M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que pays démocratique attaché aux droits humains, pouvons-nous, quelles que soient les difficultés financières de certains départements, laisser les mineurs étrangers dans la rue, les filles mineures à la merci des proxénètes, et aggraver encore leur vulnérabilité ? Qu’il y ait des filières pour les conduire jusqu’en Europe n’est pas entièrement faux, mais alors que fait-on ?

Qu’on soit mineur ou jeune majeur, partir n’est pas une mince aventure. Quitter sa famille, même pauvre, prendre le risque de traverser des régions dangereuses dans la clandestinité, être l’objet de la cupidité des réseaux, mettre parfois sa vie en jeu, toutes ces dimensions du phénomène sont à prendre en considération avec le plus grand sérieux, avec humanité aussi, sans pour autant verser dans l’angélisme.

Dès l’été 2013, la Mayenne et le Bas-Rhin annonçaient qu’ils n’accueilleraient plus de mineurs isolés étrangers. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui constitue la suite inévitable d’une telle attitude. Allons-nous sacrifier les quelques valeurs d’humanisme qu’il nous reste, au nom du poids financier, lourd à assumer, que représentent ces mineurs isolés ?

Il n’est certes pas exclu qu’il y ait de jeunes fraudeurs, allant jusqu’à tricher sur leur âge. Disons-le pourtant tout net : ce ne sont pas les mineurs des pays développés qui frappent à nos portes, mais ceux de pays en conflit grave et où la situation politique et sociale est proprement intenable. Quand on a seulement de quoi manger, on ne prend pas de tels risques, ni lorsqu’on peut travailler, même à un jeune âge, dans son pays.

J’ajouterai enfin que les mineurs isolés étrangers ne représentent que 4 % du public global accueilli par l’Aide sociale à l’enfance, ce qui n’est donc pas près de faire exploser les services !

L’urgence, aujourd’hui, est de chercher plutôt les moyens d’insérer ces jeunes, de leur donner une éducation idoine, de leur apprendre le français, de leur procurer un métier et de les initier aux démarches à faire à leur majorité pour leur permettre de demander un statut de réfugié.

En cette période où le rejet prend le dessus, nous, parlementaires, appuyons-nous sur notre héritage d’accueil et d’intégration pour que les jeunes générations ne grandissent pas dans la haine.

Mon groupe votera contre ce texte. (M. Jean-Vincent Placé et Mme Annie David applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. La proposition de loi dont nous discutons touche à la protection de l’enfance. C’est d'ailleurs à ce titre que je participe aujourd'hui à l’examen de ce texte.

La protection de l’enfance n’est pas en soi un outil de lutte contre l’immigration clandestine, le Gouvernement s’attachant à lutter contre ce phénomène mais dans un autre cadre et avec d’autres outils.

Il ne faut pas confondre la traque des organisations criminelles, qui repose sur des informations judiciaires complexes et un travail de surveillance et de renseignement des forces de l’ordre, et le fichage systématique de mineurs bénéficiant d’un droit à une protection, qui ne serait d’aucune utilité pour les forces de l’ordre.

L’article 6 de cette proposition de loi recèle de nombreuses difficultés.

Le fichier proposé semble s’inspirer des finalités du traitement « OSCAR », dédié aux bénéficiaires de l’aide au retour. Mais les mineurs isolés étrangers sont protégés par la loi contre l’éloignement.

Je rappelle aussi que l’accueil des mineurs isolés étrangers en situation irrégulière s’inscrit dans l’obligation constitutionnelle de l’État d’assurer leur protection sans considération de leur nationalité ni de leurs conditions d’entrée.

Au surplus, le caractère biométrique de ce fichier ne paraît pas conforme aux critères établis par la loi « informatique et libertés »

La CNIL rappelle qu’elle considère que le traitement de telles données ne peut être admis que dans la mesure où des exigences fortes en matière de sécurité ou d’ordre public le justifient. Les mineurs isolés étrangers ne peuvent faire l’objet de reconduite ni d’expulsion. Par conséquent, les exigences en matière de sécurité ou d’ordre public ne seraient pas identifiées.

En outre, la rédaction de cet article est inappropriée, car il faudrait définir ce qui distingue les mineurs isolés étrangers des autres mineurs étrangers accompagnés par leurs parents. À ce jour, les mineurs isolés étrangers n’existent pas dans la loi comme une catégorie spéciale d’usagers de la protection de l’enfance, et nous ne souhaitons pas créer une telle catégorie.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet article.

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 n'est pas adopté.)

Article 6 (article non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers
Article 7 (fin)

Article 7

(Non modifié)

Les conséquences financières pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 n'est pas adopté.)

M. le président. Les articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Article 7 (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers
 

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 3 juin 2014 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales

(Le texte des questions figure en annexe)

À quatorze heures trente :

2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, facilitant le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public (n° 505, 2013-2014) ;

Rapport de M. Jean-Jacques Filleul, fait au nom de la commission du développement durable (n° 561, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 562, 2013-2014).

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires (n° 552, 2013-2014) ;

Rapport de Mme Odette Herviaux, rapporteur pour le Sénat (n° 551, 2013-2014).

Le soir :

4. Suite éventuelle de l’ordre du jour de l’après-midi.

5. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence (n° 542, 2013-2014) ;

Rapport de M. François Marc, rapporteur pour le Sénat (n° 541, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures trente.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART