M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Sans vouloir relancer le débat qui vient d’avoir lieu, je souhaite apporter quelques précisions.

En ce qui concerne la consubstantialité entre consentement à l’impôt et République, ce que vous avez dit, monsieur Karoutchi, est historiquement vrai. Mais à partir du moment où des forces se coalisent en utilisant les ressorts du poujadisme fiscal pour faire en sorte que la République s’éloigne de ses valeurs, c’est la République qui est menacée. Dès lors qu’il s’agit de lier la question de l’impôt à celle du modèle social français et d’éviter que la République ne soit ébranlée par le poujadisme fiscal, alors il faut rappeler cette consubstantialité dans le contexte particulier qui préside à nos débats.

Par ailleurs, la stabilisation ne signifie pas que nous perdons de vue la nécessité de baisser les prélèvements obligatoires. Cette baisse est inscrite dans la trajectoire des finances publiques que nous avons transmise à la Commission européenne au titre du programme de stabilité. Vous le savez, les prélèvements obligatoires, qui représentent actuellement 46,1 % du PIB, devront baisser pour atteindre 45,8 % à la fin du quinquennat.

Cette trajectoire fait partie des engagements que nous avons pris devant les institutions européennes. Lorsque l’on parle de stabilisation, il ne s’agit donc pas de celle du niveau des prélèvements obligatoires, même si elle est inscrite dans la perspective courte du projet de loi de finances pour 2015 ; il s’agit de la stabilisation de la structure de l’impôt, notamment pour les entreprises,…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … qui ont besoin d’avoir une visibilité à moyen et long terme sur les conditions fiscales auxquelles seront soumis leurs investissements.

Il n’y aura ni réforme fiscale, ni stabilisation, ni simplification, ni mise en perspective de la justice fiscale ou de la dimension redistributive de l’impôt si nous ne parvenons pas à redresser nos comptes grâce à des économies significatives.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je le répète, ce cap ne doit pas être assimilé à l’austérité, contrairement à ce que j’entends. Il vise à garantir que la bonne dépense publique ne sera pas chassée par la mauvaise. C’est la condition de la soutenabilité du modèle social français.

Mme Catherine Procaccia. Paroles, paroles !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non, madame la sénatrice ! Il y a 15 milliards d’euros d’économies prévues dans le projet de budget pour 2014. Nous allons poursuivre ce travail, mais nous ne pourrons pas le mener à son terme sans une véritable réflexion sur l’organisation et la structure de nos services publics. Il y va de la soutenabilité du modèle social français et des services publics, auxquels nous tenons par-dessus tout.

C’est parce que nous aurons fait ce travail que nous parviendrons à cheminer ensemble sur les sujets que nous venons d’évoquer. Cette réflexion sur les dépenses permettra d’ajuster les budgets à venir sans alourdir les prélèvements obligatoires. C’est dans ce cadre, équilibré, que nous pourrons mener la réforme fiscale dans des conditions optimales.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Edmond Hervé a parlé de réaction « irrationnelle » de nos concitoyens – j’ai effectivement interrompu notre collègue à ce moment-là – et, vous, monsieur le ministre, vous venez de parler de « poujadisme » en me regardant.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais non !

M. Philippe Dallier. Je suis assez surpris et même un peu inquiet que vous utilisiez ce registre. À mon avis, vous sous-estimez et mésestimez le ras-le-bol fiscal. Les Français ont tout simplement constaté que leurs impôts et les taxes augmentaient. Ce sera aussi le cas l’année prochaine, pour le prix d’un certain nombre de services : la TVA sur les transports, sur les ordures ménagères, sur l’eau,...

Tout ça, ils le vivent et, bien évidemment, ils en rendent responsables ceux qui prennent les décisions, c’est-à-dire le Gouvernement et votre majorité. Il est difficile de dire le contraire ! Vous ne pouvez donc pas traiter d’antirépublicains, de poujadistes, et j’en passe, ceux qui vous mettent en garde contre la remise en cause du consentement à l’impôt du fait du seuil atteint par les prélèvements obligatoires et balayer d’un revers de main leurs avertissements. Vous faites là une erreur !

Pour ce qui concerne l’absence de lisibilité de votre politique, je vous renvoie aux déclarations successives des membres du Gouvernement. En janvier 2013, par exemple, Jérôme Cahuzac annonçait que la réforme fiscale était « faite ». Puis, tout au long de l’année, on a eu droit à d’autres déclarations, qui ont laissé penser à nos concitoyens que des décisions avaient d’ores et déjà été prises, même si je reconnais, monsieur le ministre, que vous, vous avez affirmé, ici et ailleurs, ne pas croire au grand soir fiscal et vouloir réformer progressivement.

Aujourd’hui, le Premier ministre, devant les difficultés et le mécontentement manifesté par les Français au travers des sondages, nous annonce à nouveau une remise à plat complète. Nous sommes dans la plus grande illisibilité, et cela crée de l’anxiété. Vous devez prendre en considération cet élément. Je le répète, vous ne pouvez pas balayer tout ça d’un revers de main !

Les Français savent bien que, s’ils paient des cotisations et des impôts, c’est pour financer notre modèle social et nos services publics. Mais la question est de savoir jusqu’où nous pouvons aller. On peut toujours, et nous en parlerons au moment de l’examen de l’article 3 relatif au financement de la politique familiale, annoncer la création de 100 000 places de crèche, mais comment on les finance ? Grâce aux collectivités locales, aux caisses d’allocations familiales ? Chaque Français qui a des enfants voudrait avoir une place en crèche. Pour autant, doit-on multiplier les places sans savoir comment on va les financer ?

Dans ce pays, on ne réforme qu’au bord du gouffre, lorsque la situation devient très difficile. Or faire une grande réforme dans un contexte de crise très dure, c’est encore plus compliqué. Il faudrait anticiper un peu !

Pour les collectivités locales, c’est exactement la même chose. Vouloir engager des réformes fiscales importantes alors qu’on est en pleine crise, que les recettes diminuent et qu’on ne sait pas maîtriser suffisamment les dépenses, c’est beaucoup plus compliqué. Voilà peut-être une réflexion pour les cinquante ans qui viennent...

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je reprends à mon compte les propos d’Éric Bocquet. Il est en effet inouï d’entendre parler à l’envi de cette notion de ras-le-bol fiscal. Qui l’invoque…

M. Roger Karoutchi. Le ministre de l’économie !

M. Francis Delattre. Et les contribuables !

Mme Marie-France Beaufils. … la plupart du temps ? Ceux-là mêmes qui ne veulent pas contribuer à l’impôt en fonction de leurs ressources !

Si je devais adresser un reproche au Gouvernement, c’est celui de n’avoir pas pris un certain nombre de mesures plus rapidement, notamment celles que nous avions défendues ensemble lors de l’examen du dernier projet de loi de finances du mandat de Nicolas Sarkozy et qui visaient à rétablir de la justice fiscale. Le fond du problème est là : nous accusons un retard dans l’élaboration d’un programme de transformation de la fiscalité, en particulier sur le plan national.

Notre pays n’a rien à gagner à voir se développer cette notion de ras-le-bol fiscal, qui provoque des rapprochements inattendus entre celui qui paie l’impôt et celui qui ne le paie pas. Évidemment, je parle de l’impôt sur le revenu, car tout le monde paye des impôts en acquittant la TVA. D’ailleurs, à droite, la TVA sociale ne vous a jamais gênés.

M. Aymeri de Montesquiou. Elle servait à faire baisser les charges !

Mme Marie-France Beaufils. La baisse des charges et la TVA sociale, ce n’est pas du tout la même chose !

M. Aymeri de Montesquiou. Bien sûr que si !

Mme Marie-France Beaufils. La TVA sociale devait être payée par l’ensemble des Français, alors que les charges que vous vouliez faire baisser ce sont celles des entreprises.

M. Jean Desessard. La baisse des charges est aussi payée par les consommateurs !

Mme Marie-France Beaufils. Ne mélangeons pas tout et posons clairement les termes du débat. Ce n’est pas seulement aux salariés de payer le prix de la compétitivité de l’entreprise ; le capital doit aussi participer à l’allégement des coûts de production.

La justice fiscale, c’est faire en sorte que chacun paye en fonction de ses capacités pour contribuer au maintien des services publics. Les entreprises y ont aussi intérêt : la qualité de nos services publics permet aux jeunes d’acquérir un bon niveau de formation et de devenir des salariés compétents. Il est donc nécessaire d’associer les deux.

Monsieur le ministre, pour ma part, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de réduire à tout prix la dépense publique. En revanche, il faut veiller à la qualité de la dépense engagée. Je le répète depuis longtemps, nous devons nous interroger sur notre politique fiscale : plus de 100 milliards d'euros de remboursements et de dégrèvements d’impôt affaiblissent notre budget national.

M. Éric Bocquet. Absolument !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je donne acte à Yvon Collin et au groupe du RDSE d’avoir déposé un amendement n° I-513 ayant le même objet. Cependant, dans la mesure où le dispositif était mis en application à partir des revenus de 2016 et n’avait donc aucun impact sur le solde budgétaire de l’exercice 2014, aux termes de la LOLF, il ne relevait pas de la première partie du projet de finances pour 2014.

Sur le sujet, un gigantesque débat nous attend, nous en avons eu un aperçu aujourd'hui. Il est loin d’être épuisé ! Nos collègues écologistes sont donc libres de donner la réponse qu’ils souhaitent à la demande de retrait de leur amendement formulée par la commission.

Mme la présidente. Madame Lipietz, que décidez-vous finalement ?

Mme Hélène Lipietz. Je suis très heureuse du débat qui vient d’avoir lieu. Pour moi qui participe rarement aux débats budgétaires, n’étant pas membre de la commission des finances, constater que nous avons choisi la bonne méthode est une satisfaction. Nous avons discuté de ce qui est au cœur de la politique : d’une part, le consentement à l’impôt…

M. Jean Desessard. Le désir fiscal ! (Sourires.)

Mme Hélène Lipietz. … et, d’autre part, les dépenses et leur usage. Vous le voyez, les écologistes peuvent être utiles et ne servent pas qu’aux petits oiseaux ! (M. Roger Karoutchi rit et applaudit.)

Je me réjouis que le ministre ait annoncé qu’une grande discussion sur le sujet allait avoir lieu. En tant qu’écologistes, nous souhaitons qu’elle ne réunisse pas seulement les partenaires sociaux et les parlementaires, mais qu’elle soit aussi ouverte aux citoyens. Elle doit avoir lieu sans tarder ! Au bout de dix-huit mois de présidence, il est temps de s’engager sur cette voie.

La Révolution française est née du refus des nobles d’acquitter l’impôt. Veillons à ce que l’impôt reste au cœur de notre vie sociale et soit accepté en étant de plus en plus clair et lisible. Il faut rappeler à nos concitoyens que l’impôt sert à faire vivre la France et la République. Ne l’oublions jamais, notamment dans nos discours. (M. Yann Gaillard applaudit.)

Cela étant, je retire cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien ! Heureuse conclusion !

Mme la présidente. L'amendement n° I-411 est retiré.

Articles additionnels après l’article 2
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2014
Article additionnel après l’article 3

Article 3

Le 2 du I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le montant : « 2 000 € » est remplacé par le montant : « 1 500 € » ;

2° À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, le montant : « 4 040 € » est remplacé par le montant : « 3 540 € » ;

3° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le montant : « 997 € » est remplacé par le montant : « 1 497 € » ;

4° À la première phrase du dernier alinéa, le montant : « 672 € » est remplacé par le montant : « 1 672 € ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.

Mme Marie-France Beaufils. Nous abordons l’un des sujets clés du projet de loi de finances pour 2014 : le quotient familial.

L’abaissement du plafond nous est généreusement présenté, notamment dans le rapport de la commission des finances, comme une mesure de justice sociale touchant les ménages les plus aisés. Or nous savons très bien que cette décision n’est qu’une étape dans un processus de longue haleine qui pourrait conduire à la disparition pure et simple du quotient familial.

Selon les estimations fournies par le Gouvernement lui-même, le quotient familial coûterait 12,4 milliards d’euros aux finances publiques. Il aurait donc un impact significatif sur le produit de l’impôt, puisqu’il faut bien évidemment le mettre en rapport avec les 75,6 milliards d’euros attendus. Ce serait même la principale « niche fiscale ».

Une telle assertion mérite sans doute d’être analysée avec plus de précision. D’après l’évaluation des voies et moyens, en 2014, près de 12,9 milliards d'euros serviront à financer des réductions et des crédits d’impôt, dont une bonne partie n’est qu’un pis-aller de la dépense publique ou privée directe. Même amoindrie, la prime pour l’emploi est un succédané de hausse des salaires, dont les employeurs peuvent se dispenser.

Nous connaissons les données du problème : certes, le quotient familial représente 12,4 milliards d’euros, mais il est partagé entre 7,78 millions de ménages, c'est-à-dire plus d’un ménage sur cinq. En d’autres termes, cette niche fiscale représente, en moyenne, environ 1 600 euros d’impôt en moins par contribuable concerné. Rien à voir, mes chers collègues, avec le régime ISF-PME ! Certes, il ne coûte que 460 millions d’euros – cela fait tout de même le dixième du produit de l’ISF –, mais il concerne 41 600 ménages, soit, pour chacun d’entre eux, un chèque moyen de 11 060 euros. J’ai d’ailleurs cru comprendre récemment que, contrairement au quotient familial, il était question de le « sanctuariser ». Quelle bonne méthode pour rétablir l’égalité entre les contribuables !

À ce propos, je précise qu’en 2011 – c’est le dernier chiffre dont je dispose – ont été recensés 136 000 déclarants de plus-values possédant 5,4 milliards d’euros de revenus. Le régime extrêmement favorable d’imposition des plus-values qui figure un peu plus loin dans le texte n’améliorera pas la justice fiscale, me semble-t-il, si c’est bien le sujet qui nous importe ici.

Pour les ménages n’ayant qu’un enfant, les effets du plafonnement se feront sentir à partir de 64 481 euros de revenu de référence, soit un revenu annuel brut de 71 645 euros. Cela correspond à la rémunération de deux cadres touchant environ 3 000 euros nets fiscaux par mois. Dans de nombreux cas, ce seront des couples de salariés, diplômés, normalement payés, qui seront frappés. Selon le rapport de la commission des finances, cette mesure concernera 80 % des foyers dont le revenu est soumis aux taux d’imposition intermédiaires de 14 % et de 30 %.

Je souhaite revenir sur le rôle de cette économie fiscale.

Aujourd’hui, dans les faits, nous avons un dispositif où les allocations familiales participent, comme le quotient familial, à la politique familiale générale du pays. Au demeurant, les sommes en jeu sont quasiment les mêmes : les allocations familiales liées à l’enfant, de caractère universel, ont le même « coût » que le quotient familial. Réalisera-t-on un transfert de l’un à l’autre, avec le milliard d’euros attendu de l’application de l’article 3, par exemple en finançant l’attribution d’allocations familiales dès le premier enfant ? Malheureusement, la somme ainsi « économisée » sera immédiatement engloutie dans le financement d’une nouvelle exonération de cotisation sociale relative aux allocations familiales normalement due par les entreprises.

La question que pose cette mesure, c’est encore une fois celle de la fiscalité de substitution, un impôt nouveau frappant les ménages venant alléger la contrainte des entreprises. Observons d’ailleurs que l’État va faire à cette occasion coup double, puisque la base imposable des entreprises, en général, sera majorée de 1 030 millions d’euros et pourra produire 340 millions d’euros de recettes fiscales en plus.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’article 3.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.

M. Jean Desessard. Cet article vise à réduire l’avantage conféré par le quotient familial. Pour éviter tout suspense, je dis tout de suite que nous y sommes favorables et que nous voterons contre les amendements qui ont été déposés.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, la politique familiale a deux objectifs : augmenter la natalité et favoriser le bien-être de l’enfant.

En tant qu’écologiste, je ne peux naturellement pas cautionner le premier objectif : dans un monde aux ressources naturelles limitées, l’augmentation de la natalité ne paraît pas souhaitable.

M. Jean Desessard. En revanche, le second objectif, à savoir le bien-être de l’enfant, nous importe. De ce point de vue, l’urgence est réelle. Sur un total de 9 millions d’enfants environ dans notre pays, 2,7 millions d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté : un enfant sur cinq, en France, a des parents dont le revenu est inférieur à 964 euros, après versement des allocations familiales.

Dans le contexte budgétaire et financier difficile que nous connaissons, deux solutions ont été proposées : moduler les allocations en fonction du revenu ou baisser le plafond du quotient familial.

La première solution permettrait de concentrer les aides vers les plus défavorisés. Toutefois, les écologistes sont attachés au principe d’universalité de l’allocation dans l’intérêt des droits de l’enfant, quels que soient son milieu, son origine, son histoire. De même que je défends le concept d’un revenu citoyen pour tous, je soutiens le principe de l’allocation inconditionnelle pour chaque enfant, et ce dès le premier enfant. C’est pourquoi je salue la décision du Gouvernement de retenir la solution de l’abaissement du plafond du quotient familial.

Aujourd’hui, le quotient familial coûte chaque année 13 milliards d’euros à l’État. Les deux tiers de cette somme profitent aux 20 % des familles les plus riches. À titre d’exemple, pour une famille dont les parents touchent à eux deux le SMIC, le quotient familial est un avantage de 279 euros par an et par enfant, tandis que, pour une famille dont les parents perçoivent à eux deux six fois le SMIC, le quotient familial représente un avantage de 2 000 euros par an et par enfant. Il est donc parfaitement normal de revoir cet avantage à la baisse. À terme, lors de la grande réforme fiscale, il faudra même, me semble-t-il, envisager la disparition du quotient familial (Protestations sur les travées de l'UMP.),…

M. Jean Desessard. … afin de le remplacer par des outils plus justes et plus efficaces.

M. Aymeri de Montesquiou. Et instaurer la politique de l’enfant unique ?

M. Jean Desessard. Mes chers collègues, je vois que c’est vous qui rechignez à faire des économies.

Mme Catherine Procaccia. Pas sur les familles !

M. Jean Desessard. Alors que ce sont ceux qui paient le plus d’impôts qui en profitent le plus !

Des solutions alternatives existent.

M. Philippe Dallier. Lesquelles ?

M. Jean Desessard. L’association ATD Quart Monde et l’ancienne Défenseure des enfants, Dominique Versini, proposent de remplacer le système du quotient familial par un crédit d’impôt universel de 715 euros par an et par enfant. Cette solution ferait sortir immédiatement 500 000 enfants de la pauvreté, sans que cela coûte 1 euro supplémentaire à l’État.

Les écologistes souscrivent pleinement à cette proposition, qui a le mérite de recentrer la politique familiale sur son objectif principal, à savoir fournir des ressources suffisantes pour le bien-être de l’enfant, de manière égalitaire pour tous les foyers.

En conclusion, nous nous réjouissons que le Gouvernement propose une réforme du quotient familial, mais nous appelons de nos vœux la suppression de cet avantage fortement inégalitaire dans le cadre de la prochaine grande réforme fiscale. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. Francis Delattre. Ça va être joyeux !

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° I-23 rectifié ter est présenté par MM. Adnot et Bernard-Reymond.

L'amendement n° I-362 est présenté par MM. Dallier, de Montgolfier, Lefèvre et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° I-453 est présenté par MM. Delahaye, Maurey et Guerriau, Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° I-23 rectifié ter n'est pas soutenu.

La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l'amendement n° I-362.

M. Philippe Dallier. Après avoir ramené le plafond du quotient familial de 2 336 euros à 2 000 euros l’an dernier, vous nous proposez cette année de l’abaisser à 1 500 euros. J’ai été heureux de constater qu’au sein de la majorité très plurielle les avis étaient radicalement différents sur le sujet : Mme Beaufils défend le principe du quotient familial, tandis que M. Desessard veut tout simplement le supprimer.

Ce débat a été ouvert par un rapport de la Cour des comptes à la fin de l’année dernière. Constatant le déficit croissant de la branche famille de la sécurité sociale, il formulait la proposition, très controversée, de soumettre les prestations familiales à l’impôt sur le revenu. Le rapport Fragonard a par la suite avancé plusieurs solutions, parmi lesquelles la modulation des allocations familiales en fonction des ressources et l’abaissement du plafond du quotient familial. C’est finalement cette dernière solution que vous avez retenue.

Cette simple mesure ne suffira pas, à elle seule, à rééquilibrer la branche famille de la sécurité sociale. D’ici à 2016-2017, ce sont en effet 3 milliards d’euros environ qui sont à trouver. En outre, les diverses annonces, telles que la création de 100 000 places de crèche ou la réforme des rythmes scolaires, auront un impact sur la caisse d’allocations familiales, aussi bien en termes d’investissement que de fonctionnement. La CAF va en effet participer au financement de la réforme des rythmes scolaires, à travers les projets éducatifs territoriaux. Sauf à considérer que le financement de cette réforme proviendra d’une moindre contribution au financement d’autres postes, comme les crèches par exemple, des moyens supplémentaires seront nécessaires.

Des promesses ont également été faites au patronat, dans le cadre de la réforme des retraites, se traduisant par la disparition de cotisations patronales finançant la branche famille. Il faudra bien trouver les moyens de compenser cette perte de recettes !

Votre choix pèsera, une fois encore, principalement sur les classes moyennes. Le rapport Fragonard avait pourtant préconisé de ne pas viser les classes moyennes supérieures. Encore faudrait-il que nous nous mettions d’accord pour savoir ce qu’est la « classe moyenne supérieure », alors que nous ne nous entendons pas sur la définition de la « classe moyenne ». En outre, vous allez toucher les familles avec un seul enfant, lesquelles ne bénéficiaient pas de ces allocations familiales.

Finalement, non seulement la solution proposée ne réglera pas l’ensemble des problèmes posés, mais elle va, une nouvelle fois, alourdir les impôts des classes moyennes, y compris les classes moyennes supérieures. Voilà pourquoi nous souhaitons supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I-453.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, nos analyses divergent profondément. Vous semblez concevoir le quotient familial non pas comme un dispositif de soutien aux familles mais comme une niche qu’il faudrait raboter, afin de combler les déficits. Vous confondez la politique fiscale de rendement et la politique familiale ! Or le principe selon lequel l’imposition par foyer fiscal, c’est-à-dire à partir des quotients conjugal et familial, est bel et bien un principe fondateur de l’impôt sur le revenu et non une niche fiscale devrait être réaffirmé.

Les sénateurs centristes sont, comme vous, en faveur d’une meilleure progressivité de l’impôt sur le revenu. À titre d’exemple, je rappelle que, depuis 2008, le groupe centriste du Sénat a déposé régulièrement des amendements visant à créer une nouvelle tranche marginale d’impôt sur le revenu. Cette demande a été plus que satisfaite dans la dernière loi de finances. Toutefois, beaucoup de chemin reste à parcourir pour combler les carences qui minent encore l’impôt sur le revenu. Pour autant, je ne crois pas que cela passe par l’extinction progressive, ordonnée et méthodique du quotient familial, telle que vous la mettez en place année après année.

Le fondement de votre projet est plus idéologique que budgétaire. Selon vous, le quotient familial n’est qu’un outil favorable aux ménages les plus aisés. C’est faux ! Les chiffres les plus élémentaires le démontrent.

Dans un contexte de crise généralisée et de matraquage fiscal, un soutien au pouvoir d’achat des familles serait le bienvenu. C’est pourquoi je propose de supprimer le présent article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements tendent à supprimer l’article 3, qui vise à abaisser de 2 000 euros à 1 500 euros le plafond du quotient familial.

Ma position se fonde essentiellement sur des arguments de fond. En effet, il est faux d’affirmer que l’abaissement du plafond du quotient familial modifie le caractère familial de l’impôt sur le revenu. Le mécanisme du quotient familial est au contraire confirmé.

L’abaissement du plafond relève d’une appréciation du juste niveau des avantages fiscaux accordés, au regard de la capacité contributive de chaque foyer. Ainsi, l’abaissement du plafond du quotient familial a pour effet de renforcer la redistribution verticale de notre politique familiale et la progressivité de l’impôt sur le revenu, garantissant en cela la justice fiscale. Il n’y a donc pas de coup de rabot.

M. Francis Delattre. Si, de 1 milliard d’euros !

M. Roger Karoutchi. Excusez du peu !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Seuls 12 % des foyers fiscaux avec enfant à charge seront concernés par les mesures figurant à l’article 3. À l’inverse, ce sont près de 10 millions de foyers plus modestes qui continueront de bénéficier à plein de leur part de quotient. Dans ces conditions, l’article 3 apparaît comme une mesure d’équité et de sauvegarde de la famille puisqu’il permet de préserver le principe d’universalité.

Je le répète, il est totalement faux de prétendre que l’abaissement du plafond du quotient familial remet en cause la politique familiale et le soutien à la natalité des Français. Par conséquent, je ne peux qu’être défavorable à ces deux amendements de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?