Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Le Gouvernement avait souhaité, à l’Assemblée nationale, la mise en place d’une concertation, et M. le Premier ministre a rappelé que les dispositifs votés seront améliorés pour mieux les équilibrer et ne pas pénaliser l’industrie du tourisme. L’ensemble du Gouvernement entend soutenir cette filière créatrice d’emplois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

loi esr et rentrée universitaire

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour le groupe socialiste.

Mme Dominique Gillot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, d’accorder une attention particulière à cette question, essentielle dans le contexte actuel.

La prochaine rentrée universitaire se prépare, dans le respect des objectifs majeurs posés par la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, promulguée le 22 juillet 2013 : rassembler autour d’une même ambition nationale l’enseignement supérieur et la recherche, au service de l’excellence pédagogique et de l’excellence scientifique ; renforcer la responsabilité sociale des établissements d’enseignement supérieur et garantir une gouvernance pleinement démocratique et collégiale des universités et de leurs regroupements ; surtout, construire les meilleures chances de réussite pour tous les étudiants en élevant la qualité de vie étudiante au rang de priorité de notre politique universitaire.

Régulièrement, des pétitions circulent, les échos de revendications nous parviennent, des protestations et des contestations sont relayées par les médias, concernant notamment les difficultés que rencontreraient les établissements à se regrouper à l’échéance du 22 juillet prochain, ainsi que la loi le leur enjoint. Où en est ce mouvement de regroupement, qui rendra notre système de formation plus visible et plus cohérent ?

En ce qui concerne les difficultés de l’emploi scientifique ou de l’emploi des titulaires d’un doctorat dans les fonctions publiques et dans l’entrepreneuriat privé, une mission a été diligentée pour évaluer de manière concrète la réalité des faits et des freins. Quelles mesures comptez-vous prendre pour la rentrée prochaine ?

Conformément à la loi, le Comité stratégique national pour l’enseignement supérieur vous remettra bientôt son rapport, fruit d’un travail nourri d’audition, de rapprochement interdisciplinaire et de prospective sur les mutations en termes de formation et de construction de la connaissance au XXIe siècle. Qu’en attendez-vous, monsieur le ministre ?

Enfin, en ce qui concerne la qualité de vie étudiante, qui contribue directement à la réussite des étudiants – priorité absolue de votre ministère –, des chantiers ont été ouverts pour évaluer les besoins et les aspirations de la population étudiante s’agissant tant de la préparation à l’entrée dans l’enseignement supérieur, de l’orientation choisie, du déroulement des études que des conditions de vie matérielle, sociale et culturelle, véritable creuset de l’émancipation et de la réussite des jeunes.

De nouveaux dispositifs sont à l’œuvre, et les efforts doivent être poursuivis dans un esprit de concertation et de co-construction, particulièrement dans le contexte de contrainte budgétaire que nous connaissons.

Monsieur le ministre, quel est l’état des lieux de la mise en œuvre des priorités établies par la loi du 22 juillet 2013, un an après l’adoption de ce texte ? Quelles sont les perspectives pour la rentrée universitaire de septembre prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame Gillot, je tiens tout d’abord à vous remercier de votre contribution aux travaux menés par le comité d’expertise présidé par Mme Béjean en vue de l’élaboration de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur.

La stratégie nationale de l’enseignement supérieur rejoint notre stratégie nationale de recherche et vise à nous doter d’une vision de l’avenir à moyen et long terme.

Je rappelle que, depuis deux ans, le Gouvernement a décidé de donner la priorité, sur le plan budgétaire, à l’éducation nationale, d’une part, à l’enseignement supérieur et à la recherche, d’autre part, considérant que l’on ne peut préparer l’avenir de la France en creusant davantage encore la dette éducative. Comme vous, je me félicite des choix qui ont été faits.

Geneviève Fioraso a fait adopter en juillet dernier une loi extrêmement importante sur l’enseignement supérieur et la recherche. Ce texte incite les universités à se regrouper autour de plusieurs objectifs : améliorer la lisibilité de notre offre en matière d’enseignement supérieur, coordonner cette offre entre grandes écoles, universités et établissements de recherche, optimiser l’organisation de la recherche dans notre pays, favoriser l’innovation, renforcer les passerelles entre établissements d’enseignement supérieur, afin de favoriser la mobilité des étudiants et celle des enseignants-chercheurs, accroître la visibilité et l’attractivité de notre offre dans le marché mondialisé de l’enseignement supérieur.

Ces regroupements, qui s’opèrent sur vingt-cinq sites, prennent différentes formes : la fusion, l’association, la communauté d’universités et établissements. Cette dernière formule a été privilégiée : aujourd'hui, quinze projets sur vingt ont été déposés au ministère, dix sont stabilisés et nous travaillons à l’achèvement des derniers.

Les deux tiers des moyens nouveaux accordés à l’enseignement supérieur ont été consacrés à la vie étudiante. Je me réjouis de pouvoir vous annoncer que, à la rentrée prochaine, 77 500 étudiants bénéficieront de 1 000 euros supplémentaires de bourse, ce qui représente un investissement de près de 80 millions d’euros. Il s’agit d’une aide indispensable pour des étudiants issus des classes moyennes souvent obligés aujourd'hui de se salarier pour pouvoir étudier. Or chacun sait que l’on étudie moins bien quand on est obligé de travailler en parallèle. C’est, pour le Gouvernement, une manière très concrète d’aider les jeunes à étudier dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Demande d’un avis sur un projet de nomination

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article L. 531-4 du code de l’environnement, une demande d’avis sur le projet de nomination de Mme Christine Noiville aux fonctions de président du Haut conseil des biotechnologies.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

Acte est donné de cette communication.

5

Dépôt d'un rapport

M. le président. J’ai reçu le rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

6

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas.

M. Luc Carvounas. Monsieur le président, notre collègue Jean-Noël Guérini souhaite voir préciser qu’il n’a pas pris part au vote lors du scrutin public n° 206 sur la motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

M. Jean-Vincent Placé. M. Guérini a un nouveau porte-parole ! (Sourires.)

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

7

Communication de l’Assemblée nationale relative au rejet d’une motion référendaire

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, M. le président de l’Assemblée nationale m’a informé que l’Assemblée nationale, au cours de la deuxième séance du 2 juillet 2014, a rejeté la motion, adoptée par le Sénat, tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Acte est donné de cette communication.

En conséquence, nous pouvons entamer la discussion du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

8

Explications de vote (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral
Discussion générale (suite)

Délimitation des régions et élections régionales et départementales

Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (projet n° 635, résultat des travaux de la commission spéciale n° 659, rapport n° 658).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord vous dire mon très grand plaisir d’engager avec le Sénat la discussion du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Cette discussion s’inscrit dans un certain contexte. En effet, afin d’aborder l’examen de ce texte dans des conditions optimales, le Sénat a pris un certain nombre d’initiatives.

D’abord, il a souhaité que la commission des lois se réunisse très rapidement afin que le Gouvernement explicite devant elle le contenu de son texte, ses orientations, ses objectifs, les raisons pour lesquelles il le soumet à la représentation nationale.

Puis le Sénat, fort légitimement, même si cette initiative dérogeait à la doctrine qui avait été la sienne jusqu’à présent concernant les textes relatifs à la réorganisation des territoires, a souhaité créer une commission spéciale. Il en a confié la présidence à Jean-Jacques Hyest, dont je veux saluer l’engagement. Ses compétences, son intérêt pour ces questions ont permis de faire avancer la réflexion du Sénat. Je tiens à le remercier de son travail.

Je veux également remercier Michel Delebarre, rapporteur de cette commission spéciale, qui, par sa sagesse et la pertinence de ses propositions, a contribué à donner de l’épaisseur à ce débat. Je ne doute pas que les échanges que nous aurons au cours des prochaines heures permettront d’aller au fond des choses.

Je veux profiter de cette occasion pour redire, à la suite du Premier ministre, la totale disponibilité du Gouvernement pour entendre les sénateurs, examiner leurs propositions, leurs amendements. Je ne peux bien sûr m’engager à favoriser l’adoption de chacun de ceux-ci, mais je m’engage en tout cas à ce qu’ils fassent tous l’objet d’un débat.

C’est donc dans un état d’esprit d’ouverture que le Gouvernement aborde cette discussion, ici au Sénat, assemblée qui, aux termes de l’article 39 de la Constitution, est saisie en premier lieu des projets de loi ayant pour principal objet l’organisation et l’architecture des collectivités territoriales.

Les objectifs de la réforme territoriale dans laquelle le Gouvernement s’est engagé sont au nombre de quatre. Je tiens à les rappeler, car leur juxtaposition et leur articulation donnent toute sa cohérence à l’ambition affichée par le Gouvernement. Ce rappel nous permettra de mener nos débats en toute clarté et en toute transparence.

Notre premier objectif est de faire en sorte que nos régions puissent, dans la compétition européenne, jouer leur rôle. Il ne s’agit pas simplement d’avoir des régions compétitives, il s’agit d’avoir des régions fortes qui puissent, par la mutualisation de leurs moyens de fonctionnement, dégager des marges pour investir. La situation économique du pays, et plus globalement de l’Union européenne, témoigne de la nécessité d’engager des investissements de croissance. Ces investissements doivent porter essentiellement sur la transition énergétique – le Parlement sera prochainement saisi d’un texte sur ce sujet –, mais aussi sur le développement des transports de demain et l’équipement numérique de tous les territoires, notamment les territoires ruraux.

Nous devons aussi accompagner nos filières industrielles d’excellence, qui, par le biais des pôles de compétitivité, ont pu monter en gamme et promouvoir un certain nombre de nos produits, permis de développer des coopérations entre les régions et, par conséquent, d’organiser les transferts de technologies, la relation entre le monde de l’université, le monde de la recherche et les grandes filières industrielles et de services. Faire en sorte que l’innovation ait sa place sur des territoires pertinents : c’est l’objectif et l’ambition du Gouvernement.

Je reviendrai sur la question des économies, qui a souvent été évoquée, en particulier tout à l’heure par Mme Escoffier. L’objectif de ces réformes, quelle que soit la strate de collectivités concernée, c’est de faire en sorte que l’on dépense moins en fonctionnement afin de pouvoir investir plus, de manière à créer les conditions de la compétitivité et de l’investissement dans les infrastructures dont le pays a besoin pour redresser son économie.

Tel est le premier objectif : avoir des régions fortes qui soient des collectivités locales d’investissement, pour réussir le développement économique de demain.

Le deuxième objectif de la réforme territoriale, c’est d’accroître la lisibilité de l’organisation territoriale française.

Nous sommes tous ici suffisamment soucieux de l’intérêt général, suffisamment passionnés par l’administration locale pour ne pas reconnaître ensemble, par-delà nos sensibilités diverses, que les collectivités territoriales ont fait, au cours des dernières années, œuvre utile, pour renforcer les services publics, pour développer les investissements, pour accompagner sur les territoires les politiques culturelles et sportives qui font le rayonnement de la France. Il ne s’agit donc pas, à travers ce débat, comme cela a pu être le cas parfois dans le passé, de stigmatiser les élus en raison de leur nombre, de les caricaturer en raison de leur inutilité supposée,…

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. … de les désigner, dans l’espace public, comme les responsables de tous les maux. De tels propos ont été tenus par le passé ; ils ont créé beaucoup de divisions et ne correspondent pas du tout à l’état d’esprit du Gouvernement.

En revanche, là où il y a de l’illisibilité, de la complexité, des doublons, nous voulons créer les conditions d’une clarification des compétences,…

M. Gérard Longuet. C’est ce que nous avions fait !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. … de manière que les citoyens soient plus proches de leurs collectivités locales, que les collectivités territoriales, auxquelles nous tenons, puissent disposer des moyens d’intervenir de façon plus efficace, que, in fine, la puissance publique – collectivités locales comprises – soit plus svelte, plus véloce, plus efficace, plus à même de répondre aux enjeux du moment.

Avoir des régions plus fortes, en faire des collectivités locales d’investissement, clarifier les compétences : tel sera l’objet du texte relatif à la répartition des compétences entre les collectivités locales qui sera soumis à la représentation nationale par Marylise Lebranchu et André Vallini.

Troisièmement, nous devons faire monter en gamme l’administration déconcentrée de l’État.

Hier, j’entendais M. Retailleau craindre la relégation des territoires ruraux. Il est parfaitement légitime d’exprimer cette inquiétude et de se demander si la création de grandes régions et la disparition des conseils départementaux ne risquent pas de laisser ces territoires ruraux à l’abandon.

Je tiens à dire à l’occasion de ce débat que nous souhaitons développer et moderniser les services de l’État dans le département, car celui-ci a vocation à demeurer comme structure administrative de l’État. Si nous voulons créer demain les conditions d’une montée en puissance des intercommunalités et renforcer les services publics, notamment dans les territoires ruraux, il faut que l’administration déconcentrée de l’État affirme davantage ses prérogatives.

Je vais donner quelques chiffres : au cours des sept dernières années, les fonctionnaires des administrations déconcentrées de l’État, notamment à l’échelon départemental, ont diminué de près de 5 000. L’aporie à laquelle est confrontée l’administration déconcentrée de l’État résulte donc d’une diminution très forte des effectifs, sans pour autant qu’il y ait eu une réorganisation, même si la REATE, la réforme de l’administration territoriale de l’État, a fait son œuvre mais davantage comme un instrument d’accompagnement de la révision générale des politiques publiques que comme un outil de modernisation et de renforcement des services publics sur le plan local.

Si nous voulons moderniser et renforcer les services de l’État, c’est parce que nous croyons au service public. Nous pensons que davantage d’interministérialité autour des préfets, davantage de possibilités pour eux d’organiser leur administration au plus près des territoires peuvent être un bon moyen de répondre aux besoins de certains quartiers de ville et, surtout, des territoires ruraux qui craignent la relégation.

Je vois que M. Mézard a l’air sceptique. Je lui réponds que c’est affaire de volonté. Ne faut-il pas moderniser l’État territorial ? Faut-il ignorer ce sujet, alors que de nombreux coups de rabot ont conduit à un affaiblissement considérable de l’administration territoriale de l’État là où la demande de services publics des citoyens est très forte ?

J’en viens au quatrième objectif : la montée en puissance des intercommunalités. Notre pays compte 36 000 communes, soit plus que la totalité des autres pays de l’Union européenne.

M. René-Paul Savary. C’est l’histoire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. N’est-il pas légitime de vouloir renforcer l’intercommunalité dans l’esprit que défendait hier Jean-Pierre Chevènement ? Ne convient-il pas de favoriser l’émergence de communes nouvelles, lorsque cela est possible, afin que nous ayons des communes plus fortes, des intercommunalités mieux organisées et aussi que la mutualisation des moyens de fonctionnement permette de dégager des marges de manœuvre pour l’investissement ?

Voilà quels sont l’esprit et la cohérence de cette réforme. Il n’y a là ni improvisation, ni hésitation, ni main qui tremble, mais une cohérence, à savoir des régions fortes qui investissent, des intercommunalités qui montent en puissance, des services déconcentrés de l’État qui assurent la présence de services publics puissants dans les territoires pour prévenir le sentiment de relégation. Cette réforme traduit aussi la volonté du Gouvernement de clarifier les compétences de l’administration territoriale.

Face à ces objectifs, des interrogations se sont exprimées au sein de la commission spéciale ou hier lors de l’examen de la motion référendaire. Je veux y répondre à nouveau brièvement.

La première porte sur le temps passé à l’expertise et à la concertation préalable. Certains – pas seulement, il faut le reconnaître, sur les travées de l’opposition, mais aussi sur celles de la majorité – ont affirmé qu’il convenait d’attendre encore. Il est toujours temps d’attendre, parce que c’est une responsabilité d’entreprendre une réforme parfois urgente pour notre pays, parce que c’est difficile de franchir la frontière qui sépare la réflexion de l’action. Or cela fait maintenant dix ans que la réflexion est engagée, par des gouvernements de sensibilités différentes. Tous ont eu l’intention sincère de mettre en œuvre des réformes, dont certaines ont parfois été esquissées, mais sans jamais aller au bout, au point que nous sommes obligés aujourd’hui d’en proposer une de grande ampleur.

Faut-il considérer comme n’ayant servi à rien les réflexions engagées par Édouard Balladur à la demande du précédent Président de la République et qui l’ont conduit, en 2009, à présenter un rapport intitulé Il est temps de décider, rapport qui préconisait la création de quinze régions ? Nous en proposons quatorze. Quinze, ce serait le chiffre idéal et quatorze, ce serait trop peu ? Il faut quand même beaucoup d’imagination pour comprendre pourquoi une réforme ramenant le nombre de région à quinze, c’est bien, tandis que quatorze, c’est mal.

Si vous considérez que quinze, c’est mieux, proposez-le par voie d’amendement…

M. Éric Doligé. On ne peut pas : François Hollande a dit qu’il n’en voulait pas plus de quatorze !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. … et débattons-en ensemble.

Des réflexions ont été engagées ici par des sénateurs de droite comme de gauche. Je pense par exemple à Jean-Pierre Raffarin et à Yves Krattinger. Leurs propositions n’ont pas été faites sans réfléchir ni écouter. Et elles n’étaient ni inutiles ni absurdes ! Ils proposaient la création de dix régions.

Pensez aux nombreux rapports de sénateurs, de députés, de la Cour des comptes sur la réforme territoriale ; il y a également eu de nombreux discours de Premiers ministres et de Présidents de la République depuis dix ans. N’est-il pas tant de décider, de tenter la réforme, de proposer une carte, non pas pour solde de tout compte, non pas comme un texte à tout jamais gravé dans le marbre, mais comme une tentative, mise sur le métier, de réussir enfin ensemble, au nom de l’intérêt général, avec la volonté du compromis, une réforme utile pour le pays.

Voilà la démarche dans laquelle nous nous sommes engagés. Elle est dépourvue d’arrière-pensées politiques. Elle a un objectif et un seul : faire que, dans un pays où la politique est en crise, où le fossé se creuse entre ceux qui ont des responsabilités publiques et ceux qui les désignent pour les exercer, il y ait une réforme offrant de la puissance à nos collectivités, de la légitimité à nos élus et permettant au peuple français de constater qu’ensemble, par-delà ce qui nous différencie, nous sommes capables de mener une réforme utile pour le pays.

Sommes-nous capables, dans cette assemblée, qui représente les collectivités territoriales de France, d’apporter cette démonstration avec sagesse afin que notre pays se modernise ? Le Gouvernement veut le croire. C’est pourquoi il a pris le risque de présenter ce texte, qui, je le répète, n’est pas pour solde de tout compte. Nous le soumettons à votre réflexion, à vos amendements à vos propositions afin que, par la recherche d’un compromis, nous puissions coproduire un bon texte pour les collectivités locales et pour le pays.

Venons-en maintenant au contenu du projet de loi.

Le texte vise à réduire le nombre de régions, qui s’élèvent aujourd’hui à vingt-deux. Il est proposé par la fusion de quinze d’entre elles d’en créer six. D’autres sont laissées en l’état au point que, au terme de la réforme, il y en aurait treize, outre bien sûr les départements et territoires d’outre-mer et la Corse. L’objectif est d’avoir des régions avec une dimension qui permette de compter en Europe, d’avoir des euro-régions qui puissent porter des dynamiques économiques. Je vais donner quelques chiffres, non pas parce qu’on peut réduire ce débat à de l’arithmétique mais simplement pour avoir à l’esprit des ordres de grandeur.

Nos régions ont de 2,6 à 3 millions d’habitants. Par l’effet de la réforme que nous vous proposons d’adopter, nous passerions à 4,6 millions d’habitants, ce qui s’approcherait de la moyenne des Länder, qui comptent un peu plus de 5 millions d’habitants.

M. Philippe Bas. Il y a des écarts là-bas !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous serions également dans des proportions à peu près comparables à l’Italie, si l’on ne tient pas compte des régions à statut spécial.

M. Jean-Léonce Dupont. Cela ne veut rien dire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’entends que cela ne veut rien dire,...

Mme Isabelle Debré. Eh oui ! On ne peut pas comparer !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. … mais c’est un raisonnement qui a déjà été utilisé.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il a notamment été utilisé par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin de manière très intelligente.

M. Jean-Claude Lenoir. Venant de lui, cela n’est pas étonnant !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Bien sûr ! C’est un homme qui a un grand sens de l’intérêt général et de l’intérêt des collectivités locales. Voici ce qu’il disait : « L’essentiel est de construire des régions de taille européenne […]. Même si ce n’est pas leur nombre, mais leur taille qui reste l’objectif. »

Lorsque quelqu’un qui fut parmi l’un des plus éminents des vôtres…

M. Philippe Bas. Il l’est toujours !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. … le dit, c’est pertinent, mais lorsqu’un ministre de la majorité que vous ne soutenez pas l’affirme à cette tribune cela deviendrait tout à coup un argument incongru. C’est précisément parce que nous raisonnons toujours de cette manière, c’est-à-dire en nous montrant incapables de reconnaître devant les Français qu’il y a des sujets sur lesquels nous pouvons tomber d’accord, c’est parce que nous avons l’habitude de toujours rechercher le conflit plutôt que le compromis sur l’essentiel que nos concitoyens s’éloignent de la vie politique.

Nous, nous cherchons non pas des polémiques, non pas des arguties, non pas des conflits, non pas des éléments de procédure afin d’éviter que les sujets soient abordés, mais une possibilité de nous rassembler, y compris en allant puiser dans ce qui s’est dit d’intelligent sur toutes les travées de cette assemblée. Nous préférons ce chemin plutôt que ces approches polémiques et ces conflits classiques qui détournent les Français de la politique.

Il est possible avec ce texte de créer une carte régionale qui permette d’atteindre l’objectif que des sénateurs de droite comme de gauche ont pu rechercher ensemble par le passé. Tel est l’objectif du Gouvernement.

Vous m’objecterez que la carte n’est pas bonne, que ce n’est pas celle que vous vouliez, que certains regroupements régionaux ne vous paraissent pas souhaitables et que d’autres vous semblent avoir été faits sur un coin de table. Eh bien, emparez-vous de cette carte, proposez des amendements pour la faire évoluer dans le sens que vous souhaitez ! Dites-nous quelle est la carte régionale la plus pertinente, ayons un débat démocratique sain qui nous permette d’élaborer ensemble une architecture territoriale qui corresponde à la volonté du plus grand nombre d’entre vous. Cela est possible ! Cela est souhaitable ! Encore faut-il qu’il y ait la volonté de le faire dans cet hémicycle et que nous puissions ensemble dire que nous voulons réussir une grande réforme territoriale qui donne de la force à notre pays.

Voilà pour ce qui concerne l’article 1er, celui qui définit l’architecture des régions. Je ne m’y attarderai pas davantage, parce qu’il y aura – en tout cas, je l’espère – de longues heures de discussion sur le sujet.

La deuxième interrogation porte sur le tableau, c’est-à-dire sur les effectifs des conseils régionaux après que la carte aura été dessinée. J’entends là aussi des critiques, des souhaits. Faut-il les considérer comme négligeables, sous prétexte qu’ils ne correspondraient pas au texte proposé par le Gouvernement ? Assurément non !

Si nous proposons de diminuer le nombre d’élus, c’est parce que nous diminuons le nombre de régions. Il ne s’agit pas de suspicion à leur égard ; il s’agit d’assurer la bonne gouvernance de chaque collectivité locale. Nous devons montrer à nos concitoyens que ce que nous faisons est également destiné à maîtriser le fonctionnement des collectivités locales et qu’il serait singulier et curieux, et sans doute assez peu compris, que l’on diminuât le nombre de conseils régionaux et que l’on augmentât le nombre des élus qui les administreront.

Oui, nous proposons une diminution du nombre d’élus des conseils régionaux, mais pas dans des proportions telles que certains élus seront loin des territoires ! Il s’agit d’une diminution de quelque 8 %.