M. Pierre-Yves Collombat. Mais alors, qui a copié qui ? (Sourires.)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur. La proposition de loi soumise à l’examen du Sénat vise donc à établir des limites chiffrées aux écarts de représentation par rapport à l’application stricte du barème démographique issus d’un accord local, en cohérence avec la jurisprudence fixée par le Conseil constitutionnel en la matière.

La proposition de loi de MM. Alain Richard et Jean-Pierre Sueur, tout comme celle de notre ancien collègue Patrice Gélard, tend à remédier à la « situation préjudiciable » résultant de la censure constitutionnelle.

À cet égard, l’article 1er du présent texte réintroduit la faculté de composer l’organe délibérant des communautés de communes et d’agglomération par un accord entre les conseils municipaux intéressés ratifié à la majorité qualifiée des deux tiers, dans des limites cohérentes avec la jurisprudence constitutionnelle. Il établit « des limites chiffrées aux écarts de représentation issus d’un accord local » par rapport à la représentation qui résulterait de l’application « du barème démographique pur ».

La commission des lois a approuvé le principe retenu par la présente proposition de loi : réintroduire, dans un cadre plus strict et respectueux du principe de l’égalité devant le suffrage, la faculté de fixer le nombre de sièges communautaires et de les répartir via un accord entre les communes membres.

Les assouplissements proposés permettraient d’atténuer les effets de seuil, qui, selon la composition de l’intercommunalité, peuvent particulièrement déséquilibrer la représentation des communes de taille intermédiaire. L’adoption du dispositif vise à conforter le consensus présidant à l’esprit de l’intercommunalité ; j’insiste sur ce point. Il facilitera ainsi l’exercice commun des compétences et le fonctionnement des groupements intercommunaux, alors même que le Gouvernement soumet au Parlement un projet de réforme dont l’adoption conduirait de nombreuses communautés à fusionner.

Certes, l’écart en surreprésentation pourra, dans certains cas, excéder les limites fixées par la jurisprudence constitutionnelle. Cependant, cette tolérance n’est-elle pas inhérente à la nature des intercommunalités, qui sont non pas des collectivités territoriales de plein exercice, mais des « coopératives de communes »,…

Mme Catherine Troendlé, rapporteur. … selon la formule de notre ancien collègue et ministre Jean-Pierre Chevènement,…

M. Jacques Mézard. Excellent ministre !

Mme Catherine Troendlé, rapporteur. … fondées sur une logique collégiale ? (M. Jacques Mézard approuve.)

L’application même du tableau de l’article L. 5211-6-1 n’assure pas une stricte proportionnalité de représentation, puisqu’elle doit respecter les deux principes majeurs qui garantissent à toute commune un siège au moins tout en interdisant à une commune de détenir plus de la moitié du total des sièges au sein de l’organe délibérant.

Enfin, j’insisterai sur la construction du nouveau mécanisme, fondé sur la règle de la proportionnalité démographique.

Les tempéraments limités à la rigueur de cette règle répondent aux motifs d’intérêt général précédemment rappelés et respectent au mieux les différents impératifs en présence. C’est pourquoi, sur l’initiative de son rapporteur et de notre collègue Alain Richard, la commission des lois a choisi de renforcer l’encadrement de l’accord local, tel que délimité à l’article 1er, dans le sens des exigences connues de la jurisprudence constitutionnelle.

En effet, eu égard à la variété des situations intercommunales, la commission a jugé nécessaire de resserrer les écarts. Aussi a-t-elle modifié cet article sur trois points : premièrement, pour exclure de l’attribution d’un siège supplémentaire les communes ayant bénéficié de la garantie du siège de droit pour toute commune ; deuxièmement, pour attribuer à ces communes un siège supplémentaire au cas où leur représentation serait inférieure de plus d’un cinquième par rapport à la proportionnelle démographique ; troisièmement, pour apprécier la sous-représentation d’une commune au travers de sa part dans la population totale de l’intercommunalité.

En outre, au cours de la discussion des articles, la commission proposera au Sénat d’adopter un amendement tendant à préciser la rédaction de l’article 2, afin de clarifier le champ de l’application de la déclaration d’inconstitutionnalité.

Mes chers collègues, le texte adopté par la commission des lois autorisera des assouplissements limités mais réels par rapport à l’application du principe proportionnel « pur ». La rédaction qu’elle a retenue est donc marquée tout à la fois par le souci de suivre les prescriptions constitutionnelles et par celui de répondre aux légitimes préoccupations des élus locaux concernant la représentation équilibrée des communes et la prise en compte des spécificités du périmètre intercommunal. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la question qui occupe aujourd’hui la Haute Assemblée relève de l’organisation des collectivités locales dans les territoires et de la démocratie de proximité. Je sais combien vous êtes sensibles à ces sujets.

Mme la rapporteur vient de le rappeler, cette question a trait à la composition des conseils communautaires des communautés de communes et des communautés d’agglomération, en particulier à la marge accordée aux conseils municipaux pour moduler, dans des proportions raisonnables, le nombre de sièges et leur répartition entre les communes par rapport aux dispositions du code général des collectivités territoriales. C’est la question dite « de l’accord local ».

En vertu d’un principe général dégagé par le Conseil constitutionnel, ce nombre et cette répartition doivent être déterminés proportionnellement à la population de chaque commune membre de l’établissement public de coopération intercommunale, afin de respecter le principe d’égalité du suffrage. Tel est le cas du tableau présenté au III de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, qui fixe le nombre de conseillers communautaires en fonction de la population municipale de l’EPCI. Il n’est pas question de le remettre en cause.

En revanche, il peut être utile que ce nombre puisse être augmenté dans des proportions raisonnables : la proposition des auteurs du texte de fixer une marge de 25 % me paraît, sous le contrôle du juge, répondre à ce critère. Cela correspond aux dispositions qui avaient été votées en 2013. (Mme la rapporteur acquiesce.)

Vient ensuite la question de la répartition de ces sièges entre les communes membres. Les précédents orateurs l’ont rappelé : c’est sur ce point que le Conseil constitutionnel a jugé, le 20 juin dernier, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la commune de Salbris, que les dispositions du code général des collectivités territoriales dérogeaient au principe général de représentation proportionnelle par rapport à la population de chaque commune « dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ». De ce fait, le Conseil constitutionnel a censuré le principe même d’un accord local.

La proposition de loi rédigée par Jean-Pierre Sueur et Alain Richard, dont je salue l’initiative, tend aujourd’hui à rouvrir cette possibilité de modulation. Je tiens à saluer à la fois la pertinence et le volontarisme de la démarche de ces deux sénateurs. La question aurait parfaitement pu être traitée dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit « NOTRe ». Néanmoins, MM. Richard et Sueur ont souhaité accélérer le mouvement en déposant cette proposition de loi. Il s’agit, ce faisant, de réduire considérablement l’insécurité juridique induite par la décision du Conseil constitutionnel quant à la conclusion de nouveaux accords locaux.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce volontarisme est au service de l’ensemble des territoires. Il profitera à toutes les intercommunalités de la République, et nous pouvons toutes et tous nous en réjouir.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tout en respectant la décision du Conseil constitutionnel, il convient de rendre davantage de marge de manœuvre aux élus. En effet, la possibilité de nouer des accords locaux de représentation est une condition de l’efficacité de l’intercommunalité. Le Premier ministre l’a d’ailleurs rappelé lors de la convention nationale de l’Assemblée des communautés de France, l’AdCF, le 9 octobre dernier.

Le Gouvernement est donc favorable au présent texte, à la condition que les dispositions votées par le Parlement soient sécurisées juridiquement, de sorte que le dispositif ne puisse être de nouveau remis en cause par le biais d’une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité. En ce sens, la grande rigueur dont ont fait preuve les auteurs de cette proposition de loi et leur haute connaissance du droit sont, en tant que telles, une garantie de nature à convaincre de la pertinence de leur texte, sur toutes les travées de cet hémicycle.

Aujourd’hui, plusieurs centaines d’intercommunalités sont potentiellement confrontées aux conséquences de la décision du Conseil constitutionnel. Elles sont de ce fait contraintes de procéder à une nouvelle répartition des sièges, en application stricte du critère du poids démographique relatif de chacune des communes les composant.

Dans sa sagesse, le Conseil constitutionnel n’a pas demandé à l’ensemble des EPCI d’abroger immédiatement les accords locaux, et il a modulé dans le temps les effets de sa décision. Cependant, chaque EPCI est aujourd’hui confronté à ce risque, ne serait-ce qu’à l’occasion du renouvellement, même partiel, d’un seul conseil municipal.

M. Michel Savin. Exactement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cette situation est source d’instabilité et, pour un très grand nombre d’intercommunalités, elle est intenable.

M. Michel Savin. Absolument !

M. Alain Marc. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Beaucoup d’entre vous l’ont signalé au Gouvernement, ainsi que des représentants d’associations d’élus et des préfets.

La proposition de loi déposée le 24 juillet dernier permet de faire face à cette situation juridiquement difficile. Je constate que son examen par la commission des lois du Sénat a permis de préciser le dispositif selon une orientation qui convient au Gouvernement.

En effet, vous avez décidé d’encadrer les adaptations à la répartition démographique tout en apportant deux garanties nécessaires : d’une part, le maintien d’un siège, même pour la plus petite commune ; d’autre part, le plafonnement à 50 % du total du nombre de sièges pouvant être détenus par la commune la plus peuplée.

La question qui reste en suspens, et à laquelle cette proposition de loi répond, est l’appréciation du caractère raisonnable des dérogations au principe général de proportionnalité par rapport à la population.

Sur ce point, le Gouvernement a, de sa propre initiative, sollicité le Conseil d’État, afin qu’il indique dans quelle mesure et à quelles conditions la possibilité d’un tel accord local pouvait à nouveau être inscrite dans le code général des collectivités territoriales. Le Gouvernement ne dispose pas à ce jour de cet avis,…

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est dommage ! (Mme Jacqueline Gourault acquiesce.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre. … qui ne lierait d’ailleurs pas le Conseil constitutionnel, mais aiderait à identifier les risques d’inconstitutionnalité, ce qui, le cas échéant, permettrait de procéder à des ajustements au cours de la navette.

En conclusion, je voudrais remercier par avance l’ensemble des groupes parlementaires qui, par leur soutien, pourront conférer à ce texte davantage encore de force, au bénéfice de la démocratie locale, de nos territoires et des représentants de la ruralité ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun l’a compris, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui fait suite à une décision du Conseil constitutionnel. Certains ont qualifié cette dernière de brutale, dans sa portée et dans les conséquences qu’elle entraîne pour de nombreuses intercommunalités. En effet, elle est susceptible de mettre en péril les accords locaux qui ont été conclus dans 90 % de nos intercommunalités.

Cela étant, il faut bien le reconnaître, cette décision s’inscrit dans la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel visant à assurer l’égalité devant le suffrage. En tout état de cause, comme l’a excellemment rappelé Alain Richard, coauteur du présent texte, elle s’impose à nous.

Le législateur a déjà entrepris par deux fois d’établir une répartition des sièges au sein des conseils communautaires qui réponde aux attentes des élus concernés et tienne compte des réalités locales.

La première étape fut la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Elle a permis de garantir que chaque commune dispose d’au moins un délégué et qu’une ville ne puisse détenir plus de la moitié des sièges.

La loi du 31 décembre 2012, relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération, fut la seconde étape. Elle a assoupli les dispositions de la loi du 16 décembre 2010 en permettant une meilleure transition entre les modes de représentation des communes au sein des conseils délibérants et des bureaux des communautés de communes.

C’est sur ces bases que les communes concernées ont travaillé pour établir la représentation des communes au sein des intercommunalités après les élections de mars dernier.

Pour la première fois, les membres des conseils de ces intercommunalités représentant les communes de plus de 1 000 habitants ont été élus par les citoyens en même temps que les conseillers municipaux, par le jeu du fléchage.

À la suite de la décision du Conseil constitutionnel rendue le 20 juin 2014, la formule qui a conduit à la composition de ces conseils n’est aujourd’hui plus valable. Elle ne pourra être utilisée lors des renouvellements de certains conseils municipaux consécutifs à des annulations d’élections, ni lorsque des fusions d’intercommunalités interviendront. Ainsi se trouve remis en cause l’équilibre qui avait été trouvé par le législateur.

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur une question prioritaire de constitutionnalité introduite par la commune de Salbris, dans le Loir-et-Cher, qui a estimé, certainement à juste titre, que sa représentation au conseil communautaire était insuffisante au regard de sa population. Elle pouvait en effet prétendre à treize sièges au titre de la représentation proportionnelle à la population, mais l’accord local conclu ne lui en avait attribué que sept. Dans ce cas précis, la représentation du bourg-centre était manifestement minorée. Les autres communes ont peut-être été trop gourmandes. Cette situation a amené le Conseil constitutionnel à prendre une décision qui, provoquant un effet boule de neige, remet en cause le principe même de l’accord local, option pourtant privilégiée par les élus de 90 % de nos intercommunalités.

Après la déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions de la loi du 16 décembre 2010 encadrant l’accord local, ne reste donc plus aujourd’hui en vigueur que la règle de représentation purement démographique. Cela ne saurait satisfaire ceux qui souhaitent voir prendre en compte les réalités locales de nos territoires pour que toutes les communes, même les plus petites, puisse faire entendre leur voix.

Devant cette situation, le législateur devait reprendre la main. Il revenait bien sûr à la Haute Assemblée, représentant les collectivités locales, de proposer rapidement des solutions.

À cet égard, le groupe socialiste se félicite que nos éminents collègues Alain Richard et Jean-Pierre Sueur aient déposé, dès le 24 juillet dernier, une proposition de loi. Il a souhaité l’inscrire à l’ordre du jour du Sénat dès l’ouverture de la nouvelle session.

M. Michel Savin. C’est bien !

M. Philippe Kaltenbach. MM. Gélard, Leleux, Milon et Carle ont également déposé sur le bureau du Sénat, le 3 septembre, une proposition de loi identique à la virgule près. Cela montre que, au-delà des contingences partisanes, les sénateurs peuvent se rassembler…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. Philippe Kaltenbach. … pour apporter des réponses concrètes aux difficultés auxquelles pourraient être confrontées nos intercommunalités.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est dit avec gentillesse !

M. Philippe Kaltenbach. La présente proposition de loi se fonde donc sur la décision rendue par le Conseil constitutionnel, qui s’impose à nous. Celle-ci ne conteste pas l’existence même de l’accord local de représentation, mais le Conseil constitutionnel a considéré qu’un encadrement insuffisant pouvait conduire à un décalage de représentation « manifestement disproportionné ».

Les auteurs du texte ont donc été soucieux d’établir des limites chiffrées aux écarts de représentation issus d’un accord local. Le « tunnel des 20 % » a de nouveau été retenu, conformément à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel. Les villes les plus peuplées d’une intercommunalité ne pourront donc voir leur représentation réduite de plus d’un cinquième par rapport à l’application stricte du critère démographique. La proposition de loi fixe en outre la limite de surreprésentation des petites et des moyennes communes au titre de l’accord local à un siège supplémentaire. Il s’agit, tout en maintenant la possibilité de l’accord local, d’éviter que certaines communes puissent bénéficier d’une représentation disproportionnée, comme cela a pu être le cas dans le Loir-et-Cher, en instaurant un encadrement respectueux de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Avec cette proposition de loi, nous allons parvenir, me semble-t-il, à retrouver un point d’équilibre. Cela permettra de continuer à faire confiance aux élus locaux pour créer les conditions de représentation les plus favorables à l’exercice toujours difficile de la coopération intercommunale. Je me félicite de la rapidité avec laquelle le Sénat, sur l’initiative du groupe socialiste, a entrepris de répondre à la situation pressante créée par la décision du 20 juin dernier.

Certains de nos collègues, je le sais, souhaitent aller plus loin et avancent l’idée d’un critère de représentation fondé non plus seulement sur la population, mais aussi sur la superficie des territoires. S’il convient, conformément à notre rôle, de savoir appréhender et prendre en compte les particularités de chaque territoire, nous ne devons cependant pas perdre de vue que les élus représentent avant tout des femmes et des hommes, et non des hectares. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE.)

Mme Sylvie Goy-Chavent. Quelle remarque médiocre !

M. Alain Milon. Cette appréciation n’est valable que pour les villes !

M. Philippe Kaltenbach. L’expérience des « bourgs pourris », dans l’Angleterre du XlXe siècle, doit nous rappeler que, in fine, c’est la population qui prime, ainsi que le rappelle de manière constante le Conseil constitutionnel.

M. Pierre-Yves Collombat. Il serait tellement plus simple de ne considérer que l’Île-de-France !

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur Collombat, vous prendrez la parole après moi pour défendre l’idée que les élus représentent des hectares !

Cela étant, nous sommes conscients des multiples contrastes territoriaux qui font la France telle qu’elle est en ce début de XXIe siècle. Il importe de les prendre en compte, afin qu’aucun citoyen ne se trouve relégué et empêché de faire entendre sa voix,…

M. Jacques Mézard. Les élus représentent également des collectivités ! Saint-Pierre-et-Miquelon ou Saint-Barthélemy sont d’excellents exemples à cet égard !

M. Philippe Kaltenbach. … mais il faut le faire en respectant l’égalité des Françaises et des Français devant le suffrage. Ce principe d’égalité prime ; je suis pour ma part très attaché à ce beau mot d’égalité, qui figure au fronton des édifices publics et dans la devise de la République. Le Conseil constitutionnel nous a rappelé une nouvelle fois qu’il ne manquerait pas de censurer la loi si elle prenait trop de libertés avec ce principe.

M. Alain Joyandet. Alors il faut changer la Constitution, pour réintroduire la notion de territoire !

M. Philippe Kaltenbach. Je vois que vous êtes très ambitieux !

S’il faut garantir qu’un nombre suffisant d’élus représentera nos territoires ruraux, il convient également de prendre en compte les populations vivant dans les zones urbaines. Il ne me semble pas souhaitable d’opposer en permanence une France rurale et une France urbaine.

M. Alain Joyandet. C’est pourtant ce que vous faites !

M. Philippe Kaltenbach. Nous avons besoin des deux !

M. Jacques Mézard. Vous devriez parfois franchir le périphérique !

M. Pierre-Yves Collombat. Clamart n’est pas la France !

M. Philippe Kaltenbach. J’entends bien, et les Hauts-de-Seine non plus, mais la France est diverse, et il faut respecter et représenter tout le monde !

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est le pot de terre contre le pot de fer !

M. Philippe Kaltenbach. Tous nos territoires sont confrontés à des difficultés et, indépendamment du nombre d’élus, il me semble que nos concitoyens sont surtout attachés à l’égalité devant le service public.

M. Alain Joyandet. Précisément ! Parlons de l’internet à haut débit !

Mme Sylvie Goy-Chavent. Et de La Poste ! Et de la désertification médicale !

M. Jacques Mézard. Même le téléphone, nous ne l’avons plus !

M. Philippe Kaltenbach. Nous devons donc demeurer vigilants, pour que tous les Français, sur tous les territoires, en particulier les plus isolés et les plus enclavés, bénéficient d’un égal accès aux soins, à l’éducation, aux diverses administrations publiques, au haut débit. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE.)

M. Alain Joyandet. Eh bien voilà !

M. Philippe Kaltenbach. Certains pensent que cela dépend du nombre d’élus. À mon avis, si tous les Français doivent bien sûr être représentés par un nombre suffisant d’élus, il importe avant tout que ceux-ci, qu’ils soient issus des territoires ruraux ou des territoires urbains, se mobilisent pour assurer l’égalité d’accès de tous nos compatriotes aux services publics. Le groupe socialiste y travaille.

Avec cette proposition de loi, nous souhaitons faire en sorte que les petites communes puissent continuer à être représentées et à faire entendre leur voix, nous voulons pérenniser la pratique de l’accord local, à laquelle nous sommes attachés, comme une très grande majorité des membres de cette assemblée. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. Alain Joyandet. J’ai préféré la fin !

Mme Sylvie Goy-Chavent. Vous vous êtes bien rattrapé !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Cette proposition de loi de nos collègues Alain Richard et Jean-Pierre Sueur vient résoudre une difficulté juridique et politique qui a déjà été largement exposée.

Il s’agit de remédier à l’insécurité juridique actuelle en précisant les dispositions législatives concernant les accords locaux de représentation des communes dans les intercommunalités, de manière à définir un barème de représentation des communes au sein de l’assemblée délibérante de la communauté.

Un peu de souplesse ne nuit pas, et un droit d’adaptation est bienvenu pour prendre en compte les spécificités locales de chaque intercommunalité, là où l’application stricte d’un critère démographique ne peut suffire à assurer une représentation juste et équitable des communes au sein du conseil communautaire.

Il me semble notamment que le sentiment de non-représentation, voire de relégation, qui est aujourd’hui si fort dans la société française peut se trouver nourri, dans certaines communes – notamment, mais pas exclusivement, périurbaines –, par l’impression de ne pas avoir accès à la décision communautaire, réduite à la décision de la ville-centre. Aujourd’hui, il est donc de notre responsabilité de veiller à ne pas alimenter ce sentiment.

L’examen de cette proposition de loi amène toutefois à s’interroger sur la légitimité démocratique de l’intercommunalité. En effet, le Conseil constitutionnel, mettant en avant le principe d’égalité du suffrage, rappelle que les intercommunalités tirent leur légitimité démocratique des communes par l’élection au suffrage universel direct des conseillers municipaux et que, dès lors, la représentation des communes dans les conseils communautaires doit être proportionnée au regard de leur population.

Je ne peux donc pas ne pas évoquer ici le mode d’élection des conseillers communautaires. Au fil du temps et des lois, les intercommunalités ont acquis des compétences de plus en plus stratégiques. Elles s’occupent de transports, d’eau, de gestion des déchets, d’habitat, de police parfois, de services publics fondamentaux et de politiques publiques structurantes, comme celle de l’urbanisme. Même la politique de la ville devient intercommunale : la dernière loi sur le sujet prévoit que les contrats de ville seront désormais négociés à l’échelle intercommunale, parce que, aux termes du communiqué du ministre, « les territoires urbains se déterminent les uns par rapport aux autres dans des dynamiques sociales de plus en plus complexes ».

Les écologistes ont toujours défendu la montée en puissance des intercommunalités. L’action publique, pour être efficace, doit s’exercer sur un bassin de vie cohérent, qui se situe le plus souvent à cette échelle. Le décalage entre le pouvoir des intercommunalités et le mode de représentation en leur sein est toutefois de plus en plus flagrant.

Cela a déjà été dit, tout n’est pas fondé sur la coopération et la recherche d’un consensus. Il existe aujourd'hui, dans les grandes intercommunalités, des majorités et des oppositions, avec des visions politiques différentes, car des choix structurants doivent être opérés. Il faut donc cesser de prétendre que le fonctionnement de l’intercommunalité repose obligatoirement sur la recherche du consensus : non, il y a des choix politiques différents, que le débat démocratique doit éclairer !

Même si nous soutenons aujourd'hui cette proposition de loi, je me dois de rappeler avec force que les écologistes plaident pour une élection au suffrage universel direct des élus communautaires,…

M. Alain Richard. Non, cela existe déjà ! Vous plaidez pour le suffrage supra-communal !

M. Ronan Dantec. … le même jour que les élections municipales. C’est bien cette évolution qui ferait véritablement sens, et je ne doute pas un instant que ce soit le sens de l’histoire.

Les dernières élections municipales…

M. Alain Richard. Voilà le suffrage universel !