compte rendu intégral

Présidence de M. Hervé Marseille

vice-président

Secrétaires :

M. Claude Dilain,

M. Jackie Pierre.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître le nom de deux sénateurs désignés pour siéger au sein de la commission pour la modernisation de la diffusion audiovisuelle, conformément à l’article 18 de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication ainsi que la commission des affaires économiques ont été saisies de ces désignations.

Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi autorisant l'accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire
Discussion générale (suite)

Représentation des communes membres d'une communauté de communes ou d'agglomération

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi autorisant l’accord local de représentation des communes membres d’une communauté de communes ou d’agglomérations présentée par M. Alain Richard et M. Jean-Pierre Sueur (proposition n° 782 [2013-2014], texte de la commission n° 34, rapport n° 33).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Richard, coauteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi autorisant l'accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire
Article 1er

M. Alain Richard, coauteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne me sera pas nécessaire d’occuper un temps trop long pour exposer au Sénat les motivations qui ont conduit au dépôt de cette proposition de loi. Je pense que tous ceux qui nous font l’honneur et l’amitié de participer au débat en sont pleinement informés.

Qu’il me soit simplement permis d’évoquer à cette occasion la relation qui nous lie, en tant que législateurs, avec le Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel est dans son rôle depuis 1958 – et de façon, bien sûr, plus accentuée depuis l’évolution de sa propre jurisprudence et depuis l’ouverture de l’accès au juge aussi bien des parlementaires que des justiciables sous le contrôle des cours suprêmes – en ce qu’il vérifie si les textes que nous avons adoptés se conforment pleinement aux principes généraux notamment énoncés soit par le texte constitutionnel lui-même soit par les déclarations des droits de l’homme.

En l’occurrence, le Conseil constitutionnel, revenant sur une appréciation qu’il avait portée, a déclaré non conformes à la Constitution certaines dispositions du I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités locales. Beaucoup ici connaissent cet article du fait de leur pratique locale, mais je rappelle qu’il prévoit le système de représentation au sein des conseils communautaires.

Si le Conseil a donc été conduit à réviser sa position c’est que, dans un cas particulier, le système de l’accord local ne comportant qu’un encadrement très limité – toute commune doit être représentée ; aucune ne doit avoir la majorité absolue et la représentation doit tenir compte de la population - son application pouvait engendrer de très fortes disproportions dans la représentation des communes.

Or, en 1995, le Conseil constitutionnel avait indiqué, au sujet d’un texte précédent, que, les intercommunalités dans leur ensemble exerçant des compétences au nom des communes et au bénéfice de leurs administrés, il fallait tenir compte du principe d’égalité des citoyens, énoncé à l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et du principe d’égalité du suffrage, énoncé, lui, à l’article 3 de la Constitution pour la représentation des différentes communes au sein d’une intercommunalité.

C’est d’ailleurs ce que le législateur avait pris pleinement en compte en 2010 en adoptant le barème de base dit « démographique », c’est-à-dire celui qui figure dans la suite de notre article et qui, de façon très détaillée et arithmétiquement incontestable, établit une représentation totalement conforme au principe d’égalité.

La loi prévoyait – et c’est bien ce dont nous allons parler cet après-midi – une alternative à cette représentation purement démographique : le choix à la majorité qualifiée des communes participant à une telle intercommunalité, majorité qualifiée que nous connaissons bien – deux tiers représentant la moitié ou la moitié représentant les deux tiers.

Bien sûr, à partir d’un cas particulier qui démontre que cette latitude, cette faculté d’adaptation aboutit à des représentations vraiment disproportionnées, il est toujours possible de critiquer sinon le principe d’égalité lui-même du moins l’interprétation qui en a été faite par le juge constitutionnel – peut-être l’un ou l’autre des orateurs qui me succéderont à cette tribune vont-ils manifester leur mécontentement à cet égard. Mais quoi, il faudra bien retenir une option pour rétablir une marge de choix des communes ! C’est ce qui nous a conduits au dépôt de cette proposition de loi, considérant que, puisque nous étions dans cette perspective encadrée, resserrée, d’adaptation par rapport au principe de représentation démographique, il nous fallait faire l’exercice.

Dans la pratique, comme on l’a vu dès la première application, en 2013, 90 % des conseils communautaires ont été constitués sur la base d’accords locaux. Dans 10 % à peine des cas, les communes, soit par choix, soit dans l’impossibilité où elles étaient de réunir une majorité qualifiée, le plus souvent par mésentente, se sont placées dans le cadre du barème de représentation démographique et arithmétique.

Dès lors, la proposition de loi prend une option assez simple, que tout le monde a comprise si j’en juge aux contacts que j’ai pu avoir avec certains collègues et au débat en commission : en matière de fidélité à l’égalité de représentation, le Conseil constitutionnel a déjà adopté les principes bien connus qu’il a eu l’occasion de nous rappeler lors de différentes lois encadrant, en 2009, le découpage des circonscriptions législatives, puis, en 2013, celui des nouveaux cantons : les habitants pris à la base doivent être représentés par un nombre égal d’élus, à l’intérieur d’une fourchette, d’une marge d’écart de 120 % à 80 %. C’est-à-dire qu’entre deux unités qui désignent un conseiller, un représentant, un député, l’écart ne peut excéder 1 à 1,5. C’est donc de cela que je me suis inspiré.

Ce principe est facile à appliquer dans le cas où l’on réduit la représentation démographique d’une commune, puisque, par définition, entre sa représentation démographique et le minimum auquel elle a droit, il ne peut y avoir d’écart de plus de 20 % et que cette réduction s’appliquera à une commune disposant de plusieurs sièges. La commune consentira donc d’autant plus facilement à abandonner un, deux, voire trois sièges. Dans ce sens, cela fonctionne sans difficulté : une commune qui représente 30 % de la population de l’intercommunalité ne peut pas voir son pourcentage de représentation au sein du conseil communautaire passer en deçà de 24 %. Jusque-là, donc, l’application du principe est assez aisée.

En revanche, un problème se pose évidemment – et cela a été l’objet de la quasi-totalité des accords locaux – si l’on veut favoriser une meilleure représentation des communes qui ne disposent que d’un, deux ou trois délégués. En effet, appliqué à ces communes-là, le principe des plus ou moins 20 % n’améliore en rien leur représentation puisque, même si une commune n’ayant au départ droit qu’à deux sièges en gagne 20 % supplémentaires, cette limite devant s’appliquer strictement, cela ne fera jamais que 2,4 sièges au maximum, ce qui revient à dire qu’elle aura gagné le droit d’en rester à deux sièges !

C’est là où réside, la petite, toute petite audace de cette proposition de loi : les communes surreprésentées ne pourront pas l’être de plus de un siège.

À écouter les observations de mes collègues, il me semble que, dans la grande majorité des accords locaux qui ont été conclus, les « bonus » de représentation attribués aux communes moins peuplées étaient le plus souvent de cet ordre, soit un siège supplémentaire – parfois deux, je le concède !

Le Conseil constitutionnel reconnaît lui-même que son rôle n’est pas celui du législateur et que le contrôle qu’il opère, qu’il a clarifié et exprimé à plusieurs reprises dans tous les contentieux qui ont porté sur la représentation électorale, et, éventuellement, la censure qu’il décide se limitent aux cas de disproportion manifeste.

L’interprétation que j’en ai tirée, et dont nous allons débattre cet après-midi, est que, sur une assemblée communautaire qui comptera de trente ou quarante à cent ou cent dix conseillers, l’attribution d’un bonus de un siège à des communes qui n’en auraient qu’un ou deux ne représente pas une disproportion manifeste. Nous restons dans les limites de cette marge de variation.

En revanche, si, de façon fréquente, deux sièges étaient attribués en prime à des communes, nous aboutirions à une modification telle des écarts par rapport à la population que la représentation pourrait être jugée disproportionnée – et l’on reviendrait donc au cas qui a déclenché l’annulation.

C’est donc ainsi qu’a été conçu le système prévu par cette proposition de loi. J’en ai évidemment parlé avec de nombreux collègues, puisque ce sujet nous intéresse tous, et la commission a retenu cette approche, d’autant que l’article L. 5211-6-1 prévoit déjà, aux paragraphes II à VI, des changements par rapport à la stricte représentation proportionnelle de la population.

Il existe, en effet, d’une part, un dispositif « de rattrapage », pour le dire sommairement, qui permet l’attribution d’un siège minimum aux communes qui , d’après le calcul, n’obtiendraient aucun siège du fait de leur faible population, et, d’autre part, un dispositif de redistribution des sièges retirés aux communes dont la population représente à elle seule plus de la moitié de celle de la communauté.

Il m’a donc paru prudent, dans le jeu auquel nous nous livrons – en réalité, pour ne pas encourir une nouvelle fois la critique d’une représentation disproportionnée – de ne pas prévoir de deuxième prime, de deuxième bonus en faveur des communes qui bénéficient déjà, par l’application du système légal, de cette modalité d’amélioration de leur représentation.

Dans le dialogue que nous avons eu tout récemment avec les services du ministère de l’intérieur, m’a été présentée l’hypothèse d’une communauté comportant une commune majoritaire en population et dont les communes partenaires bénéficient d’un accroissement très substantiel de leur représentation. On sait que c’est l’une des conséquences parfois inattendues du principe qui veut qu’une commune à elle seule ne saurait avoir la majorité des sièges.

Il doit être clair que nous n’avons pas pris l’initiative de cette proposition de loi pour les communes dont la représentation a proportionnellement déjà été doublée du fait qu’elles sont partenaires d’une commune majoritaire qui a dû céder des sièges, car ces communes sont déjà très correctement, voire copieusement représentées par rapport à leur population. J’insiste sur cette prudence supplémentaire que j’ai préféré introduire dans le système ici présenté.

Permettez-moi une dernière indication sur laquelle nous aurons peut-être à revenir quelques minutes avant la fin de la discussion des articles : quand ce texte s’appliquera-t-il ?

Pour tous les changements de situation qui vont survenir après l’adoption de la proposition de loi – en supposant qu’elle soit adoptée –, par définition, l’article L. 5211-6-1 sera de nouveau complet et prévoira un accord local. Donc, dans tous les cas, y compris en cas de contentieux local qui aboutirait à ce que le barème de représentation antérieur soit déclaré non valable, il sera possible d’utiliser à nouveau ce droit rétabli à l’accord local.

En revanche, il nous faut aussi considérer la situation des communautés dont les conseils communautaires ont déjà dû être « rétrécis » en raison d’un contentieux électoral ayant abouti au changement de représentants d’au moins une des communes de l’ensemble puisque, pour ceux qui avaient utilisé la marge d’augmentation du nombre de sièges, il a fallu tout simplement évincer du conseil représentatif délibérant les élus qui avaient été bénéficiaires de cette extension du nombre de sièges.

Il m’a donc paru possible – mais, sur ce point, le Gouvernement a eu la sagesse de demander l’avis du Conseil d’État, qui se prononcera avant le retour de notre texte de l’Assemblée nationale –, de prévoir que, dès l’instant où la loi serait entrée en vigueur, les communautés dans lesquelles le conseil communautaire aurait dû être remanié du fait d’un contentieux intérieur bénéficieraient d’un nouveau « créneau » de six mois leur permettant de recomposer leur conseil communautaire sur la base d’un accord local nouveau.

Dans les limites de l’exercice sur lesquels les uns et les autres s’exprimeront sans doute, ce dispositif nous permet, me semble-t-il, de prévenir les conséquences – en tout cas, les plus regrettables – de l’annulation par le Conseil constitutionnel, devant laquelle nous devons nous incliner. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, coauteur de la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur, coauteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intercommunalité est un long chemin, une longue histoire. Je me souviens de ma première intervention dans cette assemblée : c’était pour soutenir le texte qui allait devenir la loi de 1992,…

M. Pierre-Yves Collombat. L’intercommunalité était volontaire !

M. Jean-Pierre Sueur. … un texte qui, préparé par Pierre Joxe, avait été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale à une voix de majorité. Arrivant au Sénat, je constatai les réticences, nombreuses. Le texte fut ensuite voté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, à deux voix de majorité. Le score avait donc augmenté de 100 % ! (Rires.)

Toutefois, la situation restait difficile. Finalement, le Sénat trouva intérêt à ce projet de loi.

M. Pierre-Yves Collombat. Après cela, tout a changé ; ce n’est plus la même intercommunalité !

M. Jean-Pierre Sueur. Dès lors, monsieur Collombat, il est juste de dire que cette loi reposait sur deux principes : en premier lieu, le respect des communes…

M. Jean-Pierre Sueur. … et, en second lieu, la liberté des communes pour constituer des communautés de communes.

M. Pierre-Yves Collombat. Plus maintenant !

M. Jean-Pierre Sueur. Philippe Séguin, pour lequel j’avais beaucoup d’admiration et de respect, était – plus tard -venu nous dire que les découpages n’étaient pas rationnels. Je lui avais répondu que, si l’on avait voulu inscrire dans la loi que les découpages seraient effectués par nos excellents préfets, il n’y aurait pas eu de loi ni, partant, de communautés de communes. !

Par conséquent, en vingt années, c’est à une révolution silencieuse que notre pays a été conduit, celle de l’intercommunalité choisie, en effet, par les élus.

Si l’intercommunalité a pu connaître ce fort développement, c’est certainement grâce à cette possibilité, inscrite dans la loi, d’accords entre les communes pour parvenir à la composition de conseils dans lesquels les grandes villes ou les villes les plus importantes faisaient quelque effort pour que les petites communes se trouvent représentées.

Ayant pendant assez longtemps présidé une intercommunalité, j’ai pu moi-même me rendre compte de l’intérêt qu’il y avait à se doter d’un bureau des maires, dans lequel siégeaient, par exemple, le maire d’une commune de 116 000 habitants et le maire d’une commune de 450 habitants, qui était ainsi amené à assumer la charge de vice-président ou de responsable d’une compétence pour toute une agglomération.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Eh oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Ainsi, la parole, l’expérience de chacun, la vitalité de chaque commune étaient prises en compte, valorisées à l’échelon de l’intercommunalité. C’est pourquoi ces accords locaux ont joué un grand rôle.

Est arrivée la décision du Conseil constitutionnel.

Je tiens à dire combien notre collègue Alain Richard a œuvré pour trouver une solution. Je veux rendre hommage à son action.

Nous avons travaillé en plein été, car il est apparu immédiatement, dès les premières annulations d’élections municipales, que la question se posait. À cet égard, monsieur le ministre, votre ministère a tout de suite pris conscience de la nécessité de trouver une réponse. En effet, si, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, la seule solution était la règle à calcul, on plaçait les intercommunalités de France – pas toutes, mais un nombre non négligeable d’entre elles –, dans une situation difficile.

Cette proposition de loi, comme l’a excellemment dit Alain Richard, prévoit tout ce qu’il est possible de prévoir, eu égard à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à sa décision Commune de Salbris – une commune du Loir-et-Cher qui vous est chère, madame Gourault -,…

M. Jean-Pierre Sueur. … de manière à permettre un accord maximal entre les communes, et ce, encore une fois, dans le respect de la lettre et de l’esprit de la décision du Conseil constitutionnel.

On pourrait imaginer d’aller plus loin, mais prendre le risque d’une nouvelle censure serait en quelque sorte tromper nos interlocuteurs. Or ceux-ci, notamment l’Association des maires de France ou l’Assemblée des communautés de France, qui ont apporté publiquement leur soutien à notre proposition de loi, seraient déçus.

Je sais que d’éminents mathématiciens – je pense en particulier à Bertrand Hauchecorne – ont étudié d’autres formes de calcul de la proportionnelle, notamment pour mieux prendre en compte la représentation des petites communes, alternatives intéressantes qui pourraient être étudiées lors de la suite de l’examen de ce texte par le Parlement.

Cela étant, il est impératif que l’on arrive à une solution crédible, plus juste que la situation dans laquelle on se trouverait sans cette proposition de loi et avec l’application pure et simple de la décision du Conseil constitutionnel.

Mes chers collègues, c’est en ayant à l’esprit toutes ces préoccupations que nous vous soumettons cette proposition de loi. Le fait qu’elle ait suscité quelques émules au sein d’autres groupes politiques que le nôtre montre qu’elle répond assurément à une attente.

Si nous faisons ce pas, l’Assemblée nationale pourra elle-même faire un autre pas. C’est pourquoi, pour conclure, je forme le vœu que si, comme je le souhaite vivement – nous sommes nombreux dans ce cas –, cette proposition de loi est adoptée ce soir, nos collègues de l’Assemblée nationale puissent l’examiner dans des délais très rapprochés.

En effet, il est de nombreuses situations où la question se pose, ce qui rend l’adoption de ce texte tout à fait urgente : il suffit d’une annulation, d’une nouvelle élection dans une commune, d’un projet de fusion d’intercommunalités ou encore, puisque toutes les communes appartiennent désormais à une intercommunalité, il suffit qu’une commune rejoigne une autre intercommunalité, pour que l’adoption de cette proposition de loi soit utile et bénéfique.

J’appelle donc de mes vœux le vote de ce texte, non seulement ici, mais aussi à l’Assemblée nationale, et ce le plus rapidement possible, afin que, s’il n’était pas voté conforme, on puisse rapidement procéder aux dernières lectures et l’adopter en vue de son application dans les meilleurs délais. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Coup de tonnerre sur les accords locaux de représentation des communes membres d’une communauté de communes ou d’agglomération ! Par sa décision du 20 juin 2014, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité sur l’initiative de la commune de Salbris, dans le Loir-et-Cher, a déclaré contraires à la constitution les dispositions de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, qui offraient la faculté aux communes membres d’une communauté de communes ou d’agglomération de conclure un accord pour fixer le nombre et la répartition des sièges au sein de l’organe délibérant.

Ainsi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la possibilité pour ces communautés de conclure un accord local est désormais exclue. Le nombre et la représentation des sièges entre les communes seront fixés par application de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne fondée sur le tableau de l’article L. 5211-6-1 précité.

La loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a constitué une étape majeure dans la construction de la France décentralisée d’aujourd’hui en répondant d’ailleurs aux objectifs premiers de la décentralisation affirmés en 1982 : renforcer la démocratie locale, notamment grâce à l’élection au suffrage universel des conseillers communautaires par fléchage sur les listes municipales, et accroître l’efficacité de l’action publique locale au plus près du citoyen.

Les nouvelles règles établies en 2010 prévoyaient notamment pour la composition des conseils communautaires, d’abord, la fixation du nombre de sièges à pourvoir dans un tableau qui varie en fonction de la population de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ; ensuite, la répartition des sièges à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec toutefois deux tempéraments : chaque commune doit avoir au minimum un délégué, la représentation de chaque commune étant ainsi garantie ; en outre, aucune commune ne peut disposer de plus de la moitié des sièges. Ce mécanisme de redistribution des sièges vise particulièrement les EPCI qui comptent une commune-centre sensiblement plus peuplée que l’ensemble des autres communes de l’EPCI.

Enfin, pour les communautés de communes et d’agglomération, a été maintenue la possibilité d’accords amiables comme alternative à la proportionnelle démographique, décidés à la majorité qualifiée pour fixer et répartir, en tenant compte de la population de chaque commune, le nombre de sièges de délégués communautaires. À défaut, c’est le tableau qui s’applique.

Cette loi du 16 décembre 2010 a été modifiée par la loi du 31 décembre 2012 pour permettre une meilleure transition entre les modalités alors en vigueur de représentation des communes au sein des conseils délibérants et des bureaux des communautés de communes et celles de la loi du 16 décembre 2010, applicable dès les élections de mars 2014. Elle a introduit ainsi plus de souplesse avec la création de sièges supplémentaires dans la limite de 25 % par rapport à l’effectif du tableau. Elle a également relevé le nombre de vice-présidents, sans toutefois qu’il dépasse 30 % de l’effectif ni le nombre de quinze. Ces dispositions s’inscrivaient dans la jurisprudence constitutionnelle.

Par sa décision du 26 janvier 1995, le Conseil a rappelé au législateur que, les intercommunalités exerçant des prérogatives au nom des communes et procédant de leur légitimité démocratique, le principe de l’égalité devant le suffrage s’oppose à ce que les communes y soient représentées de façon disproportionnée au regard de leur population.

L’écart de 20 % par rapport à la moyenne, retenu par le législateur en 1986 et en 2009, notamment pour délimiter les circonscriptions législatives au sein d’un même département, a été validé par le Conseil constitutionnel.

Le dispositif résultant de ces deux lois de 2010 et 2012 s’est appliqué pour la première fois entre la fin de 2012 et l’automne 2013 pour la répartition des sièges de conseillers communautaires avant les élections de mars 2014.

La composition de 90 % des 2 125 conseils communautaires résulte d’accords locaux, s’écartant plus ou moins fortement du barème purement démographique désormais en vigueur. Toutefois, le Conseil constitutionnel a jugé, par sa décision du 20 juin dernier, que la liberté de détermination de la représentation communale permise par le code général des collectivités territoriales dérogeait au principe général de proportionnalité de la représentation communale « dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ». Il en résulte qu’à partir de cette décision seule reste en vigueur la règle de représentation purement démographique.

À la suite de cette décision, la composition des conseils communautaires doit être revue dans deux hypothèses : en premier lieu, pour les contentieux en cours sur l’effectif et la répartition des sièges communautaires ; en second lieu, lorsque le conseil municipal d’une commune membre d’un EPCI est partiellement ou intégralement renouvelé.

Les cas d’élections partielles communales commencent à intervenir dès lors que les décisions d’annulation sont définitives. C’est ainsi que, dans les communautés de communes où un accord de représentation avait été trouvé, dans le respect des règles précitées, un certain nombre de conseillers communautaires vont se retrouver immédiatement privés de leur mandat, l’équilibre trouvé voilà moins de six mois étant ainsi rompu.

Le groupe UMP a interpellé le Gouvernement lors de la séance de questions d’actualité du 17 juillet dernier. J’ai moi-même, ainsi que plusieurs de mes collègues, interrogé le Premier ministre et le ministre de l’intérieur sur ce sujet dès le mois d’août.

En cet instant, je tiens à rendre un vibrant hommage à notre ancien collègue Patrice Gélard,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est juste et équitable !

Mme Catherine Troendlé, rapporteur. … pour ses nombreuses interventions et ses excellentes contributions, qui ont permis des avancées significatives sur de nombreux textes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l’UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.) En particulier, avec les membres du groupe UMP, notamment MM. Leleux, Milon et Carle, M. Gélard a déposé, le 3 septembre dernier, une proposition de loi identique à celle que nous examinons aujourd’hui. Cela montre, s’il en était encore besoin, que cette question intéresse tous les bords politiques.