Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ils sont maires !

M. Jacques Mézard. Aller jusqu’à écrire que « les élus locaux siègent en vertu de la loi et doivent à tout moment agir conformément à celle-ci », il fallait quand même le faire ! Devons-nous continuer à sombrer dans le ridicule en rappelant dans tous les textes qu’il faut respecter la loi ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. le rapporteur a fait supprimer ces mots !

M. Jacques Mézard. Certes, mais il convenait de rappeler une telle absurdité.

À un moment où notre pays est confronté à de vraies difficultés, il n’est pas raisonnable d’infliger un tel texte au Parlement ni une telle lecture aux élus locaux en ouverture de la première réunion des nouveaux conseils municipaux. Quel sens cela a-t-il de rappeler à l’élu local qu’il doit respecter la loi, qu’il ne doit pas voler, qu’il doit éviter les conflits d’intérêts ?

Arrêtez ce que vous faites depuis des mois ! Nous en avons assez ! Vous ne rendez pas service à la démocratie et à la République ! Évidemment, vous ne tiendrez aucun compte de ce que nous vous disons. Nous en avons l’habitude, mais au moins l’aurons-nous dit. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Ma position n’est pas facile.

J’ai cherché à faire de la realpolitik. Ce matin, la commission a donc supprimé la phrase que vous avez citée, cher ami Mézard. Reste que si l’on élimine de la charte tout ce qui est outrancier, il ne restera plus grand-chose et l’Assemblée nationale ne votera pas le texte.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Ce serait dommage, car il contient de très bonnes dispositions.

Mieux vaut sauver les meubles et faire la part du feu. C’est ça la realpolitik. Faisons preuve de diplomatie à l’égard de l’Assemblée nationale !

Nous avons voté tous en cœur et sans problème l’amendement de Pierre-Yves Collombat concernant la prise illégale d’intérêt. Toutefois, il serait préférable ici de s’en tenir au texte adopté ce matin en commission, non pas à l’unanimité, mais à une large majorité.

M. André Reichardt. Ce n’était pas le même contexte !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ne voudrais pas outrepasser mon rôle en intervenant dans cette discussion, d’autant que le Gouvernement n’est absolument pas à l’initiative de cette charte qui oppose les deux assemblées. Je souhaite juste éclairer le débat.

Deux maires, Philippe Doucet et Philippe Gosselin, l’un socialiste, l’autre UMP, ont travaillé sur le statut de l’élu dans le cadre d’une mission d’information. Ils ont estimé – j’étais naturellement présente lors des discussions – que l’on ne disait et redisait pas assez que les élus n’occupent pas leur fonction par plaisir mais par devoir. En outre, si les élus ont des droits, que l’on va élargir, ils ont aussi des obligations.

En tant que maires, ils ont imaginé une cérémonie un peu différente de la remise traditionnelle de l’écharpe, une cérémonie qui « parle » à leurs concitoyens, afin de rappeler le rôle de l’élu local dans la République, ainsi que les valeurs qu’il porte. De façon très transpartisane, après avoir auditionné de nombreux élus locaux et s’appuyant sur leur propre expérience de maire, ils ont pensé que cette cérémonie pouvait s’accompagner de la lecture d’une charte.

Voilà l’état d’esprit dans lequel ce texte a été conçu à l’Assemblée nationale. L’idée d’une lecture solennelle au moment de la remise de l’écharpe et de l’installation du conseil municipal émane de maires. Le Gouvernement n’est pas à l’origine de cette initiative et n’a pas d’avis a priori, ni d’ailleurs a posteriori.

M. le président. Il va falloir que nous suivions tous l’École des chartes. (Sourires.)

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Je reconnais volontiers que la rédaction de l’Assemblée nationale était maladroite, voire provocante. Heureusement, grâce au travail de notre rapporteur, la charte a diminué de moitié et seules ont été conservées les dispositions les plus convenables.

À en croire certains, parce qu’il y est question de probité et d’honnêteté, cette charte transformerait tous les élus en délinquants potentiels.

M. Alain Anziani. Dans ce cas, les magistrats, parce qu’ils prêtent serment en invoquant la probité et l’honnêteté, sont aussi des délinquants potentiels, tout comme les commissaires aux comptes ou les experts-comptables ! Et que dire du métier d’avocat où les exigences sont encore plus fortes puisque l’on invoque le devoir d’indépendance et même d’humanité ?

J’entends dire que le cas des élus n’est pas comparable. Regardons l’Assemblée nationale : nos collègues députés ont adopté un code de déontologie dans lequel se retrouvent des mots comme « probité » ou « indépendance ». Cela a-t-il changé le regard porté sur eux ? La réponse est non. Regardons l’Allemagne, où un dispositif similaire existe, ou le Québec, qui va encore plus loin. Les élus de ces pays ont-ils été transformés en délinquants potentiels ? À l’évidence, non. Méfions-nous donc des mots.

Sans être fanatique de la charte, je ne pense pas que son existence va changer le monde. Se voir rappeler des principes, ce n’est pas être accusé de ne pas vouloir les respecter, c’est le signe d’une prise de conscience. En l’adoptant, nous prenons conscience des obligations qui nous incombent et de la nécessité de les respecter. C’est uniquement cela. Personnellement, le fait de les réaffirmer ne me choque pas.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je connais trop Bernard Saugey pour le soupçonner de quoi que ce soit. De plus, ce que vous venez de nous dire des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, madame la ministre, ôte bon nombre de nos soupçons sur les intentions des auteurs de ce texte. Reste qu’on ne peut pas aborder ce sujet sans tenir compte des circonstances. Cette charte arrive quand même après plusieurs épisodes où les élus n’ont pas été à la fête. Je rappelle par exemple, en cette période où nous avons eu la joie pendant plusieurs jours de rédiger notre déclaration de patrimoine, de sacrifier à la transparence – exercice auquel on se livre en se disant qu’on perd son temps –, certaines campagnes de presse…

Je comprends la position de Bernard Saugey, mais il arrive un moment où, comme le disait Jacques Mézard, c’est une question de symbole. Arrêtons la realpolitik et, contre tout désir de sauver le peu qu’on peut sauver, affirmons un certain nombre de choses !

Alain Anziani a rappelé que tellement de gens votent des chartes ou prêtent serment que nous pourrions très bien le faire. Sauf que les notions de charte et de serment renvoient à autre chose qu’au fondement démocratique du pouvoir dont nous disposons. Un certain nombre de professions relèvent effectivement d’un code de déontologie, mais on est avocat ou magistrat parce qu’on a été nommé, non parce qu’on a été élu. Ici, la première sanction, c’est l’électeur ! Puis, secondairement, s’il y a manquement au devoir de probité, le tribunal.

Par ailleurs, les chartes, si l’on se réfère à l’histoire de la France, renvoient à un pouvoir royal, donc à un pouvoir transcendant et non au pouvoir qu’on tient de l’élection. Je sais bien que l’élection peut aboutir à des résultats bizarres, mais c’est quand même le fondement de notre système.

Certes, on pourrait se dire que, voter cet article, ça ne mange pas de pain. Mais il y a un moment où il faut arrêter de tout laisser passer et dire clairement ce qu’on ne veut plus. Notre système est fait de façon telle – on a parlé tout à l’heure de la prise illégale d’intérêt – qu’il n’y a vraiment pas de place pour la suspicion. Le seul reproche qu’on peut faire à notre système, c’est que les poursuites ne sont pas toujours effectives. Mais cela relève du parquet, pas d’une charte.

Je crois que le moment est venu d’arrêter cette mortification collective. (M. André Reichardt et Mme Marie-Hélène Des Esgaulx applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.

Mme Hélène Lipietz. J’ai dit dans la discussion générale tout le mal que je pensais de cette énumération sans fin des obligations des élus, qui me paraît totalement inutile.

Même s’il m’a été reproché dans cet hémicycle d’être une douce rêveuse,…

Mme Hélène Lipietz. Mais si, à plusieurs reprises !

… j’ai été sensible à l’argumentation de notre rapporteur. Si nous voulons pouvoir nous asseoir ensemble autour de la table de la commission mixte paritaire, il va bien falloir progresser sur ce texte. Nous ne pouvons pas, en partant des deux extrémités d’une même pièce, nous retrouver au milieu sans faire chacun un pas vers l’autre. Le pas que nous pouvons faire, c’est d’adopter cette charte a minima, telle que l’a prévue M. le rapporteur.

La charte qui nous avait été présentée par l’Assemblée nationale ressemblait à l’habit d’infamie que devaient revêtir sous l’Ancien Régime les condamnés à mort allant vers le bourreau. Grâce aux coups de ciseaux de M. le rapporteur, cet habit est devenu un short, ce qui est déjà un peu plus sexy…

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Cet amendement soulève pour beaucoup d’entre nous une sorte de cas de conscience.

Nous ne pouvons qu’être attentifs et même réceptifs aux propos qu’a tenus notre rapporteur : si nous voulons que cette proposition de loi, qui comporte de fort bonnes choses pour les élus locaux en matière de régime indemnitaire, de droit à réintégration et sur d’autres plans, soit adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat, il faut que nous nous mettions en situation d’obtenir un accord entre les deux assemblées. Pour autant, il faut que cet accord ne porte pas atteinte à la conviction profonde du Sénat.

Grâce à l’excellent travail de notre rapporteur ainsi qu’au soutien que lui a apporté ce matin la commission des lois, beaucoup du venin introduit par l’Assemblée nationale dans ce texte a été ôté. Malheureusement, il en reste encore un peu. Nous risquons donc de nous retrouver, si l’amendement n° 5 rectifié n’est pas adopté, avec une charte dont le contenu sera pour beaucoup un motif d’étonnement, oubliant ce qu’elle aurait pu contenir d’encore plus excessif. Qu’il ait ainsi paru nécessaire en 2014 de rappeler aux élus les devoirs élémentaires de leur charge, qui, tous, font fort heureusement déjà l’objet – et depuis très longtemps – de dispositions du code général des collectivités territoriales et du code pénal – nous en avons vu une à l’instant sur les prises illégales d’intérêt –, peut en effet surprendre.

Il est heureux que ces règles existent déjà. Par conséquent, la charte qui nous est proposée n’a pas pour effet de créer du droit : c’est une simple déclamation. Ne pas poser de règles nouvelles, c’est ce que l’on peut faire de pire en matière d’exercice législatif. Comme les tribunaux, eux, ont tendance à considérer que la loi doit trouver une application concrète, ce faisant, nous ne les aidons pas. Les juges se diront en effet que le Parlement, par cette nouvelle formulation, a voulu aller plus loin dans la définition d’un certain nombre de règles.

L’impartialité, la diligence, la dignité, la probité, l’intégrité, le souci du seul intérêt général à l’exclusion de tout intérêt personnel, l’obligation morale de faire cesser tout conflit d’intérêts : nous y sommes tous favorables, notamment l’ensemble des élus locaux, cela va de soi. Mais si les élus nationaux que nous sommes éprouvent – de quel droit d’ailleurs ? – la nécessité de rappeler aux élus locaux leurs devoirs, craignons qu’ils ne nous rappellent un jour les nôtres ! Or le premier de nos devoirs, c’est de voter une loi qui ait une portée juridique claire, intelligible et qui pose des règles, dont le non-respect peut être sanctionné aisément par le juge.

C’est la raison pour laquelle, me différenciant d’un certain nombre de mes collègues membres de la commission des lois, je voterai l’amendement qui nous est soumis. Si nous voulons obtenir un accord avec l’Assemblée nationale, il n’est pas mauvais de lui montrer que nous ne sommes pas prêts à toutes les concessions. Je pense que nos collègues députés ont, eux aussi, le souci de faire aboutir les dispositions concrètes et pratiques que comporte cette proposition de loi. Mettons la barre suffisamment haut pour que la négociation puisse avoir lieu et, s’il faut ensuite trouver un compromis en commission mixte paritaire, faisons confiance aux sénateurs qui y siégeront.

M. André Reichardt. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Une mauvaise idée n’a jamais fait une bonne loi. Le plus petit dénominateur commun ne constitue pas non plus un bon moyen de légiférer.

Je rejoins tout à fait Philippe Bas dans son propos ainsi qu’un certain nombre de nos collègues qui se sont exprimés avant moi en faveur de l’amendement de suppression, même si j’ai entendu ce qu’a dit notre collègue Alain Anziani. Lorsque les élus, dans les départements, les communes, mettent leur écharpe tricolore, ils mesurent très bien l’importance de leur engagement.

Quel est l’intérêt du Sénat ? Transmettre un texte, quel qu’il soit, à l'Assemblée nationale ou légiférer proprement ?

J’ai bien compris la position de notre rapporteur, qui est tout à fait logique. Cependant, je pense en toute conscience que nous avons intérêt à montrer notre différence en faisant valoir que cette charte est le prototype d’une mauvaise idée. Vouloir la faire figurer dans la loi au motif que le Sénat doit se manifester, sinon on pourrait lui reprocher de n’avoir rien dit et d’avoir laissé faire, ne me paraît pas opportun. Même si je sais que c’est un reproche que l’on pourrait me faire très souvent, je dirai que mieux vaut se taire que de parler pour ne rien dire….

M. André Reichardt. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. Pour notre part, nous n’étions pas très convaincus par cette charte, comme nous l’avions d'ailleurs souligné lors de la réunion de la commission des lois la semaine dernière. Pour autant, nous avons apprécié le travail qui a été réalisé par la commission et par son rapporteur afin de trouver une rédaction permettant de gommer les aspects les plus critiquables de la proposition de nos collègues de l'Assemblée nationale.

Si ce texte n’apporte pas toutes les avancées qu’on pourrait attendre sur le statut de l’élu, nous sommes toutefois convaincus que c’est un texte utile, qui marque un pas en avant. Il serait à mon sens très dommageable de créer les conditions d’un rejet par nos collègues de l'Assemblée nationale en s’opposant à toute intégration d’une partie au moins des propositions qui sont incluses dans cette charte.

Nous pensons qu’il faut créer les conditions propices à l’adoption de ce texte. C’est pourquoi, suivant l’avis du rapporteur, nous ne voterons pas l’amendement de suppression.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 121 :

Nombre de votants 186
Nombre de suffrages exprimés 185
Pour l’adoption 24
Contre 161

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 3 (seconde phrase), 4, 12 (première et seconde phrases), 14 (première et seconde phrases), 17 (première et seconde phrases), 19 (première et seconde phrases), 21 (première et seconde phrases) et 23 (première et seconde phrases)

Remplacer les mots :

charte de l'élu local

par les mots :

charte des droits et devoirs de l'élu local

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Cet amendement tend à modifier l’appellation de la charte. Au-delà du titre, c'est le contenu de cette charte que je souhaite voir modifié, et je vous proposerai d’ailleurs, mes chers collègues, un amendement en ce sens. Il s’agirait de la « charte des droits et devoirs de l’élu local », ce qui permettrait de montrer que l’élu a non seulement des devoirs, mais également des droits.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Troendlé et M. Lefèvre, est ainsi libellé :

Alinéas 8, 11 à 23

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Je prends acte, avec regret, du résultat du vote qui vient d’intervenir : une charte va désormais rappeler de nombreuses évidences à des élus locaux qui, j’en suis persuadé, sont conscients de leurs obligations lorsqu’ils font acte de candidature. Si j’ai voté l’amendement présenté par Pierre-Yves Collombat, c’est parce que je suis opposé à une telle idée. Voilà pourquoi je propose de supprimer l’alinéa 8 et les alinéas 11 à 23.

S’agissant de l’alinéa 8, deux raisons me conduisent à proposer sa suppression.

Le point 1 de l’article 1er B dispose déjà que « l’élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité. » Préciser que « l’élu s’engage à ne pas utiliser les ressources et les moyens mis à sa disposition pour l’exercice de son mandat ou de ses fonctions à d’autres fins » est donc redondant. Je veux bien expliquer ce qu’est la probité, mais j’espère que vous serez d’accord avec moi, mes chers collègues, pour dire qu’il n’est peut-être pas nécessaire d’en arriver là.

Autant il est envisageable que d’autres alinéas puissent, peu ou prou, être assimilés à une charte de déontologie – je pense notamment à l’assiduité –, autant la disposition prévue à l’alinéa 8 relève, quant à elle, du domaine pénal. Faut-il vraiment rappeler à l’élu local qu’il doit respecter la loi ? On est loin d’une charte de déontologie…

Je le répète, cet alinéa est redondant. Il est en outre totalement inefficace puisqu’il porte sur une disposition de droit pénal déjà prévue par ailleurs.

Quant aux alinéas 11 à 23, ils prévoient que les exécutifs locaux – maires, présidents de conseil général, présidents de conseil régional, etc. – donnent lecture de la charte de l’élu local lors de la première réunion de l’assemblée qu’ils dirigent, puis en remettent une copie aux membres de l’organe délibérant.

Je considère qu’il n’est pas très respectueux de faire à des personnes qui viennent d’être élues une lecture scolaire de leurs obligations. Certes, on pourrait trouver quelques raisons de rappeler ces obligations avant l’élection, mais après l’élection… Cela signifie que l’exécutif local s’autorise à rappeler aux membres de son assemblée qu’ils doivent respecter un certain nombre d’obligations. Ce serait tout à fait étonnant et, je le redis, assez peu respectueux des élus.

Notre excellente collègue Hélène Lipietz souhaiterait, par un amendement qui va venir en discussion après le mien, que cette charte soit signée. Comme je l’ai dit ce matin en commission des lois : et pourquoi pas une prestation de serment ? Franchement, où allons-nous ? Vous avez d’ailleurs échappé à un amendement quelque peu provocateur de ma part en ce sens.

Si nous adoptons de telles dispositions, vu les circonstances actuelles, nous accréditerons la thèse suivant laquelle les élus ne sont pas dignes de confiance. C’est pourquoi je vous demande solennellement de voter mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 12, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, qu'ils retournent immédiatement au maire après l'avoir signée

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. André Reichardt ironise sur le fait que je veuille faire signer la charte par les élus. J’avoue que je vois mal l’intérêt d’instituer une telle charte si elle n’engage pas un tant soit peu les élus. On demande de la lire, d’en distribuer une copie, alors allons jusqu’au bout : faisons-la signer !

M. André Reichardt. Une prestation de serment, c’est mieux ! (Sourires.)

Mme Hélène Lipietz. Cela a été dit à plusieurs reprises, la prestation de serment n’est pas dans la tradition de notre pays, sauf pour les personnes qui n’ont pas reçu l’onction du suffrage universel. Les élus locaux n’ont donc pas besoin de prêter serment.

Si je propose que la charte soit signée, c’est pour que nous soyons certains que les élus en ont bien eu connaissance. Imaginons qu’un jour survienne un contentieux – on ne sait jamais, les avocats, notamment les « administrativistes », ont beaucoup d’imagination – et qu’un élu affirme qu’il n’a pas eu ce document. En le faisant signer, on aura la preuve du contraire. Voilà la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Contentons-nous du charcutage auquel nous avons procédé. Nous avons déjà sacrifié de nombreux points du texte de l’Assemblée nationale. C'est la raison pour laquelle la commission estime que ces trois amendements doivent recevoir un avis défavorable.

Tout d’abord, le titre de « charte de l’élu local » me semble assez bien correspondre à son contenu, madame Lipietz. Je le répète, ne charcutons pas encore plus le texte.

Ensuite, monsieur Reichardt, je pense que la nouvelle rédaction de la charte, adoptée par la commission, l’a recentrée sur son objectif. Par ailleurs, j’observe que le formalisme prévu pour la remise aux élus des dispositions du code général des collectivités territoriales concernant les garanties qui leur sont offertes pour exercer leur mandat répond à peu près à la préoccupation que l’élu soit informé des facilités prévues par la loi.

Enfin, le troisième amendement a déjà reçu un avis défavorable en commission la semaine dernière. Ce n’est donc pas la peine d’y revenir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’idée est de faire une belle cérémonie républicaine, dont nous manquons peut-être quelque peu dans ce pays.

La rédaction de l’article, qui a été réécrit, me semble satisfaisante. Je suis donc défavorable à ces trois amendements.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Mes chers collègues, imaginez dans quelques mois que, à la suite de l’adoption d’une proposition de loi ou d’un texte gouvernemental, on demande au président du Sénat de donner lecture d’une charte du sénateur ou au président de l'Assemblée nationale d’une charte du député, dans laquelle on rappellerait aux parlementaires leurs obligations d’assiduité, de probité et autres exigences élémentaires, notamment la nécessité de ne pas confondre intérêt personnel et intérêt général. Croyez-vous que l’on pourrait alors parler de belle cérémonie républicaine ? Ne dirait-on pas plutôt qu’il s’agit d’un simulacre grotesque ?

Après tout, aucune de ces exigences fondamentales, pour tout citoyen d’ailleurs, et pas seulement pour les élus, n’est nouvelle. La lecture publique de ces obligations devant le conseil municipal, le conseil général ou le conseil régional donnera à croire au public que l’année 2014 est en quelque sorte l’an I de la probité, que jusqu’alors les élus locaux de France n’avaient jamais consenti au respect de ces obligations et que, enfin, à partir de la lecture de la charte, on pourra faire observer ces obligations d’honnêteté tout à fait élémentaires.

Si cette charte doit être lue publiquement, cela signifie qu’on attache à cet acte des conséquences allant au-delà d’un rite républicain somme toute assez sommaire, qui peut malheureusement être tourné assez facilement en ridicule. Que signifie aller « au-delà » ? Cela ne correspond certainement pas à ce qui figure dans la charte. Aller au-delà, c'est rappeler le code pénal, le code général des collectivités territoriales et toutes les obligations qui pèsent depuis toujours sur les élus, que ceux-ci observent d’ailleurs et que les tribunaux font respecter.

En outre, je rappelle tout de même que les Français portent à leurs maires une considération qu’aucun autre type d’élus n’a réussi à obtenir jusqu’à présent.

M. Philippe Bas. Ce sont ces maires que l’on viserait en sous-entendant qu’il est plus que temps qu’un nouveau document vienne solennellement réaffirmer leurs obligations ?

Je regrette d’avoir à vous dire que, en ce qui me concerne, je suis tout à fait favorable à la suppression de ce nouveau rite faussement républicain, qui sonne parfaitement creux.

M. André Reichardt. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Toutes les déclarations et toutes les chartes du monde n’empêcheront pas les gens de tricher. Cela dit, vous avez compris ma position sur le sujet ; je n’y reviens pas.

Madame la ministre, puisque la charte de l’élu local figurera manifestement dans la version finale du texte, et dans la mesure où le maire en donnera lecture lors de la première réunion du conseil municipal, lequel est public, entendez-vous que cette charte soit affichée dans les mairies ? Au point où nous en sommes, autant la rendre totalement publique !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Ce n’est pas le Gouvernement qui est à l’origine de la charte !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous rappeler que le Gouvernement n’est absolument pas à l’origine de la création de cette charte.

M. André Reichardt. Tout à fait !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Par conséquent, c’est aux députés qui en ont pris l’initiative que vous devez poser votre question.

De la même manière, vous avez dit dans votre propos liminaire que le Gouvernement avait tout à coup eu une idée absolument abracadabrante : la diminution du nombre de régions. Je vous rappelle qu’il y a dix jours Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger nous ont proposé ici même de diminuer le nombre des régions !

Il faut rendre à César ce qui est à César et remettre un peu d’ordre : le Gouvernement n’est pour rien dans cette charte et ne prendra donc aucune initiative la concernant.