M. le président. La parole est à M. David Rachline.

M. David Rachline. Monsieur le ministre, je voudrais profiter du débat sur la mission agriculture pour vous féliciter d’avoir entendu la benjamine des parlementaires français.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais oui, c’est ça…

M. David Rachline. En effet, comme Marion Maréchal Le Pen vous l’avait suggéré lors du débat sur cette mission à l’Assemblée nationale, vous vous êtes lancé dans la promotion de la priorité nationale dans les cantines, si j’en crois le courrier envoyé par votre cabinet et reçu hier !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ça commence mal !

M. David Rachline. On est donc sur la bonne voie ! Je vous en félicite et je vous en remercie au nom des agriculteurs et au nom des Français, qui sont attachés à leurs agriculteurs. Comme quoi, avec un peu plus de pragmatisme et un peu moins de dogmatisme, on peut faire avancer les choses dans notre pays ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Oui, utiliser en priorité les produits agricoles cultivés en France, c’est bon pour les agriculteurs français ; c’est bon pour la santé, car ces produits sont de qualité ; c’est bon pour les finances publiques, car les agriculteurs, eux aussi, cotisent ; c’est bon pour l’emploi, car les agriculteurs recrutent ; c’est bon pour la planète, car les voies d’acheminement se raccourcissent, diminuant ainsi l’empreinte carbone de ces produits ! Il est en effet logique de commencer par nourrir les Français avec ce que leurs compatriotes produisent plutôt que d’importer des denrées que l’on a déjà ! J’espère, monsieur le ministre, que, si votre initiative ne portait pas de fruits, vous n’hésiteriez pas à prendre des mesures plus fortes pour inciter enfin à consommer français !

L’agriculture française a subi avec force l’embargo décidé par l’UE sur les exportations à destination de la Russie. Alors que cet embargo démontre la capacité de la France à réguler ses exportations, il serait temps de travailler sur l’autre plateau de la balance, les importations, afin de permettre aux agriculteurs de vivre véritablement de leur travail.

Le budget de cette mission est, plus encore que les autres, dépendant de ce qui nous est reversé par l’Union européenne à travers la politique agricole commune. Comme vous le savez, nous préférerions, nous, une politique agricole française, ce qui n’empêcherait pas de nous accorder avec nos voisins sur certains produits.

Au sujet de l’UE, j’ai tout de même du mal à voir le retour sur investissement pour nos agriculteurs des quelque 142 millions d’euros que la France a versés aux agriculteurs turcs depuis 2007 au titre de l’investissement préadhésion. Ces millions auraient sans doute été plus utiles pour mettre en place des mesures pour prévenir, par exemple, les suicides chez nos agriculteurs, qui sont de plus en plus nombreux, probablement à cause de la politique des gouvernements successifs UMPS auxquels vous appartenez ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe UMP.)

M. François Patriat. La bêtise n’a pas de limites !

M. David Rachline. Détendez-vous ! Je vous l’ai déjà dit, tout va bien se passer ; vous allez vous y habituer… Laissez-moi terminer ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Comme vous le savez sans doute, l’agriculture et, plus encore, la forêt ne sont pas des secteurs qui peuvent s’adapter à des choix budgétaires différents tous les ans, du fait notamment de leur forte dépendance aux conditions climatiques.

Ainsi, c’est, selon moi, dans le cadre d’une loi de programmation pluriannuelle dédiée à l’agriculture que nous pourrions discuter les budgets de cette mission et aménager ainsi les politiques publiques aux fortes spécificités de ce secteur. Le rapporteur spécial souligne d’ailleurs que les crédits dédiés aux aléas, risques climatiques, économiques et sanitaires ne sont pas provisionnés, ce qui semble souligner une méconnaissance profonde des spécificités du secteur.

Il reste cependant beaucoup à faire pour protéger nos agriculteurs et ceux qui travaillent dans le monde agricole. Je pense notamment aux emplois ponctuels, qui sont à la fois une source de revenus complémentaires pour les étudiants ou les travailleurs saisonniers, mais aussi souvent un moyen de retrouver une certaine mixité sociale. Le monde agricole et rural est aujourd’hui l’un des rares où la mixité sociale qui fait tant défaut à notre société existe encore ! La remise en cause des « contrats vendanges » est malheureusement un nouveau signe du fait que vous mettez les travailleurs français en concurrence avec de la main-d’œuvre moins chère ! Je le déplore.

Nous ne voterons évidemment pas ce budget.

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. C’est un scoop

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais ni vous inonder de chiffres ni commenter chaque ligne budgétaire. Je vais insister sur certains points qui sont particulièrement importants pour nous, écologistes.

Mon propos sera ciblé. Ce ne sera pas une surprise pour vous. Vous savez bien quel modèle d’agriculture nous souhaitons, non par idéologie ou dogmatisme, mais au nom de convictions fortes et de plus en plus affirmées !

L’année 2014 aura été l’année de la loi d’avenir agricole. Ce projet de loi de finances pour 2015 se devait de traduire les nouvelles orientations de la France vers l’agroécologie. Nous constatons des signes positifs. Nous tenons à les souligner.

À ce titre, on ne peut qu’apprécier la revalorisation du plafond de dépenses du CASDAR par l’affectation de la totalité de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles. Ce compte, dont l’objet est de répondre aux enjeux liés à l’innovation et à la transition agroécologique, notamment par l’accompagnement des actions de recherche appliquée, voit ses crédits augmenter jusqu’à un plafond de dépenses de 22 millions d’euros, ce qui est appréciable.

Autre point positif à nos yeux, l’augmentation de 17 % du budget de l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, avec pour objectif, comme vous l’avez affirmé, monsieur le ministre, de doubler les surfaces cultivées en bio à l’horizon 2017. En outre, le « Fonds avenir bio », doté de 4 millions d’euros pour 2015 et géré par cette agence, devra concourir au décollage du programme « Ambition bio 2017 ».

Cependant, le simple objectif de doublement des surfaces pour 2017 est, à nos yeux, insuffisamment ambitieux. Vous le verrez, une fois la transition amorcée véritablement, le développement de l’agriculture bio suivra une évolution exponentielle !

Lors de l’examen du texte sur l’agriculture, nous avions plaidé avec force pour la reconnaissance des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, les ONVAR, comme partenaires privilégiés de la mise en œuvre de la transition vers les pratiques agroécologiques. Les ONVAR, qui ont été pionniers dans ce domaine, voient leurs crédits pour alimenter les appels à projets, multipliés par sept. Toutefois, il va falloir veiller à la mise en œuvre du dispositif ; j’y reviendrai.

En matière de sécurité sanitaire, vous annoncez le renforcement des moyens à l’ANSES. C’était nécessaire. Mais est-ce que ce sera suffisant ?

Ce sera suffisant si, en cohérence avec les orientations agroécologiques, beaucoup de produits phytosanitaires pesticides chimiques sont interdits… avec le retour en force de l’application des principes de l’agronomie, pratiquée par les agricultures alternatives, notamment biologiques.

Mais ce ne sera pas suffisant si on ne contraint pas la poursuite des pratiques agrochimiques. L’ANSES sera alors encore réduite à courir derrière les autorisations de mise sur le marché et derrière le nécessaire suivi post-AMM. Les firmes sont beaucoup plus avancées, avec beaucoup plus de moyens, qui leur permettent de contourner les agences publiques, françaises ou européennes.

Je l’affirme une fois encore, l’agrochimie ne peut pas se conjuguer avec l’agroécologie ! J’y reviendrai dans quelques instants.

En outre, dans ce projet de loi de finances pour 2015, vous accordez une grande importance à l’enseignement agricole et à la recherche dans le domaine agricole. Vous annoncez la priorité en faveur de la jeunesse et de la formation ? On signe ! Vous créez des postes supplémentaires sur l’enseignement technique et sur l’enseignement supérieur ? On signe aussi !

M. Joël Labbé. Mais ces moyens supplémentaires doivent être au service d’un enseignement qui, lui aussi, fait sa transition. Pour le moment, les méthodes et les orientations qui sont enseignées sont encore très majoritairement celles de l’agriculture conventionnelle. S’il y a des évolutions, nous n’avons encore changé ni de culture ni de modèle ! La formation des enseignants reste une nécessité.

Idem pour la recherche. Les moyens mis en œuvre pour faire évoluer les pratiques agricoles vers un modèle agroécologique, notamment biologique, sont très déséquilibrés par rapport à la recherche productiviste.

Au demeurant, les besoins croissants en financements privés rendent la recherche de plus en plus dépendante. Nous le savons bien, les financeurs sont ceux qui en ont les moyens. Or ceux-là ne sont jamais désintéressés !

La recherche appliquée, participative et collaborative mérite d’être développée. Tout à l’heure, j’évoquerai de récents travaux menés par l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, dont les conclusions sont particulièrement riches d’enseignements.

L’emploi direct agricole continue de baisser en raison d’un renouvellement des générations insuffisant et de l’agrandissement des exploitations. La réforme des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, qui les dotera d’une gouvernance élargie tout en réaffirmant la priorité à l’installation, devrait pouvoir y remédier. Ces nouvelles SAFER devront se poser aussi comme un barrage, ou plutôt comme un rempart…

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Une « retenue collinaire » ! (Sourires.)

M. Joël Labbé. … face à la financiarisation de l’agriculture !

Il reste un point essentiel à travailler au sujet du droit des SAFER, celui du droit de préemption sur les parts de sociétés. Il faut absolument trouver une solution, afin que les investisseurs n’aient plus les moyens de contourner la volonté politique pour s’approprier les terres et pour se les accaparer. J’avais déposé un amendement sur le sujet. Il s’est encore fait bouler pour cause d’irrecevabilité. Mais je recommencerai dès que je pourrai.

L’agriculture familiale doit être préservée. Elle a été très pourvoyeuse d’emplois. Elle peut, elle doit pouvoir le redevenir. Ce secteur de l’agriculture familiale profite trop peu du soutien public au regard des aides accordées, notamment par l’allégement des charges sociales et fiscales, que ce soit aux productions agricoles, à plus de 1,6 milliard d’euros, ou aux coopératives agricoles et industries agroalimentaires, là aussi à hauteur de près de 1,6 milliard d’euros.

Une partie de l’agriculture familiale est en grande souffrance, dans un grand silence. Il faut trouver les moyens de la soutenir. C’est cette agriculture-là qui est porteuse d’avenir. Voilà les signes, voilà les chiffres, voilà les intentions ! La pratique va devoir se mettre à la hauteur.

Je devais parler du plan « Ambition bio 2017 », mais j’aurai d’autres occasions de le faire.

Je vais vous indiquer notre position par rapport au vote. Certains imagineront sans doute que, avec de telles réserves, les écologistes ne voteront pas les crédits de la mission… (Exclamations amusées.)

M. Joël Labbé. Eh bien si : nous les voterons ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste. – Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.) Il s’agit pour nous de reconnaître la volonté du ministre de l’agriculture de faire bouger les lignes …

M. Didier Guillaume. Il le fait !

M. Joël Labbé. … et de nous engager à continuer à travailler en relation avec lui, avec ses services, avec ceux du ministère de l’écologie, donc avec le Gouvernement !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Joël Labbé. Cependant, nos exigences croîtront de manière exponentielle, suivant la même courbe que celle de la demande de la population en alimentation locale de qualité !

J’intitulerai la seconde partie de mon propos : « autres considérations ». (Exclamations amusées.) Elles n’ont pas grand-chose à voir avec le projet de loi de finances pour 2015, mais elles sont importantes pour les futurs budgets.

Demain, le 5 décembre, c’est la Journée mondiale des sols. À cette occasion, ma collègue députée écologiste Brigitte Allain reçoit un colloque à l’Assemblée nationale sur « les services rendus par les sols » ; j’y interviendrai. La poursuite de la croissance insensée nous a conduits à nous préoccuper de la qualité de l’eau, de l’air et des océans sans pouvoir vraiment remédier à leur dégradation et au réchauffement climatique.

Aujourd’hui, on se rend compte bien tardivement que les sols sont, eux aussi, bien mal en point. Enfin, on reparle de la vie des sols, de la vie de la terre nourricière ! Les sols sont vivants ! La vie fait le sol, et le sol fait la vie !

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Joël Labbé. Les sols nous nourrissent ! Ils portent la biodiversité. Ce sont des puits de carbone extraordinaires qui nous préservent des dérèglements climatiques.

Les sols sont mis à mal par l’artificialisation,…

M. Joël Labbé. … mais aussi par la mortification. Les pesticides utilisés en agrochimie productiviste ont une lourde part de responsabilité. Monsieur le ministre, j’ai apprécié l’intérêt que vous avez manifesté la semaine dernière à l’égard d’un maillon irremplaçable de la vie des sols : le vers de terre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui !

M. Joël Labbé. Les vers de terre vont très mal, comme les abeilles et les autres pollinisateurs, comme les micro-organismes du sol, mais aussi comme les oiseaux insectivores !

L’agriculture productiviste utilise beaucoup ces pesticides, notamment – le nom est presque imprononçable – les néonicotinoïdes. Nous en débattrons dans cet hémicycle le 4 février prochain. J’espère bien que nous trouverons une majorité pour voter notre proposition de résolution. Si l’agriculture productiviste agrochimique utilise beaucoup ces néonicotinoïdes, l’agriculture biologique, elle, n’en use pas du tout !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, je vous fais une proposition cash : faites mener une étude évaluant les aménités apportées par l’agriculture biologique et une autre évaluant les externalités négatives de l’agriculture productiviste en termes de qualité de l’eau, de l’air, des sols, de biodiversité, de santé publique et de dérèglement climatique, puis lancez un vaste débat public national pour que le peuple français puisse choisir son modèle agricole et alimentaire !

Vous êtes un grand ministre de l’agriculture.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Par la taille ! (Sourires.)

M. Joël Labbé. Mettez cela en œuvre et vous entrerez dans l’Histoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

Mme Sophie Primas. Quelle déclaration d’amour !

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, vous qualifiez votre budget de l’agriculture d’« ambitieux et volontaire ». Pourtant, avec 4,7 milliards d’euros en crédits de paiement, il est en baisse de 4,1 % par rapport à 2014.

Votre ministère participant à l’effort budgétaire, et c’est normal, vous vous êtes fixé l’objectif de faire mieux avec moins. Je souhaite sincèrement que vous réussissiez. Mais, depuis deux ans, environ 756 millions d’euros de crédits agricoles ont été supprimés, et je cherche vraiment une amélioration de la situation des agriculteurs.

Néanmoins, le pacte de responsabilité, qui prévoit un allégement de 729 millions d’euros des charges sociales des agriculteurs et des industries alimentaires pour 2015, est une bonne nouvelle. Pourtant, êtes-vous véritablement convaincu que cela compensera la baisse des crédits ?

Monsieur le ministre, je suis inquiet pour notre capacité à gérer les crises. En matière agricole, plus que dans tout autre secteur, les aléas climatiques, économiques et sanitaires sont à prendre en considération, car ils peuvent entraîner des conséquences dramatiques. Or ne sont provisionnés dans votre projet de budget ni les crédits de crise – le Fonds d’allégement des charges, le dispositif Agridiff et le Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, destiné à l’indemnisation des calamités agricoles, ne sont pas dotés en 2015 ! – ni les risques liés aux refus d’apurement communautaires. La Cour des comptes évalue cette facture à 1,8 milliard d’euros.

Les agriculteurs reconnaissent qu’il est nécessaire de faire des économies, mais ils ne comprennent pas la stratégie du Gouvernement, qui semble ignorer les véritables difficultés du terrain.

Vous avez entrepris une simplification des procédures administratives et des normes, mais les dossiers PAC ensevelissent les agriculteurs sous la paperasse et les contrôles permanents, pour lesquels on augmente le nombre des fonctionnaires du ministère, alors que l’on baisse les dotations incitatives.

Les agriculteurs voudraient pouvoir se consacrer entièrement à la modernisation de leurs exploitations et attendent de l’État le développement des filières.

Ils doivent faire face aux difficultés de l’économie agricole et à la baisse drastique de leurs revenus. Ainsi, le revenu d’activité était en moyenne de 27 900 euros par actif non-salarié en 2013, contre 35 900 euros en 2012, avec des écarts de revenus très grands.

Les producteurs de céréales, les éleveurs de porcins et de volaille ont souffert de baisses importantes de revenu, et la filière bovine est en crise sévère.

Pour la filière viticole, comme l’a souligné Gérard César, c’est le « contrat vendanges » qui est source d’inquiétude. L’article 47 vise à mettre fin à l’exonération de la part salariale des cotisations sociales dont bénéficient un mois par an les saisonniers agricoles embauchés pour les vendanges. Pourtant, ce dispositif avait permis de rendre attractifs ces emplois en augmentant le salaire net de 8 %.

Entendrez-vous les arguments de nos excellents rapporteurs pour avis, Gérard César et Jean-Jacques Lasserre ?

Les sanctions envers la Russie ont des conséquences dramatiques pour les agriculteurs européens. La compensation par l’Union européenne des secteurs pénalisés a anéanti la réserve de crise du budget de la PAC. Il ne reste que 88 millions d’euros sur les 430 initialement disponibles ! Pour reconstituer cette réserve, la Commission a décidé de baisser les versements directs aux agriculteurs.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Non !

M. Aymeri de Montesquiou. Je veux évoquer à mon tour l’important sujet des chambres d’agriculture, que 89 % des agriculteurs considèrent comme indispensables.

Elles sont prêtes à participer à l’effort de réduction des dépenses publiques de l’État, à condition que l’on ne diminue pas leurs recettes pérennes. Or, depuis plus de dix ans, leur recette fiscale est plafonnée en valeur, alors que des missions nouvelles sur l’agroécologie et le registre des agriculteurs leur ont été confiées par l’État, sans aucune recette supplémentaire. Ce n’est pas cohérent !

La majorité des chambres d’agriculture ont épargné pour investir. Elles verront leurs efforts de bonne gestion anéantis par le prélèvement, prévu pour 2015, des 45 millions d’euros que représente leur excédent de fonds de roulement !

La réduction de 5,35 % de la recette issue de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti, qui représente 15 millions d’euros, soit sur trois ans 45 millions d’euros, est une aberration ! Comment relancer la compétitivité des filières agricoles quand cette réduction paralyse les investissements nécessaires des chambres d’agriculture ?

Comment la baisse de cette taxe pourrait-elle avoir un effet positif sur la compétitivité des exploitations agricoles ? Elle concerne en effet les seuls propriétaires et représente moins de cinquante centimes d’euros par hectare en moyenne, trente-sept centimes dans mon département du Gers. C’est une mesure injuste et totalement inefficace ! Les chambres d’agriculture devront licencier des techniciens qualifiés, indispensables à la modernisation et au développement du monde agricole. (M. Didier Guillaume le conteste.)

Comment atteindre l’objectif de 50 % d’exploitations dans l’agroécologie en 2020, défini par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 ?

Les chambres d’agriculture devront augmenter le prix de leurs prestations auprès de leurs clients, puis limiter leurs actions, y compris pour les missions de service public que l’État leur a confiées.

Pourquoi sanctionner un secteur économique confronté à des difficultés conjoncturelles et structurelles aussi importantes, qui contribue à l’économie nationale en termes d’emplois, de développement, de protection des territoires et, de surcroît, constitue l’un de nos rares postes excédentaires de commerce extérieur ?

Je vous ai fait part des inquiétudes que m’inspirait votre projet de budget. Cependant, je partage certaines des priorités.

Tout d’abord, 100 millions d’euros supplémentaires sont consacrés au soutien à l’installation des jeunes agriculteurs, dont 25 millions au titre de la dotation d’installation aux jeunes agriculteurs, la DJA, qui passe de 105 millions d’euros en 2014 à 130 millions en 2015, et 75 millions d’euros d’enveloppe totale comme complément sur les aides directes, par le premier pilier de la PAC.

Ensuite, la promotion de l’innovation et de la modernisation agricole est un choix d’avenir.

C’est à l’enseignement agricole que bénéficie la plus forte hausse de la mission « Enseignement supérieur et recherche », dont les crédits de paiement s’élèvent à 330 millions d’euros, soit 20 millions de plus qu’en 2014.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Néanmoins, le bilan global n’est pas satisfaisant. Afin d’assurer une meilleure compétitivité de notre agriculture, c’est-à-dire de garantir son avenir et sa capacité à opérer sur le marché mondial, il faut investir dans son développement. Pour y parvenir, il faudrait plus d’investissements dans l’agriculture durable et l’innovation, qui est primordiale, notamment dans les domaines de la technologie et de la gestion des entreprises agricoles ! Nous avons besoin des chambres d’agriculture pour réussir.

Votre budget privilégie l’administratif au détriment de l’investissement et ne semble pas prendre en compte les difficultés économiques dont souffrent les exploitations et les territoires. L’UDI-UC ne pourra donc pas le voter en l’état. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps qui nous est imparti ne me permet pas de rappeler ce que l’agriculture, l’agroalimentaire et la filière bois représentent pour notre pays, plus particulièrement pour nos territoires ruraux, en matière d’emploi comme pour la qualité des paysages et des produits alimentaires qu’apprécient tant nos concitoyens.

Pour ce qui concerne ce projet de budget de l’agriculture pour 2015, je me limiterai donc à mentionner quelques constats et problèmes qu’il conviendrait tout particulièrement de traiter, en souhaitant que le Gouvernement puisse les prendre en compte et y apporter des solutions.

Mes chers collègues, vous le savez comme moi, la principale doléance des agriculteurs concerne leur revenu, qui, nous devons le reconnaître, n’est guère en adéquation avec leur travail et les lourds investissements nécessaires à l’exercice de leur profession. Certes, les ministres successifs ont généralement déployé beaucoup de temps et d’efforts à Paris, à Bruxelles, dans les autres capitales et sur le terrain, dans les campagnes, pour tenter de remédier à ce problème.

Monsieur le ministre, je ne vous ferai pas le reproche d’avoir dérogé à cette règle. Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Or, vous le savez, les agriculteurs ont de grandes craintes quant à leurs revenus de 2015, d’autant plus que 2014 n’aura pas été un bon cru pour nombre d’entre eux.

Ainsi que le relatait l’hebdomadaire La France agricole, le Centre d’études économiques régionales de Franche-Comté, ma région, qui a étudié la situation de plus de 5 000 exploitations, a constaté une baisse de l’excédent brut d’exploitation de 58 % pour les exploitations céréalières, de 28 % pour les producteurs de viande, de 20 % pour les producteurs de lait standard et de 2,5 % dans les exploitations laitières produisant du lait AOC et du comté.

En outre, l’embargo russe est fort préjudiciable à la filière agricole et agroalimentaire.

Les agriculteurs s’interrogent sur leur avenir et se demandent comment procéder à la nécessaire augmentation du prix de vente de leurs produits, compte tenu de la mondialisation, qui est une réalité indéniable, et surtout du rôle joué par les grandes et moyennes surfaces, les GMS, qui ont pour seul objectif de s’approvisionner au moins cher et qui tirent de toutes leurs forces les prix vers le bas.

Monsieur le ministre, si nous voulons préserver en France une agriculture viable et de qualité, nous devons tout mettre en œuvre pour diminuer les charges des exploitations – je pense à la mutualité sociale agricole, aux taxes sur l’eau, aux assurances, aux coûts des normes...–, et surtout éviter la poursuite de cette course aux prix bas lancée par les GMS. Le constat est simple : les demandes de services et de contributions adressées par ces dernières à nos PME de transformation agroalimentaire sont toujours plus importantes, ce qui fragilise ces entreprises.

Pourtant, force est de le constater, en agitant la menace du déréférencement, les GMS obtiennent les prix bas souhaités. L’effet est pervers non seulement pour nos entreprises agroalimentaires de transformation, dont beaucoup ont disparu, mais aussi pour les producteurs, vers lesquels ces entreprises se retournent à leur tour.

La loi de modernisation de l’économie et la mise en place de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires demeurent des avancées insatisfaisantes, puisque les négociations se soldent souvent par un tour de vis supplémentaire donné par les GMS, que les récents accords d’association entre distributeurs devraient encore renforcer.

Monsieur le ministre, que pensez-vous faire pour mettre un terme à la pression exercée par les GMS sur nos entreprises de transformation agroalimentaire, donc sur les exploitations agricoles ?

J’ai évoqué précédemment la nécessité de renforcer notre compétitivité. J’aimerais connaître votre position sur le maintien, injustifié à mes yeux, des contraintes de destruction des matériels à risques spécifiés, les MRS, mises en place lors de la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB.

La Fédération nationale des exploitants d’abattoirs estime le gain possible à 150 millions d’euros. Il me semble d’autant plus aisé d’aller en ce sens que la Commission européenne, suivant la recommandation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’AESA, a récemment proposé un assouplissement. Monsieur le ministre, la filière pourra-t-elle retrouver ces 150 millions d’euros ?

J’en viens au cas particulier de la filière laitière. La création d’un Observatoire des volumes de lait, géré dans la durée avec les moyens de FranceAgriMer, est une bonne chose. Mais il y a des inquiétudes. La filière laitière et les filières AOP régionales sont vivement préoccupées par un projet de texte de la Commission européenne qui, s’il était adopté en l’état, imposerait d’importantes destructions de produits et des pertes économiques insupportables pour les entreprises. Il s’agit du risque E-coli, producteur de Shiga Toxine Escherichia Coli, ou STEC. Cette norme est inacceptable, d’autant que la filière laitière française a, plus que d’autres, fait de la qualité et de la sécurité sanitaire du lait et des produits laitiers une priorité. Monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer la filière ?

Par ailleurs, les crédits affectés aux diverses éradications des maladies bovines vous paraissent-ils suffisants ? L’exportation d’animaux vivants est importante. Il serait regrettable que nous perdions des marchés pour cause de troupeaux non indemnes de la rhinotrachéïte infectieuse bovine, l’IBR.

Faut-il évoquer une nouvelle fois la présence des prédateurs, toujours de plus en plus nombreux,…