M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !

M. Jean-Yves Leconte. Il faut le rappeler pour ne pas voir dans internet un ennemi de la loi ou des souverainetés. Finalement, en mettant la liberté d’information à la disposition de tous, internet constitue un progrès avec, en contrepartie, un certain nombre de conséquences auxquelles il faut aujourd'hui faire face.

Puisque mon temps de parole s'épuise, je défendrai tout à l'heure l’amendement n° 8 rectifié. Mais j’insiste sur le fait que, compte tenu de ses deux premiers alinéas, l’article 9 ne peut être totalement supprimé. Seuls les alinéas suivants – qui proposent, eux, le blocage – méritent de l’être.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié et 65.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 52, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Le 1° de l’article 9 tend à proposer que soit mise en avant l’obligation faite aux hébergeurs et aux fournisseurs d'accès à internet de mettre en place des dispositifs de signalement des contenus illicites ayant trait au terrorisme.

Le Conseil constitutionnel a déjà noté la difficulté fréquente d'apprécier la licéité d'un contenu. C'est particulièrement vrai pour distinguer les contours de ce qui relèverait ou non de l'apologie d'actes de terrorisme. On peut d'ailleurs noter que si, en 2012, la plateforme du ministère de l'intérieur a recueilli 120 000 signalements, seuls 1 329 ont été transmis pour enquête à la police nationale ou à la gendarmerie.

Nous considérons qu’il faut cesser de modifier cette partie de la loi de 2004 sur la responsabilité pénale des hébergeurs. En janvier dernier, le Gouvernement avait promis une consultation et un projet de loi sur ce sujet avant toute nouvelle modification de cette partie de la loi. Nous regrettons donc ce nouvel élargissement et proposons sa suppression.

Mme la présidente. L'amendement n° 50, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Supprimer les mots :

et de leur apologie

II. – Alinéa 4, première phrase

Supprimer les mots :

ou l’apologie de tels actes

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 44 à l’article 4, afin que la provocation à la commission d’actes de terrorisme ne soit pas assimilée à l’apologie de tels actes. Je considère donc qu’il est défendu.

Mme la présidente. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, les mots : « huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « septième et huitième »

La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Cet amendement tend à opérer une simple coordination visant à rectifier une référence de texte.

Mme la présidente. L'amendement n° 90, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 à 7

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

2° Les cinquième et sixième alinéas sont supprimés ;

II. - Alinéas 8 à 10

Supprimer ces alinéas.

III. – Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° Au dernier alinéa, les mots : « , cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième ».

IV. – Après l’alinéa 11

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I bis. – Après l’article 6 de la loi n° 2004–575 précitée, il est inséré un article 6–1 ainsi rédigé :

« Art. 6–1. – Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes relevant de l'article 421–2–5 du code pénal ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l'article 227–23 du même code le justifient, l'autorité administrative peut demander à toute personne mentionnée au III de l’article 6 de la présente loi ou aux personnes mentionnées au 2 du I du même article 6 de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421–2–5 et 227–23. Elle en informe simultanément les personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la présente loi.

« En l'absence de retrait de ces contenus dans un délai de quarante-huit heures, l'autorité administrative peut notifier aux personnes mentionnées au même 1 la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421–2–5 et 227–23. Elles doivent alors procéder sans délai aux opérations empêchant l'accès à ces adresses. Toutefois, en l'absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du même article 6 des informations mentionnées à ce même III, l'autorité administrative peut procéder à la notification prévue à la première phrase du présent alinéa sans avoir préalablement demandé le retrait des contenus dans les conditions prévues à la première phrase du premier alinéa du présent article.

« L'autorité administrative transmet les demandes de retrait et la liste mentionnées respectivement aux premier et deuxième alinéas à une personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable. Le suppléant de cette personnalité qualifiée est désigné dans les mêmes conditions. La personnalité qualifiée s'assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d'établissement, de mise à jour, de communication et d'utilisation de la liste. Si elle constate une irrégularité, elle peut à tout moment recommander à l'autorité administrative d'y mettre fin. Si l'autorité administrative ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête.

« La personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d'activité sur les conditions d'exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait et le nombre de recommandations faites à l'autorité administrative. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement. 

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret, notamment la compensation, le cas échéant, des surcoûts justifiés résultant des obligations mises à la charge des opérateurs. 

« Tout manquement aux obligations définies au présent article est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6. »

V. – Alinéa 12

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

II. – Le premier alinéa du 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004–575 précitée est ainsi modifié :

1° Les mots : « , cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième » ;

2° Après les mots : « 7 du I », sont insérés les mots : « ni à celles prévues à l’article 6–1 de la présente loi » ;

3° Après la référence : « II », sont insérés les mots : « du présent article ».

La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Cet amendement est une proposition de réécriture complète de l’article pour tenir compte du fait que nous nous situons dans un seul article de la loi de 2004, ce qui nous amène à faire des renvois à une multitude d’alinéas et de numéros. Il nous a donc paru nettement préférable de rédiger un article sur cette procédure qui a sa cohérence et qui permet d’éviter des renvois complexes. Il traduit également une différence d’appréciation avec le Gouvernement sur la durée de quarante-huit heures ou de vingt-quatre heures.

Le sous-amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 90, alinéa 13, première phrase

Remplacer les mots :

quarante-huit heures

par les mots :

vingt-quatre heures

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce sous-amendement porte sur un sujet qui est, pour nous, très important, à savoir le délai de quarante-huit heures proposé par la commission.

Nous craignons que cette modification ne dénature l’article lui-même. En effet, nous pensons qu’un tel délai suffit à transférer le contenu d’un certain nombre de sites vers d’autres. Si tel est le cas, nous sommes obligés d’engager à l’encontre des sites vers lesquels les contenus ont été transférés la même démarche que celle que nous avons engagée pour procéder au blocage du premier site. Cela présente le risque de démarches sans fin de la part de l’administration au titre de ses pouvoirs de police.

À notre sens, le délai de vingt-quatre heures permet à l’opérateur de se retourner, tout en évitant le transfert de contenus vers des sites dits miroirs.

Nous sommes favorables à l’amendement de cohérence que vient de présenter le rapporteur, sous réserve que notre sous-amendement soit accepté.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 92, présenté par MM. Sueur, Bigot, Desplan et Marie, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Amendement n° 90, alinéa 14, première phrase

Après le mot :

désignée

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

en son sein par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Les députés ont eu l’idée de confier à la CNIL le soin de désigner une personnalité qualifiée, dont l’indépendance et la compétence seraient reconnues, afin qu’elle puisse intervenir pour garantir le respect des libertés et le bon usage des dispositions de cet article.

Il nous est apparu important de préciser que cette personne devait être désignée au sein même de la CNIL. Sinon, nous serions dans un système un peu étrange où nous confierions à une autorité administrative indépendante le soin de désigner une personnalité qualifiée extérieure à elle-même.

S’agissant des autorités administratives indépendantes, au nombre d’une cinquantaine, j’ai déjà eu l’occasion de dire en commission que notre ancien collègue Patrice Gélard, à qui je tiens ici à rendre hommage, avait déposé, le dernier jour de sa présence au Sénat, deux propositions de loi qu’il m’a demandé de cosigner afin qu’elles puissent perdurer.

J’espère que nous aurons l’occasion d’en parler, car nous avons assisté à une véritable prolifération de ces autorités administratives indépendantes. On peut se demander si leur création est toujours justifiée. En tout cas, M. Patrice Gélard a beaucoup insisté pour qu’elles soient créées par la loi, ce qui n’est pas négligeable, et pour que la loi précise aussi leurs règles de fonctionnement. Il y a là quelque chose d’utile.

Pour revenir à notre sujet, je pense que si nous faisons appel à la CNIL, autant que cette autorité désigne ès qualités un de ses membres pour assumer cette tâche.

Je sais que ce sujet ne fait pas expressément partie de ses compétences. D’ailleurs, notre collègue Gaëtan Gorce, qui est un membre éminent de cette instance, pourrait en parler mieux que moi. Néanmoins, il nous semble, pour la bonne clarté de cette procédure, qu’il ne faut pas entrer dans cette forme de logique proliférante où des autorités désigneraient des personnes qualifiées, qui, elles-mêmes, pourraient désigner, pourquoi pas, d’autres personnes qualifiées, qui pourraient à leur tour désigner des autorités…

J’avais lu dans Montesquieu qu’il y avait le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Il ne faudrait pas que nous entrions dans des systèmes qui nous éloigneraient trop de ces quelques principes simples auxquels nous sommes nombreux à être puissamment attachés.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 94, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 90, après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorité administrative peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent aux articles 421–2–5 et 227–23 du code pénal aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne. La procédure prévue au troisième alinéa du présent article est applicable.

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce sous-amendement tend à prévoir que l’autorité administrative peut demander, en plus du blocage de l’accès à certains sites, le déréférencement de ces sites.

Cette possibilité est déjà prévue à l’article 61 de la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture et à la concurrence du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, lequel permet à l’ARJEL, l’Autorité de régulation des jeux en ligne, de demander que soit prise « toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site d’un opérateur mentionné au deuxième alinéa [dudit] article par un moteur de recherche ou un annuaire ».

Le déréférencement est une mesure simple et peu coûteuse à mettre en œuvre par le prestataire requis. Elle est d’ailleurs préconisée par la CNIL dans le cadre de la mise en œuvre du droit à l’oubli, ainsi qu’elle le précise aux pages 83 et 84 de son rapport de 2012.

Comme elle est complémentaire du blocage, nous proposons de compléter l’article 9 avec cette mesure.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 8 rectifié est présenté par MM. Leconte et Gorce.

L'amendement n° 51 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 3 à 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.

M. Jean-Yves Leconte. Par cet amendement, nous proposons la suppression des dispositions de l’article 9 tendant à prévoir le blocage, pour les raisons que j’ai exposées voilà quelques instants.

Comme je l’ai déjà dit, internet représente un défi à la souveraineté des États. Ce défi peut avoir des effets positifs, lorsque les États sont totalitaires, mais il oblige aussi parfois les États à repenser leurs relations avec la société civile.

En la matière, il est important de trouver le moyen de collaborer avec l’ensemble de la communauté internet à l’échelle mondiale, afin que ce qui ne doit pas se trouver sur le réseau en soit exclu. Internet doit rester cet espace de diffusion non seulement d’informations, mais aussi des valeurs.

Par conséquent, il importe de rechercher la collaboration des grands opérateurs, tels que Facebook, Twitter, Yandex et Google.

À cet égard, il me semble qu’un pays qui n’entrerait pas dans cette logique en refusant d’admettre qu’il s’agit d’un défi l’obligeant à aborder les questions différemment serait vu comme un pays qui ne comprend pas comment fonctionne internet et ses opérateurs.

Aussi, je pense qu’il y a un vrai risque pour notre pays à être ainsi considéré. C’est d’ailleurs un peu ce qui s’est passé dans un certain nombre de pays où les législations ont été durcies. Les opérateurs ont alors changé leurs méthodes, sont allés ailleurs ou ont durci leurs procédures de sécurité pour protéger leurs clients de l’intrusion des États.

À mon sens, nous ne devons pas aller dans cette direction-là. Si nous souhaitons pouvoir contrôler ce qui mérite de l’être et maîtriser l’innovation internet, nous ne pouvons pas revendiquer de telles procédures, au risque de provoquer l’incompréhension de tous.

C’est la raison pour laquelle il me semble qu’un blocage administratif, facilement détournable, n’est pas la solution, que ce soit pour les citoyens, que l’on transforme en consommateurs, ou pour les opérateurs, qui apparaissent comme des victimes ou comme n’étant pas assez responsables pour pouvoir progressivement prendre la responsabilité qu’ils doivent prendre afin que le réseau soit un réseau de progrès et soit positif.

Il est donc important de faire le pari de l’intelligence, de convaincre l’ensemble des opérateurs du réseau qu’ils ont intérêt à ne pas laisser diffuser un certain nombre de films de propagande qui ne méritent pas d’être montrés. Mais ce n’est pas une raison pour imposer des dispositifs qui, sur le plan technique, ne fonctionnent pas et sont facilement contournables.

Aussi, avec toute la conviction qui m’amine sur ce blocage administratif que je juge dangereux pour l’image et de notre pays et du Parlement, qui apparaîtraient alors en décalage avec la réalité, je vous propose d’y renoncer au profit d’une politique de conviction, qui est déjà abordée aux alinéas 1 et 2 de l’article 9.

Nous devons adopter une démarche de coopération et de mobilisation pour que le réseau puisse donner toute la mesure de ses capacités d’échange d’informations à l’échelle du monde.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Leconte. C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 51.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement étant identique à l’amendement n° 8 rectifié, je considère qu’il est défendu. Je ne veux pas rallonger le débat, qui est déjà assez long…

Mme la présidente. L'amendement n° 28, présenté par MM. Gorce et Leconte, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a déjà été défendu.

Mme la présidente. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes relevant de l'article 421–2–5 du code pénal ou les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l'article 227–23 du même code le justifient, l'autorité administrative peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir ordonnée, en la forme des référés, toute mesure permettant de demander à toute personne mentionnée au III du présent article ou aux personnes mentionnées au 2 du présent I de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421–2–5 et 227–23. Cette ordonnance autorise l’autorité administrative à informer simultanément les personnes mentionnées au 1 du présent I.

« Une personnalité qualifiée est désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable. Le suppléant de cette personnalité qualifiée est désigné dans les mêmes conditions. Cette personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d'activité sur la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait, ainsi que des recommandations. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. L’article 9 a pour objet de créer une procédure de blocage administratif de certains sites faisant l’apologie du terrorisme. Il s’agit de l’un des articles les plus controversés de ce texte, à la fois sur le plan pratique de l’efficacité et sur le plan juridique.

S’agissant de l’efficacité, il faut savoir que le blocage administratif avait déjà été retenu dans la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite Loppsi 2, à l’encontre des contenus pédopornographiques. Or cette mesure n’a jamais été mise en œuvre, faute de décret d’application, les négociations entre les pouvoirs publics et les fournisseurs d’accès à internet ayant achoppé sur la question du dédommagement du blocage et sa méthode.

Par ailleurs, il n’est pas sûr que la mesure proposée dans le présent projet de loi soit efficace par rapport aux buts mêmes qu’elle vise.

Ces sites fournissent des informations utiles aux renseignements généraux. Le Conseil national du numérique a souligné ce risque, et il n’est pas le seul. L’argument des dommages collatéraux du blocage ne peut être ignoré ni balayé d’un revers de la main.

Sur le plan juridique, la procédure de blocage administratif, calquée sur celle qui existe en matière de pédopornographie, évite le contrôle du juge, ce qui est préjudiciable au respect des libertés individuelles. Le texte prévoit de remplacer l’intervention du juge par la nomination à la CNIL d’une personnalité qualifiée qui devra vérifier le bien-fondé de la demande de retrait. Cela n’est pas suffisant.

En conséquence, le présent amendement vise à remplacer le blocage administratif des sites par une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Paris, sur le modèle du blocage des sites de jeux d’argent et de hasard prévu par la loi n° 2010–476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Cet amendement tend également à modifier en fonction les missions confiées à la personnalité qualifiée nommée à la CNIL. Celle-ci pourrait rendre un rapport sur les suites données à la procédure de blocage et les difficultés soulevées par ce type de mesure.

Mme la présidente. L'amendement n° 69, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

l’autorité administrative

par les mots :

le juge des libertés et de la détention

II. – Alinéa 5, première et dernière phrases

Remplacer les mots :

l’autorité administrative

par les mots :

le juge des libertés et de la détention

La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. L’article 9 du projet de loi prévoit la possibilité pour l’autorité administrative d’ordonner aux fournisseurs d’accès à internet le blocage de l’accès aux sites incitant à commettre des actes terroristes ou en faisant l’apologie. Toutefois, comme l’indique la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le blocage administratif de l’accès aux sites internet incitant à commettre des actes terroristes ou en faisant l’apologie est de nature à brouiller la distinction classique entre police administrative et police judiciaire.

Le blocage d’un site internet étant une ingérence grave dans la liberté d’expression et de communication, l’intervention d’un juge est nécessaire. Seul le juge des libertés est à même, par son indépendance, d’assurer une réelle protection de la liberté d’expression, en accord avec la décision de la Cour de cassation et les exigences de la Cour européenne des droits de l’homme.

Mme la présidente. L'amendement n° 77, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

quarante-huit heures

par les mots :

vingt-quatre heures

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’allongement à quarante-huit heures du délai laissé aux hébergeurs pour procéder au retrait des contenus illicites ne nous semble pas justifié, pour les raisons que j’ai déjà exposées. Nous proposons donc de ramener ce délai à vingt-quatre heures.

Mme la présidente. L'amendement n° 53, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

heures

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

ou en l’absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du présent article des informations mentionnées à ce même III, l’autorité administrative peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d’ordonner aux personnes mentionnées au 1 du présent I d’empêcher l’accès sans délai aux adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421-2-5 et 227-23. Après une demande de retrait des contenus dans les vingt-quatre heures selon les modalités prévues à la première phrase du présent alinéa, l’autorité administrative peut également notifier aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne qui reprendraient le contenu des adresses dont l’accès aurait été interdit par la décision prévue à la phase précédente et auxquelles ces personnes doivent empêcher l’accès sans délai. L’autorité administrative peut également saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir prescrire, en la forme des référés, toute mesure destinée à faire cesser le référencement du contenu par un moteur de recherche ou un annuaire.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à ce que le blocage soit décidé non pas par l'autorité administrative, mais par un juge. Il s'inspire du dispositif retenu pour le blocage des sites illégaux proposant des jeux d'argent en ligne, qui s’appuie sur l'ARJEL.

La censure d'un contenu nécessite une décision judiciaire. Il semble cependant important que le contenu puisse être bloqué rapidement. C'est pourquoi il est proposé de passer par un juge des référés. En l'absence de retrait des contenus, l'autorité administrative saisirait le président du tribunal de grande instance de Paris.

Suite à la décision judiciaire, l'autorité administrative pourrait demander le blocage des sites. Concernant les sites miroirs, c'est-à-dire les sites qui reproduisent le contenu bloqué, en l'absence de retrait des contenus dans les vingt-quatre heures, l'autorité administrative pourrait procéder au blocage administratif.

Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié ter, présenté par MM. Navarro et Adnot et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 5, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et sans que cela ne puisse porter atteinte aux obligations pesant sur ces personnes au titre de l’article L. 33–1 du code des postes et des communications électroniques

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Il s'agit d’un amendement de précision. Le projet de loi doit s’assurer que, dans le cadre d’un blocage, la solution technique que devront mettre en œuvre les opérateurs de réseau ne risque pas d’affaiblir leur capacité à assurer un service sans perturbations, conformément aux dispositions du code des postes et communications électroniques. Ce code impose notamment le respect du principe du secret des correspondances et de la permanence, qualité, disponibilité, sécurité, intégrité et continuité des réseaux et services.

En complétant le texte, le présent amendement vise à la fois à garantir le respect de l’ordre public et à éviter tout risque de surblocage. Le dispositif proposé est technologiquement neutre et demeurera applicable quelles que soient les évolutions technologiques à venir. Nous avons déjà abordé cette question lorsque M. le ministre a décrit les modalités techniques du blocage. Le risque de surblocage existe, il est reconnu ; il ne doit pas être sous-estimé. Un certain nombre d’opérateurs et d’utilisateurs qui ne sont absolument pas visés par la mesure de blocage pourraient subir des perturbations. Il s'agit donc d’un amendement de bon sens.