M. Nicolas Alfonsi. Cet amendement concerne les services à la personne, secteur d’activité qui représente plus d’un million d’emplois dans notre pays et qui est également un vecteur de solidarité. Je pense notamment aux services destinés au maintien à leur domicile des personnes âgées dépendantes.

Comme d’autres, ce secteur a été durement touché par la crise économique et, en 2011, le nombre d’heures d’emplois à domicile rémunérées par les particuliers a baissé pour la première fois de 1,8 %.

Aujourd’hui, plusieurs mesures, comme la hausse de la TVA et celle des charges sociales, conduisent à une recrudescence de l’activité non déclarée dans ce secteur.

Pour éviter le développement du travail au noir, que certaines études chiffrent à 12 %, cet amendement tend à exclure les réductions d’impôt accordées au titre de l’emploi d’un salarié à domicile du plafonnement global des niches fiscales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons déjà eu l’occasion de discuter de cette mesure, qui était alors présentée par le groupe UDI-UC, lors de l’examen du projet de finances pour 2014. Je ne peux qu’émettre le même avis défavorable.

L’adoption de cet amendement augmenterait le coût d’une dépense fiscale déjà substantielle. Qui plus est, elle bénéficierait surtout aux contribuables aux revenus les plus élevés.

Sur ce sujet, la position de la commission est claire : il n’est pas opportun d’aller dans cette direction.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Même avis !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Nous soutenons cet amendement et le voterons, comme nous l’avons fait lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un bon amendement !

M. Philippe Dallier. Il est manifeste que le travail au noir redémarre dans notre pays, ce qui est certainement dû à l’augmentation des charges et des impôts sur les emplois à domicile.

Madame la ministre, le jeu en vaut la chandelle : nous pouvons accepter cette dépense dans la mesure où, j’en suis certain, au bout du compte, il y aura aussi des recettes en face !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je reviens sur l’argument fort de notre collègue Philippe Dallier pour rappeler que la mesure en question bénéficierait principalement aux contribuables percevant les revenus les plus élevés.

Mes chers collègues, le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales a évalué que 80 % des foyers les moins riches ne bénéficiaient que de 8 % de la dépense fiscale totale relative aux services à la personne. Par conséquent, et c’est à mes yeux très clair, exclure les services à la personne et de l’emploi à domicile du plafonnement global des réductions et des crédits d’impôt favoriserait indéniablement les catégories sociales dont les revenus sont déjà élevés. Je ne saurais trop insister sur ce point, mais mon argument ne manque pas non plus de force, cher collègue.

C’est pourquoi je réitère l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ceux qui travaillent ne sont pas forcément riches !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je parle de revenus !

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Monsieur le rapporteur général, il va de soi que l’adoption de cette mesure entraînerait une dépense immédiate, mais nous sommes persuadés qu’elle aura ensuite un impact positif en termes de recettes.

En outre, il faut aussi penser à l’emploi !

Je rappelle que c’est Mme Aubry qui a mis en place les premières mesures de ce type, dans un gouvernement qui ne devait pas être de droite, et que cela a créé des milliers d’emplois.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et pas des emplois pour les riches !

M. Francis Delattre. Moins de travail clandestin, plus d’emplois, et vous écartez l’amendement d’un revers de la main ? Cela mérite un peu mieux, monsieur le rapporteur général !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh oui !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le rapporteur général, il est très délicat de jeter brutalement des statistiques dans le débat : 80 % des foyers disposant des revenus les moins importants ne profiteraient que de 8 % de la dépense fiscale totale ? C’est un peu rapide. Il faut mettre en balance l’ensemble des éléments pour bien apprécier la portée de cet amendement.

L’impact du travail au noir a-t-il été pris en compte au regard des statistiques dont vous vous prévalez ? On ne le sait pas. Une chose est sûre, en revanche, c’est que la disparition de la niche fiscale dont nous parlons entraînera une augmentation forte du travail au noir. Alors, sans attendre d’en avoir la détestable confirmation, votons l’amendement !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 176.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

L'amendement n° 35 rectifié bis, présenté par MM. Dallier, de Montgolfier, P. André, Belot, Couderc, Grignon, Houel, B. Fournier, Laufoaulu, Mayet et Bécot, Mme Boog, MM. Cardoux, Cléach et de Legge, Mme Des Esgaulx, MM. Guené, Lefèvre, Leleux, Portelli, Beaumont, J.P. Fournier, G. Bailly, Bizet et Gaillard, Mmes Cayeux et Garriaud-Maylam, MM. du Luart, Huré, Pierre et Grosdidier, Mme Hummel, M. Milon, Mme Bruguière et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 293 A du code général des impôts est complété par un 3. ainsi rédigé :

« 3. Par dérogation au 1, pour les biens importés dans le cadre d’une vente par correspondance effectuée par voie électronique, le fait générateur se produit et la taxe devient exigible au moment de la transaction entre l’acheteur et le vendeur.

« La taxe est acquittée par l’acheteur auprès du prestataire de services de paiement au sens de l’article L. 521-1 du code monétaire et financier, qui la reverse au Trésor. »

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement d’appel entend poser le problème, bien réel, des rentrées de TVA sur le commerce en ligne.

Voilà quelques semaines – vous vous en souvenez certainement, mes chers collègues –, un rapport a avancé des chiffres en matière d’évaporation de la base de TVA à l’échelon européen. Pour la France, le chiffre très élevé de 32 milliards d’euros a été cité, avant d’être contesté par la Commission européenne. Toutefois, même si l’évaporation se limite à une dizaine de milliards d’euros, l’enjeu n’en est pas moins extrêmement important.

Avec mon collègue Albéric de Montgolfier, nous avons souhaité nous intéresser à cette problématique et essayer de proposer une solution permettant effectivement de garantir que, lorsqu’un achat est effectué sur Internet, la part de TVA payée par le consommateur revienne effectivement dans les caisses de l’État.

C’est un vrai problème, notamment lorsque les sociétés qui vendent ces produits sont domiciliées à l’étranger, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la Communauté européenne. Dans ce cas, l’État n’est jamais certain que la TVA lui sera effectivement reversée.

Y a-t-il des moyens techniques pour tenter de remédier à ce problème ? Nous le pensons. Nous pourrions notamment étudier une solution qui consisterait à faire en sorte que la TVA soit reversée au moment même où l’achat est conclu et où le compte du client est débité. Le montant hors taxes du produit serait transféré au vendeur et la partie TVA serait directement versée sur un compte du Trésor.

Techniquement, cela nous semble tout à fait réalisable. Certes, il subsiste sans doute un problème de droit européen ; c’est pour cela que cette proposition reste essentiellement un amendement d’appel et qu’il convient d’approfondir la réflexion.

Mais, si nous voulons effectivement trouver une solution à ce réel problème de l’évaporation de la base imposable à la TVA, je pense qu’il est grand temps de réfléchir à cette question.

En effet, les ventes en ligne explosent, croissant de façon quasi exponentielle. Or nous avons pu constater cette année une baisse des rentrées de TVA et, même si ce n’est pas uniquement dû à la vente en ligne, on peut effectivement penser que le phénomène va s’amplifier dans les années à venir. Si le Gouvernement veut essayer d’agir efficacement, il faut que la question soit posée.

Outre le problème de droit européen qu’il nous faut régler, il convient de mettre autour de la table toutes les banques et les tiers de confiance en matière de paiement.

Je crois, madame la ministre, que ce sujet mérite d’être exploré. Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit en effet d’un sujet très important, qui mérite toute notre attention.

Dans un récent rapport qu’il a rédigé avec notre collègue Albéric de Montgolfier, au nom de la commission des finances, Philippe Dallier a montré qu’une partie de la TVA issue des ventes en ligne échappait à l’État en raison de l’impossibilité matérielle de contrôler non seulement les flux physiques mais aussi les flux financiers générés par ces ventes. Compte tenu du dynamisme du secteur – sur le dernier semestre, ce type de transactions affiche une croissance de 15 % –, les pertes peuvent être importantes et toucher aussi bien les droits de douane que l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu.

Quant à la proposition que vous avancez de faire prélever la TVA à l’importation par les banques au moment de la transaction, c’est certainement une piste très intéressante.

La commission des finances souhaitant s’assurer de la faisabilité d’un tel mode de recouvrement, elle sollicite l’avis du Gouvernement sur ce sujet particulièrement sensible, mais très important à ses yeux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous soulevez effectivement une question extrêmement importante. Soyez assuré que le Gouvernement partage pleinement votre souci de sécuriser la perception de la TVA sur ces flux de marchandises.

Cela étant, il ne peut soutenir votre amendement, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, s’agissant de la TVA, vous savez bien que la solution ne peut être nationale et isolée, mais qu’elle doit être élaborée dans le cadre communautaire. Or le droit communautaire en vigueur n’autorise pas à modifier le fait générateur de la TVA due au titre des importations de biens.

La mise en œuvre d’une telle disposition ne pourrait donc conduire qu’à un contentieux qu’il serait extrêmement difficile de gagner.

Par ailleurs, la Commission, qui a mené des travaux sur ce sujet, n’a pas à ce jour trouvé de solution qui soit de nature à satisfaire tous les États membres.

Enfin, l’intermédiaire de paiement, qui peut ne pas être situé sur le territoire français, ce qui constitue une difficulté pratique supplémentaire, n’aurait pas obligatoirement à sa disposition les informations pertinentes qui lui permettraient de savoir si la transaction en cause porte effectivement sur un bien pour lequel il doit collecter la TVA, ou sur un service pour lequel il ne doit pas la collecter.

Pour répondre à votre amendement d’appel, monsieur le sénateur, le Gouvernement s’engage à demander aux services de la Commission européenne de réactiver la réflexion sur ce sujet, qui avait été mise en sommeil à la fin de 2011.

Pour ces raisons, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’en demanderai le rejet.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, je souhaite en effet dire quelques mots sur ce sujet et appuyer le propos tenu par M. le rapporteur général.

C’est à l’issue d’un contrôle mené au nom de la commission des finances que nos collègues Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier se sont intéressés, en se rendant au bureau de douane de Roissy, aux conditions dans lesquelles les marchandises importées dans le cadre du commerce électronique faisaient l’objet de contrôles.

Les constatations factuelles auxquelles ils ont procédé ont fait apparaître plusieurs séries d’éléments.

D’abord, s’agissant de l’organisation de la Direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, et de son efficacité pour contrôler ces flux, il y a manifestement des progrès à faire – cela relève directement de la responsabilité de votre collègue Bernard Cazeneuve, madame la ministre.

Dans la douane « classique », lorsque la valeur d’une marchandise donnait lieu à divergences d’interprétations, un tiers déclarant répondait de la valeur déclarée devant l’administration. En matière de commerce électronique, il n’est pas possible de procéder de la sorte, du moins pour l’instant.

Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier font figurer dans leur rapport la reproduction de factures émanant, par exemple, de gros importateurs de matériel chinois qui valorisent à des tarifs incroyablement bas des articles destinés au marché français.

Il est clair que les effectifs de la DGDDI, son organisation et la manière dont les contrôles peuvent être exercés sur de tels flux ne permettent absolument pas, aujourd’hui, une réponse à la hauteur des enjeux.

Un premier aspect consiste donc à adapter l’organisation administrative et le contrôle en fonction de priorités. Avec ce rapport publié par nos collègues au nom de la commission des finances et cet amendement d’appel, nous voulons en quelque sorte lancer un signal d’alarme.

Nous souhaiterions vraiment que l’administration prenne des mesures concrètes de réorganisation et tâche d’être plus efficiente, car nous avons l’intuition que les enjeux, en termes de droits à rappeler, sont très importants, même si nous ne sommes pas en mesure de les chiffrer.

Un second aspect, directement traité par l’amendement, concerne le mode de versement de la TVA. Nous avons bien conscience que la proposition qui est faite mérite d’être analysée au regard du droit communautaire. Mais faut-il, dans ce domaine comme dans d’autres, nous résigner à attendre l’accord unanime – il n’interviendra sans doute jamais – de vingt-huit États ayant des intérêts contradictoires ? Ne faut-il pas au contraire rechercher, dans le cadre de l’Union européenne, une position commune entre les principaux États intéressés ?

Ne faudrait-il pas que la France se montre en somme volontariste dans cette recherche d’une plus grande équité fiscale internationale ?

Car, si j’ai bien entendu notre excellent rapporteur général rappeler l’impératif de justice, au sens d’une meilleure répartition au sein de notre pays, il me semble que, dans le monde des entreprises et au plan international, s’efforcer de parvenir à plus de justice, à plus d’équité relève également d’un impératif catégorique.

Nous serions donc heureux, madame la ministre, que vous nous disiez dans quelle mesure nous pourrions cheminer ensemble pour améliorer les méthodes de travail de notre administration et rechercher des solutions raisonnables.

Sinon, nous nous condamnons à reprendre le même échange dans un an, deux ans ou trois ans, mais, dans l’intervalle, combien de milliards d’euros de recettes auront manqué à l’appel !

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. C’est en effet une question importante que vous soulevez à travers cet amendement, monsieur Dallier ; nous en sommes tous conscients.

Un lien peut d’ailleurs être établi entre votre proposition et le débat délicat sur l’autoliquidation de la TVA à l’importation, qui se prolonge depuis de nombreuses années et que l’on peut résumer en ces termes : les entreprises qui importent doivent-elles acquitter la TVA au moment où le bien entre sur le territoire communautaire, ou faut-il au contraire permettre au bien de circuler et ne prélever la TVA que sur le lieu final de consommation ? On sait que, dans ce dernier cas, des fraudes massives se mettent en place, de type « carrousel », la marchandise circulant jusqu’à ce qu’elle soit perdue de vue. Et ce sont ainsi plusieurs milliards d’euros de recettes de TVA qui s’évaporent…

Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un débat communautaire, et je ne crois pas, monsieur le président de la commission, qu’il puisse trouver un aboutissement dans le cadre d’une coopération renforcée. Si quelques États pouvaient avancer sur le sujet, je n’y verrais pas d’inconvénient. Mais il me semble qu’il s’agit d’une compétence de l’Union.

Cette question nous plonge aussi dans l’une de ces grandes querelles bureaucratiques que la France connaît bien, en l’occurrence entre l’administration des douanes et celle des impôts au sujet de la TVA. Nous retrouvons un peu le même débat pour ce qui est du rapprochement de la CSG et de l’impôt sur le revenu.

Enfin, n’oublions pas que les sites de vente en ligne servent de plus en plus à écouler des produits de contrefaçon. Nous sommes tous à la recherche de méthodes qui permettraient de frapper les sites qui vendent des produits de contrefaçon, en particulier par l’intermédiaire des réseaux de paiement PayPal et autres réseaux bancaires. Vous avez d’ailleurs, madame la ministre, récemment évoqué ce problème devant l’assemblée générale du CNAC, le Comité national anti-contrefaçon.

Cette thématique rejoint votre préoccupation sur l’évaporation de la TVA, monsieur Dallier, et nous avons là un ensemble de dossiers très importants sur lesquels nous devons maintenant avancer.

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Je voudrais prolonger la réflexion. Le plus souvent, les consommateurs ne se plaignent pas de pouvoir acheter moins cher des produits importés. Mais, dans un monde de plus en plus dématérialisé et déterritorialisé, ce n’est pas sans conséquence pour nos entreprises et nos industries.

Je n’ai pas eu la chance d’accompagner Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier aux douanes de Roissy, mais j’ai eu plusieurs fois celle d’accompagner Mme la ministre chargée de l’économie numérique dans des entreprises de jeux vidéo. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Procaccia. Chacun va où il peut !

M. André Gattolin. Aujourd’hui, les jeux vidéo produits par des sociétés françaises sont diffusés sur des plateformes étrangères comme Facebook, Amazon ou Steam.

Non seulement les droits d’entrée exigés sont très élevés, mais la provenance finale des achats ne leur est pas communiquée.

Alors que ces petites sociétés, très innovantes et très performantes, se positionnent sur un marché particulièrement concurrentiel, elles se trouvent taxées à 19,6 % sur l’ensemble de leurs ventes – soit un volume de 10 000 ou 20 000 jeux – uniquement parce que les opérateurs refusent de leur révéler la provenance des achats.

Certains d’entre eux, comme Facebook, proposent certes un tarif préférentiel. Cependant, simplement en payant trop de TVA, ces PME risquent de devoir mettre la clef sous la porte !

Les discussions avec l’administration fiscale confirment qu’il s’agit là d’un véritable problème. Faire face à Apple, Facebook et autres opérateurs ? C’est très difficile. Il serait préférable pour nous de décider que la nature internationale ou multilingue du produit justifie l’instauration d’un système forfaitaire ; par exemple, on pourrait considérer que l’entreprise ne réalise pas plus de 50 % de son chiffre d’affaires sur le territoire français.

Cette solution paraît malheureusement inenvisageable dans le système fiscal français. C’est bien dommage, car nombre de petites entreprises novatrices et dynamiques sont littéralement dévorées par cette nouvelle façon de gérer l’économie, à la fois déterritorialisée et dématérialisée.

Cet enjeu a été abordé dans notre rapport sur l’industrie du jeu vidéo, rédigé avec Bruno Retailleau. Il nous a été rappelé à maintes reprises - madame la ministre, je vous prends à témoin - lors de nos visites d’entreprises de jeux vidéo ou du numérique, notamment à Bordeaux.

Nous devons mener une réflexion de fond et conduire l’administration fiscale à se repenser. On ne gouverne plus un pays au XXIsiècle comme on le faisait au XIXe ou au XXe siècle. On ne peut plus concevoir l’impôt de la même manière qu’à l’époque où il y avait des barrières douanières. Il nous faut réinventer un système plutôt que de nous résigner à l’inertie, même s’il n’est pas des plus faciles de faire comprendre à notre brave administration – qu’il s’agisse des impôts ou des douanes - qu’elle doit changer.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. Monsieur Dallier, l’amendement n° 35 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Philippe Dallier. Notre débat aura démontré que nous sommes tous bien conscients des enjeux. Ce n’est pas à la ministre chargée de l’économie numérique que je ferai l’injure d’expliquer que le monde et les modes de consommation changent très vite et que nous avons beaucoup de difficulté à nous adapter.

Bien évidemment, ce sujet doit être traité au niveau européen. Cependant, comme le disait M. le président de la commission des finances, il sera probablement difficile de trouver un consensus.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est une question de volonté !

M. Philippe Dallier. Toutefois, tous les pays européens sont a priori confrontés au même problème d’évaporation de la base taxable. Ce n’est pas une spécialité française.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !

M. Philippe Dallier. Tous les États européens ont donc intérêt à y remédier. Faut-il qu’un gouvernement prenne une initiative forte pour relancer le débat ? Je compte sur vous, madame la ministre. J’ai bien entendu votre engagement en ce sens et j’espère que nous pourrons aboutir relativement rapidement.

Techniquement, cela me paraît tout à fait faisable. Il suffit d’associer les banques, les intermédiaires, et de fixer des règles. Commençons par fixer les règles, et à mon sens, le problème technique se réglera assez aisément.

Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 35 rectifié bis est retiré.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Je ne souhaite pas laisser croire que le Gouvernement a été inactif sur ce dossier. Au contraire, son action mérite d’être brièvement exposée.

Comme vous le savez, les 24 et 25 octobre dernier s’est tenu un Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement consacré à l’innovation et à l’économie numérique. À cette occasion, mes services ont été particulièrement actifs pour mettre sur la table des discussions la question de la fiscalité à l’ère numérique.

La fiscalité numérique porte sur plusieurs aspects : d’une part, l’impôt sur les sociétés, qui lui aussi fait l’objet d’une érosion des bases tout à fait considérable, et, d’autre part, la TVA tant sur les biens physiques commercialisés par le biais de plateformes numériques que sur les biens dématérialisés.

Concernant les biens dématérialisés, la territorialisation de la TVA changera à partir de 2015 et progressivement jusqu’en 2018 : la TVA acquittée sera désormais celle du pays du consommateur.

Concernant les biens physiques, un groupe de travail sur la fiscalité numérique a été créé, à notre initiative, par la Commission européenne et le commissaire Semeta. Nous souhaitons que ce groupe puisse appréhender les enjeux liés aux biens physiques commercialisés par des plateformes de manière transfrontalière.

De même, ce groupe de travail sera très attentif à dégager des solutions quant au problème de l’érosion des bases de l’impôt sur les sociétés dont souffrent la France et d’autres pays européens cherchant notamment à redresser leurs finances publiques.

Pour ma part, je suis tout à fait mobilisée pour parvenir, avec mes homologues chargés de l’économie numérique dans divers pays, à des points de convergence en matière fiscale à l’échelle européenne. L’unanimité sur ces questions est effectivement difficile à atteindre. Toutefois, avec de grands alliés, nous pourrons trouver des points d’accord pour faire avancer ce dossier.

Mme la présidente. L'amendement n° 71, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 779 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, le montant : « 100 000 € » est remplacé par le montant : « 50 000 € » ;

2° Au premier alinéa du II, le montant : « 159 325 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € ».

II. – Le présent article s’applique à compter du 1er janvier 2014.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Le présent amendement vise à revenir sur le montant des abattements successoraux adoptés dans le cadre de la loi TEPA du 21 août 2007, tout en maintenant le principe d’un doublement de l’abattement au bénéfice des héritiers, légataires ou donataires incapables de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d’une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable, car cet amendement remet une nouvelle fois en cause l’un des éléments de la réforme de la fiscalité du patrimoine que nous avons votée l’année dernière.

Sur le fond, je considère que cet amendement est en grande partie satisfait par la réforme du collectif budgétaire de l’été 2012.

Pour mémoire, les abattements ont alors été diminués, passant de près de 160 000 euros à 100 000 euros, et le délai de reprise des donations a été porté de dix à quinze ans.

Le rendement de l’ensemble de ces mesures est estimé à près de 1,5 milliard d’euros en année pleine. Le travail a donc été fait pour l’essentiel. Reprendre un tel débat aujourd’hui ne paraît pas opportun.