M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je note que l’ensemble des intervenants, quelle que soit leur famille politique, ont salué le travail de René Vandierendonck et de la commission des lois. Ce travail constitue en effet une performance.

Tous les intervenants ont également insisté sur la nécessité de mesurer les conséquences d’une nouvelle page blanche du Sénat au sujet de Paris. C’est sans doute ce qu’il y aurait de plus dommageable. Anne-Marie Escoffier et moi-même ne pouvons qu’applaudir ce refus de la page blanche.

L’ensemble des intervenants ont beaucoup parlé de la commune et du maire. Je pense que, dans nos débats, nous devrons reprendre ce qui a été dit sur la nécessité de maintenir un lien entre les citoyens et leur maire. Après avoir travaillé sur les cas de Marseille, de Paris et de Lyon, nous avons la conviction que, en évitant les schémas à plusieurs étages – deux, trois ou quatre –, nous redonnons de la place aux maires ; nous y reviendrons.

Je veux saluer la grande évolution en matière de stationnement ; j’ai oublié tout à l'heure de mentionner Louis Nègre, qui fut lui aussi à l’origine du projet. Les citoyens n’en parlent guère et peu d’élus sont intéressés. Il faudra être très pédagogue, parce que la question n’est pas si simple. Le Gouvernement a choisi de répondre favorablement au Sénat. Il s'agit en effet, je le rappelle, d’une proposition du Sénat. Il en va d'ailleurs de même pour tout ce qui a trait aux structures communales et intercommunales.

Cette discussion générale – Alain Richard a souligné que tout le monde était resté jusqu’à la fin – était extrêmement intéressante. Même si les opinions étaient différentes, chacun a fait appel au droit, ce qui essentiel dans une enceinte où l’on écrit la loi. Des questions réelles et fortes ont été posées ; c’était important pour nous aussi. Je me félicite de la qualité des interventions. Je crois que certains enjeux dépassent largement les familles politiques.

Je vous remercie de cette discussion générale, qui nous permettra d’alimenter la discussion article par article et amendement par amendement. Je m’excuse par avance de devoir m’absenter quelques heures, mais je me suis engagée au nom du Premier ministre à aller devant toutes les assemblées générales des élus de France. Anne-Marie Escoffier connaît par cœur non seulement le Sénat mais aussi le travail du Gouvernement depuis plusieurs mois.

Comme je suis persuadée que je l’oublierai à la fin du débat, je préfère le dire tout de suite : être membre de ce gouvernement, comme nous le sommes toutes les deux depuis plusieurs mois, et travailler avec le Sénat sur des textes compliqués, en soulevant de réelles questions, comme Alain Richard vient de le faire, est un grand enrichissement.

De toute façon, quoi qu’il arrive au moment du vote, je vous remercie par avance d’avoir participé à ce débat qui sera, je n’en doute pas, de qualité et qui permettra de revisiter notre histoire depuis les premières lois de décentralisation. Nous sortirons de cette discussion avec un nouveau pas en avant de la décentralisation, qui n’est pas forcément créateur, mais qui représente quand même une grande évolution. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence sont irrecevables les amendements ou articles additionnels remettant en cause les articles adoptés conformes ou sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !

Motion d’ordre

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Article 1er AA

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, je veux revenir sur un aspect quelque peu maléfique de notre règlement.

À l’article 12 du projet de loi, cent amendements font l’objet d’une discussion commune. La conséquence, vous la connaissez tous : ils vont être présentés un à un avant que M. le rapporteur, puis Mme la ministre puissent donner successivement leur avis.

Vous serez sans doute d’accord avec moi pour dire que, dans ces conditions, il est très difficile d’organiser un débat cohérent. C’est pourquoi je demande la disjonction de six amendements qui visent à proposer une réécriture globale de l’article. Nous pourrions ainsi commencer par examiner ces amendements, qui, s’ils sont adoptés, feront tomber les autres amendements déposés sur cet article. En tout état de cause, cette procédure nous permettra d’avoir un débat plus intelligible.

M. le président. Je suis donc saisi par la commission d’une demande d’examen séparé des amendements nos 193 rectifié, 46 rectifié bis, 148 rectifié, 183 rectifié bis, 184 rectifié ter et 339 rectifié, à l’article 12.

Je consulte le Sénat sur cette demande.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

TITRE IER

CLARIFICATION DES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET COORDINATION DES ACTEURS

Chapitre Ier A

Le Haut Conseil des territoires

Motion d'ordre
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Article 1er ABA

Article 1er AA

I. – Le titre III du livre II de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi rétabli :

« TITRE III

« HAUT CONSEIL DES TERRITOIRES

« Chapitre unique

« Art. L. 1231-1. – Le Haut Conseil des territoires assure la concertation entre l’État et les collectivités territoriales.

« Il est présidé par le Premier ministre ou, en cas d’absence ou d’empêchement de celui-ci, par le ministre chargé des collectivités territoriales.

« Un vice-président est élu pour trois ans parmi les membres des collèges des présidents de conseil régional, des présidents de conseil général, des présidents d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et des maires.

« Art. L. 1231-2. – Le Haut Conseil des territoires :

« 1° Peut être consulté sur la politique du Gouvernement à l’égard des collectivités territoriales et sur la programmation pluriannuelle des finances publiques ;

« 2° Peut faire toute proposition de réforme concernant l’exercice des politiques publiques conduites par les collectivités territoriales ou auxquelles celles-ci concourent ;

« 2° bis (nouveau) Est consulté sur les projets de réforme concernant l’exercice des politiques conduites par les collectivités territoriales ou auxquelles celles-ci concourent ;

« 3° Apporte au Gouvernement son expertise sur les questions liées à l’exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales ;

« 4° Peut être consulté, à la demande du Premier ministre, sur tout projet de loi relatif à l’organisation et aux compétences des collectivités territoriales ;

« 5° Peut être consulté sur tout projet de texte réglementaire ou toute proposition d’acte législatif de l’Union européenne intéressant les collectivités territoriales ;

« 6° Est associé aux travaux d’évaluation des politiques publiques relevant des compétences décentralisées décidés par le Gouvernement ;

« 7° Peut demander au Premier ministre de saisir la Cour des comptes, en application de l’article L. 132-5-1 du code des juridictions financières, aux fins d’enquête sur des services ou organismes locaux ou, avec le concours des chambres régionales et territoriales des comptes, d’évaluation de politiques publiques relevant des compétences des collectivités territoriales.

« Art. L. 1231-3. – La formation plénière du Haut Conseil des territoires comprend :

« 1° Six députés désignés par l’Assemblée nationale ;

« 2° Six sénateurs désignés par le Sénat ;

« 3° Neuf présidents de conseil régional ou de l’autorité exécutive d’une collectivité territoriale régie par l’article 73 de la Constitution, désignés par l’Association des régions de France ;

« 4° Dix-huit présidents de conseil général ou de collectivité territoriale exerçant les compétences du département, désignés par l’Assemblée des départements de France ;

« 5° Dix-huit maires, désignés dans des conditions assurant la représentation des communes des différentes strates démographiques définies par décret en Conseil d’État ;

« 6° Neuf représentants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, désignés dans des conditions assurant la représentation des différentes catégories d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre définies par décret en Conseil d’État ;

« 7° Un représentant du Conseil national de la montagne, élu au sein de celui-ci parmi les membres représentant les collectivités territoriales au sein des comités de massif ;

« 8° En qualité de membres de droit, les présidents du comité des finances locales, de la commission consultative d’évaluation des charges, du conseil national d’évaluation des normes et du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

« Les membres du Gouvernement participent aux réunions de la formation plénière du Haut Conseil des territoires en fonction de l’ordre du jour et sur convocation du Premier ministre.

« Elle se réunit au moins deux fois par an.

« Art. L. 1231-4. – La formation permanente du Haut Conseil des territoires est présidée par le vice-président et comprend les membres suivants de la formation plénière :

« 1° Deux députés ;

« 2° Deux sénateurs ;

« 3° Deux présidents de conseil régional ou de l’autorité exécutive d’une collectivité territoriale régie par l’article 73 de la Constitution ;

« 4° Quatre présidents de conseil général ou de collectivité territoriale exerçant les compétences du département ;

« 5° Quatre maires ;

« 6° Deux représentants d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;

« 7° Les membres de droit de la formation plénière.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles sont désignés les membres mentionnés aux 1° à 6° de la formation permanente ainsi que les modalités de son fonctionnement.

« Art. L. 1231-5. – Les membres du Haut Conseil des territoires mentionnés aux 1° à 7° de l’article L. 1231-3 sont désignés pour trois ans, dans la limite de la durée du mandat au titre duquel ils siègent au Haut Conseil.

« Est désigné, en même temps que chaque membre titulaire et selon les mêmes modalités, un membre suppléant appelé à le remplacer en cas d’empêchement temporaire ou de vacance définitive, pour quelque cause que ce soit.

« Lorsqu’une instance est appelée à désigner plus d’un membre du Haut Conseil, les modalités de désignation assurent l’égale représentation des femmes et des hommes.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de désignation des membres du Haut Conseil des territoires.

« Art. L. 1231-6. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1231-2, le Premier ministre fixe l’ordre du jour des réunions du Haut Conseil des territoires sur proposition du ministre chargé des collectivités territoriales ou de la formation permanente.

« Les membres du Haut Conseil des territoires peuvent adresser au Premier ministre des propositions de question à inscrire à l’ordre du jour. Le président de l’Association des régions de France, le président de l’Assemblée des départements de France ou le président de l’Association des maires de France peut demander une réunion du Haut Conseil des territoires sur un ordre du jour relevant de ses prérogatives prévues à l’article L. 1231-2.

« Art. L. 1231-7. – Des formations spécialisées peuvent être créées au sein du Haut Conseil des territoires.

« 1° Le comité des finances locales, formation spécialisée du Haut Conseil des territoires, constitue l’instance de concertation entre l’État et les collectivités territoriales en matière financière. Sous réserve des avis rendus par le Haut Conseil des territoires en application du 1° de l’article L. 1231-2, le comité des finances locales et sa formation restreinte exercent pour le compte du Haut Conseil des territoires les compétences qui relèvent de leur champ d’intervention. Les dispositions du projet de loi de finances de l’année intéressant les collectivités territoriales sont présentées au comité des finances locales.

« 2° Le conseil national d’évaluation des normes constitue une formation spécialisée du Haut Conseil des territoires, compétente en matière de normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

« Art. L. 1231-8. – Un observatoire de la gestion publique locale est placé auprès du Haut Conseil des territoires.

« Composé de fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales, l’observatoire de la gestion publique locale est chargé de collecter des données sur la gestion des collectivités territoriales, d’assurer le traitement de ces données et d’assurer la diffusion de ces travaux afin de favoriser le développement de bonnes pratiques. Il réalise, à la demande des collectivités territoriales ou du Haut Conseil des territoires, des évaluations de politiques publiques locales ainsi que des missions d’expertise et d’audit.

« Un décret fixe l’organisation et la composition de l’observatoire de la gestion publique locale. »

II. – (Non modifié) Le Haut Conseil des territoires se substitue aux autres commissions et organismes nationaux composés exclusivement de représentants de l’État et des collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.

M. Christian Favier. Par cette intervention, mesdames les ministres, je souhaite vous faire part de notre accord avec la création de ce Haut Conseil des territoires. Vous ne verrez pas souvent cette position de notre part sur les autres articles du projet de loi…

Certes, nous regrettons que le Sénat n’ait pas été saisi en première lecture de cette proposition, qui concerne tout particulièrement les collectivités territoriales. Elle était, nous le savons tous, dans le troisième volet, dont le texte a été déposé mais dont nous ne savons pas encore à quel moment nous en débattrons.

Cette proposition a été introduite dans le projet de loi par un amendement du rapporteur de l’Assemblée nationale, mais nous ne pouvons imaginer qu’il ait déposé sans l’accord du Gouvernement. Il semble même que vous étiez si bien préparées à l’éventualité du dépôt de cet amendement qu’aussitôt vous en avez présenté un autre pour mettre en place un observatoire de la gestion publique, proposition que nous soutenons aussi. Celle-ci était inscrite dans les avant-projets de loi, mais nullement dans les textes déposés, que ce soit dans le premier ou le troisième, ce que nous regrettions.

Le Haut Conseil des territoires est un organisme à construire. Nous espérons que la concertation la plus large s’instaurera pour la rédaction du décret qui portera sur son organisation et sa composition, en souhaitant que les organisations représentatives des personnels y soient étroitement associées.

Par nos amendements, nous allons proposer d’élargir son champ d’intervention. En effet, nous ne saurions nous satisfaire d’un lieu de consultation qui ne serait mobilisable qu’au bon vouloir du Premier ministre. La concertation permanente doit y être possible sur tous les sujets concernant les collectivités territoriales.

Quant à l’observatoire, nous formons le vœu que, dans cette période trouble où il n’est question que de réduire les dépenses publiques, il ne se transforme pas en annexe de la Cour des comptes pour ne populariser que les bonnes pratiques en matière d’austérité, de réduction de la dépense et des personnels.

Vous le voyez, sur cet article, nous avons une vision positive, mais nous restons malgré tout vigilants, compte tenu de son inscription dans un texte que nous estimons pour une part dangereux pour nos institutions locales, le développement des services publics locaux et l’avenir des personnels.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 174 rectifié est présenté par MM. Delahaye et Pozzo di Borgo.

L'amendement n° 355 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collombat, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l’article 174 rectifié.

M. Vincent Delahaye. Je suis toujours prudent et sceptique devant la création de structures de ce type ou de comités Théodule. Nous en avons beaucoup trop, et nos concitoyens trouvent déjà que notre démocratie est organisée de façon assez compliquée. Je ne pense pas qu’il faille encore aggraver cette complexité.

Aux termes de l’article 1er AA, le Haut Conseil des territoires peut être consulté, faire des propositions et apporter son expertise sur tous les sujets concernant les collectivités locales. Pourtant, j’ai toujours cru que, en vertu de l’article 24 de la Constitution, il revenait au Sénat de représenter les territoires. Je ne comprends donc pas quelle est l’utilité de cet organisme.

Si le Gouvernement souhaite la fin du Sénat, qu’il le dise ! Loin de moi l’idée de lui faire un procès d’intention, mais je crois qu’il faut parler clair.

Nous avons déjà eu ce débat lors du projet de loi visant à interdire le cumul des mandats : si le Sénat doit devenir le clone de l’Assemblée nationale, je ne vois pas à quoi il pourra servir.

Aujourd’hui, on nous propose un Haut Conseil qui va assumer globalement le rôle du Sénat, qui comprend notamment le conseil au Gouvernement et l’expertise sur les collectivités locales. Je fais donc le même constat sur son utilité.

En résumé, pour moi, ce Haut Conseil n’a pas lieu d’être créé pour une raison bien simple : il existe déjà, ici, au Sénat !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 355 rectifié.

M. Jacques Mézard. Cet amendement visant à supprimer le Haut Conseil des territoires n’est une surprise pour personne. Notre position sur le sujet est connue depuis longtemps, mais le Gouvernement ne veut en tenir strictement aucun compte, comme d’ailleurs de la plupart de nos propositions sur les textes institutionnels.

Disons les choses telles qu’elles sont : je veux bien que l’on remette en cause le fonctionnement de nos institutions, à partir du moment où la volonté est clairement exprimée et les objectifs affichés. Ensuite, on est d’accord ou pas, mais le débat est clair et loyal. En l’occurrence, tel n’est pas le cas !

Il faut lire le texte de cet article de manière précise et le mettre en regard des dispositions de l’article 24 de la Constitution aux termes desquelles le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales.

Or il est prévu de créer à côté du Sénat un organisme qui n’est pas anodin puisqu’il est présidé par M. le Premier ministre ou, en son absence, par le ministre chargé des collectivités territoriales. En outre, il a des compétences extrêmement importantes : il « peut être consulté sur la politique du Gouvernement à l’égard des collectivités territoriales et sur la programmation pluriannuelle des finances publiques » ; il « peut faire toute proposition de réforme concernant l’exercice des politiques publiques conduites par les collectivités territoriales » ; il « est consulté sur les projets de réforme concernant l’exercice des politiques conduites par les collectivités territoriales » ; il « peut être consulté, à la demande du Premier ministre, sur tout projet de loi relatif à l’organisation et aux compétences des collectivités territoriales ».

Mes chers collègues, imaginez la situation quand de la consultation sortira un avis positif sur les projets de loi relatifs aux collectivités territoriales que nous aurons ensuite à examiner. J’entends déjà le Gouvernement nous opposer l’avis de ceux qui « représentent » les collectivités territoriales... Voilà quel est le véritable but ! Il faut bien comprendre comment s’articulent les briques, les dominos de cette construction.

Pour notre part, nous ne sommes pas dupes. D’ailleurs, depuis quelques semaines, nous entendons ceux qui, au Gouvernement ou à l’Assemblée nationale, disent clairement qu’il faut supprimer le Sénat. Il suffit de lire la presse ! D’autres se contentent d’appeler à sa modernisation, comme si toute la structure institutionnelle de notre pays devait être constamment changée pour courir après la modernité. En fait, on connaît très bien le véritable but derrière ces déclarations. Ce n’est pas neutre !

Tout ce débat est très clair et, pour notre part, nous ne l’acceptons pas, parce que nous sommes attachés à l’institution sénatoriale, considérant qu’elle tout à fait essentielle, non pas simplement comme représentante des collectivités territoriales, mais comme une assemblée parlementaire ayant une plénitude de compétences. Elle en a même une de plus par rapport à l’Assemblée nationale, voulue en particulier par le président Poncelet, à l’origine de la modification de l’article 24 de la Constitution…

M. René Vandierendonck, rapporteur. Avant, il y avait des sénateurs à vie…

M. Jacques Mézard. Je vous en prie, monsieur le rapporteur, ne prenez pas les choses de cette manière, même si je suis un peu long dans mon intervention. Nous opposer ce type d’argument n’est pas très glorieux. Pourtant, vous n’êtes pas coutumier de ce genre de commentaire.

Ce n’est pas parce que je dis que le Sénat a un rôle général, et un peu plus sur les collectivités territoriales, que je me réfère aux sénateurs à vie. Je puis vous dire que beaucoup de nos collègues ont envie de prendre leur retraite compte tenu de ce qui se passe et de ce qu’ils voient. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La thèse présentée par M. Mézard est majoritaire au sein de la commission des lois.

Le rapporteur que je suis émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Delahaye, monsieur Mézard, je vous rappelle que nous n’aurions pas dû avoir à discuter de ce sujet maintenant, puisque le Gouvernement n’avait proposé cette disposition que dans le troisième texte, c’est-à-dire après que l’architecture institutionnelle eût été votée.

À l’Assemblée nationale, les députés, en particulier le rapporteur, craignant que la proposition de loi du Sénat concernant l’évaluation des normes ne puisse pas passer suffisamment tôt, ont voulu reprendre ce texte, qu’on appelle aussi la proposition Doligé, Sueur, Gourault, en proposant la création du Haut Conseil des territoires, dans lequel doit figurer non seulement le président du comité des finances locales, mais aussi le président de la commission consultative d’évaluation des normes, laquelle va devenir le Conseil national d’évaluation des normes.

Donc, pour pouvoir afficher cette ambition partagée des députés et des sénateurs et l’écrire dans de bonnes conditions de droit, le rapporteur de l’Assemblée nationale a proposé de faire « remonter » les dispositions relatives au Haut Conseil des territoires dans cette première partie pour « embarquer » – si vous me permettez l’expression – les dispositions concernant les normes. Telle n’était pas l’idée de départ du Gouvernement.

Cela étant, conformément au discours prononcé le 5 octobre 2012 par le Président de la République et à la suite de l’arbitrage du Premier ministre, le Gouvernement avait effectivement décidé la création d’un Haut Conseil des territoires, qui s’inspirait directement, comme l’a rappelé avec force Mme Jacqueline Gourault, d’un rapport transpartisan et très bien documenté du Sénat. Il s’agissait de créer un lieu où discuter non pas des lois, puisque le Haut Conseil ne présente pas le caractère d’une assemblée délibérative ni parlementaire, mais des conséquences de l’application d’un texte pour les collectivités territoriales, qu’il s’agisse d’une loi, d’un décret ou d’une simple circulaire – à ce moment de notre débat, je pense aux normes sportives, par exemple : on sait que la taille d’un terrain de handball peut mettre en péril les finances d’une collectivité locale. Cette discussion associerait les représentants de l’ensemble des exécutifs des collectivités territoriales directement concernées par ce texte.

Nous nous étions donc engagés sur la voie de la création d’un lieu de discussion entre exécutifs. Ce n’est donc pas le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat qui pouvait le présider, mais, comme vous l’avez bien dit, monsieur Mézard, le chef de l’exécutif, c’est-à-dire le Premier ministre. En en aucun cas, il ne pouvait s’agir d’une assemblée de parlementaires.

Cet organisme devait discuter des conséquences des différentes réformes engagées par le Gouvernement pour les collectivités locales, et nous avions évoqué à l’époque un exemple, qui avait été salué par des sénateurs appartenant à l’ancienne majorité, à savoir la réforme des rythmes scolaires : celle-ci aurait pu faire l’objet d’une discussion au sein du Haut Conseil des territoires et le ministre eût été éclairé de façon plus précise encore sur l’impact de cette mesure. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.) Nous l’avions dit entre nous, mais permettez-moi de le redire ! Vous aviez estimé à l’époque qu’il aurait effectivement fallu trouver un lieu de discussion.

Mme Sophie Primas. Nous sommes là pour ça !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce lieu de discussion a existé, puisque la loi a été examinée au Parlement, mais les conséquences de cette réforme pour chaque commune ou intercommunalité – les petites, les grandes, les moyennes –, qu’elle soit située en milieu rural ou urbain, n’ont pas pu être abordées très précisément.

Nous avions suivi l’avis de Jacqueline Gourault et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat sur ce qui nous apparaissait un élément de sagesse, ne mettant en aucun cas le Sénat en difficulté, puisque la Constitution consacre le bicamérisme. Dans le troisième projet de loi, le Gouvernement vous aurait donc proposé de suivre les conclusions de la délégation du Sénat.

Dans la mesure où les sénateurs eux-mêmes pensent que l’avis de leur délégation n’est plus juste aujourd’hui – même s’il l’a été hier, puisqu’ils l’ont voté –, le Gouvernement ne va pas « s’arc-bouter », si vous me permettez cette expression populaire, sur son projet. Dans la mesure où, entre-temps, nous allons pouvoir obtenir que le texte sur les normes soit examiné par l’Assemblée nationale – j’espère que nous y parviendrons, car Anne-Marie Escoffier y a mis beaucoup de talent et de persuasion –, nous n’avons plus besoin d’embarquer toutes les dispositions relatives aux normes dans le Haut Conseil des territoires, puisque le futur Conseil national chargé de la régulation et du contrôle des normes applicables aux collectivités locales assumera cette tâche. Le Gouvernement n’ira donc pas vous imposer un outil dont vous ne voulez pas.