M. le président. L’amendement n° 39 rectifié bis, présenté par MM. Dallier, P. André, Belot, Couderc, Dufaut, Grignon, Houel, B. Fournier, Laufoaulu et Mayet, Mme Procaccia, M. Bécot, Mme Boog, MM. Cardoux, Cléach et de Legge, Mme Des Esgaulx, MM. Lefèvre, Leleux, Portelli, Savary, Charon, Doublet, D. Laurent, Beaumont, Bordier, J.P. Fournier, G. Bailly, Gaillard et Bizet, Mmes Cayeux et Garriaud-Maylam, MM. du Luart, Huré, Pierre, Grosdidier et Legendre, Mme Hummel, MM. Milon et Reichardt, Mme Bruguière, M. Pintat et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quinquies ainsi rédigé :

« Art. 81 quinquies. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 dudit code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.

« L’exonération mentionnée au premier alinéa est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;

« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 ou au onzième alinéa de l’article L. 212-4-3 du même code applicable à la date de publication de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;

« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;

« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;

« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.

« II. – L’exonération prévue au I s’applique :

« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :

« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;

« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;

« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;

« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

« De même, ils ne sont pas applicables :

« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;

« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code. »

II – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 241-16, il est rétabli un article L. 241-17 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quinquies du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par les dispositions du même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa.

« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération.

« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.

« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;

2° L’article L. 241-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 241-18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quinquies du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quinquies du même code.

« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quinquies du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l’article L. 241-17 du présent code. »

III. – L’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale est applicable aux rémunérations perçues à raison des heures de travail accomplies à compter du 1er janvier 2014.

IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I à III ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à III ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Je vous propose une nouvelle fois un amendement visant à revenir sur la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Le Sénat avait d’ailleurs adopté cette disposition lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014.

Monsieur le ministre, cela a été souligné dans la discussion générale, le pouvoir d’achat des Français est en berne, ce qui pèse sur la consommation.

La défiscalisation des heures supplémentaires avait été décidée par le gouvernement de Nicolas Sarkozy, au tout début du précédent quinquennat. Cette mesure avait été critiquée pour deux raisons.

On lui a tout d’abord reproché son coût, que nous ne sous-estimons pas, puisque plusieurs milliards d’euros sont en jeu.

Une autre critique, qui nous paraît tout à fait infondée, consiste à décrire cette disposition comme défavorable à la création d’emplois. Comme si les entreprises pouvaient arbitrer entre la création d’emplois en CDD ou en CDI et les heures supplémentaires ! On sait bien que, dans la très grande majorité des cas, le problème ne se pose pas ainsi.

Nous pensons donc que cette mesure présentait un grand intérêt, et c’est pourquoi nous vous la proposons à nouveau.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’avis est défavorable, comme lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, et pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Nous avions déjà voté le rétablissement de la défiscalisation des heures supplémentaires lors de l’examen du projet de loi de finances de cette année.

M. Philippe Marini. Il faut voter au scrutin public !

M. Francis Delattre. Le Gouvernement nous demande d’adopter une attitude constructive sur certains grands dossiers. Je lui renvoie la balle sur une mesure qui, certes, coûte 4,5 milliards d’euros, mais qui a fait débat jusque dans vos rangs à l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, vous avez là l’occasion de réinjecter dans l’économie et dans la consommation des milliards d’euros au profit des salariés, ce qui vous aidera à atteindre vos objectifs de croissance. Car la croissance dans notre pays dépend de deux paramètres : la consommation et les investissements des entreprises.

Les investissements des entreprises pour l’année prochaine, nous le savons, s’annoncent relativement faibles. Vous demandez à l’opposition de vous écouter ; nous vous répondons que la non-déductibilité fiscale des intérêts d’emprunts contractés par les entreprises pour investir est une véritable erreur. Son maintien dans le présent texte, comme dans le projet de loi de finances pour 2014, constitue un véritable frein à l’investissement des entreprises, et ce pour une raison simple : 80 % des investissements dans notre pays sont réalisés via des produits bancaires.

Pour vous aider à abandonner la fameuse formule « faire payer les riches », alors que vous faites payer, en réalité, les classes populaires et moyennes, nous souhaitons que vous fassiez un geste, dans le sens de la coopération entre toutes les forces politiques que vous prônez sur les sujets importants.

Nous demandons donc un vote par scrutin public sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je serai brève. Nous ne voterons pas cet amendement, conformément à la position claire que nous avions prise lors de la précédente discussion portant sur ce sujet.

Le vrai problème, aujourd’hui, c’est le niveau trop faible des rémunérations salariales, et c’est sur cette réalité-là qu’il faut intervenir.

Du reste, il est remarquable que les membres de l’UMP nous proposent aujourd’hui la suppression de la taxation des heures supplémentaires alors que, dans le même temps, ils ont voté une non-revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu, dont on sait parfaitement qu’elle avait des conséquences bien plus lourdes et qu’elle touchait encore bien plus de monde.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je veux simplement rappeler à Mme Beaufils que, lors du débat sur la loi de finances pour 2014, le groupe CRC avait déposé le même amendement et qu’il l’avait voté. Vous avez donc changé d’avis en l’espace de quinze jours !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Je n’ai pas du tout l’intention de rouvrir ce débat, il a été fait et refait, et je me contenterai de quelques mots : le premier, pour saluer l’ouverture d’esprit de M. Delattre, dont j’attendrai la concrétisation avec patience ; le deuxième, pour noter que l’opposition nous réclame souvent, paraît-il, des économies supplémentaires, alors qu’elle ne cesse, en fait, d’accabler le pays de propositions de dépenses fiscales.

M. Pierre Moscovici, ministre. Si l’on additionne le manque à gagner résultant de toutes les mesures que vous avez proposées, le total doit bien dépasser maintenant les 15 milliards d’euros ; je salue cette preuve de cohérence. (M. Francis Delattre proteste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont tous deux émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 100 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l’adoption 183
Contre 139

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article additionnel après l’article 10 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2013
Discussion générale

5

Prise d'effet de nominations à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 11 décembre dernier prennent effet.

6

Article additionnel après l’article 10 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2013
Deuxième partie

Loi de finances rectificative pour 2013

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2013
Articles additionnels après l'article 10

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances rectificative, adopté par l’Assemblée nationale.

Dans la discussion des articles de la seconde partie, nous poursuivons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 10.

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2013
Article 10 bis (nouveau)

Articles additionnels après l'article 10 (suite)

Mme la présidente. L'amendement n° 69, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l’article 193 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, la fraction des revenus correspondant aux éléments de rémunération, indemnités et avantages visés aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, dont le montant annuel excède le montant annuel du salaire minimal interprofessionnel de croissance, est taxée au taux de 95 %. »

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’actualité récente a été marquée par l’« affaire Varin », c’est-à-dire la révélation de la retraite spéciale dont devait bénéficier le PDG du groupe PSA en récompense de « ses bons et loyaux services », si j’ose dire.

Ces 21 millions d’euros de retraite chapeau pour M. Philippe Varin représentent une somme importante réunie à partir de la constitution d’une provision dite « spécifique », provision qui, comme toute autre, est le produit de la mise en réserve d’une partie du chiffre d’affaires du groupe, lequel résulte, sauf erreur, du travail des salariés.

Les ouvriers de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois, qui vont voir fermer leur entreprise avant peu, ont ainsi travaillé pour permettre au PDG qui a décidé cette fermeture de vivre une retraite paisible et heureuse...

Il est donc grand temps, nous semble-t-il, de légiférer en matière de rémunérations importantes dans le secteur privé, car nous ne pensons pas pouvoir faire éternellement confiance à la « sagesse » des organisations professionnelles patronales, des comités de rémunération, des conseils de direction, d’administration ou de surveillance.

En effet, le décalage est sans cesse croissant dans les plus grands groupes privés entre les rémunérations les plus faibles et les plus élevées. Les études de l’INSEE, notamment, prouvent que les hausses de rémunération dont ont bénéficié les détenteurs de très hauts salaires, soit environ 1 % des salariés du secteur privé, se sont révélées au moins deux fois supérieures à celles des cadres et des ouvriers, et cinq fois plus élevées au moment où ces salariés connaissaient une promotion.

Faute d’avoir vu les entreprises privées faire preuve de la plus élémentaire mesure quant à la fixation des conditions de rémunération des cadres dirigeants de nos entreprises, nous ne pouvons que vous proposer l’application de dispositions fiscales dont le caractère dissuasif est bien entendu l’élément principal.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement, estimant qu’une imposition à 95 % d’indemnités de départ fixées par voie contractuelle serait non seulement confiscatoire, mais, surtout, inconstitutionnelle. (M. Philippe Dallier approuve.)

Nous avons par ailleurs noté que les avantages fournis et les indemnités de départ versées aux dirigeants de sociétés cotées font d’ores et déjà l’objet d’un encadrement et sont obligatoirement subordonnés à la performance dans l’entreprise desdits dirigeants.

J’aurais pu aussi évoquer la liberté contractuelle et les prérogatives du conseil de surveillance de l’entreprise à l’appui de mon argumentation.

Bien sûr, il convient de rester très attentif aux abus, surtout lorsque ceux-ci se manifestent dans les entreprises dont l’État est actionnaire. Comme vous l’avez dit, madame Beaufils, l’actualité nous le rappelle avec force.

Cependant, à notre avis, ce n’est pas une taxation à 95 %, totalement déconnectée de la performance des dirigeants, qui permettrait d’assurer une totale sécurité quant aux exigences en matière de rémunération.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’est pas non plus favorable à cette proposition d’imposer au taux de 95 % les rémunérations différées versées aux dirigeants pour la fraction excédant le montant annuel du SMIC.

Comme vient de le rappeler M. le rapporteur général, l’encadrement et la taxation des parachutes dorés et des retraites chapeaux des dirigeants des sociétés cotées ont été considérablement renforcés ces dernières années. Il ne me semble pas inutile de procéder à quelques rappels en la matière.

Tout d’abord, sur le plan juridique, le régime actuel permet de garantir que les indemnités de départ des dirigeants récompensent bien des performances et ne sont donc pas indûment versées.

Ensuite, sur le plan fiscal, en application du 5 bis de l’article 39 du code général des impôts, les rémunérations différées ne sont admises en déduction du bénéfice net des sociétés cotées que dans la limite d’un montant fixé à six fois le plafond annuel de la sécurité sociale.

Enfin, sur le plan social, la contribution patronale sur les rentes versées au titre des retraites chapeaux s’élève à 32 % et la contribution spécifique sur les rentes élevées, c’est-à-dire celles qui excèdent huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 296 256 euros pour 2013, s’élève, quant à elle, à 30 %. Ce sont donc des montants importants. Une contribution a également été mise à la charge des bénéficiaires de ces rentes à des taux allant de 7 % à 14 % selon le montant perçu.

Madame Beaufils, toutes ces mesures ont bien pour objectif d’éviter les abus que vous avez eu raison de dénoncer.

Par ailleurs, la taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations proposées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 a vocation à s’appliquer aux rémunérations des dirigeants. Elle sera un élément de plus pour renforcer cet effort de solidarité des entreprises qui versent de hautes rémunérations.

Pour finir, comme l’a rappelé M. le rapporteur général, force est de reconnaître que la taxation à 95 % de ces rémunérations, sans compter les autres impositions qui s’ajoutent à l’impôt sur le revenu, serait très certainement confiscatoire et censurée à ce titre par le Conseil constitutionnel.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous invite à bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’en demanderai le rejet.

Mme la présidente. Madame Beaufils, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Marie-France Beaufils. J’ai bien entendu l’exposé de toutes les dispositions mises en place ces derniers temps, que le groupe CRC a d’ailleurs votées, du moins pour un certain nombre d’entre elles. Seulement, le fait qu’une entreprise se permette de faire de telles propositions à un moment où elle s’apprête à licencier un nombre important de salariés montre bien que le caractère dissuasif de ces dispositions est insuffisant.

Je précise que nous proposons de taxer à 95 % non pas la totalité des indemnités, mais seulement la partie supérieure au montant annuel du SMIC.

M. Philippe Dallier. Effectivement, cela fait une grande différence ! (Sourires.)

Mme Marie-France Beaufils. Cette taxation ne me semble donc pas confiscatoire, au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Sous réserve d’une analyse plus complète, je maintiens tout de même l’amendement. Nous restons cependant vigilants, car, apparemment, les mesures que vous avez rappelées ne suffisent pas pour l’instant, puisqu’une entreprise peut encore se permettre de faire de telles propositions au moment même où elle engage un grand plan de licenciement. C’est bien qu’il y a un problème !