M. Thani Mohamed Soilihi. Au début de notre discussion sur ce projet de loi constitutionnelle, j’ai entendu des affirmations selon lesquelles un large consensus et, donc, des concessions étaient nécessaires.

Le Gouvernement a fait des concessions. Il n’a eu de cesse de discuter, hier après-midi, hier soir et encore ce matin.

Je constate que, depuis le début, ces affirmations n’étaient que des affichages ! Ces affirmations, en réalité, n’appelaient pas au compromis. Les positions purement politiciennes ont prévalu. C’est regrettable.

Comme Mme la garde des sceaux vient de le dire, nous ne faisons pas ceci pour nous, nous ne faisons pas ceci pour la corporation des magistrats, nous le faisons pour que nos concitoyens aient plus confiance en notre justice et en notre système judiciaire.

Force est de constater que nous nous sommes heurtés à une opposition de principe. (M. Michel Mercier hoche la tête en signe de dénégation.) L’opposition s’est contentée de s’opposer. Elle n’a pas considéré l’esprit de consensus qu’ont bien voulu adopter aussi bien le Gouvernement que les groupes de la majorité. C’est dommage.

C’est la confiance dans notre système judiciaire et dans notre justice qui en pâtit.

Par conséquent, vous comprendrez aisément, mes chers collègues, que le groupe socialiste choisisse de s’abstenir sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Lors de la discussion générale, nous avons clairement indiqué quelles étaient nos positions de fond. J’ajouterai que, sur la forme, quand on veut la concertation, on la mène de telle manière qu’elle puisse réussir. Je ne pense pas que cela ait été le cas, depuis le début. On me dit qu’il y a eu une concertation avec le Premier ministre. J’y vais rarement – seulement quand on me le demande – mais, pour moi, une concertation qui se résume à lire la liste des textes qui seront proposés au Congrès me semble un peu rapide. Nous n’en débattrons pas davantage aujourd’hui.

Nous étions et nous sommes toujours favorables à ce que le Conseil supérieur de la magistrature soit composé à parité de magistrats et de personnalités qualifiées.

Or, ce matin, le rapporteur de la commission des lois annonce que la commission renonce à la proposition qu’elle avait elle-même formulée sur la désignation des personnalités qualifiées. M. le rapporteur a-t-il pris cette initiative après consultation de la commission des lois ? J’en doute. La position de la commission des lois sur ce point fondamental n’a donc pas été défendue. On y a même totalement renoncé, au profit d’un amendement du Gouvernement qui, bien que respectable – je pense que tout cela a été fait dans le souci de parvenir à un accord –, formule une conception de la parité qui relève du non-sens, je le dis comme je le pense. En effet, faire désigner les personnalités qualifiées par un collège dont deux des trois membres sont des magistrats, ce n’est plus de la parité ! Telle est la réalité.

Mon cher collègue, ce n’était pas le moment de faire des leçons de morale à propos d’arrière-pensées politiciennes. Lors de l’examen d’un texte constitutionnel, il faut de la concertation et de la cohérence. Tel n’a pas été le cas. Nous en avons tiré les conclusions qui s’imposent.

Nous avons dit très clairement que nous étions défavorables à l’autosaisine du CSM quant aux questions relatives à la notion générale d’indépendance, mais favorables à l’autosaisine en matière de déontologie et de sujets qui concernent l’indépendance de la justice.

Cette façon de procéder n’est pas raisonnable pour le gouvernement de la République, quelle que soit la sensibilité du Gouvernement en place.

C’est pourquoi nous voterons le texte tel qu’il est, non en fonction d’arrière-pensées, mais en tenant compte de ce que nous pensons de l’évolution de la situation.

Par ailleurs, on entend dire à longueur de journée que nos concitoyens font preuve de suspicion à l’égard de la justice et mettent en doute son impartialité. Pour ce qui me concerne, j’ai plaidé devant tous les tribunaux de France pendant trente-huit ans. Je peux vous l’assurer, celui qui perd son procès met très souvent en cause l’impartialité de la justice ; c’est humain. En réalité, il faut que nous ayons des magistrats compétents, de par leur formation, qui aient les moyens de faire leur travail, et des prisons dans lesquelles ne persistent plus les situations que nous dénonçons tous ensemble depuis des années. Voilà ce que nos concitoyens attendent ! (M. Alain Bertrand applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Comme nous l’avons vu au cours de l’histoire récente de notre République, une loi constitutionnelle résulte toujours d’un long et difficile parcours.

En l’occurrence, ce qui importe, c’est qu’un message clair est envoyé aux magistrats du parquet. Comme le Conseil constitutionnel mais à l’inverse de l’assemblée plénière de la Cour de cassation, le texte qui sera peut-être voté dans quelques instants, modifiant le statut des parquetiers de France, leur dit clairement : « Vous êtes des magistrats au plein sens du mot. »

M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai !

M. Michel Mercier. Si ce texte prospère, ces magistrats seront désormais nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et leur régime disciplinaire dépendra d’un conseil de discipline, qui sera la section compétente pour le parquet du Conseil supérieur de la magistrature. Leur statut sera donc aligné sur celui des magistrats du siège. Cette mesure était attendue depuis longtemps et recueille l’accord général.

À cet égard, la Constitution recueille un accord plus large que celui d’un seul parti ou d’une seule majorité gouvernementale ou politique. Il rassemble la plus grande partie possible des citoyens. Nous avons l’occasion aujourd'hui de dire : « Nous voulons conserver le parquet à la française et, pour ce faire, nous entendons le réformer et le mettre à l’abri des critiques qui peuvent être faites à son encontre, d’abord en droit interne, en modifiant le statut des magistrats qui le compose. »

Mes chers collègues, j’espère que nous nous accorderons tous sur cette modification du statut des membres du parquet. Sénat et Assemblée nationale continueront ensuite à délibérer afin de trouver un accord, puisqu’il ne peut y avoir de révision constitutionnelle que si les deux assemblées adoptent, en termes identiques, le texte de la réforme.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne peux pas laisser dire qu’il y avait une opposition de principe à toute réforme du CSM. C’est absolument faux ! Sans répéter les propos que j’ai tenus tout à l’heure, je pense même qu’un accord à la majorité qualifiée était possible sur au moins trois points, qui sont les trois points essentiels, sur lesquels la commission des lois est parvenue à un accord, c'est-à-dire l’indépendance du parquet – seul point, de surcroît le plus important, qui restera –, la parité de la composition du CSM et le mode de désignation des personnalités qualifiées.

Très franchement, je n’arrive pas à comprendre comment, dans un système prétendument démocratique, le fait de ne pas être élu vous donne plus de légitimité que le fait d’être élu. C’est tout de même un peu paradoxal. Dans un régime autocratique ou théocratique, Dieu parle directement et l’on sait forcément où est la vérité. Mais qu’on le veuille ou non, quels que soient les défauts que l’on peut reprocher au mode de désignation démocratique, en quoi les personnalités prétendument indépendantes sont-elles plus indépendantes que celles qui sont élues ? Je voudrais bien que l’on me l’explique !

Par ailleurs, je pense nous serions également parvenus à un accord sur la validation de la désignation de ces personnalités qualifiées grâce à l’obtention d’une majorité des deux tiers, ou, en cas de blocage, à l’organisation d’un troisième tour à l’issue duquel la majorité suffirait.

Si ce ne sont pas des avancées considérables, alors, qu’est-ce que c’est ?

Je peux simplement déplorer qu’on ait l’impression d’un échec. D’une certaine façon, c’est un échec puisqu’une seule mesure, certes la plus importante, sera adoptée. Si la concertation avait été organisée différemment, on aurait pu aboutir à un texte qui aurait satisfait suffisamment de monde pour que le Congrès puisse se tenir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Pour certains, quand on n’est pas d’accord avec eux, on est « politicien ». Ce n’est pas digne du niveau du débat ! Nous ne sommes pas politiciens. Nous l’avons dit, nous ne sommes pas d’accord avec la composition du Conseil supérieur de la magistrature telle qu’on nous la propose. C’est clair !

Je rappelle que, en 2008, le Congrès avait voté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés l’actuelle composition. Certes, les choses évoluent. Cependant, nous ne sommes pas d’accord avec les propositions qui nous sont faites, et je vais vous expliquer pourquoi. Les laïques estimaient qu’ils devaient être tellement laïques qu’ils devaient demeurer complètement en dehors du monde politique. Mais nous, nous avons tout de même un certain rapport avec la justice !

Madame la garde des sceaux, vous vous êtes un peu emportée à propos des attentes de nos concitoyens à l’égard de la justice. Ce n’est pas tellement la composition du Conseil supérieur de la magistrature qui est en cause. Peut-être, de temps à autre, des articles concernent-ils cette noble institution.

Mais quelle est la réalité quotidienne ? Nos concitoyens estiment que la justice ne répond pas, car certains contentieux durent très longtemps. Ils ont aussi un peu l’impression que les magistrats font partie d’une cléricature et qu’ils sont parfois assez éloignés de leurs préoccupations quotidiennes. Il faut de temps en temps avoir le courage de le dire. C’est ainsi ! Bien entendu, il y a d’excellents juges, mais on peut penser que, malgré une mobilisation des énergies pour accueillir le justiciable, notre système judiciaire comporte encore des marges de progression. En l’occurrence, je fais allusion non seulement au nombre de magistrats, mais aussi aux moyens affectés aux tribunaux notamment.

J’en reviens à l’avancée qui nous est proposée. Mais depuis 2008 les magistrats du parquet ne sont plus nommés sans avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui nous semble une bonne chose. Cette disposition, adoptée une première fois en 1998 puis revotée, n’avait cependant pas abouti. L’occasion nous est donnée aujourd'hui de l’inscrire dans la loi. Comme le disait Jacques Mézard, cela concourra à mieux faire comprendre aux institutions européennes ce qu’est le parquet à la française, même si la Cour de justice de l’Union européenne disposera encore de nombreuses raisons pour dire que les parquetiers ne sont pas des magistrats.

Aussi, nous voterons le texte tel qu’il résulte de nos travaux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je voudrais revenir très rapidement sur la position de la commission des lois et de son rapporteur.

Je parle sous le contrôle de M. Collombat, qui assistait à cette réunion. Hier matin, la commission des lois a accepté un amendement de compromis présenté par le Gouvernement qui se substituait à celui que j’avais fait adopter lors de la première réunion de la commission et qui prévoyait un collège formé de trois membres désignés par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, ainsi que du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près cette même cour et du président du Conseil économique, social et environnemental. Monsieur Mézard, la commission a donné hier matin un avis favorable à cet amendement.

Ce matin, le Gouvernement a présenté un second amendement qui allait plus dans le sens de ce que j’avais proposé lors de la première réunion de la commission. Il tend, en effet, à ce que trois des membres soient désignés directement par les autorités politiques et non par le collège. C'est pourquoi j’ai pensé, à titre personnel, pouvoir donner un avis favorable sur cet amendement.

Par ailleurs, je vous ferai remarquer, monsieur Mézard, que j’ai voulu donner un avis favorable ou, à tout le moins, m’en remettre à la sagesse du Sénat sur l’un de vos amendements, pourtant refusé par la commission, et qui concernait l’autosaisine. Mais j’ai été convaincu par les arguments des uns et des autres, notamment par celui qui visait le problème qui pourrait résulter de la mesure en termes d’indépendance. Et je parle toujours sous le contrôle de M. Collombat.

Pour terminer, je regrette que, au Sénat, il y ait des majorités à géométrie variable et que nous ne sachions pas toujours très bien quelle direction prendre…

M. Jean-Jacques Hyest. Eh bien, que la commission des lois ne travaille plus dans ces conditions !

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Je déplore que nous ayons sacrifié ce beau principe de notre démocratie qu’est la justice – et cette réforme en faisait partie – ainsi que les justiciables à nos petits intérêts politiques, qui ne sont même pas des principes. Je regrette également que nous soyons si peu nombreux dans cet hémicycle pour examiner un projet de loi constitutionnelle. Nous allons encore donner une mauvaise image de nous à nos concitoyens, qui nous dénigrent de plus en plus. Quel dommage !

M. Michel Mercier. Où est M. Placé, le président du groupe écologiste ?...

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 293 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 206
Pour l’adoption 185
Contre 21

Le Sénat a adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature
 

3

 
Dossier législatif : projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en oeuvre de l'action publique
Article 1er

Attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique (projet n° 626 rectifié, texte de la commission n° 676, rapport n° 675).

Nous en sommes parvenus à la discussion des articles du texte de la commission.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en oeuvre de l'action publique
Article 1er bis A (nouveau)

Article 1er

L’article 30 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 30. – Le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République.

« À cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales, qui sont rendues publiques.

« Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles.

« Chaque année, il publie un rapport sur l’application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement, précisant les conditions de mise en œuvre de cette politique et des instructions générales adressées en application du deuxième alinéa. Ce rapport est transmis au Parlement. Il peut donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Hyest, Vial et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 30 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 30. – Le ministre de la justice définit les orientations générales de la politique pénale. Il les adresse aux magistrats du ministère public pour application et aux magistrats du siège pour information. Il rend publiques ces orientations générales.

« Le ministre de la justice peut dénoncer aux procureurs généraux près les cours d’appel les infractions visées aux titres Ier et II du livre IV du code pénal dont il a connaissance et leur enjoindre, par des instructions écrites qui sont versées au dossier, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu’il juge opportunes. Les instructions du ministre sont motivées, sous réserve des exigences propres au secret de la défense nationale, des affaires étrangères et de la sûreté intérieure ou extérieure de l’État.

« Sous réserve des dispositions de l’alinéa précédent, il ne peut donner aucune instruction dans les affaires individuelles.

« Il informe chaque année le Parlement, par une déclaration pouvant être suivie d’un débat, des conditions de mise en œuvre de ces orientations générales. »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Lors de la discussion générale, notre collègue Jean-Pierre Vial a expliqué pourquoi les modifications apportées à l’article 30 du code de procédure pénale nous paraissaient dangereuses.

Dans cet amendement, nous reprenons une idée développée par le rapporteur. Nous souhaitons que le ministre de la justice puisse adresser aux procureurs généraux près les cours d’appel des instructions écrites, qui seront versées au dossier. En effet, ce qui a été dit s'agissant de l’adaptation ne nous paraît pas pertinent. Nous souhaitons que le garde des sceaux puisse saisir les procureurs généraux près les cours d’appel en cas d’inaction d’un parquet.

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf motif impérieux d'ordre public

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à rendre facultative la publication des instructions générales du ministre de la justice. Le garde des sceaux doit pouvoir, dans certains cas, adresser des instructions générales sans que celles-ci soient publiées.

Bien entendu, notre proposition ne vise pas les dossiers individuels, puisque les instructions individuelles sont supprimées. Nous pensons plutôt à certains dossiers de terrorisme, par exemple. Il faut donner au Gouvernement, qui « détermine et conduit la politique de la Nation », et au garde des sceaux, lequel applique cette politique dans le domaine de la justice, les moyens d’intervenir dans ces dossiers. À défaut, nous ne rendrions pas service à l’exécutif.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Hyest, Vial et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement va dans le même sens que l’amendement n° 4 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Hyest, Vial et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Il ne peut adresser au ministère public aucune instruction dans des affaires individuelles.

« Cependant, il peut signaler au procureur général les manquements aux instructions générales dont il a connaissance et lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de réquisitions conformes aux instructions générales.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement va lui aussi dans le même sens que l’amendement n° 4 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

instruction

insérer les mots :

, sous quelque forme que ce soit,

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Nous ne pouvons que nous réjouir que le projet de loi mette un terme à la pratique des instructions individuelles. Cependant, il nous semble important de préciser que ce sont toutes les formes d’instructions individuelles, qu’elles soient écrites – par courrier, courriel ou télécopie – ou orales, ou émanant d’un tiers, qui sont proscrites.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission est défavorable à l’amendement n° 4 rectifié ; je pense d'ailleurs que Jean-Jacques Hyest le retirera au profit de l’amendement n° 2 rectifié bis, auquel la commission est favorable sous réserve d’une rectification.

La commission est favorable à l’amendement n° 7 rectifié bis, puisque Jacques Mézard l’a rectifié conformément au souhait que nous avions exprimé.

La commission est défavorable à l’amendement n° 1 rectifié.

En revanche, comme je l’ai déjà indiqué, la commission est favorable à l’amendement n° 2 rectifié bis sous réserve d’une rectification. En effet, le premier alinéa de cet amendement est superflu, dans la mesure où l’alinéa 4 de l’article 1er du projet de loi prévoit déjà que le ministre de la justice ne peut adresser aux magistrats du ministère public aucune instruction dans des affaires individuelles.

M. le président. Monsieur Hyest, acceptez-vous de rectifier votre amendement comme vous le demande M. le rapporteur ?

M. Jean-Jacques Hyest. Oui, je le rectifie ainsi, monsieur le président, et, par conséquent, je retire l’amendement n° 4 rectifié.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 2 rectifié ter, présenté par MM. Hyest, Vial et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, et ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Cependant, il peut signaler au procureur général les manquements aux instructions générales dont il a connaissance et lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de réquisitions conformes aux instructions générales.

Par ailleurs, l'amendement n° 4 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il y a eu un très long débat en commission lors de nos deux réunions. Finalement, nous nous sommes mis d'accord sur cette rédaction. Celle-ci prévoit – je le souligne à l’intention de Mme la garde des sceaux, afin qu’elle comprenne bien ce que nous avons voulu dire – que le ministre de la justice est responsable de la politique pénale devant le Gouvernement et que, pour exercer cette responsabilité et mettre en œuvre cette politique, il peut adresser des instructions générales aux procureurs de la République. Ces instructions sont rendues publiques, sauf lorsque l’intérêt public exige qu’elles ne le soient pas.

Si le ministre de la justice est informé, par un procureur général ou par toute autre personne, qu’un procureur de la République n’applique pas les instructions générales qu’il a reçues – qu’il ne poursuit pas ou qu’il ne prend pas les réquisitions opportunes, par exemple –, il pourra demander au procureur général – on passe toujours par ce dernier – d’enjoindre au procureur de la République récalcitrant d’appliquer la politique générale du Gouvernement.

J’en viens à l’amendement n° 6. La commission est défavorable à cet amendement, car il est contradictoire avec la rédaction qu’elle a adoptée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements restant en discussion ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. L’amendement n° 7 rectifié bis concerne un sujet extrêmement important. Il vise à nuancer l’obligation, introduite par l’Assemblée nationale, de rendre publiques les circulaires du garde des sceaux. J’avais déjà exprimé à l’Assemblée nationale ma réticence, et même mes fortes objections, dans l’intérêt de l’État et de la société.

Les circulaires ne sont pas confidentielles ; elles sont publiées au Bulletin officiel et parfois au Journal officiel. Il peut y avoir des circonstances et des contentieux particuliers qui justifient que le garde des sceaux donne, au nom de l’exécutif, des orientations aux parquets généraux et aux parquets sans que ces orientations soient rendues publiques.

Dans la mesure où les circulaires ne sont pas confidentielles, le pouvoir discrétionnaire, qui n’est pas un pouvoir arbitraire mais une responsabilité, de ne pas publier toutes les circulaires me semble de nature à protéger la société et à rendre plus efficace l’action de la justice dans un certain nombre de contentieux.

L’amendement n° 7 rectifié bis a l’avantage d’atténuer l’obligation de publication. Cependant, comme j’en ai informé la commission, je préférerais que l’obligation soit supprimée. (M. le rapporteur s’exclame.) À défaut, il y aura constamment des querelles sur l’appréciation du « motif impérieux d’ordre public » qui justifie l’absence de publication. Par conséquent, tout en remerciant le RDSE d’avoir ouvert le débat, je dépose un amendement visant à supprimer l’obligation de publication des circulaires du garde des sceaux. (M. le rapporteur s’exclame de nouveau.)

M. le président. Je suis saisi de l’amendement n° 17, présenté par le Gouvernement, et qui est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

, qui sont rendues publiques

Veuillez poursuivre, madame la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1 rectifié, qui prévoit de supprimer l’alinéa 4 aux termes duquel le ministre de la justice ne peut adresser aucune instruction dans des affaires individuelles. En effet, au travers de cet amendement, il s’agit de rétablir la rédaction actuelle de l’article 30 du code de procédure pénale, c'est-à-dire d’autoriser les instructions individuelles. Or la suppression des instructions individuelles est l’une des deux finalités de ce projet de loi, la seconde étant la réorganisation des attributions du garde des sceaux, qui est responsable de la politique pénale sur l’ensemble du territoire, et de ses relations avec le parquet général et le parquet, dont les magistrats sont, aux termes de l’article 5 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, « placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice ».

J’en viens à l’amendement suivant. Je sais qu’il y a une interrogation sur les instructions individuelles, mais je vous demande simplement d’entendre les réponses qui sont faites et de les apprécier, c’est-à-dire de les analyser et de les juger.

Je conçois que vous puissiez être inquiets, car vous vous dites qu’il peut y avoir des situations particulières dans lesquelles il serait nécessaire que le garde des sceaux donne une instruction individuelle.

Essayons de réfléchir à ce que peuvent être ces situations. Comme le dit très clairement l’article 30 du code de procédure pénale, le garde des sceaux donne des instructions générales et impersonnelles. Il peut les donner de façon générale sur les orientations de politique pénale – tel a été l’objet de ma circulaire du 19 septembre 2012 –, mais il peut aussi les donner sur des contentieux particuliers pour l’ensemble du territoire.

M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !