M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement est tout à fait favorable à la publication de la réserve, mais la rédaction de ces deux amendements identiques soulève à ses yeux une difficulté, dans la mesure où ils tendent à modifier la loi organique relative aux lois de finances. Or il est difficile de considérer que la question de la réserve doit être traitée dans une norme aussi importante de notre droit.

Aussi le Gouvernement a-t-il déposé sur le projet de loi ordinaire un amendement n° 185, qui permettra de satisfaire l’objectif des auteurs des amendements nos 23 rectifié et 88 rectifié en ce qui concerne la publication de la réserve parlementaire. Plus précisément, l’amendement du Gouvernement prévoit que la liste des subventions versées sur proposition des parlementaires figurera dans le « jaune » budgétaire relatif aux associations, annexé au projet de loi de finances initiale.

Nous pensons que les conditions de publicité de ce document répondent à l’objectif visé. En effet, il est publié selon les modalités habituelles pour les documents budgétaires, ainsi que sous forme compacte sur le site internet du ministère chargé du budget et sous format et licence ouverts sur le site internet « www.data.gouv.fr », destiné à mettre à la disposition du grand public des jeux de données publiques.

Madame Rossignol, monsieur Anziani, dans la mesure où l’amendement n° 185 au projet de loi ordinaire permettra de satisfaire votre souhait, je vous invite à retirer vos amendements respectifs.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mme la ministre a fait référence à l’amendement n° 185 que le Gouvernement a déposé sur le projet de loi ordinaire. Je peux annoncer dès maintenant, pour éclairer les travaux du Sénat, que la commission des lois ne l’a pas adopté. La raison en est très simple : le « jaune » budgétaire dans lequel, aux termes de cet amendement, la publication de la réserve serait assurée traite des rapports entre l’État et les associations.

M. Gérard Longuet. En effet, cela n’épuise pas le sujet !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Or la plus grande partie de la dotation d’action parlementaire, communément appelée réserve parlementaire, sert au financement de collectivités territoriales. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mes chers collègues, je ne voudrais vraiment pas, et la commission des lois dont je suis le porte-parole ne le voudrait pas davantage, que le rejet de ces amendements, serait-il motivé par des raisons techniques, soit interprété comme un refus de la transparence. C’est pourquoi je suis partisan du maintien des deux amendements nos 23 rectifié et 88 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. J’invite le Sénat à les voter, ce qui permettra que beaucoup de questions, de soupçons et de procès, justifiés ou non, soient évités. Il faut que, dès ce soir, nous prenions une position claire, nette et précise !

M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 23 rectifié est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. Oui, pour les raisons que M. le rapporteur vient d’exposer.

M. le président. Monsieur Anziani, l’amendement n° 88 rectifié est-il maintenu ?

M. Alain Anziani. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Une fois n’est pas coutume, je pourrais, de bon cœur, voter les amendements présentés par Mme Rossignol et M. Anziani, à la condition, toutefois, que le problème soit vraiment réglé sur le fond.

Il faut se souvenir que la réserve parlementaire est en réalité un progrès, puisque, avant elle, le chapitre 67-51 du ministère de l’intérieur était mobilisé sur la demande des parlementaires dans une obscurité totale et une inégalité absolue.

Ayant présidé un groupe, j’ai pu découvrir la diversité des situations des sénateurs par rapport à la réserve parlementaire. Cette diversité n’est pas exceptionnelle, mais les chiffres que j’ai découverts m’ont malgré tout étonné.

Dans mes fonctions de président de groupe, je me suis efforcé d’utiliser la réserve parlementaire pour ce qu’elle était : une récompense de l’assiduité des parlementaires en commission et en séance publique, avec – pourquoi ne pas le dire ? – une prime à l’ancienneté qui n’est pas vraiment surprenante dans notre maison assez traditionnelle.

Mme Nathalie Goulet. Excellent principe !

M. Gérard Longuet. En fin de compte, nous arrivions à des écarts extrêmement raisonnables.

Si la réserve parlementaire a été si facilement acceptée et si elle a été placée sous l’autorité du président et du rapporteur général de la commission des finances, c’est parce que le ministère des finances y trouvait son compte. En effet, celui-ci encourageait la présence des parlementaires en assurant en quelque sorte une prime aux parlementaires présents, notamment au cours des longues nuits budgétaires pour lesquelles la désertion était en général la règle. En somme, le rapporteur général de la commission des finances avait une autorité sur la répartition de la réserve parce qu’il pouvait ainsi trier le bon grain de l’ivraie.

Que nous nous privions de cette prime d’assiduité, je n’en suis pas choqué. Monsieur Anziani, madame Rossignol, je répète que je serais prêt à voter vos amendements, sous réserve toutefois que nous débattions de leur rédaction. Faut-il les sous-amender ? Je me pose la question. En tout cas, je trouve que les amendements ne devraient pas seulement viser les membres du Parlement.

M. Roger Karoutchi. Bien sûr !

Mme Catherine Procaccia. Il y a aussi les ministères !

M. Gérard Longuet. De fait, aujourd’hui encore, un ministre a toujours une petite marge de manœuvre, et rien ne lui interdit de verser des subventions à certaines collectivités territoriales.

Sur le terrain, il y a plusieurs injustices. Par exemple, lorsqu’on a la chance de présider un exécutif départemental ou régional, on peut aider les collectivités territoriales dans le besoin – certains diront même les arroser.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, lorsque vous ne serez plus à la tête de ces exécutifs, rien n’interdira à votre successeur, s’il ambitionne de siéger au Parlement, de préparer sa campagne en arrosant les collectivités territoriales avec le budget du département ou de la région, ce que vous ne pourrez plus faire. Rien n’interdira non plus à votre opposant d’obtenir du ministre, s’il est son ami politique, d’arroser les électeurs sensibles au détriment du parlementaire qui fait honnêtement son travail – il y a malheureusement des précédents.

Aussi, il est absolument indispensable que la clarification par département – puisque les sénateurs sont élus par département – porte non seulement sur les subventions versées au titre de la réserve parlementaire, mais aussi sur celles versées au titre de tous les ministères. De cette façon, on pourra savoir dans quelles conditions les ministres sont intervenus en faveur de telle ou telle collectivité territoriale.

Mes chers collègues, nous n’avons que des avantages à attendre de la transparence absolue, et peut-être même de la suppression de la réserve parlementaire, car ce système permet de faire une petite minorité d’ingrats et une grande majorité d’insatisfaits ! (M. Pierre Charon et Mme Catherine Procaccia applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, le beau sujet que voilà !

Le fait est qu’il y a eu au Sénat des disparités extraordinaires ; cela fait déjà quelques années qu’elles se sont un peu amoindries.

Je pense à certains de nos collègues qui, comme moi, ont eu la malchance d’avoir comme adversaire dans leur département un sénateur abondamment pourvu.

Mme Laurence Rossignol. Des noms ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Je n’en citerai pas ! (Nouveaux sourires.)

Pour ma part, je me suis trouvée opposée à un président de la commission des finances. Le rapport entre nos dotations était de un à cent, de un à deux cents, de un à trois cents !

M. Henri de Raincourt. Vous avez pourtant été élue !

M. Gérard Longuet. Cela ne lui a donc pas porté chance !

Mme Nathalie Goulet. Remarquez qu’il a très bien fini, puisqu’il a fini par m’apporter son soutien.

M. Gérard Longuet. Combien vous a-t-il donné ? (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Rien…

Lors des élections sénatoriales de 2001, très agacés par une distribution abondante de réserve parlementaire, nous avons écrit à Daniel Vaillant, ministre de l’intérieur, pour nous émouvoir que, pendant une campagne électorale, des parlementaires continuent de verser des fonds au titre de la réserve parlementaire. Très courageusement, Daniel Vaillant nous a répondu : adressez-vous au président de la commission des finances du Sénat… Comme c’était le même, vous vous doutez que le problème n’a pas été réglé !

Beaucoup plus sérieusement, je pense que la publication de la réserve parlementaire est une mesure de salubrité. Je vous rappelle que, il y a quelques années, des parlementaires ont déposé des amendements tendant à supprimer cette réserve. Reste que le vrai problème n’est pas là : il tient au financement des collectivités territoriales. En effet, celles-ci, ayant du mal à joindre les deux bouts, trouvent dans ce système une source de financement rapide et sûre, puisque les fonds sont versés par le ministère de l’intérieur.

J’ajoute que le précédent Président de la République s’était lui-même doté d’une réserve parlementaire, de façon évidemment tout à fait contraire au principe de la séparation des pouvoirs. De fait, jusqu’à une date récente – j’ignore ce qu’il en est aujourd’hui –, la réserve dite parlementaire était versée par le Président de la République.

Mes chers collègues, plus grande sera la transparence en cette matière, mieux cela vaudra !

En ce qui concerne les amendements nos 23 rectifié et 88 rectifié, je les trouve excellents, et j’estime qu’il n’y a aucune raison de les retirer au profit d’un amendement portant sur un texte ultérieur. En outre, leur adoption pourra peut-être convaincre l’ensemble de nos collègues de voter le projet de loi organique.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je tiens à souligner que je m’exprime sans la moindre arrière-pensée ou jalousie à l’égard de tel ou tel de nos collègues qui a dix fois, cent fois ou mille fois ce que j’ai. Cela n’a aucune importance et, à mon avis, les élections ne se jouent pas sur le montant de la réserve parlementaire.

Mme Nathalie Goulet. Il faut être une femme pour être jalouse ! (Sourires.)

M. Éric Doligé. Je tiens également à remercier Mme Rossignol d’avoir joué son rôle de « lanceur d’alerte » – un nouveau rôle que l’on promeut ces temps-ci !

À titre personnel, une transparence totale ne me pose aucun problème ; allons jusqu’au centime d’euro si c’est nécessaire. Ce qui me pose le plus problème, c’est la réserve parlementaire dans son principe : je trouve qu’elle n’a aucun sens !

Mes chers collègues, il y a un aspect du problème que personne n’a encore signalé. Avez-vous fait l’analyse du circuit emprunté par la réserve parlementaire, en comptant le nombre de personnes et de dossiers qui entrent en jeu ? C’est scandaleux ! Puisqu’on parle de simplification dans notre société, j’aimerais beaucoup qu’un rapport nous explique la circulation de la réserve, sans oublier les cas particuliers des parlementaires qui peuvent s’adresser directement aux ministres pour obtenir des suppléments.

Dans le département de Jean-Pierre Sueur et de moi-même, qui compte huit parlementaires, nous faisons preuve d’une totale transparence. À chaque fois que nous intervenons, le maire remercie pour les 8 000 euros, par exemple, qu’il a reçus, mais sans savoir forcément quel parlementaire est à l’origine de cette aide. Très sincèrement, je pense que ces versements n’ont pas une incidence considérable. D’ailleurs, Jean-Pierre Sueur dit toujours : ce n’est pas ma réserve, c’est celle du Sénat !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Merci de le mentionner !

M. Éric Doligé. Il est vrai que la réserve parlementaire permet d’améliorer un peu l’ordinaire d’un certain nombre de toutes petites communes ; c’est à leur niveau que ce système peut avoir quelque influence. Reste que, très sincèrement, les circuits par lesquels circule la réserve parlementaire sont extrêmement compliqués. Parfois, alors que c’est interdit, de petites communes sollicitent plusieurs parlementaires, de sorte que des chocs se produisent entre plusieurs d’entre eux.

Au total, je considère que ce système n’a pas de sens. Je voterai bien sûr les amendements nos 23 rectifié et 88 rectifié, mais l’idéal serait de supprimer la réserve, maintenant ou un peu plus tard. Ce n’est pas une somme totale de 150 millions d’euros qui changera les choses ! Sans doute serait-il plus simple d’accorder une dotation supplémentaire aux petites communes. Nous éviterions ainsi la multiplication des dossiers.

Gérard Longuet a employé un mot qui m’a un peu choqué. Il l’a fait sans mauvaise intention, mais il a indiqué que le conseil général ou le conseil régional pouvait « arroser » certaines communes. « C’est vrai ! », a même dit Mme Goulet. Certes, un département ou une région peut verser des subventions à des associations et à des communes, mais, je suis désolé, il y a des règles ! On ne fait pas ça comme ça, au détour d’une conversation, en fonction de l’interlocuteur et de son ancrage politique. (Mme Esther Benbassa le conteste.) Si cela se passe ainsi chez vous, ma chère collègue, ce n’est pas normal !

L’autre jour, j’ai pris le temps d’examiner la situation dans mon département. Je peux vous dire que la moyenne des subventions obtenues par les communes de gauche y est plus forte que la moyenne des subventions obtenues par les communes de droite, ce qui veut sans doute dire que je ne suis pas très doué.

Mme Cécile Cukierman. Drôle de conception du pouvoir politique !

M. Éric Doligé. L’important, je le répète, c’est de considérer les besoins de la collectivité et des citoyens – c’est pourquoi certaines réflexions que j’ai pu entendre me choquent un peu – et non l’appartenance politique de la personne qui se tient en face de vous. J’aimerais bien qu’on fasse preuve d’un peu de recul, de transparence et qu’on évite les arrière-pensées dans ce domaine.

La réserve parlementaire n’obéit pas à des règles suffisamment précises. Dans un premier temps, je souhaite donc que ces amendements soient adoptés. Dans un second temps, nous devrons réfléchir à sa disparition, solution qui me semble beaucoup plus sérieuse et intelligente. Je suis en effet persuadé que les résultats des élections ne sont pas liés à l’utilisation de la réserve parlementaire. Pour que tel soit le cas, il faudrait flécher de grosses réserves en direction d’un certain nombre de parlementaires, pour leur permettre de se faire élire systématiquement. J’espère que, dans notre société, il existe des critères autres que financiers pour obtenir des résultats électoraux.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. La réserve parlementaire est un sujet intéressant, mais, dans la période d’antiparlementarisme actuelle, on entend parfois des énormités à ce sujet. Voilà peu, une radio périphérique affirmait que les parlementaires, outre l’ensemble de leurs indemnités, touchaient également une réserve parlementaire de 150 000 euros, dont ils pouvaient faire à peu près ce qu’ils voulaient. Il serait donc souhaitable de clarifier quelque peu la situation en la matière.

Pour ma part, je plaide plutôt en faveur de la suppression de la réserve parlementaire. Certes, 150 millions d’euros, c’est une somme importante. Toutefois, dans la mesure où le Gouvernement n’hésite pas à prévoir une diminution des sommes versées aux collectivités de 1,5 milliard d’euros en 2014, puis de nouveau de 1,5 milliard d’euros l’année suivante, il doit être possible d’intégrer ces 150 millions d’euros dans cet ensemble.

Au cas où nous ne voterions pas la suppression de la réserve parlementaire – je ne suis pas sûr qu’une majorité se dessine en ce sens –, je suis favorable à la transparence, même si je ne suis pas certain que les dispositions dont nous discutons doivent forcément passer par la loi, qu’elle soit organique ou ordinaire, pour reprendre les arguments de Mme la ministre.

Élu voilà deux ans, j’ai fait le choix de rendre publique la réserve parlementaire dont j’ai disposée pour l’année 2012, et je m’apprête à rendre publiques les sommes que je vais attribuer pour l’année 2013. Je n’ai donc pas eu besoin d’une loi pour assurer la transparence.

Si l’on veut établir cette transparence par la loi, il serait souhaitable de prévoir la publication non seulement des réserves ministérielles – cet aspect a été évoqué –, mais aussi de la réserve présidentielle. J’aimerais entendre le Gouvernement sur ce point : quelles dispositions peuvent être prises pour que les réserves ministérielles et la réserve présidentielle subissent les mêmes conditions de publicité et de transparence ? Il n’y a pas de raison de se limiter à la réserve parlementaire ! Depuis le début de l’examen du projet de loi organique, nous sommes montrés du doigt, ce qui me gêne énormément.

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.

M. Henri de Raincourt. Beaucoup de choses ayant été dites, j’essaierai d’être bref.

Tout d’abord, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’on réfléchisse à la suppression de la réserve parlementaire. Une telle possibilité ne me rend pas malade.

Ensuite, je suis tout à fait favorable à la transparence. Par conséquent, j’apporterai mon soutien aux deux amendements identiques qui ont été déposés.

Il faut le reconnaître, depuis quelques années, un certain nombre d’efforts ont été faits pour modifier ce qui existait précédemment et qui, à certains égards, pouvait choquer les uns ou les autres. Reste qu’il faut bien savoir de quoi l’on parle.

Dans un département comme le mien, qui compte 454 communes, une dotation de 150 000 euros ne permet pas de faire de miracle. Le financement que l’on peut apporter est plus un encouragement à l’équipe municipale qu’une aide à la réalisation d’équipements importants. Permettez-moi de citer à titre d’exemple le cas de trois communes qui sont en train de réaliser des travaux de mise aux normes de leur réseau d’assainissement, pour un coût de plus de 3,5 millions d’euros. Ces communes m’ont demandé à bénéficier de la réserve parlementaire. J’ai pu leur donner, en faisant un effort démesuré, 15 000 euros… Mais les maires y ont été sensibles.

Face à la situation budgétaire des départements et des régions, les deux assemblées territoriales elles-mêmes peuvent moins souvent que par le passé accorder des subventions aux communes. Il m’arrive de recevoir des courriers de maires, je ne sais pas si vous recevez les mêmes, qui m’écrivent : « Le conseil général, qui finançait 25 % des travaux, a réduit sa contribution à 15 %. À titre de compensation, ma commune pourrait-elle bénéficier de la réserve parlementaire ? » Je leur réponds que celle-ci n’est pas à l’échelle de leurs besoins.

Cela étant, l’instauration de la transparence calmera sûrement l’ardeur de certains, puisque la part de mystère va s’envoler.

Je souhaite évoquer une autre question, à laquelle notre collègue Delahaye vient de faire allusion. En tant que membre du gouvernement – c’était dans une vie antérieure –, j’ai eu l’occasion de constater que, dans certaines circonstances, le président du Sénat ou le président de l’Assemblée nationale, parfois à la demande même du gouvernement français, en l’occurrence du ministère des affaires étrangères pour parler de mon expérience, pouvait financer des réalisations à l’étranger. Je pense notamment à la création du centre Alexandre-Dumas à Tbilissi, en Géorgie. Or, si j’examine les amendements qui nous sont proposés par Mme Rossignol et M. Anziani, je ne vois pas dans quelle rubrique ou catégorie de tels financements pourraient figurer.

Il me semble donc tout à fait indispensable de savoir de quoi il retourne précisément. Je pense, madame la ministre, que vous pourrez nous éclairer sur ce point. En outre, veillons à ne pas nous priver de la possibilité de contribuer à d’importantes réalisations dans un pays étranger. De telles opérations participent au rayonnement de la France et, à mes yeux, cet aspect ne doit pas être négligé.

Enfin, il n’existe pas de réserve présidentielle ou de réserve ministérielle en tant que telle ; cela ne fonctionne pas ainsi ! Je peux le dire, ayant pratiqué l’exercice. Simplement, il faut que tout soit sur la table, en particulier l’ensemble des crédits soumis au vote du Parlement.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne peux m’empêcher de m’étonner qu’une loi soit nécessaire pour régler un problème de cette nature. Je croyais en effet que, depuis septembre 2011, la majorité sénatoriale ayant changé, la question était réglée et qu’il n’y avait plus aucune bizarrerie…

Par ailleurs, il est nécessaire de savoir de quoi l’on parle. La réserve parlementaire, pour le Sénat, c’est une cinquantaine de millions d’euros, ce qui correspond à peu près aux subventions du conseil général du Var aux communes du département. Cette comparaison permet d’avoir une idée des montants en jeu. Certes, au vu des subventions attribuées par les départements, les présidents de conseil général estiment cette somme quelque peu futile. Toutefois, pour un certain nombre de petites communes, 10 000 euros ou 15 000 euros, c’est encore quelque chose !

Enfin, j’abonderai dans le sens de notre collègue de Raincourt. Il est vrai qu’un certain nombre d’opérations de sauvetage menées à l’étranger, telles que la restauration de monuments ou la création de centres culturels…

M. Henri de Raincourt. Ou d’hôpitaux !

M. Pierre-Yves Collombat. … ou d’hôpitaux, effectivement, passent par la réserve des parlementaires, mais surtout par la présidence des assemblées. Il serait tout de même fâcheux qu’un excès de vertu conduise à interdire ce type d’intervention.

Au demeurant, ayant toujours été un smicard de la réserve parlementaire, je voterai sans problème ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Gourault. Je voterai bien sûr ces deux amendements identiques. En revanche, je suis tout à fait opposée à la suppression de la réserve parlementaire. Dans cette période un peu difficile pour les petites communes, elle permet une certaine marge de manœuvre et puis, à partir du moment où la publication est assurée et que tout se fait dans la transparence, où est le problème ?

Comme l’a dit un intervenant précédent, à chaque inauguration d’un bâtiment, on remercie le parlementaire pour l’octroi d’une partie de sa réserve parlementaire. Cela m’est encore arrivé samedi dernier ! Il suffit de lire les journaux régulièrement pour savoir combien chacun donne. Évidemment, ce sera encore mieux quand les chiffres seront publiés.

Là où je suis choquée, c’est par la différence des sommes attribuées. Qu’un vice-président, un président de la commission des finances ou un président du Sénat perçoive plus, pourquoi pas ? Mais les écarts sont énormes : de 150 000 euros à des millions d’euros ! C’est là que le bât blesse. Il ne s’agit pas de jalousie, monsieur Doligé, mais tout simplement d’équité : il n’y a pas deux sortes de parlementaires !

M. Gérard Longuet. Certains parlementaires ne sont jamais présents en commission ou en séance publique !

Mme Jacqueline Gourault. Ce n’est pas mon cas !

Mme Jacqueline Gourault. Ne cherchons pas non plus à laver plus blanc que blanc ; laissons un peu de marge de manœuvre ! Comme le préconise Pierre-Yves Collombat, il me paraît souhaitable de pouvoir continuer à financer des actions internationales importantes. Je pense notamment aux hôpitaux construits à une certaine époque à Beyrouth, grâce au financement de la présidence de la République.

M. Henri de Raincourt. Et de la présidence du Sénat !

Mme Jacqueline Gourault. Entre laver plus blanc que blanc et moraliser, il y a des nuances ! Quoi qu’il en soit, je le répète, je soutiens vraiment la disposition tendant à assurer la publication de la réserve parlementaire.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Faire figurer la réserve parlementaire dans le « jaune » budgétaire, comme le propose Mme le ministre dans son amendement n° 185, aboutirait à noyer le poisson. En revanche, là où elle a raison, c’est que ces amendements identiques auraient été beaucoup plus pertinents dans le cadre de la loi ordinaire plutôt que dans la loi organique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai moi-même déposé deux amendements relatifs à la réserve parlementaire sur le projet de loi ordinaire.

Je tiens à souligner que ce n’est pas moi qui ai voulu faire comme Dupont ou Durand. Mes deux amendements portent le numéro 1 et le numéro 2, ce qui prouve que c’est sur ma propre initiative et avant d’autres que j’ai déposé ces amendements, que je prépare d’ailleurs depuis deux ou trois mois.

Cela étant, puisque, manifestement, le Sénat s’apprête à voter les amendements identiques nos 23 rectifié et 88 rectifié dans le cadre du projet de loi organique, je vais vous donner les arguments que j’aurais pu développer lors de l’examen du projet de loi ordinaire et expliquer ce qui me paraît quelque peu discutable.

Je souscris bien évidemment au principe de transparence. Reste que plusieurs problèmes se posent : je pense à l'équité et à la finalité de la réserve parlementaire.

Comme notre collègue Jacqueline Gourault, je suis profondément scandalisé par le fait que certains, profitant de l’absence de toute publicité quant à ses bénéficiaires, aient puisé dans la réserve parlementaire, dans des proportions démesurées, délirantes, pour arroser au maximum leur petit jardin. En outre, je ne suis pas d'accord avec certains propos qui ont été tenus, selon lesquels la réserve parlementaire serait destinée à récompenser l'assiduité des sénateurs et des députés. C’est ce qui me conduit à dire qu'il faut plus d'équité dans son attribution.

L'assiduité, c’est une chose, être bien vu par son parti, c’en est une autre. Or tant que ce seront les groupes politiques qui répartiront la réserve parlementaire, ils auront moyen de faire pression sur les parlementaires et de porter atteinte à leur indépendance et à leur souveraineté.

Indépendamment de cela, la réserve n'est pas faite pour faire plaisir au parlementaire Dupont ou au parlementaire Durand ; elle est faite pour redistribuer équitablement aux territoires des subventions de l'État.

À supposer qu’une commune ait à sa tête un sénateur ou un député particulièrement actif et assidu au Parlement, il n’y a aucune raison que ses habitants bénéficient d’un gonflement de la réserve parlementaire et donc paient moins d'impôts locaux que ceux d’une autre commune, située à l’autre bout du département ou même dans un autre département, dont le parlementaire élu, au motif qu’il serait moins présent ou moins populaire auprès de son parti politique, ne disposerait pratiquement d’aucune réserve parlementaire.

Ce qui est très important, c'est que celle-ci soit attribuée et répartie à égalité entre les parlementaires. Je le répète, il n’y a aucune raison que, parce que leur maire serait président du Sénat, les habitants de telle commune paient moins d'impôts locaux que ceux d'autres communes, tout simplement parce que leur collectivité perçoit plus de réserve parlementaire.

Le premier reproche que je ferai aux auteurs de ces deux amendements, c'est qu’ils n’imposent pas une égalité de traitement entre les parlementaires.