M. Roland Courteau, rapporteur. C’est vrai !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. La contrainte budgétaire est réelle, il ne faut pas se le cacher ! Nous ne devons cependant pas exclure de recourir à ce type de dispositifs, caractérisés par une gouvernance partagée et produisant, généralement, des résultats d’une très grande qualité.

Le réseau Natura 2000 au large pourrait intervenir en 2015, après exploitation des campagnes d’acquisition de connaissances encore en cours, afin de répondre au besoin de constituer un réseau suffisant.

Ces initiatives démontrent une implication nationale forte dans la protection de l’espace méditerranéen. Toutefois, sans mesures prises au niveau international, elles ne seront pas suffisantes.

Les initiatives régionales et internationales qui existent ne sont pas toujours spécifiques à la Méditerranée. Je pense par exemple au troisième paquet de sécurité maritime « Erika III », que nous sommes en train de transposer et dont quelques dispositions figurent dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable, dite « loi DDADUE », en cours d’examen au Parlement. Ces dispositions majeures, non seulement pour les acteurs de la mer, mais aussi pour la protection des espaces littoraux, renforcent considérablement la sécurité juridique. Elles passent pourtant un peu rapidement dans les discussions parlementaires, en raison du consensus qu’heureusement elles suscitent.

Je partage une forme de frustration à cet égard. C’est pourquoi il faut profiter d’initiatives parlementaires, comme celle qui me conduit devant vous aujourd’hui, pour sensibiliser plus encore les différents acteurs de la mer. Saluons également les acteurs institutionnels, associatifs, les passionnés, qui par leurs initiatives participent à cette sensibilisation.

Le texte européen accroît considérablement les responsabilités de l’État côtier dans le domaine de la sécurité maritime et de la surveillance de la navigation maritime. À titre d’exemple, les inspections de sécurité des navires faisant escale dans les ports des États membres sont désormais coordonnées. Les centres de sécurité des navires de Sète et de Marseille réalisent plus de 500 inspections chaque année de navires étrangers faisant escale dans les ports français de Méditerranée. C’est un record ! Sachez que, en 2012, 1 233 inspections ont eu lieu à l’échelon national. On peut ainsi répondre à ceux qui s’inquiètent que les inspections sont à la hauteur des enjeux.

Les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, recueillent également depuis 2012 toutes les informations relatives au trafic maritime, aux accidents et incidents en mer et notifient ces informations au système européen d’échange de données pour la sécurité maritime – le Safeseanet –, par l’intermédiaire du portail national Trafic 2000.

La France et l’Italie ont en outre réglementé, il y a été fait référence, le passage des navires dans les bouches de Bonifacio, entre la Corse et la Sardaigne. L’Organisation maritime internationale a d’ailleurs approuvé, en juillet 2011, le classement des bouches de Bonifacio en zone maritime particulièrement vulnérable. Des discussions ont encore eu lieu récemment sur la nécessité de mettre en œuvre les moyens adéquats afin d’assurer la protection de ce lieu sensible.

S’agissant plus particulièrement de la surveillance des pollutions maritimes, le CROSS MED, dont le site principal est situé à La Garde et le site secondaire à Ajaccio, coordonne les missions de recherche et de constatation des infractions relatives aux rejets d’hydrocarbures et de substances nocives en mer. En 2012, 185 signalements de pollution ont été transmis et 148 d’entre eux, soit 80 %, ont été confirmés.

Au total, en cinq ans, le nombre de signalements a été divisé par deux : 350 en 2008, contre 185 en 2012. On pourrait croire qu’il s’agit d’une mauvaise nouvelle, mais, en fait, il convient de s’en réjouir. Cela signifie que le nombre de rejets illicites d’hydrocarbures a sensiblement diminué, notamment dans la zone économique exclusive.

Ces résultats positifs tiennent à plusieurs facteurs.

Tout d’abord, les obligations en termes d’enregistrement et de déclaration des déchets, qui incombent aux capitaines de navires, limitent la tentation de recourir aux « rejets opérationnels ».

Ensuite, un système de détection très efficace par satellite des pollutions a été mis en œuvre par l’Agence européenne pour la sécurité maritime.

En outre, il faut souligner le risque encouru de sanctions judiciaires en cas de constatation d’infraction. Le tribunal de Marseille prononce très régulièrement des condamnations pouvant aller de plusieurs milliers d’euros à 1 million d’euros. C’est particulièrement efficace !

Enfin, la France a signé deux accords qui prévoient une coopération efficace avec ses voisins en cas de survenance de pollution maritime.

Madame Herviaux, vous m’avez interrogé sur la nécessité de combler un manque dans le dispositif actuel de prévention des pollutions accidentelles. Vous avez notamment fait référence au gigantisme, tout comme Mme Jouanno. Reste que le gigantisme a parfois des effets positifs puisqu’il évite la multiplication de l’utilisation des combustibles marins, dont la teneur en souffre est élevée. Une directive européenne vise d’ailleurs à lutter contre cette pollution.

L’objectif est de réduire les conséquences d’un accident en mer en prévoyant une meilleure accessibilité aux polluants qui se trouvent dans les soutes et les cales.

M. Roland Courteau, rapporteur. C’est important !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il s’agirait d’accélérer leur récupération par les sauveteurs avant que ces produits ne se déversent en mer en adaptant l’emplacement des citernes dès la conception des navires et en y prévoyant les équipements nécessaires.

La France a présenté un amendement au projet de code polaire en cours de rédaction à l’OMI prévoyant des dispositions à ce sujet. La présidence norvégienne du groupe de travail sur le code polaire devrait prochainement ouvrir les discussions. Nul doute que nous pourrons nous en inspirer pour envisager de les généraliser à d’autres régions, même s’il faudra vérifier le caractère opérationnel de ces mesures pour la Méditerranée.

M. Roland Courteau, rapporteur. Très bien !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je souhaite également faire un point sur la question de l’exploitation pétrolière et gazière, sur laquelle M. Dantec m’a interrogé.

La France ne dispose d’aucune installation pétrolière et gazière en Méditerranée. S’agissant du permis dit « Rhône-Maritime », le Gouvernement a officialisé son intention de ne prendre aucun acte nouveau dans ce dossier, analysant la demande de renouvellement de ce permis comme irrecevable. Notre position est donc claire et tranchée.

Cela étant, des risques existent, vous les avez soulignés, monsieur le sénateur, liés à l’existence de plateformes à l’étranger dont il est difficile, M. le rapporteur l’a indiqué, de connaître tant l’état exact que les dates d’installation, de mise en place ou d’exploitation.

M. Roland Courteau, rapporteur. C’est vrai !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Dans certains pays, comme l’Égypte, la Lybie ou l’Italie, la question du vieillissement des installations se pose, ce qui ne veut néanmoins pas dire que toutes sont dégradées. Ce problème est d’autant plus sensible après l’accident survenu dans le golfe du Mexique.

Nous souhaitons que des initiatives viennent renforcer les conditions de sécurité et de protection de l’environnement, notamment dans le cadre de l’exploitation de plateformes en Méditerranée. C’est pourquoi nous multiplierons les contacts avec nos homologues de ces pays pour essayer d’obtenir des informations sur ces plateformes et avoir un suivi régulier de leurs conditions d’exploitation. Ces contacts se feront notamment dans le cadre du groupe de travail du protocole offshore de la convention de Barcelone.

Monsieur Dantec, vous m’avez également interrogé sur la zone économique exclusive en Méditerranée et la superposition des cartes déclaratives.

La délimitation française ne fait que reprendre la zone de protection écologique, qui lui est antérieure. J’ai eu l’occasion d’évoquer cette question à l’occasion du Conseil maritime de façade à Marseille. La déclaration unilatérale de l’Espagne ne provoque pas à proprement parlé un contentieux, même si les deux cartes ne correspondent pas, en particulier sur des zones qui pourraient faire l’objet de demandes d’autorisation d’exploitation d’hydrocarbures, mais il faut que nous parvenions à sortir par le haut de cette situation. Le ministère des affaires étrangères est ainsi en discussion avec nos amis espagnols et des réunions sont prévues avant l’été. À ce stade, nous avons fait état de notre opposition à la mise en place de ces zones de recherche, sachant que nous avons l’antériorité du classement en zone de protection écologique et que la zone économique exclusive ne s’oppose pas à cette réalité environnementale mais vient au contraire l’enrichir.

Par ailleurs, la recherche est une composante essentielle. Avec Geneviève Fioraso, nous sommes en train de mettre en place un protocole entre nos deux ministères, notamment pour affirmer l’importance de la recherche dans le domaine maritime.

Au sein du Conseil national de la mer et des littoraux, que j’ai installé le 18 janvier dernier, le comité spécialisé pour la recherche marine, maritime et littorale sera une instance d’interface et de discussion d’une grande utilité. Ses membres sont en cours de désignation. Nul doute que les réflexions, qui seront nourries par les remontées des contributions méditerranéennes dans le cadre des Assises de la mer et du littoral, permettront de faire un point très précis sur les enjeux de la recherche.

Sur le plan régional, la recherche française méditerranéenne est en train de s’organiser depuis 2012 avec des initiatives locales soutenues par les régions, comme la création de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale, de l’Institut méditerranéen d’océanologie à Marseille ou le projet d’une grande unité mixte de recherche IFREMER-CNRS-IRD à Sète-Montpellier pour 2015. J’ai eu l’occasion de saluer plusieurs acteurs de ces programmes, et je dois dire qu’il est particulièrement important que ce cluster dans le domaine de la recherche puisse être organisé et bénéficier des moyens croisés de différents ministères.

Sur le plan international, la Commission internationale pour l’exploration scientifique de la mer Méditerranée, la CIESM, a lancé une coopération multilatérale en Méditerranée et en mer Noire. Il s’agit d’un forum unique, qui profite beaucoup à cet espace maritime. Du reste, les chiffres sont assez éloquents : cette commission regroupe 3 000 chercheurs marins appartenant à plus de 500 instituts dans plus de trente pays.

Ensemble, nous devons soutenir cette commission qui œuvre pour surveiller, protéger et comprendre cet espace marin, ainsi que pour encourager la recherche. La France s’apprête ainsi à accueillir la quarantième conférence internationale de la CIESM, qui se tiendra du 28 octobre au 1er novembre 2013, à Marseille ; je participerai à cette conférence, qui sera une occasion supplémentaire de marquer tout l’intérêt que la France porte à ces enjeux.

Par ailleurs, comme vous l’avez signalé, monsieur Courteau, le programme de recherche MISTRALS vise à structurer la recherche sur le bassin méditerranéen en ce qui concerne le changement climatique et ses conséquences futures. C’est une initiative très intéressante, car les participants, issus des rives nord et sud de la Méditerranée, souhaitent créer un consortium de recherche, de formation et d’innovation pour cet espace.

D’autres projets existent également, que je ne peux pas tous citer ; je tiens seulement à signaler le rôle majeur joué par l’IFREMER.

À ce propos, madame Pasquet, vous avez eu raison de souligner l’importance de la flotte océanographique française. Je me suis déjà entretenu de cette question avec les acteurs de l’IFREMER à Toulon, et je sais qu’un renouvellement de cette flotte est nécessaire. Il y a une forte mobilisation à ce sujet : un travail d’analyse, de réflexion et de proposition est en cours, dans le but d’obtenir les financements importants nécessaires, en particulier à la rénovation du Marion Dufresne, l’un des plus grands navires hauturiers.

Il est important que vous ayez, par votre intervention, souligné la nécessité d’être attentif à l’enjeu que représente le renouvellement de cette flotte océanographique. Sachez que cette question me préoccupe également.

En matière de coopération, l’Agence française de développement contribue à bon nombre d’initiatives visant à relier le nord et le sud de la Méditerranée. Par exemple, dans le domaine du changement climatique, Météo France international joue un rôle très actif et a conclu plusieurs contrats de coopération de grande qualité. Il est important de mesurer la relation qui existe entre les questions maritimes et le changement climatique ; c’est pour cela que Météo France international doit prendre toute sa place dans la recherche et que nous devons lui accorder toute notre attention.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je conclurai mon intervention sur le thème de la gouvernance, car je crois que c’est un combat qui doit être très fortement mené.

Comme tous les orateurs l’ont souligné, un problème général de gouvernance se pose en Méditerranée ; il ne concerne pas seulement le problème de la prévention des pollutions. À l’inverse, c’est peut-être la prévention des pollutions qui permettra de faire avancer des coopérations entre les pays. Je suis persuadé que ce lien qu’est la mer peut nous faire réaliser des progrès.

Madame Pasquet, je suis d’accord avec le constat que vous avez dressé d’un blocage de la gouvernance, notamment au sein de l’Union pour la Méditerranée ; ce blocage ne peut être que regretté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun de vous connaît la situation. Je ne vais donc pas abuser plus longtemps de votre patience. Je tiens seulement à répéter que ce patrimoine maritime commun est un lien qui peut être un moyen de redonner une impulsion à la coopération dans le cadre de l’UPM. À la conférence d’Athènes, bon nombre de pays d’Afrique du Nord étaient représentés, en particulier la Tunisie et le Maroc. Il était important que la France soit également présente, pour montrer toute l’importance qu’elle attache au lien maritime comme facteur de coopération ; en tout cas, la demande de ces pays est très forte.

Pour ce qui concerne plus particulièrement la lutte contre la pollution, je crois que nous devons d’abord sauvegarder et renforcer les instruments de coopération historiques et opérationnels ; je pense notamment aux CROSS, à la convention de Barcelone et au plan d’action pour la Méditerranée. Les parties contractantes se sont engagées à prendre des mesures concrètes, par exemple dans les domaines de la réduction des apports en mercure, de la gestion des détritus et de la gestion des eaux de ballast – un enjeu majeur. La France s’emploie à progresser dans ces directions, d’autant plus qu’elle assure en ce moment la présidence de cette convention, ce qui lui confère une responsabilité accrue. Je souhaite que ce débat contribue à affermir encore notre mobilisation politique.

Il a été fait référence à une demande d’agence. Je ne sais pas si une agence supplémentaire est nécessaire, mais il est indispensable de consolider le processus qui est engagé. Vous pouvez compter sur ma détermination à cet égard.

Nous avons un espoir de reprise des discussions sur la dépollution dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée. Une étude a d’ailleurs été lancée en février dernier qui devrait être rendue à la fin de l’année 2013.

À l’aide de ces différents instruments et en se fondant, monsieur Courteau, sur votre rapport dont chacun a loué les vertus et la qualité, le Gouvernement continuera de développer les politiques qu’il a lancées, notamment les conseils de façade. Des initiatives ont été prises dans certaines régions, en particulier le Parlement de la mer, mais aussi dans le cadre du Conseil national de la mer et des littoraux. Un comité interministériel de la mer se tiendra vraisemblablement au mois d’octobre – je ne m’avance pas trop, car les dates sont toujours difficiles à tenir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la richesse de vos travaux et de vos interventions nous permettra d’entretenir le souci de ces enjeux importants et d’impulser les initiatives nécessaires, particulièrement dans le domaine du suivi scientifique. Pour cela, il existe une volonté politique qui, je le sais, est partagée dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la pollution en Méditerranée : état et perspectives à l’horizon 2030.

6

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

7

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 12 juin 2013, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 918 ancien du code civil dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 (Droit de propriété) (2013-337 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 13 juin 2013 :

De neuf heures à treize heures :

1. Projet de loi relatif à l’élection des sénateurs (n° 377, 2012-2013) ;

Rapport de M. Philippe Kaltenbach, fait au nom de la commission des lois (n° 538, 2012-2013) ;

Résultats des travaux de la commission (n° 539, 2012-2013) ;

Rapport d’information de Mme Laurence Cohen, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n° 533, 2012-2013).

2. Proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales (n° 554, 2012-2013) ;

Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois (n° 630, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 631, 2012-2013).

De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :

3. Questions cribles thématiques sur l’avenir des retraites.

De seize heures à vingt heures :

4. Suite de la proposition de loi autorisant l’expérimentation des maisons de naissance ;

Rapport de Mme Muguette Dini, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 368, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 369, 2012-2013).

5. Proposition de loi visant à instituer une évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus (n° 605, 2012-2013) ;

Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 637, 2012 2013) ;

Résultat des travaux de la commission (n° 638, 2012-2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART