M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat intervient deux mois après l'examen par notre assemblée du programme de stabilité européen. Depuis lors, la situation économique n’a pas fondamentalement évolué et les perspectives restent incertaines, ce qui explique que le Gouvernement n’ait modifié qu’à la marge sa trajectoire des finances publiques. En effet, le Gouvernement tient compte de l’exécution 2012, qui, comme nous l’avons exposé lors de l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012, s’est révélée un peu moins bonne que prévu. Pour autant, il ne révise pas la trajectoire, par exemple en fonction d’hypothèses concernant l’évolution des recettes fiscales en 2013.

Personne, et cela est assumé pleinement, ne nie les risques liés à l’évolution des recettes. Force est toutefois de reconnaître qu’il est bien difficile de tirer des conséquences des indications que nous avons à ce stade de l’année, d’autant que certaines d’entre elles, concernant par exemple la TVA, laissent songeur tant elles sont volatiles ces derniers mois. Ainsi, aux mois d'avril et de mai derniers, la situation était tout à fait contrastée, la situation du mois de mai s'étant fortement améliorée par rapport à celle du mois précédent.

Une partie de cet hémicycle nous presse de retenir tout de même les hypothèses les plus pessimistes pour procéder au plus vite à de nouveaux ajustements dans le cadre d’un collectif budgétaire. Peut-être certains de nos collègues sont-ils nostalgiques des années où nous examinions trois ou quatre projets de loi de finances rectificative, alors que cela n’avait permis ni de maîtriser totalement les dépenses publiques ni de rétablir les recettes à leur niveau du début de la législature.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est évidemment pas une solution. En effet, vouloir, à chaque baisse des prévisions de croissance, mettre un « tour de vis » supplémentaire, qu’il soit budgétaire ou fiscal, pour garder inchangé un objectif de déficit public par rapport au PIB serait absurde. Au-delà de l’absence de visibilité et de consistance, disons clairement qu’une telle politique serait totalement procyclique et nous entraînerait dans une inquiétante spirale de décroissance.

De plus, une telle politique n’est ni réclamée par nos partenaires ni recommandée par les institutions internationales. Au contraire, une prise de conscience a eu lieu, notamment grâce à la position constante de la France portée par le Président de la République dès le lendemain de son élection, qui vise à concilier sérieux budgétaire et soutien à la croissance en Europe. Chacun peut aujourd'hui reconnaître que ce discours de la France, dès le mois de juin 2012, a été progressivement partagé par nombre de nos partenaires européens, ce dont on peut se réjouir.

Ainsi, une mission récente du FMI estime que « la stabilité des finances publiques exige que l’effort de consolidation soit poursuivi à moyen terme. Après trois années d’ajustement budgétaire substantiel, il existe une marge pour modérer à l’avenir le rythme de la consolidation, à condition que l’effort soit concentré sur les dépenses et soutenu par la poursuite des réformes structurelles ». Pour sa part, l’Union européenne devrait nous accorder, comme à quelques autres États, deux années supplémentaires pour revenir sous la barre des 3 % de déficit public.

Ce délai ne doit pas nous conduire à dévier de notre politique, qui est résolument engagée vers le retour à l’équilibre structurel, car nous prendrions immédiatement le risque d’en payer le prix, vis-à-vis de nos partenaires européens comme de nos créanciers. Au contraire, il confirme le bien-fondé de notre trajectoire, que l’on pourrait résumer dans deux phrases figurant dans les lettres plafonds que le Premier ministre a envoyées aux ministres il y a quelques jours : « Le ralentissement économique qui touche l’ensemble de l’Europe depuis l’été 2011 pèse sur la réduction de notre déficit nominal et justifie que le rythme de sa réduction soit adapté afin de ne pas fragiliser la reprise économique. Dans ce contexte, nous devons confirmer notre engagement de maîtrise de la dépense publique comme levier principal de la réduction de notre déficit structurel et du redressement de nos finances publiques. »

Nous pouvons tous partager un constat, celui de la difficulté de procéder au redressement de nos comptes publics dans une conjoncture économique très déprimée, en Europe et dans le reste du monde. Dans ce contexte, nous devons éviter deux excès inverses : le laxisme et l’austérité. Le premier mettrait en cause notre crédibilité et nos engagements européens, sans compter qu’il reporterait une fois de plus la charge de l’ajustement sur les générations futures ; le second favoriserait une récession qui nuirait en retour à notre capacité à redresser nos comptes publics et à la reprise attendue en 2014.

Par conséquent, la seule option nous permettant de concilier sérieux budgétaire et croissance économique consiste à respecter notre trajectoire d’ajustement structurel, qui permet de sécuriser notre retour vers l’équilibre tout en laissant jouer les stabilisateurs automatiques, donc en limitant l’impact récessif.

Cet ajustement, on le sait, portera désormais principalement sur les dépenses, à hauteur de 70 % dès 2014. Le choix de faire principalement porter l’effort sur les recettes en 2012 et en 2013 était pleinement justifié : d’abord, parce qu’une baisse des dépenses publiques aurait eu un impact négatif plus important sur la croissance ; ensuite, parce que les réductions de dépenses publiques ne se décrètent pas. Pour être acceptées, durables et intelligentes, elles supposent une réflexion et une concertation, que le Gouvernement a engagées dans le cadre de la modernisation de l’action publique. Nous voyons d’ailleurs les résultats très concrets des premiers travaux menés dans ce cadre, s’agissant par exemple des aides aux entreprises. La suite de ces travaux, dont le champ est très large, permettra d’éclairer les choix que nous devrons faire au cours des prochaines années pour amplifier et consolider notre effort sur les dépenses publiques.

Le niveau d’ajustement prévu pour 2014 a vocation à satisfaire à l’objectif, ambitieux, des 3 % en fin d’année. Il est possible que nous n’atteignions pas cet objectif, tant les recettes dépendent de la croissance et, de surcroît, d’une élasticité qu’il est impossible de prévoir. Toutefois, en retenant les hypothèses de croissance les plus dégradées disponibles actuellement – nous avons débattu de cette question hier en commission des finances –, nous respecterions les conditions fixées par l’Union européenne, sous réserve toutefois que nous respections bien l’effort prévu, en particulier concernant les dépenses de l’État et de sécurité sociale, sur lesquelles le Gouvernement a le plus de maîtrise.

S’agissant de la capacité à maîtriser l’évolution des dépenses publiques et, dès demain, à réduire les dépenses de l’État, il me semble que la démonstration n’est plus à faire : comme nous l’avons vu, pour la première fois, l’État a dépensé moins en 2012 que les années précédentes, y compris en tenant compte de la charge de la dette et des pensions. En 2014, les dépenses, hors charge de la dette et pensions, devraient diminuer de 1,5 milliard d’euros, effort qui mettra à contribution non seulement l’État, mais aussi les collectivités territoriales et les opérateurs.

Les plafonds de crédits des missions qui nous ont été communiqués montrent que cette réduction n’empêche pas le Gouvernement de financer ses priorités et de respecter ses engagements, comme les créations d’emplois dans l’enseignement, la justice et la sécurité. Mais ce choix exigeant devra, pour être approfondi, s’appuyer dès 2015 – permettez-moi d’insister sur ce point – sur des réformes structurelles revisitant le périmètre et les modalités d’intervention de l’ensemble des acteurs publics.

S’agissant des recettes, il faudra trouver des recettes nouvelles en 2014. Je considère pour ma part qu’il est nécessaire, dès le prochain projet de loi de finances, d’engager la transition vers la fiscalité écologique, en fixant une trajectoire sur plusieurs années. Je précise bien qu’il ne s’agit pas d’augmenter les impôts au-delà de ce qui doit être fait pour assurer notre trajectoire, d’autant que la fiscalité écologique constitue une partie de la compensation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui a permis de réduire le coût du travail pour les entreprises.

D’aucuns considèrent qu’il serait beaucoup plus facile et acceptable de le faire dans une période de forte croissance et de faible pression fiscale ; j’en conviens volontiers, mais il ne me semble pas qu’il faille renoncer pour autant à l’idée que la fiscalité peut contribuer à transformer nos comportements. Notre détermination à tenir le cap vers l’équilibre structurel ne doit pas nous empêcher de transformer notre pays et de le préparer aux défis de demain. C’est ce que le Gouvernement entend faire à travers l’investissement en faveur de l’école, la modernisation de l’action publique, l’amélioration de la compétitivité des entreprises ou encore l’annonce prochaine d’un plan d’investissement pour les dix ans à venir, qui concernera le numérique, la transition énergétique, la santé, les grandes infrastructures et, d’une manière générale, les nouvelles technologies.

Mes chers collègues, j’ai le sentiment, conforté par les propos tenus aujourd’hui par Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve, que la France prépare l’avenir dans de bonnes conditions. Les réformes structurelles sont engagées, la situation budgétaire du pays s’améliore déjà et s’améliorera encore plus en 2014.

Mme Michèle André. Très bien !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ces dernières semaines, nous avons reçu Olli Rehn à la commission des finances, nous avons rencontré le président de la Banque centrale européenne, nous avons effectué un déplacement aux États-Unis, nous avons entendu des économistes et des experts du FMI et de l’OCDE. Nombre de nos interlocuteurs nous ont dit que la France devait avoir davantage confiance en elle-même.

Au cours de ces entretiens, j’ai donc acquis la conviction que la confiance est un privilège.

Mme Michèle André. Absolument !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est un privilège pour ceux qui la reçoivent – messieurs les ministres, nous sommes prêts à vous accorder la nôtre – et aussi pour ceux qui, comme nous, croient en l’avenir de notre pays et veulent offrir de nouvelles perspectives à notre jeunesse. Veillons sur ces travées à faire partager le plus largement possible ce sentiment ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette année encore, la commission des affaires sociales a la volonté de contribuer au débat sur l’orientation des finances publiques, en apportant un éclairage particulier sur la situation des finances sociales.

Je souligne que la couverture des risques sociaux constitue, à ce jour, le premier poste de dépenses des administrations publiques et que, en 2014 comme en 2013, les organismes de sécurité sociale participeront de manière substantielle à l’effort structurel annoncé par le Gouvernement.

Cet effort me paraît bienvenu.

Il correspond d’abord à l’application des lois de la République. Je vous rappelle à cet égard – nous avons une fâcheuse tendance à l’oublier – que le principe d’équilibre des différentes branches qui composent le régime général est inscrit dans le code de la sécurité sociale.

Cet effort répond ensuite à la mise en œuvre d’un principe de bonne gestion. Si le poids de la dette sociale ne représente aujourd’hui que 10 % du PIB, il nous expose en effet à des risques financiers importants et affaiblit considérablement la crédibilité de notre système de protection.

Cet effort répond enfin à un principe de justice. Financer les prestations sociales d’aujourd’hui par des déficits et de la dette revient – nous l’avons souvent souligné dans cet hémicycle – à reporter des charges sur les générations à venir, tout en hypothéquant le niveau de leur protection sociale. Une telle situation est économiquement, socialement et moralement inacceptable.

J’ai détaillé dans mon rapport écrit la situation des comptes du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, au vu de la clôture de l’exercice 2012 et des prévisions présentées, au début du mois de juin, par la commission des comptes de la sécurité sociale. J’y rappelle que les prévisions fixées en loi de financement ont été atteintes en 2012. Le déficit d’ensemble des différentes branches du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse est ainsi repassé, pour la première fois depuis 2008, sous le seuil symbolique des 20 milliards d’euros, pour s’établir à 17,5 milliards d’euros. À lui seul, le solde des différentes branches du régime général s’est amélioré de plus de 4 milliards d’euros par rapport à 2011.

Ce déficit reste sans doute trop élevé. Toutefois, dans un contexte économique pourtant moins favorable, il marque une amélioration de plus de 10 milliards d’euros par rapport au point bas historique atteint en 2010. Cette amélioration de la situation financière du régime général est pour partie liée à la maîtrise des dépenses d’assurance maladie. L’ONDAM, l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie, a ainsi été établi à 170 milliards d’euros en 2012, soit 870 millions d’euros de moins que l’objectif fixé par la loi de financement.

Reste que cette amélioration des comptes sociaux est surtout le fruit des nouvelles recettes votées dans le cadre du collectif budgétaire du 16 août dernier. Les mesures de suppression des niches sociales et le relèvement des taxes sur le capital, que la majorité sénatoriale avait déjà proposé en vain dans le cadre du PLFSS pour 2012, ont largement contribué à la croissance des produits du régime général.

Le découvert de trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, s’est quant à lui établi à plus de 16 milliards d’euros au 31 décembre 2012.

En ce domaine, nous devons garder à l’esprit que si la reprise annuelle des déficits de la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et du FSV est programmée jusqu’en 2018, rien à ce jour n’est prévu pour celle des déficits des branches maladie et famille. Ces déficits, financés en trésorerie par l’Agence, contribuent donc à peser sur les résultats de l’ACOSS et à dégrader les comptes du régime général. Certes, au regard des taux courts particulièrement attractifs dont bénéficient les organismes publics, la question du transfert des déficits résiduels à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, est sans doute moins stratégique qu’il y a quelques années. Toutefois, dette et trésorerie ne doivent pas être confondues, et nous devons nous interroger, comme nous y incite d’ailleurs la Cour des comptes, sur les conditions d’un éventuel transfert à la Caisse d’amortissement de l’ensemble des déficits constatés.

Si l’année 2012 a connu un recul considérable des déficits sociaux, l’année 2013 sera marquée par leur stabilisation.

Pénalisé par une croissance atone et une progression de la masse salariale moins dynamique que prévue, le déficit du régime général et du FSV devrait s’établir à 17,3 milliards d’euros en fin d’année, soit une amélioration de 200 millions d’euros par rapport à 2012.

En dépit de 5 milliards d’euros de recettes nouvelles, le solde du régime général devrait quant à lui se dégrader de 1 milliard pour atteindre 14,3 milliards d’euros.

Tous postes confondus, les dépenses de l’ONDAM seront pourtant à nouveau contenues. Cependant, le très faible dynamisme des ressources de la CNAM, la Caisse nationale d’assurance maladie, en particulier la faible progression des recettes de CSG, contribuera à aggraver le déficit de la branche.

Le même paradoxe est perceptible concernant les comptes de la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF. En dépit du ralentissement des dépenses, les comptes de la branche famille seront pénalisés par la décélération de ses recettes.

Les comptes du régime général sont, en temps de crise, une illustration du mythe de Sisyphe !

Malgré les recettes supplémentaires, malgré la maîtrise des dépenses, le déficit diminue à peine, traduisant l’importance de l’évolution de la masse salariale et l’existence de déficits structurels non corrigés en période de conjoncture favorable.

Au total, près de 13 milliards d’euros de recettes nouvelles auront été votées entre septembre 2011 et septembre 2012, pour une réduction effective des déficits de 3 milliards d’euros. Nous n’avons certes pas à regretter ce choix. En l’absence de mesures correctrices, le déficit avoisinerait les 26 milliards d’euros et les perspectives financières seraient de nouveau catastrophiques. Néanmoins, l’écart entre les efforts réalisés et les résultats obtenus met en évidence le chemin restant à parcourir pour atteindre l’équilibre des comptes sociaux.

Cet équilibre comptable n’est certes pas une fin en soi. En période de crise, notre système de protection doit bien évidemment jouer son rôle « d’amortisseur » social. C’est l’un des piliers de notre « pacte républicain » ! Mais comment pourrait-il continuer à garder son efficacité lorsque le niveau des déficits est tel qu’il remet en cause la soutenabilité des politiques qu’il porte ?

Dans ces conditions, il convient de saluer les réformes engagées par le Gouvernement et le respect, par celui-ci, de la feuille de route déterminée à l’issue de la conférence sociale de juillet 2012. Je pense en l’occurrence à la réforme de la politique familiale, largement inspirée par les travaux menés par Bertrand Fragonard, qui devrait en améliorer le caractère redistributif et procéder à des adaptations conformes aux besoins d’aujourd’hui. Les mesures proposées par le Gouvernement permettront ainsi de garantir des ressources supplémentaires aux familles les plus vulnérables, tout en améliorant les comptes d’une branche en déficit chronique depuis dix ans.

Je tiens à le préciser, en proposant la réduction du montant du plafond de l’avantage fiscal accordé au titre du quotient familial plutôt que la mise sous condition de ressources des allocations, la réforme envisagée me paraît opportune, et ce pour au moins trois raisons. D’abord, elle confirme le principe d’universalité des prestations familiales, auquel nous sommes toutes et tous attachés. Ensuite, elle conforte les acquis d’une politique familiale qui a donné d’excellents résultats. Enfin, elle évite de faire peser sur les CAF, les caisses d’allocations familiales, de nouvelles contraintes administratives susceptibles d’altérer leur fonctionnement.

La réforme des retraites sera l’autre grande réforme de l’automne, et les conclusions rendues par la commission Moreau ouvrent la voie à une dernière phase de concertation. Après l’accord conclu entre les partenaires sociaux le 13 mars dernier sur les régimes complémentaires, il s’agira d’une nouvelle étape vers la réduction des déficits d’une branche susceptibles de passer, tous régimes confondus, de 15 milliards d’euros en 2013 à plus de 20 milliards d’euros dès 2016.

Famille, retraites et, je me permets de l’ajouter, renégociation de la future convention d’assurance chômage, programmée en fin d’année, tels sont, mes chers collègues, les dossiers qui seront au menu de nos discussions de l’automne. Il s’agit de sujets sensibles sur lesquels chacun prendra ses responsabilités, d’enjeux essentiels sur lesquels nos concitoyens pourront nous juger et de thèmes structurants qui conditionneront l’avenir de notre pays.

Puisque nous sommes réunis aujourd’hui pour préparer les textes financiers de l’automne, je souhaiterais conclure mon propos en faisant état des récents travaux du Haut Conseil de financement de la protection sociale, qui, dans son rapport d’étape du 3 juin dernier, a dégagé quelques principes de bon sens susceptibles de guider l’évolution de la structure de financement des régimes sociaux.

Alors que nous dénonçons régulièrement la complexité des modalités de financement de notre protection sociale, de telles recommandations, si elles étaient suivies, permettraient sans doute de gagner en cohérence et intelligibilité. Le Haut Conseil préconise ainsi la définition de schémas de financement pérennes pour chacun des grands risques de la protection sociale. Il appelle également à la prise en compte de la dynamique des diverses sources de financement. Il nous est en effet arrivé – certains s’en souviennent certainement – de substituer des produits peu dynamiques à des ressources en forte progression. Je pense plus particulièrement au préciput assurance vie, attribué à la CNAF en lieu et place d’une part de CSG,…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … dont le rendement diminue de 200 millions d’euros par an, pour s’éteindre définitivement en 2020.

Le Haut Conseil préconise enfin, et surtout, l’amélioration de la gouvernance des modes de financement de la protection sociale, grâce à la publication dans une annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale des données relatives aux dépenses et aux recettes de l’ensemble des régimes de protection sociale, y compris les régimes complémentaires de retraite et d’assurance chômage.

Cette innovation, que j’avais déjà appelée de mes vœux lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, est essentielle. Compte tenu des effets sensibles de l’évolution des résultats de l’UNEDIC et des régimes AGIRC et ARRCO sur les comptes de la protection sociale, une telle publication permettrait enfin à la représentation nationale d’assurer un suivi global, rapproché et régulier des modes de financement de l’ensemble des dépenses de protection sociale par grands risques.

J’ai bon espoir que ces principes guident notre action au cours des mois à venir, afin de renforcer la lisibilité et, par conséquent, l’acceptabilité de notre système de protection sociale.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, réduire la dépense publique par tous les moyens parce qu’il faut réduire les déficits et la dette, voilà le leitmotiv ! Même si cela a quelque peu l’apparence de la rengaine, voyons ce qu’une telle perspective pourrait donner pour 2014, s’agissant de l’État comme de la sécurité sociale.

Dès lors que l’on a approuvé le traité budgétaire européen, on doit être prêt, en 2014, à soutenir une énième réforme des retraites qui va allonger la durée de cotisation, repousser l’âge de départ et mettre en cause le pouvoir d’achat des retraités. Tant pis pour les jeunes diplômés qui attendent d’occuper les emplois auxquels les « seniors » seront contraints de s’accrocher !

Ajoutons la hausse des droits sur le tabac, du forfait hospitalier, quelques déremboursements de plus, et voilà pour la Sécu !

Pour l’État, relevons, outre la baisse des crédits de l’écologie, les 2,5 milliards d’euros pris sur les concours aux collectivités locales, une mesure antiéconomique et anticroissance par excellence, le gel du point d’indice des fonctionnaires, une fois de plus en attendant de refaire le coup en 2015, le gel du barème de l’impôt sur le revenu et la suppression de plusieurs milliers d’emplois publics.

Une fois encore, avec 2 634 suppressions de postes, c’est Bercy qui, si j’ose dire, montre l’exemple dans les coupes claires imposées au service public, comme c’est le cas depuis vingt ans. Allez donc lutter contre la fraude fiscale, à petite comme à grande échelles, avec des services fiscaux de plus en plus dépourvus d’agents en activité !

Pour faire « fiscalité écologique », on ajoutera 2 centimes au prix du gazole, ce qui aura l’avantage de faire tomber 15 à 20 centimes de plus par plein en TVA.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne remarque !

M. Thierry Foucaud. La grande réforme fiscale est donc reportée à une date ultérieure et l’on attend sans doute d’avoir inversé la courbe du chômage et, peut-être, réduit les déficits d’ici à 2016 pour que la loi de finances pour 2017 puisse apparaître comme une loi ambitieuse, comprenant même des baisses d’impôts.

Mes chers collègues, il y a quelque chose que, en dépit tous mes efforts, je n’arrive pas à comprendre. Malgré cinq années de croissance atone, le PIB de la France est de 2 000 milliards d’euros, et nous devrions convenir de faire supporter aux salariés de ce pays, aux jeunes, aux retraités – au peuple français ! –, des sacrifices sans cesse plus insupportables et plus injustes et des mesures de restriction permanente du service public.

Les caisses ne sont jamais vides ! Il rentre tout de même 300 milliards d’euros d’impôts dans les caisses de l’État, et plus encore dans celles des organismes sociaux.

M. le ministre délégué a indiqué lors du débat précédent qu’il ne croyait qu’aux chiffres. Prenons le cas de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. En 2012, le déficit est en baisse : 4,8 milliards d’euros, contre 6 milliards d’euros en 2011. Un chiffre à comparer avec des versements de prestations pour 100 milliards d’euros…. Dans son fameux déficit, la Caisse doit notamment imputer près de 4,6 milliards d’euros – 4,593 milliards d’euros exactement – qui correspondent à sa contribution au soutien financier aux régimes de retraite déficitaires. En clair, le déficit hors compensation de la CNAV, en 2012, est d’un peu plus de 200 millions d’euros. On est encore loin du gouffre !

Prenons le cas de la Caisse nationale d’assurance maladie. En 2011, les comptes consolidés de l’assurance maladie ont présenté un déficit de 8,8 milliards d’euros, pour 187 milliards d’euros environ de prestations servies, ce qui nous donne un déficit situé à moins de 5 % de ce total. Sur ces 8,8 milliards d’euros, 3,2 milliards d’euros provenaient des compensations versées aux autres régimes, majorées d’une part des 3 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales non compensées.

En 2012, le déficit de la CNAM s’est contracté à 5,9 milliards d’euros, et la Cour des comptes évalue à plus de 2,6 milliards d’euros le montant des compensations versées aux régimes déficitaires, comme celui des exploitants agricoles par la branche maladie, la branche accidents du travail-maladies professionnelles étant autorisée à apporter son obole pour 500 millions d’euros de mieux, soit plus que son déficit, aujourd’hui fixé aux alentours de 174 millions d’euros.

Cela fait donc belle lurette que les régimes de salariés – je pense non seulement au régime général, mais aussi au régime des fonctionnaires de l’État, sans parler de la véritable saignée subie depuis près de trente ans par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL – viennent au secours de la faiblesse des régimes de non-salariés en péril.

Le tableau, noirci à l’excès et dramatisé – combien de fois n’avons-nous pas entendu : « Mais qui va payer nos retraites ? » –, n’est jamais présenté que pour un seul objectif : imposer aux salariés, à notre peuple, des reculs sociaux que rien ne justifie !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement !