pause fiscale

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour le groupe UMP. (On s’en félicite sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Cette gentille question, qui va plaire au Premier ministre (Rires sur les travées de l'UMP.) et qui intéresse tous les Français, s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Depuis plus de deux ans les déclarations du Président de la République et du Gouvernement se sont succédé, les uns et les autres promettant aux Français qu’il n’y aurait plus d’augmentation d’impôts. (Ah oui ! sur les travées de l'UMP.)

Vous avez parlé à plusieurs reprises de pause fiscale. Le Président de la République avait même promis une baisse durable des prélèvements obligatoires, grâce au pacte de responsabilité.

M. Moscovici évoquait le « ras-le-bol fiscal » des Français. M. le Premier ministre, ici présent, parlait même d’un « haut-le-cœur fiscal ».

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui !

M. Alain Gournac. Les Français ont connu deux années de hausse sans précédent de la fiscalité sur les ménages et sur les entreprises, pour près de 30 milliards d’euros.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est autant que vous !

M. David Assouline. Avant cela, les impôts n’avaient donc jamais augmenté ? C’est n’importe quoi !

M. Alain Gournac. Le Président de la République a déclaré jeudi dernier, devant des millions de Français, je le cite, écoutez bien : « À partir de l’année prochaine, il n’y aura pas d’impôt supplémentaire sur qui que ce soit […] il y aura une baisse d’impôts telle que je l’ai annoncée [...] il n’y aura rien au-delà de ce qui a été annoncé ! »

Or vous avez présenté hier, en conseil des ministres, dans le projet de loi de finances rectificative, une taxe sur les résidences secondaires en zone tendue. C’est catastrophique pour le marché immobilier !

On continue !

M. Jean-Louis Carrère. Quel acteur, ce Gournac !

M. Alain Gournac. En réalité, pas une semaine ne s’écoule sans qu’une nouvelle taxe soit annoncée ou proposée, comme la taxe de 4,8 centimes par litre sur le diesel ou la taxe sur les dividendes.

Pire encore, ce matin, votre secrétaire d’État au budget a déclaré que la fin des hausses d’impôts, promise par le chef de l’État jeudi dernier, n’était « pas gravée dans le marbre » (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Longuet. Ce qui est vrai !

M. Alain Gournac. Où est donc passée la parole de l’État, monsieur le ministre ? Gouverner, c’est prévoir. Ce n’est pas cafouiller. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Et à ce point-là, c’est du jamais vu !

Vous êtes incapables de conduire les réformes structurelles nécessaires à la baisse de la dépense publique. (C’est vrai ! sur les travées de l'UMP.)

Vous passez votre temps à vous renier, coincés entre une majorité qui n’arrive pas à abandonner ses oripeaux idéologiques (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) et une Europe qui vous met la pression. (Ah ! sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. M. Gournac parle donc autant qu’il le souhaite ?

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.

M. Alain Gournac. La Commission européenne a annoncé la semaine dernière que le déficit de la France atteindrait 4,7 % en 2016, soit le taux le plus élevé de la zone euro !

Bravo !

Monsieur le ministre, pouvez-vous encore assurer aux Français que la route à tout nouvel impôt est effectivement barrée ? Quand commencerez-vous donc à réduire sérieusement la dépense publique ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Pierre Charon. Cela ne va pas être facile ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous nous avez livré des citations, mais elles sont légèrement tronquées. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Sapin, ministre. Je vous invite, ainsi que l’ensemble de cette assemblée, notamment sa majorité qui, grâce à vous, monsieur le président, avait retrouvé une forme de calme et de sérénité dont elle semble manquer cet après-midi (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.),…

M. le président. Elle a retrouvé la vitalité, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. … à regarder la vérité en face.

M. Francis Delattre. Répondez à la question !

M. Michel Sapin, ministre. En 2009-2010, nous avons connu plus de 160 milliards d’euros de déficit de l’État. Pour faire face à ce déficit historique, incroyable, d’une ampleur jamais connue – là, c’est vrai ! – (Protestations sur les travées de l'UMP.), nous avons, les uns et les autres, vous comme nous, augmenté les impôts.

Vous avez parlé de presque 30 milliards d’euros de plus au cours de ces deux dernières années : ce chiffre est exact. Vous avez simplement négligé de rappeler les 30 milliards d’euros que vous aviez votés en 2011 et en 2012 et qui ont été mis en œuvre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Longuet. Vous demandiez plus, à l’époque !

M. Francis Delattre. Mais la TVA sociale, vous l’avez supprimée !

M. Michel Sapin, ministre. Ce que nous constatons, monsieur le sénateur, c’est que 30 milliards plus 30 milliards, cela fait 60 milliards d’euros. Ça suffit ! Aujourd’hui, nous ne pouvons plus aller vers l’équilibre du budget par une augmentation des impôts, comme vous avez voulu le faire, et comme nous avons dû le faire. Voilà la ligne qui est la nôtre !

M. Francis Delattre. Il n’y aura pas d’impôts nouveaux, il y aura des taxes !

M. Michel Sapin, ministre. Vous ne parviendrez pas, en citant telle ou telle petite taxe supplémentaire (Protestations sur les travées de l'UMP.) dont vous déformez évidemment l’objectif et les effets, à dissimuler une autre vérité, qui vous apparaîtra dans le projet de loi de finances pour 2015, comme ensuite pour 2016 : en 2015, les impôts et les charges qui pèsent sur les entreprises vont baisser de 12 milliards d’euros. Ce n’est pas telle petite taxe qui rapportera à peine 100 millions d’euros (Exclamations sur les mêmes travées.) qui pourra effacer ces 12 milliards d’euros de baisse d’impôts en faveur des entreprises.

De même, l’année prochaine, plus de 3 milliards d’euros de baisse d’impôts bénéficieront aux ménages aux revenus modestes qui payaient l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas la prétendue taxe sur les résidences secondaires qui pourra dissimuler cette baisse massive, la première depuis des années, de l’impôt sur le revenu, en particulier des Français les plus modestes.

Mme Natacha Bouchart. Mais enfin, c’est un tout ! Il faut une stratégie !

M. Michel Sapin, ministre. Quant à cette taxe, vous le savez, elle ne porte pas sur toutes les résidences secondaires. Elle est à la disposition des communes, qui pourront l’utiliser si elles le souhaitent (Exclamations sur les travées de l'UMP.), uniquement dans certaines zones d’habitat très dense…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Michel Sapin, ministre. … où la rareté des logements rend nécessaire la mise en œuvre de mesures de cette nature. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Francis Delattre. Parlez-nous de la loi Duflot !

accord entre la chine et les états-unis sur le climat et impact sur la conférence paris climat que la france va présider en 2015

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Jacques Filleul. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Nous avons tous conscience aujourd’hui de l’impact désastreux des émissions de gaz à effet de serre sur le climat. Les conséquences pour les populations sont de plus en plus dramatiques. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, souligne, dans l’un de ses rapports, que la moyenne des températures devrait augmenter de trois degrés, voire de quatre, d’ici à la fin du siècle.

Si tel était le cas, les experts estiment que ce serait une catastrophe aussi grande qu’une guerre mondiale, avec des territoires dévastés, des populations obligées de fuir et des affrontements meurtriers.

L’accord historique qui vient d’être conclu entre la Chine et les États-Unis sur la réduction des gaz à effet de serre marque une grande étape, démontrant que le dérèglement climatique devient une préoccupation mondiale. La Chine s’engage à atteindre un plafond d’émissions autour de 2030, tout en tâchant d’y arriver plus tôt, et les États-Unis promettent de réduire de 26 % à 28 % leurs émissions d’ici à 2025, par rapport aux niveaux de 2005.

Cet accord entre les deux plus grands pays émetteurs de gaz à effet de serre constitue un pas politique très encourageant. Il faudra pourtant aller plus loin. En effet, la conférence Paris Climat 2015 devra constituer une étape décisive dans la négociation du futur accord international pour l’après-2020.

Avec le projet de loi de transition énergétique pour une croissance verte, notre pays s’est déjà engagé à une réduction ambitieuse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Il a été entendu au niveau européen. Nous nous en félicitons, car la contribution décisive de l’Union européenne avec le paquet énergie-climat pour 2030 devrait aboutir à un nouveau modèle énergétique de développement.

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.

M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le ministre, nous connaissons tous vos engagements pour la réussite de la conférence de Paris sur le climat en 2015. Comment allez-vous faire fructifier ces bonnes nouvelles, lors de cette conférence ? Nous savons que la France fera tout pour aboutir à un accord mondial qui répondra au défi du changement climatique et limitera le réchauffement de notre planète.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Jacques Filleul. Cet accord doit être global, universel et contraignant : c’est à cette condition qu’il constituera un immense espoir pour les peuples. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Il est vrai que la conférence de Paris, en décembre 2015, sera sans doute le plus important événement diplomatique jamais organisé, avec 20 000 délégués et 20 000 invités supplémentaires. Son objet sera tout simplement de faire en sorte que la planète soit encore vivable dans quelques années.

C’est évidemment un objectif très difficile à atteindre, et c’est un grand honneur pour la France d’avoir été choisie pour accueillir et présider cette conférence.

M. Gérard Longuet. Et qui va payer ?

M. Laurent Fabius, ministre. Comme vous l’avez relevé, l’accord intervenu avant-hier entre la Chine et les États-Unis confère un espoir supplémentaire de réussir cette conférence. Vous avez cité les chiffres. Les États-Unis et la Chine sont les deux plus grands pollueurs au monde, suivis de l’Inde. Ce n’est pas leur faire injure que de dire que ces deux pays apparaissaient jusqu’à présent assez réticents quant à la réduction des gaz à effet de serre.

Or voilà que cet accord prévoit, du côté chinois, le plafonnement des émissions à l’horizon 2030, et si possible avant, et un développement considérable des énergies propres - y compris, d’ailleurs, le nucléaire -, pour atteindre 20 % de la production totale d’énergie chinoise. Pour les Américains, l’objectif est également très ambitieux : entre 26 % et 28 % de réduction des émissions en 2025 par rapport à 2005 et – c’est ainsi chiffré dans l’accord – une perspective de baisse de 80 % des émissions à l’horizon 2050.

Certains diront que ce n’est pas suffisant, mais c’est un changement considérable, qui nous permettra de préparer la Conférence de Paris dans de bonnes conditions. En effet, cet accord s’ajoute à l’accord européen conclu au mois d’octobre ; ces deux accords exercent une forte pression sur tous les autres pays.

Il y aura bien entendu des étapes intermédiaires. Nous devons réussir à rassembler des financements suffisants dans quelques jours, à Berlin. Ce n’est pas encore fait. L’Allemagne et la France ont pris des engagements ; d’autres pays doivent s’engager à leur tour. La conférence sur le climat qui se tiendra à Lima – la COP 20 – doit, elle aussi, constituer un pas en avant.

L’adjectif « historique » est souvent galvaudé, mais ce qui s’est produit récemment mérite d’être qualifié ainsi. Ce mois de novembre marque un tournant dans l’attitude des deux premiers pollueurs du monde, qui se sont engagés en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je pense que chacune et chacun peut s’en réjouir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)

rsa et suppression de la prime pour l’emploi dans le cadre du plfr

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe UMP.

M. Philippe Mouiller. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

M. le Premier ministre a souligné jeudi dernier, devant les présidents de conseil général réunis en congrès à Pau, le rôle essentiel que jouent les collectivités départementales dans la lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Il s’agissait là de paroles bienvenues, qui ne peuvent recevoir qu’un accueil favorable ici, au Sénat, chambre des collectivités et des solidarités territoriales.

Cependant, ces paroles n’ont pas apaisé toutes les craintes des conseils généraux. Des annonces claires étaient attendues s’agissant des réformes indispensables qui doivent être menées dans le champ des minima sociaux. Au lieu de cela, le Premier ministre a annoncé la constitution d’un nouveau groupe de travail chargé de réfléchir aux évolutions du revenu de solidarité active, le RSA, de son mode de gestion et de son articulation avec les autres allocations.

Est-ce une façon de retarder les décisions qui s’imposent ? Je n’ose le croire. Aussi me permettrai-je de vous poser trois séries de questions précises.

En premier lieu, le Gouvernement envisage-t-il une recentralisation du financement et de la gestion du RSA socle, et, si tel est le cas, quelles seront les modalités financières de ce transfert ? La réponse à cette double question est attendue par tous les présidents de conseil général.

En deuxième lieu, le RSA jeunes s’adressant à seulement 7 882 jeunes au 31 mars 2014, le Gouvernement compte-t-il élargir les conditions d’accès ? Quel sera le devenir de ce dispositif ? Qu’en sera-t-il de son financement ?

Enfin, la suppression de la prime pour l’emploi ayant été annoncée hier en conseil des ministres, pouvez-vous me préciser dans quelles conditions cette suppression interviendra ? Cette prime sera-t-elle fusionnée avec le RSA activité, comme le Président de la République s’y était engagé le 20 août dernier, ou sera-t-elle tout simplement remplacée par un nouveau dispositif ?

Madame la ministre, quand pourrons-nous espérer que soient prises des décisions courageuses sur ces trois sujets ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le sénateur, vous évoquez les engagements pris et la présentation effectuée par le Premier ministre à Pau le 6 novembre dernier. Il a en effet annoncé la mise en place d’un groupe de travail sur l’avenir des politiques d’insertion et la place du RSA, qui rassemble l’État et les conseils généraux. Je crois que nous serons nombreux à saluer le rôle tout à fait fondamental des conseils généraux dans le soutien et l’aide à l’insertion des personnes privées d’emploi ou sans emploi suffisant pour être insérées.

Vous me demandez si le Gouvernement compte procéder à une recentralisation du RSA. Le groupe de travail évoquera l’ensemble des enjeux. Nous avons besoin de réfléchir. Comme vous l'avez vous-même souligné, le Gouvernement a engagé une évolution de sa politique.

Dans le prochain projet de loi de finances rectificative, nous proposerons de supprimer la prime pour l’emploi, car de nombreux Français ne savent même pas qu’ils y ont droit, alors que cette prime permet pourtant à nos concitoyens en situation de fragilité ou aux revenus modestes de recevoir un revenu supplémentaire. Il faut donc réfléchir à d’autres dispositifs.

Le Gouvernement a annoncé sa volonté de procéder à la fusion entre la prime pour l’emploi et le RSA chapeau, afin de créer une nouvelle prestation plus simple et plus lisible, qui faciliterait et soutiendrait le retour à l’activité et profiterait en particulier aux jeunes, trop peu nombreux parmi les bénéficiaires du RSA activité. C’est dans le cadre de cette réforme globale que nous pourrons voir avec les départements comment aller de l’avant, s'agissant à la fois de la répartition des compétences des uns et des autres et du renforcement des politiques d’insertion. C'est pourquoi le Premier ministre a décidé de mettre en place un groupe de travail rassemblant l’ensemble des collectivités départementales et l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

autoroutes

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour le groupe socialiste.

M. Philippe Kaltenbach. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Depuis la privatisation du secteur autoroutier, les sociétés concessionnaires réalisent des bénéfices colossaux, avec un risque minimal, pour ne pas dire nul.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est juste !

M. Philippe Kaltenbach. Au total, 15 milliards d’euros de dividendes ont ainsi été distribués entre 2006 et 2013.

Le récent constat de l’Autorité de la concurrence est sans appel : « La rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires d’autoroutes “historiques”, largement déconnectée de leurs coûts et disproportionnée par rapport au risque de leur activité, est assimilable à une rente. »

Mme Éliane Assassi. Il faut renationaliser !

M. Philippe Kaltenbach. L’Autorité ajoute que, « pour 100 euros de péages payés par l’usager, entre 20 et 24 euros sont du bénéfice net pour les concessionnaires d’autoroutes ».

J’estime que, lors de la privatisation du secteur autoroutier par la droite en 2005-2006, l’État a été doublement lésé : une première fois tout de suite, en ne percevant que 15 milliards d’euros pour la vente de ses actions, alors que la Cour des comptes a estimé leur valeur à 24 milliards d’euros, et une seconde fois en s’engageant contractuellement dans des rapports largement déséquilibrés avec les sociétés autoroutières, qui ont en outre permis des augmentations de péage très supérieures à l’inflation.

Je rappelle pour mémoire la loi du 18 avril 1955, qui dispose que « l’usage des autoroutes est en principe gratuit ». Toutefois – tout est dans ce « toutefois » –, la loi précise qu’un péage peut être institué afin d’assurer la couverture des dépenses liées à la construction, à l’exploitation ou à l’extension de l’infrastructure.

Monsieur le ministre, cette exception au principe de gratuité des autoroutes profite désormais à des sociétés privées à la rentabilité maximale. Est-ce acceptable ?

M. Michel Le Scouarnec. Il faut renationaliser !

M. Philippe Kaltenbach. Que comptez-vous faire pour en finir avec cette situation, que je juge proprement scandaleuse, et, dans le même temps, dégager de nouveaux financements pour nos infrastructures de transport et limiter les tarifs des péages ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, vous avez raison, le constat a été fait à la fois par la Cour des comptes et par l’Autorité de la concurrence : la privatisation des autoroutes françaises s’est déroulée dans de bien mauvaises conditions, en termes tant de prix de vente que de tarifs.

M. Jean Desessard. C’est eux ! (M. Jean Desessard montre du doigt les travées de la majorité sénatoriale.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Quelle est la situation ? Pour certains, le prix de vente a été sous-évalué ; je pense qu’il faut rester prudent sur ce point : des calculs doivent être faits. La dynamique tarifaire a, en outre, été largement supérieure à l’inflation : les tarifs ont augmenté de 25 % en dix ans. C’est une préoccupation.

M. Jean-Pierre Bosino. Il faut renationaliser !

M. Emmanuel Macron, ministre. Par ailleurs, la politique de travaux n’est pas totalement satisfaisante. Je ne citerai qu’un exemple, celui du « Plan vert ». Il s’agissait d’une bonne idée, lancée par Jean-Louis Borloo lorsqu’il était ministre,…

M. Claude Nougein. Très bien !

M. Emmanuel Macron, ministre. … mais les sociétés concessionnaires d’autoroutes l’ont mise en œuvre de manière relativement peu transparente. En effet, elles se sont contentées, pour l’essentiel, d’installer des télépéages ; ceux-ci permettent certes de réduire les émissions à l’approche du péage, mais elles les auraient également installés en l’absence du « Plan vert ».

Il faut donc créer les conditions de la transparence dans l’exercice des contrats de concession, en matière de tarifs mais aussi de travaux. Il y a là un enjeu de pouvoir d'achat et d’activité. C’est ce que nous avions en tête il y a quelques mois, lorsque, avec Ségolène Royal, nous avons proposé un plan de relance autoroutier consistant notamment à allonger la durée de certains contrats en contrepartie de nouveaux travaux. Nous avons porté ledit plan à la connaissance de la Commission européenne.

Que faire aujourd'hui pour améliorer le dispositif ? La première chose est de mettre en œuvre la recommandation de l’Autorité de la concurrence. C’est ce que nous vous proposerons dans le cadre du projet de loi pour la croissance et l’activité. Il s’agit d’étendre au transport routier les compétences de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires.

L’ARAF verrait donc ses compétences élargies, afin de garantir la transparence et de contrôler la dynamique tarifaire et la dynamique de travaux des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Nous voulons introduire plus de transparence et de meilleures incitations dans l’exercice des contrats de concession.

Nous serons extrêmement vigilants, dans le cadre du plan de relance autoroutier que nous mettons en œuvre, afin qu’un bon équilibre soit trouvé.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ajoute – et je conclurai sur ce point – qu’il faut aller plus loin sur les révisions de formules de prix. L’Autorité de la concurrence a formulé des propositions. Les commissions du développement durable du Sénat et de l’Assemblée nationale travaillent également sur ce sujet. Nous pourrons enrichir le projet de loi pour la croissance et l’activité de leurs propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

amélioration des aides sociales

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Jean Louis Masson. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

« La France n’a pas les moyens d’accueillir toute la misère du monde ». Cette citation de Michel Rocard, qui était alors Premier ministre, est vraiment d’actualité aujourd’hui.

M. Jean-Pierre Sueur. La citation est incomplète ! Il ajoutait : « Mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part ».

M. Jean Louis Masson. Au moment où le déficit budgétaire est plus élevé que jamais, au moment où le Gouvernement impose aux Français une cure d’austérité et un matraquage fiscal sans précédent, on ne peut plus accepter cet afflux d’étrangers qui viennent dans notre pays uniquement pour profiter du système des aides sociales, c’est-à-dire pour vivre à nos crochets. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bosino. C’est un transfuge du Front national !

M. Jean Louis Masson. À juste titre, de nombreux pays européens ont réagi face à de tels abus. C’est notamment le cas de l’Allemagne, de la Belgique, du Danemark et de la Grande-Bretagne.

Hélas, en France, le Gouvernement a fait l’inverse, puisqu’il a même supprimé le ticket modérateur sur l’aide médicale aux étrangers.

Financièrement, le bilan est terrifiant : cette AME coûte 780 millions d’euros aux contribuables français chaque année !

Est-il normal qu’un ouvrier français qui travaille dur pour être seulement payé au SMIC supporte, lui, la charge du ticket modérateur, alors qu’un étranger qui n’a jamais rien fait pour notre pays peut user et abuser de notre système médical sans dépenser un centime ? (Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Ce que vous dites est scandaleux !

M. Jean-Pierre Bosino. Entendre ça au lendemain du 11-Novembre…

M. Jean Louis Masson. Pour justifier son laxisme, le Gouvernement prétend qu’il ne peut rien faire, compte tenu des règles de l’Union européenne. Or, madame la ministre, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne vient de vous placer devant vos responsabilités en donnant tort à des Roumains fraîchement arrivés en Allemagne qui refusaient de travailler et qui essayaient, malgré tout, de profiter des aides sociales.

Cette décision conforte la pertinence des mesures de bon sens prises par l’Allemagne et par de nombreux autres pays européens.

Madame la ministre, la France sera-t-elle le dernier pays d’Europe occidentale où l’on fait semblant d’ignorer le problème ? Le Gouvernement va-t-il, oui ou non, enfin se décider à réagir ? (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.