M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l’article.

Mme Mireille Schurch. Le présent article est symbolique de ce projet de loi. Il permet la création de la garantie universelle des loyers, la GUL. Depuis le début, nous trouvons ces termes encourageants, voire prometteurs, comme un premier pas vers ce que nous appelons une « sécurité sociale du logement ». Cependant, derrière le concept, la réalité du fonctionnement de ce mécanisme ne nous semble pas à la hauteur.

La GUL suscite nos interrogations, qui sont d'ailleurs plus nombreuses aujourd’hui qu’hier, à la suite des travaux de l’Assemblée nationale. Elle est censée viser trois objectifs prioritaires : sécuriser les bailleurs en les indemnisant en cas d’impayé au niveau d’une garantie socle définie comme le loyer médian de référence ; prévenir les expulsions et les situations sociales dramatiques en identifiant très tôt ces impayés ; enfin, faciliter l’accès au logement, notamment pour les jeunes ou les précaires. Pourtant, lorsqu’on fait le point sur les bénéfices de la GUL pour les différentes parties, force est de constater que cette garantie est déséquilibrée. Concrètement, lorsque le locataire ne sera pas en mesure de payer son loyer, un organisme prendra le relais pour assurer le paiement du loyer au propriétaire durant dix-huit mois. L’organisme, voire le Trésor public, pourra ensuite se retourner contre le locataire mauvais payeur. Il est d’ailleurs assez invraisemblable que le Trésor public soit mobilisé pour recouvrer une dette privée.

Alors que nous aurions pu légitimement l’attendre, la possibilité d’un effacement de cette dette n’est absolument pas prévue par cet article, et ce quand bien même l’impayé résulterait d’un accident de la vie. De même, le locataire ne sera pas plus demain qu’aujourd’hui à l’abri de poursuites de la part de son bailleur, alors même que ce dernier a été indemnisé.

Selon vos propos, madame la ministre – et il s’agirait d’une avancée concrète pour les locataires –, « en cas d’impayé, l’indemnisation du propriétaire s’effectuerait en même temps qu’un accompagnement du locataire ». Or cet accompagnement existe déjà aujourd’hui. S’il ne fonctionne pas de manière satisfaisante, c’est sans doute faute de moyens. Et ce n’est pas la baisse des dotations aux collectivités qui permettra une quelconque amélioration des services sociaux !

Au fond, l’aide à laquelle le locataire pourra prétendre est celle dont il dispose d’ores et déjà aujourd’hui ; il change uniquement de créancier. Nous n’appelons pas cela un droit nouveau ou alors il faut préciser que ce droit nouveau est au bénéfice exclusif du bailleur !

Si la GUL est déséquilibrée, c’est aussi de par son mode de financement. Initialement réparti « de manière égale » entre les locataires et les bailleurs, son financement sera désormais supporté essentiellement par le budget de l’État et le 1 % logement. Son coût a fait l’objet d’estimations totalement contradictoires, mais je me garderai bien d’entrer dans ce débat. Cependant, alors que cette garantie relève de la solidarité nationale et est principalement financée par l’impôt, certains locataires ne pourront pas en bénéficier, notamment ceux qui résident dans le parc social. Nous trouvons cela particulièrement injuste et, pour cette raison, nous demanderons que soit élargi le périmètre de la GUL à l’ensemble du parc privé et public, ce qui serait légitime.

En outre, la dimension universelle est largement remise en cause même si le principe de la gratuité demeure. Alors même que l’instauration de cette garantie locative nécessitait de supprimer la caution, un autre choix a été fait. Cette garantie n’est plus obligatoire, mais simplement facultative, laissée à la discrétion du seul bailleur. Celui-ci pourra choisir la GUL ou s’assurer autrement ; il pourra même conserver la possibilité de solliciter une caution. Ce dispositif risque donc d’être inefficace, comme, en son temps, la garantie des risques locatifs, la GRL, ou le Loca-pass. En quoi, dans ces conditions, la GUL serait-elle universelle et même novatrice ?

Nous avons de vrais doutes et craignons que les bailleurs ne préfèrent recourir à la caution, qui couvre intégralement l’ensemble des risques. Pour finir, la GUL risque d’être contre-performante dans son objectif de renforcer l’accès au logement, notamment des plus démunis, et de prévenir les expulsions. En effet, la démonstration n’a jamais été faite d’un lien entre difficulté d’accès au logement et sécurisation des propriétaires.

Par ailleurs, son bénéfice sera restreint aux seuls locataires dont l’effort locatif ne dépasse pas 50 % du budget et qui pourront justifier ne pas avoir eu d’impayés depuis deux années. Même si cela ne figure pas explicitement dans le texte, nous craignons l’instauration d’une sorte de « casier judiciaire du logement » (Murmures sur les travées de l'UMP.), lié à cette obligation pour le locataire de justifier de sa situation locative. Certes, un amendement a été adopté en commission visant à indiquer qu’il appartiendrait au locataire d’apporter la preuve de sa situation au travers d’une sorte de certificat, mais nous craignons tout de même que ce fichier, qui sera de toute façon instauré, ne soit mis en œuvre. Nous identifions même le risque que l’ensemble des bailleurs, même sans choisir de bénéficier de la GUL, demandent systématiquement, dans un avenir proche, ce document pour choisir leur futur locataire. Cela reviendrait au fond à exclure du logement ceux qui sont déjà extrêmement fragiles.

Ce dispositif pourrait aboutir à faire financer par l’État les risques locatifs privés, liés à une activité d’entrepreneur, et de rendre encore un peu plus difficile l’accès au logement. Nous ne pouvons le soutenir en l’état et, pour cette raison, nous avons déposé un certain nombre d’amendements sur cet article.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, sur l’article.

M. Jacques Mézard. J’interviens à ce stade de nos débats en qualité de rapporteur du groupe de travail institué par la commission des affaires économiques à la suite de l’examen en première lecture du présent projet de loi.

En octobre dernier, nous avions souligné, pratiquement sur toutes les travées, que l’article 8 adopté par les députés en première lecture ne constituait qu’une déclaration de principe, pour reprendre les termes de notre rapporteur, ou un communiqué de presse, pour reprendre mes propos personnels. Face à ce constat assez unanime, le président Raoul, auquel je rends hommage pour cette initiative, a proposé en séance publique la mise en place d’un groupe de travail composé de représentants de tous les groupes, avec la mission de travailler sur la question de la GUL d’ici à la deuxième lecture.

Présidé par Daniel Raoul lui-même, ce groupe a rencontré, dans des délais très contraints liés à l’accélération du calendrier d’examen du projet de loi, l’ensemble des acteurs concernés : l’Association pour l’accès aux garanties locatives, les assureurs, les associations de consommateurs et de locataires, les professionnels de l’immobilier,... Nous avons travaillé dans un esprit constructif avec la volonté de trouver des solutions permettant de faire avancer ce dossier. Je l’ai dit lors de la discussion générale, pour mesurer si notre apport aura eu des conséquences positives sur la crise du logement, il faudra comparer la situation avant et après l’adoption du projet de loi.

Je rappelle que la garantie de loyers n’est pas un sujet nouveau : les gouvernements précédents s’étaient déjà penchés sur la question. Nous disposons donc d’un bilan sur le fonctionnement d’un dispositif qu’il faut améliorer – nous en avons les uns et les autres convenus –, car, si l’initiative était positive, ses résultats n’étaient pas suffisamment satisfaisants.

Aujourd’hui, nous avons une solution qui permettra, me semble-t-il, de sécuriser autant les bailleurs que les locataires. Un dispositif déséquilibré aurait eu des conséquences négatives. C'est la raison pour laquelle je tenais beaucoup à ce que la situation des bailleurs soit, elle aussi, sécurisée. En effet, certains bailleurs sont dans des situations difficiles : le loyer peut être un complément indispensable de revenus ou de retraite pour des personnes qui ont économisé toute leur vie. Je tiens à le dire, faire le procès systématique des bailleurs n’a aucun sens !

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

M. Marc Daunis. Très bien !

M. Jacques Mézard. Au final, les conclusions du groupe de travail ont été approuvées à la majorité à la fin du mois de décembre, quelques jours avant l’examen du projet de loi par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

L’article 8 qui nous est soumis aujourd’hui est principalement issu d’un amendement du Gouvernement adopté en commission à l’Assemblée nationale. Il reprend la quasi-totalité des recommandations de notre groupe de travail. J’y vois là, madame la ministre, un hommage rendu à la qualité de nos travaux…

M. Jacques Mézard. … et, plus globalement, la reconnaissance par le Gouvernement de l’utilité de la Haute Assemblée – vous en avez parlé hier –, ce qui est assez rare actuellement.

Comme l’avait recommandé le groupe de travail, la GUL combinera une « garantie socle » – c'est un point important – et une assurance complémentaire facultative. Elle ne sera pas financée par une taxe – c’est un autre élément important pour la majorité des membres du groupe de travail, tous bords confondus –, mais par des crédits budgétaires et par Action logement. En effet, créer une taxe n’aurait pas été une très bonne initiative compte tenu des difficultés actuelles et pour équilibrer les rapports entre les bailleurs et les locataires.

Par ailleurs, la GUL sera gérée par un établissement public léger déléguant ses missions à des organismes agréés. Elle permettra de responsabiliser tous les acteurs, tant les locataires que les propriétaires.

Enfin, la garantie universelle des loyers sera mise en application progressivement.

Madame la ministre, seuls deux points de divergence demeurent entre le dispositif proposé et les recommandations du groupe de travail. Ils sont d’ailleurs intimement liés : il s’agit du caractère obligatoire de la GUL – vous vous êtes exprimée sur ce point précédemment – et de la suppression de la caution.

Supprimer la caution, ce qui serait la conclusion logique de la mise en place de la GUL – le groupe de travail y était très majoritairement favorable –, pourrait poser des problèmes constitutionnels. Comme vous l’avez confirmé devant le groupe de travail, ce risque est réel. Vous nous avez d’ailleurs apporté des explications sur ce point hier. La majorité du groupe de travail estime qu’il ne faut pas courir le risque, même s’il n’est pas certain, d’une censure du Conseil constitutionnel. Aussi n’ai-je pas déposé d’amendement visant à supprimer la caution.

Au-delà de cette question juridique, il m’apparaît que les bailleurs pourraient, si le dispositif institué par cet article est léger et réactif, abandonner la caution pour la GUL. Ce serait dans leur intérêt, car la GUL leur apportera une sécurité. Pour cela, il faut que ce dispositif gratuit, comme la caution, soit facilement mobilisable. C’est pourquoi, dans la droite ligne des recommandations du groupe de travail, j’ai présenté un amendement à l’article 1er, qui a été voté, visant à renforcer le caractère automatique de la GUL.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite rappeler une conclusion quasi unanime du groupe de travail : la GUL ne constituera pas une réponse aux 1 % à 2 % d’impayés de loyers. Mettre en regard le coût de ce dispositif avec la faiblesse des impayés serait une appréciation déséquilibrée.

Comme l’a souligné le groupe de travail, le risque de l’impayé de loyer constitue pour les propriétaires une préoccupation majeure. On le comprend quand on constate que les deux tiers des multipropriétaires ne possèdent qu’un logement en plus de leur résidence principale et que 15 % des propriétaires de logements locatifs sont des retraités relativement modestes, voire très modestes.

Cette crainte de l’impayé renforce les difficultés d’accès au parc privé : 77 % des propriétaires exigent aujourd’hui une caution. Cela a été dit sur toutes les travées, elle conduit aussi à la vacance, certains propriétaires préférant – on les comprend – ne pas louer leur bien.

La mise en place de la GUL intervient dans ce contexte. Elle vise donc à apporter une réponse – elle est peut-être partielle, mais c'est en tout cas un progrès – aux difficultés d’accès au parc privé, la sécurisation du bailleur étant un moyen pour atteindre cet objectif.

J’ai écouté les observations de Mme Schurch. Elles me semblent être la preuve que nous vous proposons un dispositif équilibré. Ce dernier sera, in fine, avantageux tant pour les bailleurs que pour les locataires. Tel était notre objectif.

Je l’ai dit en introduction, madame la ministre, on apprécie la qualité d’un texte de loi aux résultats qu’il produit une fois appliqué. C’est en tout cas ma conviction personnelle. C'est la raison pour laquelle j’ai accepté d’être rapporteur de ce groupe de travail. J’ai parfois des désaccords dans cette assemblée – je les exprime d’ailleurs assez librement –, mais lorsque les choses vont dans un sens positif, quelles que soient nos sensibilités, il y a des risques qu’il faut savoir prendre ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l'article.

M. Jean-Claude Lenoir. J’aurai l’occasion, en présentant plusieurs amendements, d’exprimer la position du groupe UMP sur l’article 8. En attendant, pour éclairer totalement la Haute Assemblée, j’aimerais obtenir une réponse à une question que j’ai posée hier soir au cours de la discussion générale.

J’aimerais savoir quels sont les contours matériels et budgétaires de la GUL. Combien de personnes vont-elles s’occuper de ce dispositif, où vont-elles travailler, comment seront-elles organisées et combien tout cela va-t-il coûter ?

On évoque le montant des sommes qui seront nécessaires pour faire face aux impayés, mais le fonctionnement d’un tel organisme – on peut employer ce mot, il suffirait que la GUL ait la personnalité morale –, qui est pour l’instant assez virtuel, nécessitera des moyens, sans doute considérables. C’est pourquoi, je le répète, j’aimerais que nous soyons éclairés sur cet aspect, qui est très important.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, sur l'article.

M. Philippe Dallier. Dans mon intervention lors de la discussion générale, je n’ai globalement parlé que de la GUL. Je m’en tiendrai donc à rappeler brièvement deux points.

Tout d’abord, je sais bien que le Sénat a besoin de valoriser son travail, d’autant qu’en cette période il est parfois attaqué très injustement. Néanmoins, laisser croire que le monde était suspendu aux résultats des travaux du groupe de travail, c’est tout de même un peu excessif.

Alors que nous auditionnions les associations et les professionnels – nous n’avions évidemment pas encore débattu des conclusions –, certains d’entre eux, qui avaient été reçus au ministère, nous ont informés que l’État allait payer, qu’on ne pouvait pas supprimer la caution, etc. Nous avions le sentiment que le groupe de travail avait la main ; ce n’était pas tout à fait vrai ! Le ministère continuait à travailler,…

M. Philippe Dallier. … ce qui est somme toute normal. Il ne faudrait pas non plus trop faire « mousser » cette affaire : ce serait quelque peu décalé par rapport à la réalité que nous avons vécue.

Quand nous avons entendu les propos de nos interlocuteurs, nous étions, les uns et les autres, assez dépités.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Parlez pour vous !

M. Philippe Dallier. Comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, n’en faisons pas trop avec les conclusions de ce groupe de travail.

Ensuite, sur le chiffrage, vous m’avez repris, madame la ministre, en mettant en doute mon honnêteté. Je pensais que la part à la charge de l’État s’élevait à 400 millions d’euros, auxquels s’ajoutaient les 160 millions d’euros d’Action logement. Voilà pourquoi j’ai évoqué un total de 560 millions d’euros. On en est de toute manière au stade des estimations. Si le montant global, y compris la part d’Action logement, est de 400 millions d’euros, tant mieux !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela a toujours été comme ça !

M. Philippe Dallier. Cela étant dit, nous continuons de penser sur ces travées que la GUL est, certes, une avancée par rapport à la GRL, mais qu’on pouvait faire autrement avec le secteur assurantiel. Je suis persuadé que nous aurions pu parvenir au même résultat avec moins d’argent public. En cette période de disette budgétaire, cela aurait été une meilleure solution.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Dallier, vous étiez membre du groupe de travail, mais votre version des choses n’est pas tout à fait exacte.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Les professionnels que nous avons rencontrés nous ont fait part des entretiens qu’ils avaient eus au ministère. Effectivement, le ministère continuait de travailler. Mais je vous rappelle que nous nous étions donné pour règle avec les rapporteurs Jacques Mézard et Claude Dilain de travailler en toute indépendance sur les problèmes que posait le texte initial du projet de loi – je ne rappellerai pas les épithètes dont certains l’ont affublé.

En tout état de cause, ce jour-là, les professionnels nous ont parlé de l’accélération du calendrier d’examen du texte et non de son contenu.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Plusieurs pistes étaient évoquées au ministère, dont certaines figuraient dans les pré-conclusions du groupe de travail.

Je le redis, la seule révélation qu’ils nous ont faite ce jour-là était l’accélération du calendrier. Cela nous a forcés à travailler à une cadence que certains trouvaient un peu sévère, pour pouvoir fournir nos préconisations avant la deuxième lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale.

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Lenoir, Mme Lamure, M. César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Je suis quelque peu déçu et frustré, car je n’ai pas obtenu de réponse à ma question, qui intéresse pourtant l’ensemble des sénateurs, à savoir quel sera le coût de fonctionnement de ce dispositif. J’espère qu’avant la fin de l’examen de l’article 8 nous aurons des précisions.

Mes collègues et amis Philippe Dallier et Élisabeth Lamure, comme j’ai moi-même essayé de le faire, ont défendu la position de l’UMP au cours de la discussion générale : la GUL constitue certes une avancée, mais les solutions retenues ne sont pas les meilleures. Je ne dis pas pour autant qu’elles ne sont pas bonnes. Pour notre part, nous avons fait le choix de privilégier la solution assurantielle.

J’ajoute qu’il est maintenant établi que ce texte ne concerne pas les locataires de logements sociaux, ce qui prive quand même une bonne partie de nos concitoyens du bénéfice de la GUL, non plus que les apprentis et les étudiants.

Au final, on s’aperçoit que ce dispositif concerne des personnes qui ne font pas partie des plus démunis et qui n’honorent pas les engagements qu’elles ont pris en contractant un bail avec un propriétaire. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression pure et simple de cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Dilain, rapporteur. Depuis le début de cette deuxième lecture, les uns et les autres ont développé maints arguments qui ont très nettement démontré l’intérêt de la création de la GUL. Je n’y reviens donc pas, surtout après la brillante démonstration de M. Mézard.

Cela dit, chers collègues du groupe UMP, je me suis permis de comparer l’amendement de suppression que vous aviez défendu en première lecture – il n’est pas si ancien puisqu’il date du mois d’octobre – à celui d’aujourd'hui. J’ai trouvé des différences assez nettes.

Je pense que tout le monde a en mémoire les termes du débat que nous avions eu alors : on nous reprochait la création d’une nouvelle taxe.

M. Jean-Claude Lenoir. À juste raison !

M. Philippe Dallier. C’était encore du déficit !

M. Claude Dilain, rapporteur. Aujourd'hui, vous ne pouvez plus recourir à cet argument, ce qui ne vous empêche pas d’être toujours opposés à la GUL. C’est un peu embêtant.

On nous disait que les assureurs allaient être exclus du dispositif, alors qu’il s’agit de leur métier. Désormais, il est prévu que les assurances interviendront en complément de la GUL. Nous avons été entendus sur ce point, mais vous n’en parlez pas…

On nous reprochait également une réforme trop brutale : on nous disait qu’il fallait faire des expérimentations, y aller progressivement… Désormais, la GUL ne concernera que le flux, et la caution n’est plus supprimée ! La montée en charge du dispositif sera donc progressive.

Et je pourrais continuer !

Monsieur Lenoir, comme je l’ai dit en commission, je suis quelque peu troublé que vous continuiez à vous opposer à la création de la GUL, sur la base d’arguments que vous n’aviez pas avancés en première lecture, et alors même qu’un grand nombre de vos observations ont été prises en compte.

Il a aussi été dit ici qu’il était impossible de dépenser 1 milliard d’euros supplémentaire. Nous sommes loin du milliard : la GUL coûtera moins de la moitié ! En outre, comme l’a précisé Mme la ministre, ce que nous dépenserons pour la GUL ne fera que remplacer des dépenses existantes.

Au reste, en première lecture, votre amendement de suppression était assorti d’une proposition alternative. Ce n’est plus le cas aujourd'hui : vous supprimez la GUL pour revenir à un système qui, de l’avis général, présente beaucoup de défauts.

Je regrette votre a priori intransigeant sur la GUL, d’autant que, comme cela a été dit à plusieurs reprises, l’idée d’une garantie des loyers n’est pas nouvelle. Ce n’est pas une idée de gauche.

M. Claude Dilain, rapporteur. Depuis Marie-Noëlle Lienemann, dont je peux sans risque dire qu’elle est de gauche,…

M. Philippe Dallier. Précision superflue ! (Sourires.)

M. Claude Dilain. … beaucoup de gouvernements, de gauche ou de droite, ont repris cette idée. Que je sache, M. Borloo n’est pas de gauche.

M. Jean-Jacques Mirassou. Non, il ne l’est pas !

M. Claude Dilain, rapporteur. Jusqu’à présent, ce sujet a été traité avec la volonté de dépasser les clivages politiques. Je m’en réjouis ! D'ailleurs, c’est exactement de cette manière que l’on travaille en matière de politique de la ville, comme on l’a vu il y a quelques semaines. C’est également ce que nous avons recherché dans le cadre du groupe de travail sur la GUL, où tous les groupes politiques du Sénat étaient représentés : nous avons essayé, indépendamment de nos opinions politiques, de trouver une solution commune.

Dans ces conditions, il est absolument nécessaire de ne pas supprimer la GUL. M. Dallier, qui ne s’est pas déclaré favorable à la GUL – loin de là ! –, a dit qu’il ne savait pas si elle ferait avancer les choses ou pas. Laissons sa chance au produit, si je puis dire ! Il tient compte des erreurs du passé – des erreurs involontaires, je ne porte pas de jugement de valeur – pour essayer de régler non seulement le problème des impayés, mais aussi celui de l’accès au logement, comme l’a très bien expliqué Jacques Mézard.

A contrario, supprimer la GUL, alors que l’on a tenu compte de beaucoup de vos remarques, chers collègues, pour revenir à un dispositif dont tout le monde s’accorde à dire, y compris l’Association pour l’accès aux garanties locatives, qu’il est totalement imparfait, serait une véritable erreur.

La commission a donc, bien entendu, émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Je ne reprendrai pas l’ensemble des arguments, qui ont été longuement exposés.

Je veux répondre précisément à la question de M. Lenoir : selon l’évaluation de l’Inspection générale des finances, l’agence de la GUL aura un coût de fonctionnement de 9 millions d’euros et emploiera de vingt à quarante équivalents temps plein.

Je me permets de dire à M. Dallier, non sans taquinerie, que son calcul me paraît un peu entortillé : 420 millions plus 160 millions n’ont jamais fait 560 millions !

M. Philippe Dallier. Je vous ai fait grâce de 20 millions !

M. Jean-Claude Lenoir. Quand on aime, on ne compte pas !

Mme Cécile Duflot, ministre. En tout état de cause, la GUL ne créera pas de dépenses supplémentaires. J’ai expliqué à quel point les multiples dispositifs existant aujourd'hui – la prévention des expulsions, les conséquences en matière de maintien dans les lieux et de substitution du paiement du loyer par l’État, les coûts du Fonds de solidarité pour le logement, le FSL,… – n’aboutissaient pas à une solution satisfaisante, alors même qu’ils sont coûteux pour les finances publiques.

J’en profite pour répondre à Mme Schurch : aujourd'hui, les dépenses d’aide sociale ne s’accompagnent pas d’une identification précoce des situations d’impayés. Comme je l’ai déjà expliqué en première lecture, la plupart des ménages logés dans le privé essaient de s’en sortir seuls et ne sollicitent pas d’aide dès le premier mois d’impayés. Avec l’existence de la GUL, la famille pourra être accompagnée dès le premier mois, et non au bout de dix-huit mois quand les impayés s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers d’euros, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler en matière d’aggravation de l’endettement, et que la CCAPEX est saisie et qu’il est question d’expulsion !

La GUL constituera donc un véritable outil de prévention, dont la montée en puissance permettra de répondre à ce genre de situation. Jusqu’alors, nous n’avions pas cette culture de la prévention. S’il existe une gestion locative adaptée, notamment dans le logement social, dans le parc privé, en cas de difficulté, locataires et propriétaires sont laissés seuls.

Comme l’a très justement souligné M. Mézard, certains propriétaires savent que, si leurs locataires ne paient plus leur loyer, ce n’est pas par mauvaise foi, c’est parce qu’ils connaissent une dégradation de leur situation ou parce que le membre de la famille qui assurait les revenus du foyer est décédé. Il est très difficile, pour un propriétaire ayant besoin de son loyer mais profondément humain, de faire face à une telle situation. À cet égard, comme l’a dit Marie-Noëlle Lienemann, la garantie universelle des loyers constituera un progrès social.

Dès lors, que ceux qui ne sont pas convaincus par son principe – ce que je veux bien entendre – aillent au bout du raisonnement et suppriment tous les dispositifs existants, lesquels sont, pour l’heure, plus coûteux et moins efficaces.

J’ai réalisé un rapide calcul : on recense plus de 2 millions de logements vacants en France. Avec un taux marginal d’imposition de 10 % – ce qui n’est pas du tout le taux actuel –, la remise en location de moins de 10 % de ces logements aboutirait à l’autofinancement complet des 420 millions d’euros que coûtera le dispositif.