defferre de 1982, c’est un gouvernement socialiste qui propose aujourd'hui ce texte au Sénat. Il fallait le faire !

Même si je ne dispose que de quatre minutes, je veux tout de même vous rappeler quelques vérités.

M. Jean-Noël Guérini. Vas-y Roland, prends ton temps !

M. le président. Sur ce sujet, vous pouvez poursuivre, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Roland Povinelli. « Il est enfin temps de donner aux élus des collectivités territoriales la liberté et la responsabilité auxquelles ils ont droit.

« […] Il faut que les décisions soient prises là où elles devront s’appliquer, sur le terrain, par des hommes en contact direct avec les problèmes. »

Ces propos ont été tenus par Gaston Defferre à l'Assemblée nationale en juillet 1981. Ils vont exactement dans le sens contraire de ce que vous nous préparez avec la future métropole, si elle se fait, Marseille-Aix-Provence. Avec ce projet de loi, vous prévoyez de nous enlever non pas une compétence, mais toutes les compétences. Personne ne peut me dire le contraire, à moins que je ne sache pas lire le texte que j’ai sous les yeux.

Je vous l’ai dit, les maires ne sont pas fous : ils ne veulent pas conserver la mairie pour garder le pouvoir. Madame la ministre, vous qui avez été maire de Morlaix, vous le savez, quand on est maire, on aime sa commune, on la défend.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui !

M. Roland Povinelli. Elle est le sang qui coule dans vos veines, et on n’a pas envie de la voir disparaître d’un trait de plume.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !

M. Roland Povinelli. Certains maires souhaitent rejoindre une métropole – très bien ! –, mais respectons les élus de proximité qui ne le veulent pas !

Vous croyez qu’à Paris, avec 10 millions d’habitants et 45 000 employés municipaux,…

M. Roland Povinelli. … les Parisiens obtiennent un rendez-vous du jour au lendemain avec Bertrand Delanoë ? Nous, dans nos communes, nos concitoyens, ils sont reçus. C’est ça, la proximité !

Je veux dire aussi que Jean-Claude Gaudin est bien gentil, mais, quand on a été ministre, on doit s’arranger pour améliorer un petit peu le quotidien de sa ville. C’est ce que fait Alain Juppé à Bordeaux.

Madame la ministre, lorsque vous étiez présidente de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains – j’ai été membre du bureau national pendant des années –, vous avez déclaré : « La commune conservera toujours ses compétences. » On voit le résultat aujourd'hui !

Martine Aubry, le 27 mars 2010, lors du conseil national du parti socialiste, déclarait à propos de la réforme Sarkozy : « Le parti socialiste s’engage à abroger, dès son retour aux responsabilités… »

Jean-Pierre Raffarin a raison d’affirmer : « La commune est l’échelon de base de l’organisation territoriale. Le vrai médiateur de la République, c’est le maire. »

Lors du congrès des maires de 2008, Nicolas Sarkozy affirmait : « Je sais que ça gêne de dire cela, mais s’il y a une certaine qualité de vie spécifique à notre pays, c’est aussi parce qu’il a tant de communes qui permettent d’y vivre la démocratie au plus près du quotidien. Je n’ai pas l’intention que l’on y touche. »

Enfin, François Hollande indiquait le 20 novembre dernier lors du congrès des maires : « Oui, vous pouvez être fiers ! Vous êtes la France de toutes les convictions, de tous les engagements. »

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !

M. Roland Povinelli. « Notre démocratie a besoin de la commune ! »

Il y a un an et demi, quand nous étions dans l’opposition, j’étais allé voir au parti socialiste mon ami Laurent Fabius, qui était chargé de la réforme des collectivités locales avec Élisabeth Guigou. Il m’avait alors dit : « Roland, ne t’inquiète pas, si on gagne les élections l’année prochaine, on abrogera cette loi. »

Le président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, un certain Jean-Marc Ayrault, que j’avais rencontré ensuite, m’avait tenu les mêmes propos, de même que le premier secrétaire de l’époque, rue de Solferino.

M. Philippe Dallier. On va tout savoir ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Povinelli. Or je m’inquiète beaucoup : il est inadmissible, je le répète, qu’un gouvernement socialiste fasse ce qu’il est en train de faire aujourd'hui au Sénat ! (MM. Jean-Noël Guérini et Rachel Mazuir ainsi que Mlle Sophie Joissains applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali.

Mme Samia Ghali. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, avant d’entrer dans le vif du sujet, d’ouvrir une petite parenthèse pour répondre à Mme Lebranchu.

Madame la ministre, l’incident de tout à l’heure m’a beaucoup peinée et même blessée. Je considère qu’un membre du Gouvernement ne peut pas demander à une sénatrice de se taire, de ne pas avoir d’idées, de ne pas porter la contradiction lorsque l’intérêt du débat l’exige. Aussi, avec tout le respect que j’éprouve pour vous, j’espère que vos paroles ont dépassé votre pensée.

M. Jean-Noël Guérini. Ah, la pensée du ministre…

Mme Samia Ghali. Je l’espère sincèrement, car, si tel n’était pas le cas, il y aurait un vrai problème démocratique.

En ce qui concerne le projet de loi, je tiens à souligner, une fois de plus, que je ne suis pas opposée à la construction d’une coopération métropolitaine. Je sais pertinemment qu’il nous faut changer d’échelle si nous voulons rivaliser avec les grandes métropoles méditerranéennes et mondiales. Je crois que nous en sommes tous conscients, d’autant plus que notre territoire possède le potentiel pour y parvenir : nous avons ITER, le port de Fos-sur-Mer, troisième port pétrolier au monde, l’industrie pétrochimique et les raffineries, des CHU de niveau européen, la première université de France, un aéroport international et des gares multimodales, sans oublier nos sept pôles de compétitivité et nos pôles de recherche. Ces grandes richesses, nous avons à les mettre en synergie au sein d’un projet commun. Reste qu’avec ce projet de loi, dans sa rédaction actuelle, le Gouvernement ne semble pas vouloir se donner les moyens de cette ambition.

Mes chers collègues, il a déjà été question du département des Bouches-du-Rhône ; pour ma part, je parlerai de Marseille, même si le président Guérini m’a devancée.

Je considère que, pour l’instant, deux éléments essentiels font cruellement défaut : les finances, dont il a déjà été question, et des règles précises de gouvernance. Or, sans ces deux éléments, quoi qu’on en dise, la métropole ne restera qu’une déclaration d’intention, entraînant frustration et déception chez les Marseillaises et les Marseillais. Personnellement, je ne prendrai pas la responsabilité de ce nouveau malentendu !

Madame la ministre, vous savez que Marseille a fait l’objet d’un comité interministériel spécifique le 6 septembre dernier ; à cette occasion, le Premier ministre en personne est venu sur place pour affirmer que la deuxième ville de France devait être une priorité nationale.

Aujourd’hui, il faut que cette nouvelle étape de coopération métropolitaine soit l’occasion de passer enfin aux actes. Cette concrétisation nécessite que l’État accorde des moyens financiers supplémentaires pour permettre la réalisation de projets clairement identifiés, notamment à Marseille ; les besoins sont particulièrement criants en matière de transport. Métropole ou pas, nous ne pourrons jamais rattraper notre retard sans une aide importante de l’État !

Depuis le 6 mars dernier, le Grand Paris est doté officiellement de 30 milliards d’euros, destinés à assurer son développement et à garantir aux Franciliens une offre de transport efficace et modernisée. J’en suis heureuse pour Paris, comme je suis heureuse pour elles des aides dont Lyon et Nantes ont bénéficié pour leur développement.

M. Gérard Collomb. On n’a rien eu !

Mme Samia Ghali. Je suis heureuse pour ces villes qu’elles aient pu obtenir de l’État un peu d’argent, et même beaucoup. Je demande que, toutes proportions gardées, la construction métropolitaine marseillaise bénéficie du même traitement. Nous aussi, nous avons besoin de plusieurs milliards d’euros pour donner corps à notre évolution métropolitaine. Avec cet engagement fort de l’État, oui, la construction métropolitaine prendra tout son sens et nous atteindrons les objectifs fixés par le comité interministériel !

Madame la ministre, ce n’est pas avec les 50 millions d’euros supplémentaires évoqués que nous arriverons à rattraper le retard accumulé malheureusement par Marseille. J’évalue à 3 milliards d’euros sur douze ans, ce qui représente environ 200 millions d’euros par an, la somme nécessaire pour assurer à tous les Marseillais, qu’ils soient du sud, du nord, de l’est ou du centre de la ville, un égal accès aux transports publics. C’est pourquoi, comme je l’ai écrit au Premier ministre, une contractualisation précise avec l’État est indispensable sur l’identification des projets et des moyens.

Nous avons également besoin de règles claires et précises pour la gouvernance de la nouvelle assemblée et pour le mode de désignation de ses élus.

Aujourd’hui, 109 communes sur 118, dont 12 communes de la communauté urbaine de Marseille, se déclarent hostiles à l’idée d’entrer dans la métropole. Pourtant, toutes les communes sont prêtes à travailler ensemble !

Madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer la position du Gouvernement sur les deux questions précises que j’ai soulevées : l’engagement financier de l’État et les règles de gouvernance. (Mlle Sophie Joissains et M. le président de la commission des lois applaudissent.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)