M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-208.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° I-125 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Guillemot.

L'amendement n° I-127 est présenté par MM. Rachline et Ravier.

L'amendement n° I-206 rectifié est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° I-242 est présenté par MM. Mézard, Collin, Requier et Bertrand, Mme Laborde, M. Collombat, Mme Malherbe et MM. Hue, Castelli, Esnol et Fortassin.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la première phase du premier alinéa du I de l’article 235 ter ZD du code général des impôts, les mots : « que son acquisition donne lieu à un transfert de propriété, au sens de l’article L. 211-17 du même code, » sont supprimés.

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er septembre 2015.

L’amendement n° I-125 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l'amendement n° I-127.

M. Stéphane Ravier. Cet amendement a pour objet d’élargir le champ de la taxe sur les transactions financières en y intégrant les transactions dites « intra-day », ou intra-quotidiennes – autant parler français au Parlement français –, qui sont dénouées au cours d’une seule et même journée.

Ces transactions sont aujourd’hui un facteur de volatilité sur les marchés financiers, d’autant qu’elles ne sont pas taxées. En les imposant, on réduirait le recours à ces opérations qui sont avant tout spéculatives, c’est-à-dire sans lien avec l’économie réelle et le soutien aux entreprises, dont l’horizon est rarement inférieur à une journée. Pour ma part, je ne connais pas d’entreprise qui ait besoin d’actionnaires pour quelques heures, quelques minutes, voire quelques secondes !

Je passe sur le fait que ces transactions sont parfois réalisées par des ordinateurs programmés pour exploiter toute niche de profit. Il serait souhaitable que des films comme Le Loup de Wall Street passent de la catégorie « inspiré de faits réels » à la catégorie « science-fiction ».

Rappelons-le avec force, le temps n’est pas si lointain où celui qui n’était encore que candidat à la présidence de la République déclarait que son seul adversaire, c’était la finance. Évidemment, cela, c’était avant son élection !

La finance doit être au service des autres secteurs de l’économie, et non à son propre service. Notre économie a d’abord besoin de stabilité, et il est grand temps que le monde de la finance joue pleinement son rôle social et sociétal, c’est-à-dire financer les entreprises grandes ou petites, les artisans et les ménages, et non se perdre en opérations « court-termistes » comme celles que nous proposons de taxer.

En outre, en intégrant de nouveaux types de transactions dans le périmètre de la taxe, nous renforcerons son rendement, qui est aujourd’hui estimé à 700 millions d’euros, bien loin de la prévision de 1,6 milliard d’euros.

Ainsi, en votant notre amendement, vous ferez d’une pierre deux coups : dégager de nouvelles recettes, ce qui est loin d’être inintéressant par les temps qui courent, et moraliser le monde de la finance, ce qui est nécessaire pour relancer l’économie réelle, donc l’emploi.

Je conclurai en évoquant le contexte européen où évoluent, pour ne pas dire sévissent, les acteurs de la finance. Puisque nous faisons aujourd’hui partie d’un seul et même marché unique européen avec les vingt-sept autres États membres, les financiers installés dans ces autres États ont un accès libre à notre économie nationale. Il est donc urgent de leur faire adopter le même type de taxes. Sans quoi, les activités financières, jouissant d’une mobilité sans contrainte dans le cadre européen actuel, se déplaceront chez eux et nous perdrons l’activité et la ressource fiscale qui va avec.

Si nous pouvons montrer l’exemple, ne soyons cependant pas victimes d’un jeu de dupe européen et mondial où nous serions les seuls à pratiquer un désarmement unilatéral. C’est pourquoi il est grand temps de sortir de cette logique du grand marché unique où tous ne suivent pas les mêmes règles. À défaut, concluons dans l’immédiat le projet actuel de taxe sur les transactions financières à l’échelon européen, qui concerne aujourd’hui onze États membres, en faisant en sorte qu’il couvre autant de transactions que la loi française, pour ne pas pénaliser notre territoire.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° I-206 rectifié.

Mme Marie-France Beaufils. Pour des raisons de cohérence, je défendrai simultanément les amendements nos I-206 rectifié, I-205 et I-207 rectifié, qui visent tous à mettre quelque peu à contribution le secteur financier, assez largement sous-imposé de manière générale, et à le faire participer non seulement au redressement des comptes publics, mais aussi à l’atteinte de certains objectifs généraux des politiques publiques particulièrement cruciaux.

Après plusieurs années d’intense dialogue contradictoire, il semble que nous avancions de façon significative sur la question de la taxe systémique du secteur financier. En effet, comme vient de le rappeler M. le secrétaire d’État, le projet de loi de finances rectificative pour 2014 devrait aller dans ce sens, même si le dispositif n’est pas tout à fait identique à celui que nous présentons.

La taxe systémique ayant vocation à assurer la solidarité de place – même s’il s’agit, en l’espèce, de l’Europe entière –, il était normal pour nous qu’elle ait comme un caractère de « cotisation » désintéressée des établissements bancaires entre eux. Que cette idée ait finalement trouvé droit de cité dans la loi est une bonne chose. Cependant, nous pouvons fort bien le faire dès maintenant, sans attendre le collectif budgétaire.

Pour ce qui est de l’amendement relatif aux opérations de très court terme, pour ne pas dire d’ultra-court terme, car c’est parfois à la seconde que les choses se font, reconnaissons que nous n’en revendiquons absolument pas la primeur. Nous relayons des positions constantes de la société civile et, singulièrement, des associations de lutte pour les droits de l’homme, la protection de l’environnement, le codéveloppement ou encore la lutte contre la faim et les grandes pandémies. Certes, ces préoccupations n’ont pas encore reçu l’aval du ministère des finances, mais elles furent défendues, voilà peu, par l’ex-rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale. Il me semble bien que c’était vous, monsieur le secrétaire d’État... Une fois encore, dans le cadre de l’initiative parlementaire, nous pouvons avancer sur le sujet.

Notre troisième amendement tend, quant à lui, à réduire le plancher de chiffre d’affaires retenu pour assujettir tel ou tel opérateur à la taxe sur les transactions financières. Cette mesure est évidemment plus marginale en termes de rendement. Nous manifestons ainsi notre volonté de dégager les recettes permettant à la taxe sur les transactions financières de remplir pleinement son rôle.

La « moralisation » nécessaire des activités financières n’est sans doute pas secondaire dans ce débat, mais il est évident que la question clé qui nous est posée est aussi celle de la participation d’un pays comme la France à l’effort de développement des pays du Sud. N’est-ce pas là, mes chers collègues, un moyen d’éviter certaines des tensions dont nous constatons parfois, et trop souvent à mon goût, les effets et les conséquences humaines inadmissibles sur les côtes et rivages de la vieille Europe ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° I-242.

M. Jean-Claude Requier. Avec cet amendement, nous nous inscrivons dans la perspective du relèvement du plafond d’affectation du produit de la taxe française sur les transactions financières au profit du Fonds de solidarité pour le développement, prévu à l’article 15 du projet de loi de finances pour 2015. Ce plafond fut porté de 100 millions d’euros à 130 millions d’euros, puis à hauteur de 140 millions d’euros, à la faveur d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale.

Cet amendement vise à élargir les opérations boursières soumises à cette taxe en intégrant les transactions dites « intra-day », qui sont dénouées au cours d’une même journée. Leur taxation participerait au renforcement du produit de la taxe sur les transactions financières et contribuerait également à limiter ces transactions déstabilisatrices, qui accentuent la volatilité du marché, en réduisant leur intérêt financier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les amendements identiques nos I-127, I-206 rectifié et I-242 visent à faire entrer dans le champ de la taxe sur les transactions financières les opérations nouées et dénouées en une seule journée, en quelques minutes, voire en une seconde.

La commission a émis un avis défavorable pour deux raisons.

La première est d’ordre pratique. Il serait extrêmement compliqué, voire techniquement impossible de suivre l’ensemble de ces opérations, qui sont comptabilisées en fin de journée.

La seconde raison est que ces activités sont délocalisables dans des salles de marché à l’étranger. S’ils étaient adoptés, ces amendements nuiraient donc un peu plus à la compétitivité de la place financière de Paris.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Comme je l’ai dit précédemment, lorsqu’un débat a eu lieu et que la question a été tranchée, il n’y a pas lieu d’y revenir tous les trois mois. Je le dis à l’intention de ceux qui auraient remarqué que j’avais défendu un amendement analogue il y a peu de temps, en d’autres lieux et avec une autre casaque.

Là n’est cependant pas la raison principale de l’avis défavorable que j’émets sur ces amendements. Mes arguments ne sont en outre pas les mêmes que ceux que vient d’avancer M. le rapporteur général, dont au moins l’un des deux ne me convainc pas.

Pour ma part, je suis persuadé que l’argument du handicap technique ne tient pas. Rassurez-vous, monsieur le rapporteur général, mes services m’avaient préparé un argumentaire identique. (Sourires.) Si la technique permet de réaliser des milliards de transactions d’un bout à l’autre de la Terre en quelques nanosecondes, elle doit forcément être capable de trouver un moyen de les comptabiliser, ou alors c’est un manque de bonne volonté.

L’argument concernant le risque de délocalisation est un peu plus recevable, car cette activité est évidemment mobile.

Mon argument à moi est différent. Vous savez que, dans le cadre de la coopération renforcée, les ministres des finances de onze pays d’Europe se sont mis d’accord sur la définition, avant la fin de l’année 2015, d’une taxe européenne sur les transactions financières, qui prendrait la forme d’une taxation harmonisée des actions et qui entrerait en vigueur au 1er janvier 2016. Même si je suis bien conscient que tous les pays ne sont pas concernés par cet accord de coopération renforcée, notamment une importante place financière, je pense que cette décision limite un peu les risques de délocalisation. Cela étant, nous ne désespérons pas de convaincre d’autres pays de nous rejoindre, y compris les plus têtus.

Compte tenu de cette évolution, en faveur de laquelle la France a joué un rôle important, ce dont il faut se réjouir, et du fait que des dates et des échéances très précises ont été définies, je ne pense pas qu’il y ait lieu de légiférer pour changer les modalités, que ce soit sur le seuil ou l’assiette.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-127, I-206 rectifié et I-242.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° I-205, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 235 ter ZD du code général des impôts, le montant : « un milliard » est remplacé par le montant : « 500 millions ».

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Abaisser de 1 milliard d’euros à 500 millions d’euros le seuil de capitalisation à partir duquel les actions d’une société cotée sont soumises à la taxe sur les transactions financières va à l’encontre de notre volonté d’aider les ETI à se développer sur les marchés boursiers.

En outre, une telle disposition contribuerait à rendre la place de Paris moins compétitive.

Dès lors, la commission ne peut être que défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-205.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-207 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le IV de l’article 235 ter ZE du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ... – Cette taxe n’est pas déductible pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés. »

II. – Le I est applicable à compter du 1er janvier 2015.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comme je l’ai dit en réponse à M. Gattolin, la commission préfère attendre le débat sur la taxe de risque systémique que nous aurons dans le cadre du projet de loi de finances rectificative avant de se prononcer sur le fond. En attendant, elle demande le retrait de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-207 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-187 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le premier alinéa du I de l’article 244 quater B du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le seuil de 100 millions d’euros s’apprécie au niveau du groupe au sens de l’article 223 A. »

II. – Le présent article s’applique à compter des périodes d’imposition s’achevant le 31 décembre 2014.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à fixer des limites au crédit d’impôt recherche, le CIR, et à encadrer l’une de ces nombreuses dérives. Je rappelle qu’un amendement de même type a été présenté par la commission des finances de l’Assemblée nationale et adopté, avant d’être malheureusement rejeté en séance publique. C’est intéressant, car cela montre que le crédit d’impôt recherche ne fait pas consensus, loin de là, et que la volonté d’encadrement que nous portons ici est partagée et peut se concrétiser.

Le manque d’encadrement du CIR et l’importance de son montant en font actuellement un outil d’optimisation fiscale pour les entreprises, sans que cela conduise pour autant à une augmentation des dépenses en faveur de la recherche et du développement. Ainsi, le plafonnement du CIR à 100 millions d’euros au niveau du groupe, et nom au niveau des filiales, empêcherait la création de filiales au sein d’un même groupe aux seules fins d’obtenir des crédits plus importants. Je crois d’ailleurs me souvenir que nos collègues du groupe socialiste avaient défendu l’année dernière une proposition de ce type.

Il ne s’agit là que de l’une des dérives du CIR. Elles sont évidemment bien plus nombreuses. Nous avons souhaité ici reprendre la mesure emblématique du projet de loi de finances, car nous ne comprenons pas que le Gouvernement refuse de débattre de ce sujet, malgré l’adoption de l’amendement en commission des finances à l’Assemblée nationale. Nous relançons donc cette question, en espérant qu’elle recevra cette fois-ci une réponse positive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, non qu’elle ne comprenne pas qu’on veuille lutter contre l’optimisation fiscale, simplement, elle s’est interrogée : y a-t-il des phénomènes d’optimisation fiscale dans les groupes ou s’agit-il d’un fantasme ?

Pour répondre à cette question, nous nous sommes appuyés sur le rapport de la Cour des comptes de 2013 sur le crédit d’impôt recherche. Or nous n’avons pas relevé dans ce rapport d’évolution des politiques des grands groupes depuis 2008. Si nous avions noté des fenêtres d’optimisation critiquables, nous aurions souscrit à l’intention des auteurs de l’amendement, mais il semblerait qu’il n’y ait pas, de ce point de vue, de risques particuliers.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, comment pouvez-vous dire que le Gouvernement refuse de débattre ? Cet amendement est débattu lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, à plusieurs reprises, dans chacune des assemblées et au cours de toutes les lectures. Je peux en témoigner !

Le débat qui a eu lieu, y compris au sein du groupe socialiste de l’Assemblée nationale – ce n’est un secret pour personne –, a été très vif. Il a été tranché par le Parlement plusieurs fois et toujours dans le même sens. Je vais donc reprendre tous les arguments que j’ai déjà répétés à plusieurs reprises, puis votre assemblée tranchera, en toute connaissance de cause.

Le CIR est l’un des trois ou quatre dispositifs que le rapport Gallois proposait de sanctuariser dans la mesure où il est le principal élément d’attractivité de la France. Il incite les entreprises à s’implanter dans notre pays pour y exercer une activité qui se situe en amont de toute production industrielle, à savoir la recherche et le développement. Cette donnée est reconnue par de nombreux économistes. Un classement international prenant en compte les éléments d’attractivité de chaque pays qui est paru dans la presse voilà quelques jours en témoigne.

La recherche est un élément essentiel pour notre pays. En outre, tout le monde s’accorde à dire que les entreprises ont besoin de stabilité et de lisibilité en matière économique et fiscale. C’est ce que nous nous attachons à faire, contrairement à ce que certains disent. J’en veux pour preuve les dispositions que nous avons fait adopter au mois de juillet et qui s’appliqueront au 1er janvier 2015.

Depuis plusieurs années, à savoir depuis quasiment le début du quinquennat, nous avons décidé de faire du CIR un élément de stabilité et de promotion de l’attractivité de notre pays. Nous ne souhaitons pas modifier cette situation.

Chacun a le droit d’avoir un point de vue différent. Pour autant, ne dites pas que le Gouvernement refuse de débattre. Le Gouvernement débat ici depuis maintenant deux jours, et il est prêt à continuer à le faire encore demain, dimanche, si le Sénat le souhaite. Je n’ai jamais éludé les questions, alors que j’aurais pu me contenter de dire « avis défavorable » sur certains amendements avant de me rasseoir, comme cela se fait parfois. Nous ne voulons frustrer personne.

Je le répète, le débat a lieu régulièrement dans chaque assemblée, lors de chaque lecture de tous les projets de loi de finances. Peut-être réussirez-vous un jour à convaincre le Parlement d’adopter cette mesure, mais, pour l’heure, l’avis du Gouvernement demeure défavorable.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. L’augmentation incroyable du coût du crédit d’impôt recherche ces dernières années montre que ce dispositif est une réussite en termes de dépenses. J’espère qu’il est aussi une réussite en matière de recherche.

En amont de ce débat, il faut quand même se poser la question de l’efficacité du CIR. C’est devenu une ritournelle, française et surtout européenne, de dire qu’il n’est pas possible, dans une société en pleine mutation, de redynamiser l’économie sans effectuer d’importants investissements en matière de recherche et d’innovation. Je note que, auparavant, on parlait de « recherche et développement » ou de « recherche et technologie », le terme « innovation », concocté à Bruxelles, fait désormais florès dans tous nos textes…

Quels que soient les efforts que nous ferons sur le coût du travail, nous ne pourrons jamais rivaliser avec les pays en voie de développement. C’est donc bien grâce à la recherche et à l’innovation que nous parviendrons à améliorer la compétitivité de notre industrie. Reste que s’il s’agit d’une condition nécessaire, cette politique, que je qualifierai d’« horizontale », doit impérativement s’accompagner d’une politique verticale. À quoi sert-il d’avoir des chercheurs de pointe dans les domaines des nouvelles technologies, des biotechnologies ou de la transition énergétique si nous ne sommes pas capables de créer les filières industrielles qui embaucheront de nombreux salariés ?

J’ajoute qu’il y a un peu moins de deux ans, au moment où l’Irlande assurait la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, la commission des affaires européennes du Sénat a accueilli l’ambassadeur d’Irlande et son équipe. Naturellement, j’ai un peu attaqué l’ambassadeur sur le dumping fiscal pratiqué dans son pays. Il m’a écouté bien sagement et m’a répondu que les règles fiscales y étaient effectivement très avantageuses et incitaient des entreprises d’un peu partout en Europe à installer leur siège chez eux. En revanche, ajouta-t-il, à cause du CIR, tous nos chercheurs sont en train de plier bagage pour la France !

Quand on cherche à défendre la France et qu’on plaide pour l’harmonisation fiscale, c’est tout de même difficile de s’entendre dire que nous avons parfois nous-mêmes tendance à faire du dumping fiscal, tout à fait légalement du reste. L’Union européenne encourage en effet les dispositifs du type crédit d’impôt recherche, comme me l’a précisé le précédent commissaire européen chargé de la concurrence, M. Joaquín Almunia, lors d’une audition. Une large part du programme Horizon 2020 est précisément consacrée à la recherche. En revanche, dès qu’il s’agit de crédits d’impôt sectoriels, la même Union européenne est beaucoup plus restrictive. D’ailleurs, si j’ai bien compris, l’une des raisons de la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, c’est justement qu’il n’était pas conditionné, pas sectorisé.

Quoi qu’il en soit, la politique qui consiste à financer de la recherche pour de la recherche sans se donner les moyens de la faire fructifier soulève un véritable problème. Plutôt que de s’imaginer que, avec beaucoup de chercheurs et beaucoup de moyens, les choses vont repartir toutes seules, repensons ce système et posons un peu plus de conditions.

Les politiques horizontales sont certes utiles, comme je l’ai dit, mais, sans politique verticale, c’est-à-dire sans développement des filières industrielles, ce sera le tonneau des Danaïdes. Une fois formés, et bien formés, nos chercheurs iront à l’étranger dans des filières technologiques ou industrielles, qui, grâce à des coûts du travail plus bas ou à un certain nombre d’avantages du type crédit d’impôt sectoriel, pourront se permettre de les payer bien mieux que chez nous. C’est d’ailleurs déjà le cas dans de nombreux domaines. Je pense au secteur du jeu vidéo, au sujet duquel j’ai rédigé un rapport l’an passé avec mon collègue Bruno Retailleau. On constate aujourd’hui que les entreprises françaises du secteur finissent par partir pour le Canada, les États-Unis ou l’Asie. Pis, depuis quelque temps, ce sont toutes nos sociétés de post-production numérique, je pense notamment à Technicolor, anciennement Thomson, qui vont s’installer au Canada.

Oui, aidons la recherche, ne soyons pas restrictifs, mais, dans le même temps, tâchons d’avoir une cohérence d’ensemble dans le renouvellement de notre industrie !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-187 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-353, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du b du II de l’article 244 quater B du code général des impôts, après les mots : « à ces opérations », sont insérés les mots : « dans la limite de cinq fois le montant des dépenses de personnel afférentes aux chercheurs diplômés d’un doctorat au sens de l’article L. 612-7 du code de l'éducation et employés dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée ».

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Par cet amendement, nous proposons non pas de supprimer, mais de modifier le crédit d’impôt recherche, afin que celui-ci intègre de manière plus efficace le soutien à l’emploi de salariés titulaires d’un doctorat.

C’est un sujet que je connais bien, étant moi-même titulaire d’un doctorat et ayant participé à la formation ou à la reconversion professionnelle de post-doctorants, qui, ne trouvant pas d’emplois dans la recherche publique, s’orientaient vers le privé. Je peux vous dire qu’on a affaire à des personnes particulièrement brillantes qui se distinguent par des capacités de travail et d’adaptation tout à fait remarquables.

Il ne faut pas oublier que le doctorat est le seul diplôme de recherche de haut niveau qui soit reconnu internationalement dans le monde économique. En Grande-Bretagne ou en Allemagne, on embauche des docteurs dans tous les secteurs d’activité, dans le public et, surtout, dans le privé. En France, en revanche, nous avons le système des grandes écoles, où, certes, on y trouve des gens brillants, mais qui ne sont pas toujours les mieux à même de faire de la recherche.

Il est temps d’agir en faveur de l’emploi des doctorants, d’autant que, selon les chiffres du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le taux de titulaires d’un doctorat parmi les chercheurs en entreprise est passé de 14,9 % en 1997 à 12 % en 2011. Il y a donc de moins en moins de personnes qui s’orientent vers ces filières, car, pour des raisons historiques, elles ne sont pas valorisées dans notre système.

Accorder une reconnaissance particulière aux titulaires d’un doctorat pour les orienter vers la recherche privée, et pas seulement vers les organismes publics, ne peut qu’être bénéfique à notre recherche dans son ensemble.