M. Alain Bertrand. Très bien !

M. Stéphane Mazars. Le groupe du RDSE est favorable à la modernisation et à la simplification du droit. Comment pourrait-il en être autrement ? Nos amendements, toutefois, visent à corriger les travers, peut-être inévitables, de ces textes qui touchent des pans entiers du droit.

Nos amendements ont donc vocation à contenir la dérive d’un système de véhicule législatif qui complique parfois plus qu’il ne simplifie et dont les conséquences réelles ne sont pas suffisamment appréciées. C’est donc, vous l’aurez compris, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, avec la plus grande attention que nous suivrons les débats, aujourd’hui et jeudi, sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vient allonger la liste des projets de loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances. Il s’inscrit dans le programme de simplification, d’allégement des contraintes, de clarification de l’action administrative et de modernisation du droit et des procédures. L’objectif visé ici, que nous ne pouvons qu’approuver, est non seulement de moderniser certaines règles de droit pour en améliorer la lisibilité et l’intelligibilité, mais également de simplifier des procédures pour obtenir une réponse adaptée aux besoins exprimés par les justiciables.

Il est sans nul doute à la fois pertinent et urgent d’améliorer la lisibilité de notre législation et, partant, la sécurité juridique de nos concitoyens, mais, en tant que parlementaires, nous ne pouvons que regretter à nouveau de ne pas pouvoir débattre plus sereinement de toutes les mesures, qui sont ici fort nombreuses, comme je l’ai déjà dit. De surcroît, ce projet de loi, qui tend à réécrire des pans entiers du code civil, est débattu dans un temps encore limité par le recours à la procédure accélérée.

Les écologistes, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, ont déjà contesté ce mode d’examen de textes ambitieux et importants pour la vie de nos concitoyens. Nous le contestons encore aujourd’hui, et ce d’autant plus que le texte initial concernait, notamment, le droit des obligations, pilier du droit civil s’il en est.

Ces réserves sur la forme étant exprimées, j’en viens au fond du projet de loi d’habilitation que nous examinons aujourd’hui. Pour commencer, je tiens à saluer le travail de notre rapporteur, M. Mohamed Soilihi, qui, en limitant les habilitations au strict nécessaire, a contribué à rendre ce texte nettement plus acceptable.

Si l’examen exhaustif de ce projet de loi paraît ici impossible, tant les sujets abordés sont nombreux et techniques, on peut y distinguer deux séries de mesures.

D’une part, il y a les demandes d’habilitation ou les mesures d’application directe ponctuelles visant à la simplification ou à la modernisation de règles ou de procédures de droit privé ou administratif. Ces dispositions nous semblent nécessaires et opportunes.

D’autre part, on trouve dans ce texte certaines demandes d’habilitation qui se distinguent des autres par l’ampleur des modifications qu’elles sont susceptibles d’engager : il s’agit des réformes relatives au droit des obligations, à l’article 3, au Tribunal des conflits, à l’article 7, à la communication électronique en matière pénale, à l’article 8, et à la simplification des régimes d’autorisation administrative applicables aux entreprises, à l’article 14. De telles mesures apparaissent plus problématiques aux yeux des écologistes. En effet, le texte initial du projet de loi se distinguait des autres projets de loi d’habilitation en ce qu’il prévoyait, entre autres mesures, la réforme des titres III et IV, hors responsabilité, du livre III du code civil, consacrés au droit des contrats et des obligations.

Comme l’a justement rappelé M. le rapporteur, par son ampleur, près de 300 articles, comme par ses répercussions éventuelles, le droit des contrats et des obligations étant la source de nombreux autres droits, comme ceux des affaires et de la consommation, le présent projet de réforme était le plus ambitieux depuis la création du code civil. Nous considérons qu’une telle ambition, si elle est sans nul doute nécessaire, mérite un travail parlementaire de réflexion approfondi. En effet, loin d’être seulement technique, la réforme du droit des obligations pose des questions politiques majeures, qu’il revient au seul Parlement de trancher. Nous nous réjouissons donc que la commission se soit opposée à ce que celle-ci puisse être traitée par voie d’ordonnances.

Dans le même sens, nous ne pouvons qu’approuver la suppression de l’article 14 tendant à habiliter le Gouvernement à basculer certains régimes d’autorisation administrative applicables aux entreprises en régime déclaratif ou à supprimer les uns et les autres. L’objectif louable de poursuivre ainsi le mouvement de simplification entrepris avec l’adoption du principe selon lequel le silence de l’administration vaut accord ne pouvait justifier une habilitation aussi imprécise et générale qui n’apportait aucune garantie concernant la sécurité juridique des actes.

Je terminerai mon propos en rappelant qu’il est difficile aux membres du groupe écologiste d’accepter que, sous couvert de simplification, des pans entiers du code civil soient réécrits par ordonnances, notamment s’agissant de sujets aussi importants que le droit des contrats. Le travail de la commission des lois, sur l’initiative de M. le rapporteur, a fort heureusement permis d’aboutir à un texte plus équilibré, auquel le groupe écologiste apportera son soutien. (M. le président de la commission des lois applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, quand je lis le mot « modernisation », je m’inquiète. Avec le terme « simplification », je m’interroge. Et avec l’expression « par ordonnances », j’ai envie de bouillir !

Cela dit, comme vous l’avez très bien démontré, madame le garde des sceaux, les ordonnances sont un mal nécessaire. Vous avez rappelé les ordonnances portant adaptation du droit aux outre-mer. La commission des lois en a d’ailleurs corrigé un grand nombre au moment de leur ratification. Par parenthèses, ce phénomène montre la mauvaise habitude prise par certaines administrations de ne pas mettre directement dans la loi ce qui concerne l’outre-mer.

Il n’en demeure pas moins que le recours à l’article 38 de la Constitution s’est accéléré.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sous l’ancien quinquennat ?

M. Jean-Jacques Hyest. Depuis que vous êtes aux responsabilités, même si c’est récent, le mouvement s’est encore accéléré : il y a de plus en plus d’ordonnances !

Après Jean-Pierre Sueur, qui nous a en quelque sorte donné la solution, permettez-moi de dire que notre méthode de travail a été complètement déstabilisée par le fait qu’on a voulu à tout prix partager l’ordre du jour entre le Gouvernement et le Parlement. Le Sénat, pour sa part, avait considéré qu’une semaine sur quatre réservée à l’initiative parlementaire était suffisante et que, en tout état de cause, le contrôle se faisait toute l’année, notamment en commission.

M. Jean-Jacques Hyest. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus et il a bien fallu faire un compromis, qui nous a conduits à la situation actuelle. Si ces quelques semaines sont certainement très utiles pour débattre, elles ne font pas avancer la législation.

De plus, nous savons très bien que nous légiférons beaucoup trop. Nous faisons même des lois avec tellement d’ajouts – je pense à la loi sur la consommation ou à celle sur le logement – qu’elles en deviennent absolument hirsutes, à tel point que nous sommes obligés d’y revenir pour les corriger. Ce fut le cas par exemple pour le démarchage en matière juridique.

On nous dit que la législation serait bien meilleure après étude par des directions éminentes, puis l’avis du Conseil d’État, qui est forcément bien plus compétent que ces imbéciles de parlementaires…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Qui dit cela ?

M. Jean-Jacques Hyest. Je me suis laissé dire que le président d’une très haute juridiction française avait accusé les parlementaires de ne pas savoir faire la loi, ce que j’ai vivement regretté.

Un autre argument utilisé en faveur des ordonnances est que certains sujets n’intéresseraient personne. Lorsque nous avons consenti, difficilement, à ce que le droit des sûretés soit réformé par ordonnances, j’avais protesté. On m’avait alors expliqué gentiment que, les hypothèques n’intéressant que moi, nous nous serions retrouvés à trois sénateurs en séance pour en débattre. On nous avait dit la même chose pour les prescriptions, mais le projet d’ordonnance qui nous a été présenté était tellement faible – c’est le moins qu’on puisse dire ! – que le droit des prescriptions a été finalement réformé par une proposition de loi du Sénat, avec le concours irréprochable de la direction des affaires civiles et du sceau de la Chancellerie. Le Parlement dispose donc de toutes les capacités nécessaires pour modifier des pans entiers du droit civil.

Je ne me résous pas à ce que le droit des contrats et des obligations et le droit de la preuve soient réformés par ordonnances. La seule justification du recours à cette procédure, c’est le manque de temps, car le Parlement est tout à fait capable de s’en charger. Vous le savez très bien, puisque nous avons réalisé d’importants travaux sur ces sujets : en ce qui me concerne, j’ai travaillé avec des universitaires. Nous avions d’ailleurs dit à l’époque que, si le Gouvernement ne nous présentait pas de projet de loi, nous déposerions une proposition de loi. Je ne doute pas que le Parlement finira bien par réformer le droit des obligations.

Votre démonstration était parfaite, madame le garde des sceaux, mais elle est totalement inaudible pour la commission des lois du Sénat : nous souhaitons qu’une réforme aussi considérable soit débattue au Parlement, car elle a des implications nombreuses. On ne peut donc pas se contenter de voter une loi d’habilitation, car vous savez très bien comment se passe l’adoption des projets de loi de ratification. J’ajoute, au passage, que c’est la dernière réforme constitutionnelle qui a imposé au Gouvernement de procéder à une ratification explicite : antérieurement, celle-ci pouvait être implicite et on ne savait pas très bien quelles étaient les dispositions effectivement ratifiées – ce changement représente un progrès, même s’il n’est pas suffisant !

Ce texte touche essentiellement au droit civil, mais il comporte aussi des dispositions qui ne se rattachent pas directement à votre champ de compétences, ce qui est normal : on y a inséré tout ce qu’on a pu…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, nous avons procédé à un choix méticuleux !

M. Jean-Jacques Hyest. C’est toujours ce qui se dit, mais il y a des précédents…

Vous avez pu constater que certaines habilitations pouvaient être transformées en dispositions d’application directe, puisqu’elles touchent à des questions relativement simples qui ne méritent pas que l’on recoure à une ordonnance, ce qui permet de gagner du temps. Le consentement des sourds et muets en est un bon exemple. Nous avions achoppé à plusieurs reprises sur ce problème, et nous vous proposons de le résoudre directement ; il me semble que tout le monde y trouvera un bénéfice.

J’insiste également sur la nécessité de bien préciser le domaine de l’habilitation. C’est ainsi que la rédaction de l’article 14 était vraiment trop floue. Je suis d’accord pour qu’on aille dans le sens que vous préconisez, mais il est nécessaire de préciser toutes les procédures d’autorisation qui pourraient être remises en cause. En l’état du texte, tout peut être changé, et je pense que le Conseil constitutionnel pourrait trouver à y redire.

M. le rapporteur, qui a réalisé un excellent travail, a permis d’apporter un certain nombre de précisions et de rendre directement applicables les dispositions qui ne méritaient pas le recours à une habilitation ; il a également prévu de n’accorder l’habilitation que sur les sujets qui le méritaient. Comme vous le voyez, je ne suis pas systématiquement opposé aux ordonnances, et je n’y suis pas plus hostile maintenant que je suis dans l’opposition que lorsque j’appartenais à la majorité, à la différence de certains !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pas moi !

M. Jean-Jacques Hyest. Je ne pensais pas à vous. (Sourires.) Oui, le recours à cette procédure est parfois nécessaire !

Quand on parle de simplification, notamment en ce qui concerne les collectivités territoriales, je m’amuse de constater que l’État se désengage tout en laissant les autres se débrouiller. L’État ne peut plus s’occuper des courses cyclistes, parce que les préfectures ne disposent quasiment plus de personnel, c’est donc aux maires qu’il appartient de trouver une solution ; il en va de même pour les loteries ! Or ce désengagement pose des problèmes juridiques.

Même si je ne suis pas farouchement opposé à ces évolutions, force est de constater que, s’il n’y a plus de tutelle, ces activités sont encore soumises à autorisation administrative, et l’État ne peut pas s’en désintéresser. On peut laisser les collectivités territoriales se débrouiller, à condition qu’elles disposent des compétences juridiques et techniques pour faire face à ces nouvelles demandes d’autorisation. Voilà ce que j’ai ressenti à la lecture des dispositions concernant les collectivités territoriales : on déclare leur donner plus de libertés, mais on ne leur accorde pas plus de moyens. Nous avons pu le constater par ailleurs en matière d’urbanisme, où les petites communes sont lâchées en rase campagne : elles pouvaient encore bénéficier de l’assistance des services de l’État, mais celle-ci leur a été retirée à partir du 1er janvier 2014 !

Ces évolutions sont imposées par la nécessité, pour l’État, de réaliser des économies. Il ne faudrait pas pour autant déstabiliser davantage les collectivités territoriales en les amenant à engager toujours plus leur responsabilité. Une réflexion générale doit donc être engagée, car il ne s’agit pas de la première – ni de la dernière ! – loi de simplification ou de modernisation. Celles-ci ne peuvent pas avoir pour seul objectif de faire des économies, même si ce souci est louable : il faut aussi garantir aux collectivités territoriales, notamment aux petites communes, une certaine assistance de l’État.

Telles sont les observations que ce texte appelle de ma part, après les remarquables tirades du président Sueur – je me réjouis de constater une continuité à la commission des lois ! Madame le garde des sceaux, présentez-nous un excellent projet de loi…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Celui-ci est excellent, vous avez pu le voir !

M. Jean-Jacques Hyest. Je parle de la réforme du droit des obligations : je n’ai encore rien vu !

Je vais conclure, bien qu’il me reste encore trois minutes de temps de parole, mais je sens que tout le monde veut assister aux vœux du Président de la République. Comme je n’y suis pas invité, j’ai tout mon temps…

Mme Cécile Cukierman. Moi non plus, je n’y suis pas invitée !

M. Jean-Jacques Hyest. Le groupe UMP soutiendra donc les propositions de la commission des lois. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, à la lecture de son intitulé, on ressent immédiatement que le projet de loi a un objet assez vague, pour ne pas dire flou. On est tenté de penser à une catégorie de textes, que l’on a souvent qualifiés de « fourre-tout » et que l’actuelle majorité a tant décriés à une époque.

Même si notre rapporteur a tenté de trouver un fil conducteur à ces dispositions, reconnaissez qu’il est difficile d’établir un lien étroit entre l’action possessoire, la communication par voie électronique en matière pénale et le régime juridique applicable aux voitures de petite remise.

Les sénateurs de notre groupe rappelaient régulièrement lorsque nous examinions les propositions de loi dites « Warsmann » que nous n’appréciions pas la méthode ; permettez que nous continuions aujourd’hui à penser de même, madame la garde des sceaux. Toutefois, la différence fondamentale entre le présent projet de loi et les propositions de loi que je viens de mentionner tient au fait que ces dernières permettaient au Parlement d’exercer directement sa mission, c’est-à-dire de légiférer. Dans le cas présent, non seulement le Gouvernement nous propose une jungle de dispositions sans lien entre elles, mais, surtout, il nous demande de nous dessaisir et de le laisser légiférer par ordonnances. Disons-le clairement : nous ne sommes pas favorables à cette méthode.

On observe un phénomène préoccupant de multiplication des ordonnances tout au long de la Ve République – vous n’êtes pas la seule mise en cause, madame la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ah ! Quand même !

M. François Zocchetto. Cette évolution est alarmante.

Dans l’édition de 2011 de son ouvrage intitulé La Constitution, Guy Carcassonne considérait en effet que l’« usage immodéré » des ordonnances est « franchement inquiétant ». Analysant la valeur des textes ainsi adoptés, il se montrait particulièrement sévère, les jugeant « généralement […] défectueux ». Il ajoutait que « les malfaçons ne se révèlent qu’a posteriori, là où il se serait sans doute trouvé un parlementaire pour soulever, fût-ce ingénument, le problème qui ne s’est découvert qu’après, à l’occasion de contentieux multiples. Le tamis parlementaire a des vertus intrinsèques. À qui pourrait les oublier, cette législation de chefs de bureau que sont les ordonnances le rappelle. » Tout est dit !

Le comble, c’est que le Gouvernement nous propose ici de recourir aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution dans des matières hautement symboliques. Quoi de plus symbolique, en effet, que le code civil ?

La réforme proposée, par son ampleur – près de 300 articles – comme par ses répercussions éventuelles, est la plus ambitieuse depuis la création du code civil. Le droit des contrats est en passe d’être remanié de fond en comble à cette occasion. Peut-on raisonnablement envisager une telle réforme par voie d’ordonnances ? Évidemment, non ! Si encore vous aviez annexé les projets d’ordonnances au présent projet de loi, nous aurions pu nous prononcer autrement…

Pour reprendre les mots très justes de notre rapporteur, « l’importance de l’enjeu semble exiger que le Parlement se saisisse de cette réforme, afin qu’un débat public puisse avoir lieu ». Oui, un débat public sur ces matières qui touchent le quotidien de nos concitoyens, aussi bien dans leur vie privée que dans la vie des affaires, est indispensable ! D’ailleurs, à deux exceptions près, la réforme de la filiation en 2005 et celle du droit des sûretés en 2006, la règle a toujours été de réformer le droit civil par la loi.

Je tiens donc à saluer la position de principe affirmée par notre rapporteur et soutenue par le président Sueur : la commission des lois du Sénat a toujours refusé les ordonnances dans certains domaines, comme le droit civil ou le droit pénal. Nous entendons bien tous continuer à appliquer cette doctrine.

Le rapporteur, M. Thani Mohamed Soilihi, a détaillé les raisons de forme, que j’ai évoquées précédemment, mais également les raisons de fond qui justifient notre position : la réforme du droit des obligations pose des questions majeures, que seul le Parlement peut trancher.

Comme nous l’avons fait en commission, nous soutiendrons en séance le rapporteur et le président de la commission des lois, qui n’ont pas hésité à rejeter plusieurs demandes d’habilitation du Gouvernement. Nous soutenons aussi la démarche du rapporteur consistant à supprimer les demandes d’habilitation, au profit de l’adoption directe des mesures envisagées lorsque cela est possible.

En conclusion, même si nous ne sommes pas favorables à toutes les dispositions de ce texte – loin de là ! – ni à son caractère « fourre-tout », il nous paraît important, à ce stade, de soutenir la position de la commission des lois. C’est pour cette raison que le groupe de l’UDI-UC votera pour le projet de loi, tel qu’il est présenté par le rapporteur, en espérant que le Gouvernement ainsi que nos collègues députés entendront le message fort que nous leur adressons depuis les diverses travées de cet hémicycle : il faut laisser le Parlement exercer pleinement et sereinement sa mission ! (Applaudissements.)

M. le président. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes parvenus au terme du délai de quatre heures imparti au groupe socialiste.

Je vous rappelle que nous poursuivrons l’examen de ce texte ce jeudi 23 janvier, après les questions cribles thématiques, dans le cadre du second espace réservé au groupe socialiste cette semaine.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à vingt et une heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
Discussion générale (suite)

6

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par courrier en date du mardi 21 janvier 2014, M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP, a demandé à compléter l’ordre du jour réservé à son groupe du mardi 11 février 2014 par la suite de l’examen de la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.

Acte est donné de cette demande.

Par ailleurs, il sera procédé au dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes ce même mardi 11 février, à dix-huit heures trente.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à affirmer la liberté de choix des maires quant à l'organisation des rythmes scolaires dans l'enseignement du premier degré
Discussion générale (suite)

Liberté de choix des maires quant à l’organisation des rythmes scolaires

Rejet d'une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à affirmer la liberté de choix des maires quant à l'organisation des rythmes scolaires dans l'enseignement du premier degré
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion de la proposition de loi visant à affirmer la liberté de choix des maires quant à l’organisation des rythmes scolaires dans l’enseignement du premier degré (proposition n° 116, résultat des travaux de la commission n° 281, rapport n° 280).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Troendlé, auteur de la proposition de loi.

Mme Catherine Troendlé, auteur de la proposition de loi. Monsieur le ministre, vous avez cru pouvoir compter sur un consensus quant à l’opportunité d’instaurer la semaine de quatre jours et demi. Cette illusion vous a laissé présager que la réforme pouvait être pilotée au niveau national et menée sans donner aux acteurs le temps de se concerter.

M. Vincent Peillon, ministre. Quelle naïveté ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Catherine Troendlé. Elle vous a fait croire que vous pourriez, au nom de l’intérêt des élèves, prétendre améliorer la performance de notre système éducatif par la seule transformation de l’organisation du temps scolaire, tout en bannissant l’approfondissement des enseignements fondamentaux.

Or on peut douter que cette nouvelle organisation du temps scolaire ait un effet significatif sur les conditions d’apprentissage, car elle ne prend que très partiellement en compte les rythmes biologiques de l’enfant.

Les conclusions des chronobiologistes et des chronopsychologues sont aujourd’hui bien connues. Afin de mieux prendre en compte les rythmes biologiques des élèves, il faut instaurer une journée d’enseignement plus courte, mettre les séquences d’apprentissage au moment où les élèves ont leurs pics de vigilance, étaler la semaine sur quatre jours et demi, allonger la durée de l’année scolaire et prendre en compte le fameux « sept-deux » – sept semaines de travail, deux semaines de vacances.

Votre réforme étant focalisée sur le seul allongement de la semaine d’enseignement, elle n’agit que très modérément sur la réduction de la journée d’enseignement, qui est la priorité selon les chronobiologistes. En outre, elle n’agit pas du tout sur l’allongement de la durée annuelle d’enseignement, qui aurait eu pour conséquence de réduire les vacances d’été, dont il est avéré, monsieur le ministre, que la trop longue durée est un facteur d’aggravation des inégalités scolaires.

L’allongement de la durée de l’année scolaire et une meilleure prise en compte des rythmes biologiques des élèves auraient dû constituer les deux priorités d’une réforme des rythmes scolaires. Or votre réforme se limite à l’ajout d’une demi-journée d’enseignement. Les enfants ne passeront pas moins de temps à l’école, puisqu’ils resteront jusqu’à seize heures trente pour les activités périscolaires. On leur supprime, en revanche, la pause du milieu de semaine.

En outre, monsieur le ministre, des comparaisons internationales invitent à ne pas surestimer le poids du facteur « rythme scolaire » sur la performance d’un système éducatif. Il n’y a pas de corrélation forte entre la concentration du temps scolaire et la performance des élèves. À titre d’exemple, les écoliers coréens ou finlandais réussissent mieux que les élèves français avec un nombre d’heures d’enseignement annuel moins important et une année plus longue. En revanche, les écoliers espagnols ou portugais, dans des conditions comparables, réussissent moins bien.

C’est bien plus l’aspect qualitatif de l’enseignement délivré qui doit être considéré comme le levier principal de la réduction des inégalités et de la prévention de la difficulté scolaire. La réalité est donc que l’objectif du retour de la semaine d’enseignement à quatre jours et demi est infime au regard du défi que doit relever notre système éducatif. Il ne justifie pas, monsieur le ministre, le coût exorbitant qu’il représente pour les collectivités et les contribuables.

Au-delà des doutes légitimes que l’on peut avoir sur l’efficacité de cette réforme, celle-ci suscite de nombreux mécontentements.

En premier lieu, chez les enseignants, qui payent un lourd tribut, puisque la demi-journée de classe supplémentaire n’est compensée par aucune augmentation salariale. En manifestant dès le mois de mars dernier, les enseignants vous ont également signifié que cette réforme n’était pas la priorité dont l’école avait besoin.

En deuxième lieu, chez les parents, qui fustigent le manque d’intérêt et de cohérence de nombreuses activités proposées et qui craignent même pour la sécurité de leurs enfants à la suite de l’adoption d’un décret entérinant l’assouplissement des taux d’encadrement.

En troisième lieu, chez les contribuables, qui subissent une pression fiscale de plus en plus forte et qui devront de nouveau payer pour financer l’aménagement du temps scolaire. L’introduction de quelques heures d’enseignement périscolaire a justifié la création d’un fonds étatique doté de 250 millions d’euros et le recours à la Caisse nationale d’allocations familiales pour aider les communes. Pourtant, l’argent mis à disposition ne suffira pas. Dans quelques mois, les municipalités seront contraintes de solliciter à nouveau le porte-monnaie des contribuables via une hausse des impôts locaux.

En quatrième lieu, enfin, votre réforme suscite des mécontentements chez les élus locaux, qui dénoncent l’impossibilité de la mise en œuvre de cette réforme en l’état.

Mme Michèle André. Mais non !