Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique. Madame Demessine, je reconnais bien, dans les termes de votre question, votre souci de vous attacher à relever précisément ce qui ne fonctionne pas.

Les fonctionnaires territoriaux de la filière administrative de catégorie C ont en effet bénéficié d’une voie exceptionnelle de promotion interne leur permettant l’accès au cadre d’emplois de rédacteur territorial à l’issue d’un examen professionnel institué, comme vous l’avez rappelé, par les décrets du 30 décembre 2004.

Cet examen, dont la fréquence est annuelle, a été ouvert dans un premier temps sans contingentement du nombre des lauréats. En effet, l’objectif était d’améliorer les conditions de promotion interne des agents de catégorie C dans le cadre d’emplois des rédacteurs – catégorie B –, pour tenir compte de la réforme de la catégorie C portant notamment fusion des cadres d’emplois des agents et des adjoints administratifs.

Ce décret avait pour objet de prendre des mesures temporaires, destinées à accompagner une réforme, et non pas à créer des modalités pérennes de promotion, ce point faisant d’ailleurs l’objet d’une discussion récurrente entre les organisations syndicales et l’ensemble des personnes concernées.

Cependant, tous les lauréats n’ont pu être promus du fait de l’application de la règle du quota de promotion interne. Ainsi, ce qui visait à régler une situation globale s’est heurté au mur du quota.

L’existence de quotas est un principe fixé par la loi du 26 janvier 1984, l’idée étant de pouvoir promouvoir sans excès, de façon équilibrée – peut-être vous souvenez-vous des débats nourris sur ce point ? –, en définissant le juste pyramidage des effectifs.

Cette sélection se fait donc en deux temps dans la fonction publique territoriale, le premier étant l’examen professionnel, le second la sélection imposée par les quotas. Dans la fonction publique de l’État, l’examen professionnel est contingenté. Le résultat est donc comparable dans les deux fonctions publiques, au terme de mécanismes de sélection différents.

C’est pourquoi les lauréats d’un examen professionnel sont éligibles à la promotion interne dans les deux cas. Afin de favoriser la nomination effective des lauréats au sein des collectivités, alors même que la validité de l’examen était provisoire, nous avons prolongé la validité de ce dernier sans limitation de durée, ce qui nous semble être, en dépit des difficultés, la meilleure solution.

Ainsi, à titre dérogatoire pour les lauréats de cet examen exceptionnel pour l’accès au cadre d’emplois des rédacteurs, la durée de validité de l’examen à ce jour, et contrairement aux règles dans ce type de dispositif de promotion spécifique, n’est pas limitée.

En outre, des mesures favorables sur les quotas ont été prévues successivement par les décrets du 30 décembre 2004, du 28 novembre 2006, du 22 mars 2010, ainsi que par le décret du 30 juillet 2012 précité. Ce dernier prévoit, dans son article 28, que, pendant une période de trois ans, si cela est plus favorable que le quota d’une promotion interne pour trois recrutements externes, le nombre de promotions internes peut être égal à 5 % de l’effectif du cadre d’emplois des rédacteurs, au lieu d’un tiers de 5 % de l’effectif, alternative de droit commun.

Les organisations syndicales, comme les représentants du Gouvernement à l’époque, estimaient que cette mesure, provisoire mais très avantageuse, permettrait de résoudre le problème.

Par ailleurs, si aucune promotion interne n’a été possible pendant ces trois années, une clause de sauvegarde autorise une promotion interne en 2015, même si aucun recrutement externe n’a lieu pendant cette période, contrairement au droit commun des clauses de sauvegarde. Ainsi, les lauréats de l’examen professionnel exceptionnel bénéficieront encore, jusqu’en 2015 inclus, de quotas très favorables permettant leur nomination dans le cadre d’emplois des rédacteurs territoriaux.

Il convient d’attirer l’attention de l’ensemble des élus locaux sur cette disposition, voulue par Philippe Laurent, président de Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

Alors que le dispositif instauré en 2004 était un dispositif exceptionnel, expressément transitoire et temporaire, il a donc au fil du temps fait l’objet d’aménagements très favorables aux agents, par le biais d’une extension de sa durée et d’un accroissement sensible des quotas de promotion depuis 2012.

Au regard de ces éléments, mais aussi pour tenir compte de la structure des effectifs et de la nécessaire maîtrise des dépenses publiques, il ne paraît pas concevable de modifier ces règles.

Je me suis toutefois engagée, devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, à faire à la fin de l’année 2014 – en octobre ou novembre 2014, dirai-je – un bilan de ce qui se passe dans les territoires. L’année 2015 devant permettre de régler une grande partie des cas en suspens, je veux donc savoir, en amont, quelle est la réalité, notamment en termes de pourcentage, et je sais que vous serez vigilante, madame la sénatrice, avec d’autres, pour m’indiquer les difficultés qui subsistent.

Enfin, vous savez que nous allons engager dans quelques jours une discussion sur les parcours, les traitements, les formations et les passerelles ; les circonstances sont certes un peu particulières, mais la séance qui a été levée hier sera reprise d’ici à quelques jours, car les fonctionnaires sont très attachés à ces discussions.

À partir de cet exemple, qui partait d’une idée plutôt généreuse et assez enthousiasmante pour nos fonctionnaires, nous devons réfléchir à la manière d’améliorer les parcours professionnels et les promotions sans provoquer de « bugs » du type de celui que vous avez souligné. Je vous remercie en tout cas, madame la sénatrice, d’avoir rappelé cette situation à la Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, qui apporte quelques éclaircissements sur un sujet particulièrement complexe.

Je vous remercie surtout de rester très vigilante quant à la situation de ces agents, dont vous imaginez aisément la frustration : alors même qu’ils ont franchi avec succès les épreuves d’un examen qui reste l’une des seules voies de promotion possibles dans la fonction publique, ils n’ont pas droit, après une carrière bien remplie, à la reconnaissance non seulement pécuniaire mais aussi morale (Mme la ministre acquiesce.) qu’ils méritent.

Il nous reste donc beaucoup à faire pour sortir, par le haut, de cette situation.

élections au conseil départemental et au conseil régional

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 755, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean Boyer. Madame le ministre, ce n’est certainement pas une question surprise que je me permets de vous poser. Je souhaite attirer votre attention sur la ou les dates programmées des futures élections au conseil départemental et au conseil régional. Cette question est de plus en plus d’actualité – tout le monde partagera cette analyse –, et il faut qu’une réponse officielle soit rapidement apportée aux élus. En effet, depuis quelques semaines – je dis cela sans la moindre polémique –, des déclarations laissent entendre ou supposer que les élections pourraient être reportées. Dans un tel cas, y aurait-il deux scrutins séparés, à des dates différentes ?

Oui, cette question se pose déjà compte tenu de la constitution des binômes et de l’agrandissement important des cantons, en particulier ruraux. En raison des nouvelles configurations géographiques des cantons, il est indispensable, si nous voulons garder notre rôle d’élus de proximité, de nous faire connaître en personne par des visites, qui seront exigeantes, notamment dans les zones rurales, où les cantons sont plus grands.

Il y a en effet deux sortes de cantons. Dans certains cantons urbains, au sein de certaines villes, les habitants, et même les élus, ne connaissent pas leur secteur ; je dis cela sans connotation négative. En revanche, dans les cantons ruraux – je peux en parler, en tant qu’Altiligérien, en tant qu’homme du Massif central –, il est rare que les élus ne connaissent pas au moins un ou deux habitants dans chaque village.

Madame le ministre, il y a la France rurale et la France urbaine. Pour la France rurale, le canton a une réalité particulière : il est personnalisé. Comment le Gouvernement envisage-t-il l’avenir des cantons et donc l’avenir des départements, peut-être plus spécialement encore en zone de montagne ?

La réforme territoriale ne doit pas être éphémère, nous le savons tous. Nous devons regarder objectivement vers l’avenir.

Ma conclusion sera courte, synthétique, et très respectueuse à votre égard, madame le ministre, parce que je sais que vous êtes un ministre très apprécié. Vous êtes Bretonne, je suis Auvergnat ; je ne souhaite vraiment pas une réponse de Normand ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l’intérieur est Normand (Sourires.) ; il habite Cherbourg ! Je vous prie d’excuser son absence ; il préside actuellement une réunion de préfets place Beauvau.

Vous nous interrogez, Bernard Cazeneuve, André Vallini et moi-même – nous sommes tous les trois concernés au premier chef –, sur la date officielle des futures échéances électorales. Conformément à la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, le prochain renouvellement devrait avoir lieu en mars 2015, le mandat de l’ensemble des conseillers généraux et régionaux prenant fin à cette date.

Cependant, comme l’a rappelé le Président de la République, l’accélération de la réforme territoriale pourrait conduire le Gouvernement à procéder prochainement, et même le plus rapidement possible, à la définition d’une nouvelle carte des régions. Rappelez-vous, monsieur le sénateur, que la demande d’une refonte de la carte des régions a été formulée de manière transpartisane dans cette enceinte en janvier, au cours d’un excellent débat.

Par ailleurs, un texte de loi est en préparation – il est quasiment prêt désormais et sera bientôt présenté en conseil des ministres – concernant les compétences des collectivités locales. Le Président de la République a jugé opportun et très républicain de consulter les principaux responsables politiques pour faire le point sur ces réformes et leur calendrier, sans écrire les conclusions à l’avance. Le Président de la République a tenu à dire qu’il n’y avait aucun prérequis ni a priori, qu’il n’y avait rien de prédéterminé sur l’ensemble de ces sujets.

Le Président de la République considère, comme nous qui sommes ici présents, qu’il est absolument indispensable de réaliser la réforme territoriale le plus vite possible. Pouvons-nous y parvenir si les débats s’arrêtent – soyons clairs – de novembre à juin pour cause de période électorale ? Il s’agit pour nous d’être aussi efficaces que possible. Le ministre de l’intérieur recevra mandat du Premier ministre et du Président de la République pour formuler des propositions. Et c’est au Sénat que le texte sera d’abord examiné. Le Normand, le Dauphinois et la Bretonne que nous sommes, Bernard Cazeneuve, André Vallini et moi-même, sont très attentifs à ce que les territoires se sentent bien et participent au redressement de la France.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Madame le ministre, j’ai bien compris qu’il y avait une volonté de concertation. Vous le savez mieux que moi, quand il y a une volonté, il y a un chemin. Soyez certaine que la France d’en bas, ou des zones moyennes, aspire à connaître ses élus. Dans les nouveaux cantons dont la superficie est deux ou trois fois supérieure à celle des anciens, il est nécessaire, si l’on veut garder la proximité, de laisser du temps aux membres du binôme pour qu’ils puissent découvrir leur territoire.

Madame le ministre, j’essaie de faire remonter les demandes – je dis cela sans aucune démagogie, puisque je mettrai volontairement un terme à mon mandat le 1er octobre prochain –, sans prétendre avoir le monopole du message de la France d’en bas. Il ne faudrait pas que certains cantons meurent avant de naître. Je vous remercie de la volonté de nous aider que vous manifestez.

actualisation des conditions de renouvellement du permis de conduire international

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 611, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Catherine Procaccia. Je tiens à remercier M. Vallini de sa présence au Sénat ce matin pour répondre à ma question.

Le permis de conduire français est reconnu par convention dans tous les États membres de l’Union européenne. Toutefois, certains pays exigent un permis de conduire international. Ce permis est délivré pour une durée de trois ans. Il est renouvelable une seule fois ; il comporte d'ailleurs une page pour le tampon de renouvellement. (Mme Catherine Procaccia montre la page en question sur son permis de conduire international.) Le permis international n’est que la traduction officielle du permis national ; la plupart du temps, les deux doivent être présentés.

Ce n’est pas la première fois que j’interviens sur ce sujet en plaidant pour une simplification administrative. J’ai d’ailleurs réussi, par une précédente intervention, à faire harmoniser les modalités de renouvellement du permis international, qui variaient selon les services préfectoraux. Cependant, je ne comprends toujours pas certaines de ces modalités. Ainsi, deux photographies d’identité récentes sont demandées. À quoi servent-elles, puisque le permis de conduire ne comporte qu’une photo et que, en outre, c’est l’ancienne photographie qui reste sur le document ? De plus, pourquoi demander les mêmes documents que pour une première demande ? Il suffirait de vérifier au guichet la validité du permis national et de tamponner le permis international à la page prévue à cet effet. (Mme Catherine Procaccia montre à nouveau la page en question sur son permis.)

Les règles en matière de permis international varient selon les pays. Dans certains pays, il est indispensable d’avoir un permis international, non pas pour louer une voiture, certes, mais lorsqu’on s’y installe temporairement. J’aimerais que les informations soient plus claires. Que comptez-vous faire pour tout harmoniser ? Nos services consulaires à l’étranger pourraient-ils être plus précis dans ce domaine ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord d’excuser M. le ministre de l’intérieur, qui préside en ce moment même une réunion de préfets place Beauvau.

Le permis international de conduire, ou permis de conduire international, est prévu par les articles 41 à 43 de la convention de Vienne sur la circulation routière du 8 novembre 1968. Le modèle du permis international de conduire figure à son annexe 7. Cette convention a fait l’objet de plusieurs amendements entrés en vigueur le 29 mars 2011, qui ont notamment pour but d’obtenir une plus grande sécurisation du permis de conduire international, soumis à de nombreuses fraudes, et d’intégrer les nouvelles catégories et sous-catégories de véhicules ajoutées au nouveau modèle de permis de conduire national adopté par ailleurs.

C’est dans ce contexte que l’annexe 7 de la convention de Vienne a été modifiée et qu’un nouveau modèle de permis de conduire international a été instauré. Ce modèle a été repris à l’annexe 5 de l’arrêté du 20 avril 2012 modifié fixant les conditions d’établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire. Contrairement au précédent, il ne permet plus aux autorités des États parties à la convention de Vienne de proroger le permis de conduire international. Par conséquent, les conducteurs dont le permis de conduire international est arrivé à expiration doivent solliciter la délivrance d’un nouveau permis. Pour cela, ils doivent compléter le formulaire Cerfa n° 14881*01 et joindre à celui-ci, en plus de la photocopie de leur permis de conduire national en cours de validité, au moins trois photographies. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.) Celles-ci sont apposées respectivement sur l’exemplaire n° 1 du Cerfa, destiné au demandeur, sur l’exemplaire n° 2, destiné à la préfecture, et sur le permis de conduire international qui sera délivré au conducteur.

Le permis de conduire international reste obligatoire pour conduire avec son permis national sur le territoire des États qui n’appartiennent pas à l’Espace économique européen.

Comme vous l’avez demandé, madame la sénatrice, l’attention du ministère des affaires étrangères a été attirée sur la possibilité que soit systématiquement mentionnée, sous la rubrique « Conseils aux voyageurs » des sites Internet de nos représentations consulaires à l’étranger, la nécessité, le cas échéant – selon les pays –, d’être en possession d’un permis de conduire international.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. J’ignorais qu’un nouveau modèle de permis de conduire international avait été instauré. Au moins, en l’absence de prorogation, n’y aura-t-il plus d’ambiguïté à cet égard. Je ne sais pas si le nouveau modèle est sécurisé ; vous avez parlé de fraude, mais, à mon avis, on doit pouvoir falsifier sans difficulté ce bout de carton (Mme Catherine Procaccia montre son permis de conduire international.) si l’on en a envie.

J’attire à nouveau votre attention sur le manque d’information disponible sur Internet. Je suis allée sur le site de la préfecture du Val-de-Marne, et je n’y ai trouvé absolument aucune information sur le permis de conduire international : on ne sait pas comment le faire établir, ni même qu’il existe… Il est vrai que le site de la préfecture de l’Isère comporte quant à lui des informations sur ce permis ; mais, pour ce qui est des modalités, on est invité à contacter la préfecture… À quoi bon contacter la préfecture si certaines préfectures n’ont pas d’information sur le permis de conduire international ?

Dans le souci de poursuivre la démarche de simplification administrative, j’aimerais que le ministère de l’intérieur exige de chaque préfecture qu’elle fournisse sur son site des informations précises, et intégrant les modifications dont vous venez de nous faire part, sur le permis de conduire international.

événements relatifs à des mineurs dans une maison d'arrêt

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, auteur de la question n° 769, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Madame la présidente, monsieur le ministre, je regrette que l’emploi du temps de Mme Taubira, garde des sceaux, ne lui ait pas permis d’être présente aujourd’hui pour répondre à cette question importante relative à la situation des mineurs emprisonnés.

En effet, à la suite des recommandations en urgence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatives au quartier des mineurs de la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, dans l’Hérault, je souhaiterais revenir sur la situation des mineurs emprisonnés.

J’ai été choquée d’apprendre, comme beaucoup de personnes ayant suivi les informations, cette manifestation de violence gratuite dans une institution publique. Certes, je ne suis pas naïve et j’ai bien conscience que, si ces adolescents arrivent dans ces établissements, c’est qu’ils présentent des problèmes sérieux.

Toutefois, je rappelle que, entre janvier 2013 et février 2014, vingt-quatre cas de violences graves ont été recensés dans la cour de promenade des mineurs, dont 13 % ont moins de seize ans. Plus d’un tiers de ces faits impliquent des enfants arrivés la veille ou l’avant-veille dans l’établissement. Ces actes s’assimileraient donc à un rite de passage – presque un bizutage –, lors de l’entrée en prison.

Aussi, je souhaiterais faire deux remarques à la suite des recommandations que je viens d’évoquer.

En premier lieu, je considère qu’il est de mon devoir de relayer ces recommandations, pour qu’on ne puisse pas dire plus tard qu’on ne savait pas. Au demeurant, ce qui émane de ce rapport, c’est la difficulté d’obtenir les informations nécessaires à l’établissement des faits, comme si notre société s’était accoutumée à ces manifestations de violence et banalisait le recours par les mineurs à la brutalité. Faute de pouvoir remédier à ces situations, on les minimise, alors même que la persistance de pratiques violentes au sein de ces quartiers des mineurs met très sérieusement en péril l’intégrité corporelle des jeunes incarcérés. Une fois sortis de prison, certains d’entre eux restent traumatisés, ce qui peut compromettre leurs chances de réinsertion.

En second lieu, il semblerait que, face à ces manifestations de violence, les procédures mises à la disposition du personnel pénitentiaire soient inadaptées.

En effet, toujours d’après le rapport, il apparaîtrait que ces actes sont beaucoup plus nombreux que ceux qui sont dénoncés, car toutes les violences ne feraient pas l’objet d’un compte rendu d’incident. Comme je l’ai dit, les faits ont lieu hors des cellules, lors des déplacements dans la cour de promenade, placée sous caméra de surveillance fixe, mais sans personnel présent. Aussi, des témoignages recueillis établissent que de nombreux incidents pourraient échapper à la vigilance des gardiens.

De plus, les modalités d’intervention des surveillants, dont l’intégrité physique doit être préservée, sont lourdes et lentes. Les procédures disciplinaires sont trop longues, les délais de convocation devant la commission de discipline pouvant atteindre plusieurs mois, ce qui, compte tenu de la durée moyenne de détention des enfants, garantit l’impunité aux auteurs des violences.

Enfin, je sais que Mme la garde des sceaux a été destinataire de ce rapport ; elle a demandé qu’une enquête soit réalisée afin de connaître les dysfonctionnements de l’institution, ces faits n’étant malheureusement pas nouveaux puisqu’ils ont déjà été dénoncés en 2009 à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. Aussi, je serai particulièrement attentive à la suite que vous apporterez à au moins deux des recommandations de ce rapport.

La première concerne la prise en charge éducative de ces enfants, qui doit inclure une éducation aux règlements, au respect mutuel, ainsi qu’une incitation aux dénonciations de toutes ces pratiques et rites d’un autre âge.

La seconde recommandation a trait à la question du signalement à l’autorité judiciaire par les médecins ayant constaté les conséquences corporelles d’agressions. La possibilité offerte aux médecins de signaler les cas de sévices ou de mauvais traitements devrait être une obligation s’agissant des enfants incarcérés, isolés de leurs familles et, pour beaucoup, ayant peur de se plaindre. Il s’agit de lutter contre ce sentiment de résignation face aux agressions constatées au motif que ces enfants seraient naturellement portés à la violence.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme la garde des sceaux qui regrette de ne pouvoir être présente ce matin au Sénat et m’a demandé de vous faire part de sa réponse.

À la suite des événements survenus dans le quartier des mineurs de la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, il n’est pas question pour le Gouvernement de chercher à relativiser, à dissimuler ou à banaliser les faits de violence constatés.

Aussi, par courrier en date du 25 avril 2014, Christiane Taubira a répondu au Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour lui indiquer les initiatives qu’elle avait prises afin de répondre à la gravité de la situation dans ce quartier marqué par des violences commises entre mineurs détenus, que vous avez, à juste titre, signalées.

Mme la garde des sceaux a saisi, dès le 17 avril, les inspections des services pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse, pour répondre rapidement à la situation de ce site. Sans attendre les conclusions de cette mission qui a débuté, et pour prévenir toute situation de violence, des dispositions ont été prises sur la cour de promenade : modification du planning, un créneau horaire étant désormais réservé aux seuls arrivants, de façon à réduire les tensions et d’éviter tout passage à l’acte violent ; travaux de sécurisation pour éviter tout contact entre majeurs et mineurs et sécuriser la cour des mineurs ; présence de personnels, puisqu’un gradé sera très prochainement affecté dans ce quartier pour asseoir l’autorité d’un membre de l’encadrement.

De plus, dans l’attente de l’ouverture du quartier des mineurs de vingt-cinq places à la maison d’arrêt d’Aix-Luynes, prévue fin 2015, Mme la garde des sceaux a décidé d’ouvrir temporairement un quartier pour mineurs au centre pénitentiaire de Toulon-la-Farlède de vingt-cinq places, dès juillet 2014, afin de remédier au manque de places pour mineurs dans les établissements du grand Sud-Est, qui contribue inévitablement à aggraver les tensions.

Concernant les deux recommandations qui vous préoccupent tout particulièrement, sachez d’abord que, pour mettre un terme au sentiment d’impunité qui pourrait régner parmi les jeunes détenus, Mme la garde des sceaux a fait mettre en place une commission de discipline spécifique pour les mineurs détenus, pilotée par la direction interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse, qui agit désormais en temps réel.

Parallèlement, le procureur de la République de Montpellier veille à ce qu’une enquête pénale soit systématiquement diligentée à la suite de la commission d’une infraction pénale caractérisée. La réponse pénale est empreinte de la plus grande efficacité dès lors que les auteurs sont identifiés.

Ma collègue Christiane Taubira est aussi consciente du travail éducatif à mener auprès des mineurs. C’est pourquoi la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse continuera à œuvrer dans ce sens non seulement au moyen d’entretiens éducatifs et d’activités portant sur des questions essentielles comme le respect de l’autre, la distinction entre l’auteur et la victime, ou encore les addictions, en lien avec les associations compétentes dans ce domaine, mais également grâce à un important travail réalisé avec les familles, dans les locaux administratifs et au domicile familial.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse sur un sujet aussi difficile. Mon collègue Robert Tropeano, ici présent, et moi-même, tous deux élus du département de l’Hérault, espérons maintenant des solutions, lesquelles passent, comme vous l’avez dit, par le respect de l’autre et une grande implication dans l’éducation de ces jeunes. Nous resterons vigilants sur ce dossier.

réforme des rythmes scolaires et intégration des handicapés

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 758, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur les rythmes scolaires n’est pas clos : d’une part, les conclusions de la mission commune d’information du Sénat n’ont pas été adoptées, ce qui fait polémique, et, d’autre part, le récent décret du 7 mai censé assouplir le précédent décret, dit « décret Peillon », aurait plutôt tendance à apporter d’autres complexités.

Par ailleurs, je vous fais grâce, monsieur le ministre, des réactions pour le moins caustiques à la suite de l’annonce du report de la pré-rentrée, et donc de la rentrée de septembre, qui ferait suite à un bug informatique et qui paraît particulièrement malvenu à l’heure de la mise en place de ces fameux rythmes. Encore sans doute une ultime confusion du Gouvernement…

Je souhaite néanmoins attirer votre attention sur les conditions de la prise en charge des élèves en situation de handicap lors des activités organisées durant ce temps périscolaire.

Les journées de classe étant allégées, se terminant plus tôt et ne devant plus dépasser une durée de cinq heures trente, les communes et établissements publics de coopération intercommunale ayant la compétence en matière d’enseignement maternel et primaire doivent, par conséquent, adapter leurs activités périscolaires afin d’assurer la prise en charge obligatoire des élèves au moins jusqu’à seize heures trente, heure de fin de classe, dans la plupart des cas, avant la réforme.

Cependant, ni le décret 24 janvier 2013 ni celui du 7 mai 2014 ne précise quoi que ce soit quant à la prise en charge des enfants handicapés pendant cette période périscolaire.

Or les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, ont vocation à intervenir pendant le temps scolaire uniquement. Des animateurs, non qualifiés pour cette prise en charge, sont alors amenés à encadrer ces enfants, cependant que, dans certains départements, de jeunes enfants handicapés sont exclus de ces activités périscolaires et se retrouvent ainsi marginalisés dans leur processus de socialisation auprès de leurs camarades de classe.

Pour les communes ou EPCI, il paraît difficilement concevable d’opérer une rupture d’accueil, potentiellement discriminatoire, entre les temps scolaires, périscolaires et extrascolaires.

Plusieurs fois, au cours des auditions de la mission commune d’information, cette difficulté d’accueil des écoliers en situation de handicap pour les activités périscolaires a été évoquée, que ce soit par les représentants des municipalités, par ceux des associations ou de la Caisse nationale d’allocations familiales elle-même. Cependant, aucune réponse n’a été donnée !

Je demande donc au Gouvernement, par votre intermédiaire, monsieur le ministre, de prendre les mesures nécessaires à l’adaptation des missions des auxiliaires de vie scolaire afin qu’ils puissent couvrir non seulement le temps scolaire, mais aussi les périodes réservées aux activités périscolaires telles qu’elles découlent des décrets.

Je demande également, par conséquent, de prévoir les crédits et personnels nécessaires au financement de l’élargissement des missions des AVS aux activités périscolaires afin que les maisons départementales des personnes handicapées puissent réellement déterminer un nombre d’heures suffisant pour couvrir aussi bien le temps scolaire que les périodes d’activités périscolaires, et d’assurer ainsi à l’enfant une prise en charge de qualité.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.