Mme Catherine Troendlé. C’est dommage ! (Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Certes, mais ce n’est pas possible ! Même si je suis très désireux de vous faire plaisir, je ne puis franchir les limites constitutionnelles qui s’imposent à nous ! (Sourires.)

La Constitution ne nous permet pas d’étendre ce dispositif à tout le territoire. Malgré tout, je tiens à vous rassurer, il n’est pas question de le remettre en cause ni de l’obérer là où il est en œuvre.

Telles sont les remarques que je tenais à formuler au terme de la discussion générale. Je vous remercie pour la qualité de ce débat et de vos interventions, qui sont toutes de nature à nous permettre de conforter l’esprit et la lettre de la proposition de loi.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à créer des polices territoriales et portant dispositions diverses relatives à leur organisation et leur fonctionnement

titre ier

CRÉATION DES POLICES TERRITORIALES

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer des polices territoriales et portant dispositions diverses relatives à leur organisation et leur fonctionnement
Articles additionnels après l'article 1er

Article 1er

Le livre V du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Son intitulé est ainsi rédigé : « Polices territoriales » ;

2° À l’intitulé du titre Ier, de la section 1 et de la section 2 du chapitre II du même titre Ier, et du chapitre V dudit titre Ier, les mots : « police municipale » sont remplacés par les mots : « police territoriale » ;

3° L’article L. 511-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « police municipale » sont remplacés par les mots : « police territoriale » et sont ajoutés les mots : « , et de police des campagnes » ;

b) La seconde phrase du deuxième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Sans préjudice des compétences qui leur sont dévolues par des lois spéciales, ils constatent également par procès-verbaux les contraventions aux dispositions du code de la route, conformément à son article L. 130-4, concurremment, dans la limite de leurs compétences, avec les agents de surveillance de la voie publique. Ils constatent aussi par procès-verbaux les contraventions mentionnées au livre VI du code pénal dès lors qu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête et à l’exclusion de celles réprimant des atteintes à l’intégrité des personnes. » ;

c) Au quatrième alinéa, les mots : « sur le territoire communal » sont remplacés par les mots : « sur le territoire de la ou des communes pour lesquelles ils sont assermentés » ;

4° À la première phrase de l’article L. 511-3 (deux occurrences), à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 511-4 (deux occurrences), au premier alinéa (deux occurrences) et à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 511-5, au premier alinéa, à la première phrase du troisième alinéa et aux quatrième et avant-dernier alinéas de l’article L. 512-1, à la première phrase des premier et second alinéas de l’article L. 512-2, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 512-3, au premier (trois occurrences) et au second (deux occurrences) alinéas de l’article L. 512-4, à la première phrase de l’article L. 512-5, aux deuxième et dernier alinéas de l’article L. 512-6, à la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 513-1, à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 514-1 (deux occurrences) et à l’article L. 515-1, les mots : « police municipale » sont remplacés par les mots : « police territoriale » ;

5° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 511-4, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 513-1, à l’intitulé du chapitre IV du titre Ier, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 514-1 et à l’article L. 515-1, les mots : « polices municipales » sont remplacés par les mots : « polices territoriales ».

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « , et éventuellement de police des campagnes » ;

III. – Alinéas 6 et 7

Rédiger ainsi ces alinéas :

b) Le troisième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, l’exercice de ces missions peut être subordonné à l’accomplissement d’une formation préalable. Les agents de police municipale ne peuvent exercer les missions mentionnées aux articles L. 216-3, L. 331-20, L. 332-20, L. 362-5, L. 415-1, L. 428-20 et L. 437-1 du code de l’environnement et aux articles 22, 23 et 24 du code de procédure pénale qu’après avoir accompli la formation spécialisée correspondante dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État. » ;

IV. – Alinéas 9 et 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire et dans ma réponse aux différents intervenants, cet amendement est très important pour le Gouvernement.

La proposition de loi ne prévoit pas de formation pour les agents du futur cadre d’emplois unifié aux missions qui leur seront confiées. Préoccupé par cette question, le Gouvernement propose d’introduire un cadre uniforme adapté de formation préalable, qui sera mis en œuvre pour la totalité des agents concernés. Tous les agents du futur cadre d’emplois pourront exercer toutes les missions, mais certaines d’entre elles seront subordonnées à l’accomplissement au préalable d’une formation spécialisée.

Je ne détaillerai pas les dispositions proposées, afin de ne pas prolonger le débat, mais notre objectif est de définir un tronc commun, ainsi qu’une formation spécialisée, et de conserver les attributions des gardes champêtres, en clarifiant leur situation. Ils ne seraient pas soumis à l’obligation de suivre une formation spécialisée pour l’exercice des missions spécifiques figurant au code de l’environnement et au code de procédure pénale, pour ce qui concerne la police rurale. Je pense que cela doit être précisé. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 10 rectifié ter, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « , et éventuellement de police des campagnes » ;

III. – Alinéas 9 et 10

Supprimer ces alinéas.

IV. En conséquence, intitulé du titre Ier

Rédiger ainsi cet intitulé :

Création d'une police municipale unifiée

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement est assez proche de celui que vient de présenter M. le ministre.

Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu concernant l’appellation de la police. Pour sa part, le groupe du RDSE estime qu’il est nécessaire de conserver l’appellation « police municipale ». D’une part, cette appellation étant familière pour nos concitoyens, il convient de ne pas en introduire une nouvelle, ne sachant pas en outre ce qu’elle pourrait signifier à l’avenir. D’autre part, modifier l’appellation aurait un coût financier, comme nous l’avons, les uns et les autres, relevé avec force.

Monsieur le président, j’indique d’ores et déjà que je ne défendrai pas l’ensemble des amendements présentés par mon groupe – ils sont très nombreux –, car ce sont tous des amendements de coordination, procédant de la même philosophie.

M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Capo-Canellas.

L'amendement n° 58 est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 et 9

Compléter ces alinéas par les mots :

, appelée police municipale lorsque son territoire de compétence est communal et si le conseil municipal l'a décidé ainsi

II. – Alinéa 5

Après les mots : 

police territoriale

insérer les mots : 

, appelée police municipale lorsque son territoire de compétence est communal et si le conseil municipal l'a décidé ainsi

III. – Alinéa 10 

Compléter cet alinéa par les mots :

, appelées polices municipales lorsque leur territoire de compétence est communal et si le conseil municipal l'a décidé ainsi

L'amendement n° 57 est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

…) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par délibération du conseil municipal, ils peuvent prendre la dénomination d'agents de police municipale sous réserve du troisième alinéa de l’article L. 512-1. »

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour défendre ces deux amendements.

M. Vincent Capo-Canellas. J’ai déjà abordé une partie de la problématique lors de la discussion générale.

Pour ma part, je suggère une solution moins radicale que celle du Gouvernement. J’ai essayé de trouver une formulation permettant de conserver l’équilibre avancé par les auteurs de la proposition de loi. Je propose ainsi de conserver la création de la police territoriale et de donner au conseil municipal la possibilité, sur délibération, de garder la dénomination « police municipale ». La police municipale peut être l’un des éléments de la police territoriale.

Avant d’intervenir brièvement sur le fond, j’indique d’ores et déjà que, à l’instar de ma collègue Anne-Marie Escoffier, j’ai moi aussi déposé, outre le présent amendement, un certain nombre d’amendements de coordination.

En termes d’identité, force est de reconnaître que l’appellation « police municipale » est claire. Elle permet de distinguer police municipale et police nationale.

Pour l’ensemble de nos concitoyens, la municipalité – la ville, la commune – est une notion claire et compréhensible. Il en est de même pour la nation et la police nationale. En revanche, la notion de « territoire » est vague et source de confusion. Il peut y avoir des services territoriaux de l’État.

Pour les agents, la police municipale est un élément de leur identité, de leur histoire. Il n’est donc pas souhaitable de « jouer », si j’ose dire, avec cette notion.

Enfin, les communes qui investissent dans les polices municipales consentent un effort financier considérable. Il est donc normal que cela apparaisse dans l’appellation.

Tels sont les éléments qui m’ont conduit à vous proposer cette solution de consensus consistant à conserver l’initiative des auteurs de la proposition de loi, tout en donnant de la souplesse aux communes, comme le Sénat aime à le faire. Je ne doute pas que la majorité des conseils municipaux qui sont dotés d’une police municipale choisiront de faire usage du droit de maintien de l’existant.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Roger, est ainsi libellé :

I. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Le premier alinéa de l’article L. 511-4 est ainsi rédigé :

« La carte professionnelle, la tenue, la signalisation des véhicules de service et les types d'équipement dont sont dotés les agents de police territoriale font l'objet d'une identification commune à tous les services de police territoriale et de nature à n'entraîner aucune confusion ou assimilation possibles avec ceux utilisés par la police nationale et la gendarmerie nationale. Il en va de même pour les caractéristiques de la carte professionnelle, les caractéristiques ainsi que les catégories et les normes techniques des autres équipements qui doivent éviter toute ressemblance, source d'équivoque avec celles qui s'appliquent à la police nationale et la gendarmerie nationale et qui sont fixées par arrêté du ministre de l'intérieur après avis de la commission consultative des polices territoriales prévue à l'article L. 514-1. »

II. - En conséquence,

1° Alinéa 9

Supprimer les mots :

à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 511-4 (deux occurrences),

2° Alinéa 10

Supprimer les mots :

À la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 511-4,

La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. L’article 1er de la proposition de loi renforce les dispositifs prévus à l’article L. 511-4 du code de la sécurité intérieure.

Jusqu’à présent, les ministres qui se sont succédé ont été assez souples sur les couleurs des uniformes des agents de police et sur les sérigraphies des véhicules. Même si l’on ne veut pas engager de dépenses importantes, il faut que l’on puisse clairement faire la distinction entre la police nationale, la gendarmerie nationale et la police municipale.

Monsieur le ministre, madame la rapporteur, regardez ces deux affichettes (M. Gilbert Roger brandit deux documents photographiques) et dites-moi si vous êtes capables de faire la distinction entre la police nationale et la police municipale en voyant les uniformes et les véhicules sérigraphiés. Je pense qu’il faut clarifier les choses.

Cet amendement vise à apporter les précisions qui s’imposent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Si vous me le permettez, monsieur le président, je reprendrai les amendements dans l’ordre inverse de celui dans lequel ils ont été présentés.

L’amendement n° 39 de M. Roger est déjà satisfait par le droit en vigueur, qui prévoit que les mesures prises ne doivent entraîner aucune confusion entre les polices municipales et les forces étatiques.

Certes, je reconnais, pour l’avoir vécu, qu’il est parfois un peu difficile actuellement de ne pas confondre les polices au premier coup d’œil. Néanmoins, faisons appliquer le droit en vigueur, qui satisfait votre demande.

En conséquence, la commission vous prie, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

La commission a été sensible à la recherche de souplesse et d’un consensus de M. Capo-Canellas. Néanmoins, elle estime que le dispositif que tendent à prévoir les amendements nos 57 et 58 est trop complexe et qu’il entraînerait un manque de lisibilité si l’appellation de la police devait être différente selon la commune à laquelle elle appartient. Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

La commission est également défavorable aux amendements nos 10 rectifié ter et 40, notamment à la nouvelle rédaction que tous deux tendent à proposer pour le premier alinéa de l’article L. 511-1, lequel serait complété par les mots « et, éventuellement de police des campagnes ». Elle considère que les polices territoriales comprennent la police des campagnes et que les pouvoirs de celle-ci ne s’exercent bien évidemment, comme ceux des autres polices, que selon les territoires. Il n’y a donc pas lieu d’ajouter le mot : « éventuellement ». Au contraire, il faut bien affirmer que les pouvoirs de la police des campagnes font partie de ceux des polices territoriales.

Sur la question de l’appellation de la police, la commission préfère, en l’état actuel des choses, en rester à celle de « police territoriale ». Comme l’a fait remarquer tout à l’heure notre collègue Philippe Kaltenbach, peut-être devrions-nous prendre le temps de poursuivre la réflexion sur ce sujet en profitant pour cela de la navette parlementaire ?

Enfin, la commission a émis un avis défavorable sur le paragraphe III de l’amendement n° 40 du Gouvernement, qui tend à prévoir la subordination de l’exercice de certaines fonctions à l’accomplissement d’une formation préalable, non pas parce qu’elle y est défavorable sur le fond, mais parce qu’elle aurait souhaité que cette disposition figure à un autre article du code de la sécurité intérieure.

De façon générale, la commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement est d’accord avec la démarche engagée par Mme Escoffier. Toutefois, l’amendement n° 10 rectifié ter ne tire pas toutes les conséquences de la fusion des cadres d’emplois et de l’appellation unifiée qui en découle.

C’est pourquoi, dans un souci de cohérence, le Gouvernement a présenté l’amendement n° 40.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. S’il était adopté, l’amendement de Mme Escoffier serait satisfait.

Monsieur Capo-Canellas, considérant que l’appellation « police territoriale » a été adoptée, vous proposez la possibilité de conserver celle de « police municipale ».

Afin de ne pas créer de confusion, et pour assurer l’intelligibilité de l’organisation des forces de police sur le territoire national, le Gouvernement est défavorable à une coexistence des appellations, qui serait source d’ambiguïté, et, par voie de conséquence, aux amendements nos 58 et 57.

L’amendement n° 39 vise à permettre de distinguer les équipements des agents de police municipale de ceux de la police et de la gendarmerie nationales. Deux arrêtés ont été signés au mois de mai dernier et publiés au Journal officiel le 14 mai, l’un est relatif aux tenues des agents de police municipale, l’autre aux caractéristiques de leur carte professionnelle.

Par ailleurs, afin de compléter le dispositif en vigueur, un projet d’arrêté ministériel relatif à la signalisation des véhicules de service des agents de police municipale est en cours de signature.

Comme vous pouvez le constater, nous prenons des dispositions afin de répondre à la préoccupation, au demeurant légitime, que vous avez exprimée, monsieur Roger. Aussi, je vous prie, si vous en êtes d’accord, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

M. François Pillet. Sous réserve des appréciations et des éléments de contradiction que pourrait apporter mon collègue René Vandierendonck, permettez-moi de revenir sur la question de l’appellation.

René Vandierendonck et moi ne jouons pas sur les mots, pour faire du théâtre législatif. Notre objectif est totalement différent. À la vérité, nous voulons créer de l’unité dans un domaine où il n’y en a plus, en donnant à l’ensemble d’un corps un seul nom : « police territoriale ».

Sans doute, comme l’a souligné Mme la rapporteur, le débat prospérera-t-il à la faveur de la navette. Permettez-moi seulement, mes chers collègues, d’attirer votre attention sur un aspect de la question.

Comment pourrons-nous justifier, lorsque les polices dites « municipales » agiront dans le cadre d’une intercommunalité, qu’il s’agisse d’une agglomération ou d’une métropole, le fait qu’elles conservent leur appellation actuelle, alors qu’elles auront été mutualisées ? En réalité, ces polices deviendront, selon les cas, des polices d’agglomération ou des polices métropolitaines : bref, des polices intercommunales, auxquelles la qualification « municipale » ne pourra plus être appliquée !

J’ajoute que si les polices ne sont pas mutualisées au sein d’une agglomération, cela pose un problème juridique très fâcheux, car le pouvoir de chaque police municipale s’arrête à la limite de sa commune. Ainsi, comment expliquera-t-on que la police municipale de Nice, par exemple, voie sa compétence s’arrêter à la limite des quartiers niçois alors que les personnes qu’elle poursuit ou les nécessités de l’enquête qu’elle diligente l’appellent parfois de l’autre côté de la rue, où elle n’est plus compétente ?

Je pense que, sur cette question, il y a encore matière à réflexion.

Quant à la qualification « territoriale », je ne trouve pas qu’elle soit imprécise. La police territoriale, qu’est-ce que c’est ? C’est la police assurée par des agents territoriaux, qui appartiennent à la fonction publique territoriale. (M. Claude Dilain acquiesce.) Dès lors qu’on entend la qualification « territoriale » de cette façon, son emploi me semble parfaitement justifié.

Enfin, je suis tout à fait sensible à l’argument du coût. Toutefois, il ne s’agit pas de changer les uniformes. Du reste, on peut très bien concevoir que les adaptations éventuellement nécessaires puissent avoir lieu progressivement. Les uniformes des agents de police sont de toutes les façons renouvelés tous les trois ou quatre ans.

Au demeurant, à combien d’endroits d’un uniforme la mention de « police municipale » est-elle inscrite ? Elle figure au niveau de l’épaule, sur un petit morceau de tissu qui peut parfaitement être floqué à moindre coût.

Quant aux voitures, on peut très bien attendre qu’elles soient changées, puisque, comme tous les matériels utilisés par les polices municipales, elles font régulièrement l’objet d’un renouvellement.

Mes chers collègues, la démarche que mon collègue René Vandierendonck et moi-même vous proposons a une cohérence intellectuelle ; ce n’est pas uniquement le petit théâtre des mots ! (Mme Catherine Troendlé acquiesce.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.

M. Philippe Kaltenbach. Le groupe socialiste se félicite de la réponse que M. le ministre a apportée à Gilbert Roger. Celui-ci a eu raison de faire remarquer, par son amendement d’appel, que les uniformes et la sérigraphie des véhicules de la police nationale et de la police municipale prêtent souvent à confusion, alors que la loi prévoit qu’aucune équivoque ne doit exister.

Je pense que les différents arrêtés, ceux qui ont déjà été pris et ceux qui le seront, permettront de lever toute ambiguïté, et que tout le monde sera gagnant.

Sur l’appellation, le groupe socialiste, en l’état de nos débats, soutient le maintien dans la proposition de loi du nom de « police territoriale ». Telle est la volonté des deux auteurs du texte, qui se fonde sur une réalité : le développement des intercommunalités et la multiplication à venir des polices gérées par des intercommunalités ou par des métropoles.

Cette question mérite un débat. Les auteurs de la proposition de loi souhaitent donc le maintien de l’appellation « police territoriale » pour que ce débat ait lieu. Au cours de la navette, nous aurons d’autres occasions de peser les différents arguments et de décider s’il faut changer le nom tout de suite ou prévoir du temps pour que les évolutions se fassent.

À ce stade du débat, je le répète, le groupe socialiste se prononce pour le maintien de l’appellation « police territoriale » dans la proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.

M. Claude Dilain. Ma préférence va à l’appellation « police territoriale ».

En effet, de nombreux orateurs ont signalé le problème des inégalités territoriales ; M. Kaltenbach a même démontré que la police municipale était réservée aux municipalités riches, et que les autres, même si elles en avaient envie, n’avaient pas les moyens de s’en offrir une, ce qui me semble très grave.

Aussi me paraît-il important de marquer qu’un changement va se produire et qu’il sera désormais possible de mutualiser les moyens. Cette perspective, selon moi, doit impérativement se traduire dans la sémantique.

Pour cette raison, qui s’ajoute aux nombreux arguments qui ont déjà été présentés, je pense qu’il est préférable d’opter pour le nom de « police territoriale ».

En ce qui concerne l’amendement d’appel n° 39, je ne peux qu’approuver le propos de M. Roger : à l’heure actuelle, il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de distinguer la police municipale, future police territoriale, et la police nationale.

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.

M. René Vandierendonck. Il faut que ce texte important fasse l’objet d’une coproduction, dans un climat de concertation complète. Or on voit bien que les esprits ne sont pas mûrs pour abandonner l’appellation « police municipale ».

Néanmoins, ne nous méprenons pas. On fait valoir que l’instauration du nom de « police territoriale » entraînerait un coût supplémentaire de 15 millions d’euros. Cet argument pourrait être de poids si les estimations gouvernementales en matière de réformes ne connaissaient pas des variations saisonnières ! En vérité, on aimerait bien que ces estimations soient objectivées – je le dis sans intention d’être désagréable pour qui que ce soit.

M. Dilain est un spécialiste de la politique de la ville. Pour ma part, j’ai été maire de Roubaix, ce qui n’est pas négligeable. L’agglomération dont fait partie Roubaix compte quatre-vingt-cinq communes. Toutes n’ont pas les moyens de s’offrir une police municipale. Monsieur le ministre, vous qui aimez l’optimisation du « temps agents », du « temps élus », du « temps procureurs » et du « temps fonctionnaires du ministère de l’intérieur », imaginez quelles sont les conséquences d’une telle situation en termes de réunions de prévention de ceci ou de coordination de cela !

Est-il déraisonnable, dans un souci d’équité territoriale, de prévoir que, même dans des agglomérations d’une certaine taille, la compétence pourra être mutualisée ? Car tel est le sens de l’appellation actuelle, qui n’est pas « police communale », mais bien « police municipale ». Elle vise le pouvoir de police du maire. Peut-on, oui ou non, conserver le pouvoir de police du maire tout en mutualisant les fonctions supports et un certain nombre de dépenses à une échelle propre à assurer une meilleure équité territoriale ? Mes chers collègues, là réside le débat ! (Mme Anne-Marie Escoffier acquiesce.)

Pas une seule seconde je ne mets en cause les intentions de quiconque, et certainement pas celles du Gouvernement, sans la participation duquel nous n’aurions jamais pu accomplir ce travail. Je pense que, en l’état actuel des choses, il est utile de laisser le débat mûrir. C’est pourquoi, conjointement et solidairement avec M. Pillet, j’invite le Sénat à maintenir en première lecture l’appellation « police territoriale ». Ainsi le débat pourra suivre son cours ! (M. François Pillet applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Nous sommes au moins d’accord sur ce constat : il faut que le débat mûrisse.

Seulement, à ceux qui parlent d’aller lentement et d’éviter la précipitation, je fais remarquer que le plus sûr moyen de les exaucer est encore de conserver l’état actuel du droit. Il sera toujours temps, plus tard, d’examiner s’il y a lieu de le modifier. En vérité, vouloir laisser le débat mûrir en commençant par changer la loi, pour se demander en deuxième lecture s’il n’y a pas lieu de revenir en arrière, est un tantinet paradoxal !

Qu’il faille développer des polices intercommunales, j’en suis d’accord. Pour un certain nombre de communes, elles seront un élément de solution, encore que je ne pense pas que les intercommunalités disposent demain de moyens suffisants pour pouvoir facilement s’offrir des polices.

Je suis maire d’une commune qui perçoit la dotation de solidarité urbaine, d’un faible montant certes, mais qui la perçoit. Ma commune est également éligible au fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France. Pourtant, j’ai quatorze agents : trois agents administratifs et onze policiers municipaux. J’ai fait les efforts nécessaires, parce qu’ils répondent à une demande sociale et parce que la vie sociale ne serait pas possible sans cela, parce que la police nationale me le demande et parce que je suis pragmatique.

Mes chers collègues, n’opposons pas les communes riches qui pourraient entretenir une police municipale et les communes pauvres qui ne le pourraient pas. Il y a des élus qui sont face à des choix et qui les font. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Au demeurant, le débat, selon moi, n’est pas financier. Je pense qu’on peut bâtir la police intercommunale sans déconstruire la police communale.

Alors que, actuellement, comme moi-même et mes collègues de la municipalité le faisons modestement, des élus consentent les efforts nécessaires pour recruter des policiers et les former, avec tout ce que cela suppose d’embêtements – une police municipale, c’est efficace, mais il faut bien avouer que ce n’est pas simple à gérer ! –, on va leur dire que la police ne sera plus communale. Où sera l’avancée ?

L’avancée, c’est de créer une police intercommunale sans déconstruire la police municipale, donc communale !

En outre, je pense que l’appellation de « police territoriale » est un facteur de trouble, car on ne saura pas qui est le chef d’une police ainsi nommée. L’autorité administrative, dans les faits, sera soit la ville, soit l’intercommunalité. Où sera l’avancée ? Qui comprendra quoi ? En définitive, on va créer une police dont le responsable, en tout cas sur le plan administratif, ne sera plus identifié !

En ce qui concerne les limites communales, la règle d’intervention actuelle – je parle sous le contrôle de M. le ministre, qui connaît le sujet mieux que moi – me paraît claire : lorsque des policiers municipaux interviennent dans le feu de l’action – en faisant du « saute-dessus », comme l’on dit familièrement –, ils demandent au commissariat s’ils doivent s’arrêter à la limite de la commune ; mais si le commissariat leur commande de poursuivre leur action, ils le font. Ce principe ne soulève aucun problème.

Ma commune, Le Bourget, est limitrophe de Drancy. Mme Assassi, qui est ma voisine, sait bien comment les choses se passent : il arrive que des policiers drancéens viennent chez moi parce que leur commissariat le leur a demandé. Inversement, quand certains de mes policiers vont à Drancy, c’est qu’ils y ont été autorisés. Je pense donc que la question des limites de communes ne fait pas débat. C’est un autre sujet. Le droit actuel est clair sur ce point.

Que le débat prospère, je le veux bien ; mais ne déconstruisons pas l’existant si nous ne sommes pas certains de ce que nous allons faire. Commençons d’abord par débattre. Nous verrons ensuite comment faire évoluer les choses.