Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des lois, Pierre-Yves Collombat l’a indiqué, a suivi son rapporteur et a émis un avis défavorable sur les crédits de cette mission.

Si j’ai bien compris, elle a adopté cette position défavorable parce qu’elle considère que la présence de l’État dans les territoires ne doit pas être réduite, mais aussi, je le vois bien, pour exprimer une sorte de « ras-le-bol » face à la succession des réformes touchant à l’organisation territoriale.

Je voudrais vous livrer, mes chers collègues, quelques observations, notamment sur le premier point, pour lequel l’avis de la commission me paraît surprenant. Les crédits de cette mission diminuent-ils effectivement de manière significative ? La réponse est non. En effet, et le rapport l’indique dans ses premières pages, il y a certes une diminution, de 0,4 %, des crédits de paiement, mais ce n’est que 0,4 %.

En réalité, c’est plutôt une quasi-stabilité – nombreux sont ceux qui aimeraient voir leur budget diminuer de 0,4 % seulement ! Nous sommes donc loin des coupes sévères que nous avons connues au moment de la RGPP.

Il est vrai que 180 emplois ne seront pas remplacés à la suite de départs à la retraite. Le nombre d’emplois concernés reste toutefois relativement faible.

Je trouve donc la critique bien sévère par rapport à la réalité de la baisse des crédits et de la réduction des effectifs.

De la même façon, j’ai bien entendu les propos qui viennent d’être tenus sur la réorganisation de l’État. J’ai moi-même été rapporteur pour avis de cette mission pendant plusieurs années. Je peux vous assurer que pendant plusieurs années, avant même que l’actuelle majorité arrive aux responsabilités, la question centrale et récurrente était celle de la réorganisation de la carte territoriale de l’administration de l’État.

On voulait supprimer un certain nombre de sous-préfectures dans la région parisienne, de même que quelques autres ailleurs sur le territoire, et procéder à des regroupements. Ce n’est donc pas une question nouvelle, et ne faisons pas comme si on la découvrait aujourd’hui.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis. Je n’y peux rien si la gauche fait la même politique !

M. Alain Anziani. Le rapport de Pierre-Yves Collombat – même si je n’en partage pas la conclusion, il est excellent – nous rappelle que la carte des sous-préfectures n’a pas été modifiée depuis 1926. Quatre-vingt-huit ans après, il n’est pas interdit de considérer que certaines évolutions démographiques et économiques justifient de réfléchir à une nouvelle carte des préfectures et des sous-préfectures – je reprends d’ailleurs quasiment les termes de votre rapport, monsieur Collombat. (M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis, marque son approbation.)

Il est d’autant moins interdit d’aborder ce sujet que la position du Gouvernement consiste à avancer avec beaucoup de mesure, en laissant du temps à la concertation.

Le rapport juge plutôt positivement l’exemple de l’Alsace et de la Moselle, même si l’honnêteté commande aussi d’ajouter qu’il juge l’expérience spécifique à ce territoire et non généralisable.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis. En effet, elle n’est pas forcément généralisable !

M. Alain Anziani. Cet exemple peut néanmoins avoir du bon pour le reste de la France. Au-delà de l’Alsace et de la Moselle, le rapport cite aussi Castellane, où il précise, après qu’une mission a été conduite sur place, qu’il s’agit de « regroupement de moyens de bon sens ». Je ne comprends pas que, d’un côté, le rapport soit aussi sévère, livrant un réquisitoire extrêmement fort et que, de l’autre, après avoir regardé les choses de plus près, son auteur estime que le regroupement des moyens peut-être de bon sens, et que l’expérimentation menée en Alsace et en Moselle n’est pas si mauvaise que cela…

Quoi qu’il en soit, le groupe socialiste approuvera bien évidemment ces crédits.

J’ajoute un autre point, sur lequel je ne suis pas en accord avec le Gouvernement. L’Assemblée nationale a très bien fait de ne pas donner suite à la dématérialisation de la propagande électorale. (Marques d’approbation. – Mme Catherine Procaccia et M. Michel Canevet applaudissent.)

Mme Catherine Procaccia. C’est sûr ! On est bien d’accord !

M. Alain Anziani. Franchement, c’eût été une erreur considérable. Il n’est pas vrai de dire que, aujourd’hui, tout le monde se sert d’internet,…

Mme Catherine Procaccia et M. Jean-Léonce Dupont. Bravo !

M. Alain Anziani. … ni parmi les plus jeunes – ils se désintéressent souvent de la politique et ne se renseignent pas sur internet avant une élection – ni parmi les plus anciens, qui n’ont pas cette habitude.

Cette dématérialisation était donc une grave faute, en dépit des 131 millions d’euros d’économies escomptées. La démocratie a bien un coût, et elle mérite cette dépense. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Raynal. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme 232 de cette mission s’intéresse, notamment, au financement de la vie politique, et c’est précisément sur ce point que je focaliserai mon intervention.

Le financement public de la vie politique recouvre deux dimensions distinctes : d’une part, le financement partiel des partis politiques eux-mêmes ; d’autre part, le financement par l’État de l’organisation concrète des élections.

Comme beaucoup d’autres, ce programme est depuis plusieurs années sous pression, afin d’y trouver matière à faire des économies. Et ces dernières ont été plus que singulières depuis 2011, notamment en ce qui concerne le financement des partis politiques.

Pourtant, la démocratie a besoin de moyens pour vivre et se déployer, pour que nos concitoyens puissent être informés, s’engager puis voter dans des conditions de réelle équité démocratique.

C’est pourquoi nous nous réjouissons des amendements qui ont été adoptés à l’Assemblée nationale, puis lors de l’examen du texte en commission au Sénat, et qui ont permis, d’une part, de revenir sur une nouvelle baisse de 15 % du financement des partis politiques, initialement programmée, et, d’autre part, de revenir sur la proposition du Gouvernement de dématérialiser le matériel électoral en vue des élections cantonales et régionales de l’année prochaine.

Les arguments avancés pour justifier la dématérialisation du matériel électoral portent évidemment sur l’aspect financier, mais aussi sur le caractère écologique de la mesure, en partant du fait qu’une très large proportion de nos concitoyens disposerait d’une connexion personnelle à internet…Une large proportion, oui, mais la totalité des Français, non !

Et cette nuance de taille met à mal le principe d’universalité et d’égalité qui doit, a minima, régir l’organisation de moments aussi fondamentaux dans notre démocratie que sont les élections !

De plus, ce qui nous a été proposé en matière de dématérialisation du matériel officiel de propagande électorale n’était pas de remplacer l’envoi de ce matériel électoral papier, physique, par son envoi sous forme électronique – ce qui, au passage, supposerait la constitution, par le ministère de l’intérieur, d’une liste exhaustive et régulièrement actualisée des courriels individuels de tous les inscrits sur les listes électorales.

Non, ce qui a été proposé par le Gouvernement, c’est la seule et simple mise à disposition du public de ce matériel sur des sites sélectionnés et, accessoirement, sous forme physique dans les mairies et les préfectures.

Cela revient, en gros, à dire à chaque électeur : « À toi citoyen d’aller t’informer en allant naviguer à vue dans la jungle d’internet ! Tu ne reçois pas les données ; va les chercher ! »

Sous couvert d’économies et de modernisation des moyens de l’État, c’est à un accès inéquitable à la vie politique qu’on tente ainsi de nous préparer. Et cela, nous ne pouvons l’accepter !

Passons à présent à l’épineuse question du financement public des partis politiques. On peut évidemment discuter de son niveau, mais, au-delà de la discussion sur son niveau global et du nécessaire contrôle rigoureux qui doit en être fait, c’est une nouvelle fois la question de l’équité démocratique qui doit nous guider.

Aujourd’hui, la subvention accordée à chaque parti dépend du résultat qu’il a obtenu lors du premier tour des élections législatives et du nombre de parlementaires se réclamant de lui.

Bref, le résultat des seules législatives est ainsi déterminant pour la définition de plus des trois quarts des sommes allouées aux formations politiques durant cinq ans.

Or, que constate-t-on avec l’adoption du quinquennat et du calendrier électoral, qui situe la tenue des législatives dans la foulée immédiate de la présidentielle ?

Premièrement, que les élections législatives ont été profondément dévaluées dans la hiérarchie des scrutins nationaux, avec une augmentation d’au moins dix points du taux d’abstention à ces élections au cours des dernières années !

Deuxièmement, que la représentation du poids réel de chacune de nos familles politiques est non seulement distordue par le mode de scrutin majoritaire qui est le nôtre, mais que cette distorsion est encore accrue par le phénomène d’abstention différentielle engendrée par l’ordonnancement actuel du calendrier électoral. Cette situation rend la représentation des familles politiques à travers le premier tour des législatives très discutable.

Monsieur le secrétaire d’État, il existe heureusement de nombreuses solutions pour rétablir un semblant d’équité dans le financement public des partis et mieux tenir compte de leur poids réel dans la société !

L’adoption de la proportionnelle pour les élections législatives résoudrait une bonne partie du problème…

L’autre possibilité, qui n’est d’ailleurs pas exclusive de la première, consisterait à intégrer au sein de la fraction du financement des partis qui repose aujourd’hui sur le nombre de voix obtenues lors du premier tour des législatives les résultats obtenus par les formations politiques lors des élections départementales, régionales et européennes.

Et puisqu’il est toujours de bon ton, par les temps qui courent, de nous comparer avec l’Allemagne, je signale que c’est un système de ce type qui est en place outre-Rhin pour déterminer le financement de chacun des partis politiques !

L’un des grands avantages de ce système est d’être dynamique, en cherchant à tenir compte du poids respectif des familles politiques dans la société, mais aussi de son évolution tout au long du quinquennat.

Alors évidemment, ces questions sont complexes et ne peuvent pas être réglées dans le cadre du seul projet de loi de finances, mais nous devons nous en préoccuper de manière urgente si nous voulons mieux faire vivre la diversité et la vivacité de notre débat public. (M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis, et M. Michel Canevet applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette mission, comme les autres, s’inscrit dans un budget frappé par l’austérité.

Si l’on peut parler de petite mission au regard de l’ensemble du budget et du temps de débat consacré à celle-ci, elle est importante, notamment au vu de la cohérence territoriale.

Je m’attacherai principalement à évoquer le programme « Administration territoriale » : une fois encore, des suppressions d’emplois sont proposées, ce qui inscrit ce programme dans la continuité, et non dans le changement. Entre 2009 et 2014, ce sont 3 112 emplois qui ont été supprimés. Un regret : on ne fait pas toujours mieux avec toujours moins – nous pouvons le constater au quotidien dans nos départements !

Nous nous inquiétons de la baisse significative des crédits alloués au réseau préfectoral. Or, comme le rappelle Pierre-Yves Collombat dans son rapport, « la préfectorale au sens large, ce ne sont pas de simples emplois fonctionnels. Les préfets ne sont pas de simple DGS de l’État, ils et elles affirment la présence de la République une et indivisible sur tout le territoire ».

Outre leur travail et celui de leurs services, leur présence sur le territoire, les préfets organisent un maillage du territoire à travers les sous-préfectures, dont nous savons que certaines sont menacées.

Notre collègue Alain Bertrand, dans son rapport sur l’hyper-ruralité remis à Mme Pinel, montre comment la réduction de la présence de l’État par des politiques successives met en péril les territoires les plus éloignés des grandes villes et des métropoles. Cette présence est rassurante, elle assure la cohésion de notre République et permet aussi de combattre le sentiment d’insécurité, d’isolement et d’abandon. La République marque ainsi son intérêt à toutes et à tous, quelle que soit son origine sociale ou territoriale.

Nous connaissons aussi les difficultés rencontrées par de nombreux élus depuis la réduction drastique des personnels, notamment au sein de la fameuse direction départementale de l’équipement, la DDE, devenue maintenant la direction départementale des territoires, la DDT, qui venait en appui sur de nombreux projets. Comment ne pas évoquer également ici la disparition de nombreuses trésoreries dans l’ensemble de nos territoires, qui remplissaient une mission de conseil auprès des élus locaux. L’hémorragie créée par la droite avec la RGPP n’est malheureusement ni stoppée ni enrayée.

Avant de conclure, je dirai quelques mots sur le programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Nous nous félicitons également de la suppression de la proposition de l’envoi dématérialisé du matériel électoral et souhaitons que cette suppression soit confirmée. Sacrifier la démocratie sur l’autel des économies est un choix politique très grave. Nous ne le partageons pas car, in fine, dématérialiser, c’est le plus souvent transférer le coût sur les particuliers, en faisant fi, là encore, de la solidarité et sans régler le problème de l’accès à internet et de sa maîtrise par toutes et tous. Il faut en effet que chacun puisse effectuer individuellement son choix avant de voter.

Je dirai, enfin, un mot sur le financement des partis politiques : cette année 2014 nous montre l’urgence de renforcer le contrôle et la transparence de ce financement. Indépendamment de la question des montants, se pose aussi la question des règles que les partis se fixent, et que nous devons nous fixer ensemble pour éviter tout abus et ne pas aggraver un peu plus encore la crise de la politique à travers le financement des partis.

En conclusion, au regard de l’hémorragie dans l’administration territoriale, qui est loin d’être stoppée, mais qui au contraire se poursuit, notre groupe ne votera pas cette mission.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.

M. Jean-Léonce Dupont. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons une mission déterminante pour l’exercice de la démocratie, puisqu’elle porte sur les crédits nécessaires au fonctionnement des préfectures, au pilotage du ministère de l’intérieur et à l’exercice de la citoyenneté.

Cette année, les moyens consacrés à l’ensemble de ces trois programmes diminuent considérablement. Ainsi, en matière d’effectifs des services déconcentrés, c'est-à-dire des préfectures et sous-préfectures, 180 emplois sont supprimés dans les départements. Ce que je regrette, c’est que cette baisse des effectifs soit menée sans réorganisation des services et sans réflexion sur leurs missions.

La diminution des effectifs devrait également tenir compte de la réforme territoriale en cours. À cet égard, nous nous interrogeons sur le devenir incertain des préfectures. Depuis plusieurs années, les préfectures n’ont cessé, tant au niveau régional qu’au niveau départemental, de s’adapter à une multitude de réformes ayant affecté leurs moyens, leurs attributions et leurs modalités de gestion. Si des économies sont souhaitables, doivent-elles se faire au détriment de la représentation de l’État dans nos collectivités à travers le réseau préfectoral ? Surtout, comment, sous quelles conditions, avec quels objectifs – ceux-ci doivent être clairement énoncés – ces économies seront-elles réalisées ?

Les effets de la réforme territoriale sur les préfectures ne sont toujours pas connus. Hormis la carte des régions, les contours de la réforme restent incertains, pour ne pas dire flous. La difficulté qu’éprouve le Gouvernement à stabiliser son projet fait que nous traversons là encore une véritable crise. Aucun des deux projets de loi déposés par le Gouvernement ne comporte d’éléments sur les conséquences pour l’administration déconcentrée de l’État.

Par ailleurs, la question de l’avenir des sous-préfectures revient chaque année. Depuis le début de la législature, des mesures sur l’adaptation du réseau sont régulièrement annoncées par le Gouvernement, avec pour seule perspective la suppression de certaines sous-préfectures. Nous devons faire en sorte d’assurer une présence effective de l’État à l’échelon départemental, afin d’offrir aux citoyens les services de proximité qu’ils sont en droit d’attendre des pouvoirs publics.

En matière d’administration générale et territoriale, il importe, pour les années à venir, d’entreprendre une véritable réorganisation de l’État et une requalification de sa présence dans les territoires, dans un esprit de concertation avec les acteurs locaux. Nous ne pourrons nous exonérer d’une redéfinition des missions de l’administration territoriale si nous voulons, à l’avenir, sauvegarder nos services publics.

Je souhaiterais aborder deux autres points. Le premier a déjà largement été évoqué : la dématérialisation de la propagande électorale. Que puis-je ajouter à ce qui a été dit avec beaucoup de clarté ? Je rappelle que 20 % des foyers n’ont pas encore d’accès à internet pour des raisons techniques, et que la culture du numérique n’est pas encore suffisamment répandue chez certains de nos concitoyens ; naturellement, je pense en particulier aux personnes âgées. C’est pourquoi je me réjouis que le Gouvernement soit revenu à la raison en supprimant l’article qui permettait la dématérialisation du vote.

Le second point est la carte nationale d’identité électronique. Vous indiquez, dans le bleu budgétaire, que votre objectif prioritaire est la sécurité et la garantie de l’ordre public, notamment par l’introduction de la biométrie dans les titres de séjour des étrangers et le renouvellement des permis de conduire dans un format sécurisé. Cependant, comme en 2013, aucun financement n’est prévu pour la carte nationale d’identité électronique dans le projet de loi de finances. Cette nouvelle carte d’identité répondrait pourtant à des cas intolérables d’usurpation d’identité de certains de nos concitoyens. Le Gouvernement va-t-il définitivement abandonner cette carte nationale d’identité électronique ?

En réalité, le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer aujourd’hui va bien au-delà d’une simple question budgétaire. Il ne s’agit de rien de moins que de se prononcer pour savoir si nous souhaitons donner à l’État les moyens de continuer à jouer son rôle, notamment en zone rurale, si nous souhaitons garantir un exercice réel de la démocratie, si nous souhaitons mettre en adéquation les propos et les actes, même quand il s’agit de sujets arides comme la réforme territoriale. On ne peut se contenter de simples effets d’annonce sans en peser les conséquences.

En dépit de ces réserves, le groupe UDI-UC votera les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – MM. André Gattolin et Bernard Lalande applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, le cadrage budgétaire du projet de loi de finances pour 2015 est contraint.

Afin de poursuivre l’effort de rétablissement des comptes publics engagé dès 2012, le Gouvernement prévoit une diminution en valeur des dépenses et une stabilisation globale des effectifs de l’État en 2015. Le ministère de l’intérieur en prend sa part, tout en veillant à ce que les moyens de son action et de sa réforme soient préservés.

Il convient de prendre toute la mesure des arbitrages rendus pour le ministère de l’intérieur, en particulier concernant la mission « Administration générale et territoriale de l’État » que nous examinons ce matin. Pour mémoire, je rappelle que, entre 2002 et 2011, la dépense publique a crû à un rythme annuel moyen de 2 % ; entre 2007 et 2011, elle a augmenté de 1,7 % par an en moyenne. En 2014, nous avions limité cette croissance à 0,9 % en volume. En 2015, la croissance de la dépense publique se limitera à 0,2 % en volume, ce qui représente un effort historique.

C’est dans ce contexte que le ministère de l’intérieur bénéficie d’un budget en légère hausse : ses crédits augmentent de 43 millions d'euros avant transferts par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Ce n’est pas le signe d’une volonté de nous exonérer de l’effort demandé à tous. C’est en revanche le signe fort que notre ministère reste au cœur des priorités du Gouvernement.

Ce ministère repose d’abord et avant tout sur les femmes et les hommes qui l’incarnent. C’est parce que ce ministère est d’abord riche de ses personnels que je commencerai par évoquer la question des effectifs. En 2015, malgré le contexte budgétaire contraint que j’ai rappelé, l’effort demandé en termes de réduction d’effectifs est stabilisé ou atténué. Cet effort n’a rien à voir avec la révision générale des politiques publiques, la RGPP, madame Cukierman ; comparaison n’est pas raison.

Mme Cécile Cukierman. Vous n’enrayez pas la RGPP !

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Pour aucune des missions du ministère de l’intérieur, l’effort n’est accentué en 2015. Alors que, l’an dernier, le ministère a rendu 289 effectifs, il bénéficie en 2015 de 116 créations nettes.

Je tiens en particulier à souligner que l’administration territoriale, qui, depuis plusieurs années, subissait de fortes réductions d’effectifs, voit sa contribution à la stabilisation des effectifs de l’État passer d’une baisse de 550 postes en 2014 à une baisse de 180 postes – soit le tiers – en 2015. Cette atténuation était indispensable, car son absence aurait rendu incompréhensible et inacceptable la réforme de l’administration territoriale de l’État.

À cet égard, je souhaiterais prendre le temps de préciser certains points concernant l’administration territoriale dans le cadre de la réforme en cours, ce qui me permettra de répondre à certaines interventions. En premier lieu, la réforme sera menée dans un dialogue approfondi avec l’ensemble des organisations représentatives. L’objectif est de dégager des marges pour améliorer la situation des agents, ce qui profitera in fine à nos concitoyens, qui sont en droit d’attendre un service public de qualité. C’est dans cet esprit qu’a été établie la feuille de route de la réforme de l’administration territoriale de l’État.

La revue des missions vient d’être lancée dans une douzaine de régions, avec des ateliers de concertation locale, qui doivent aboutir d’ici à début janvier. Elle a notamment pour objectif de lier l’évolution des effectifs à l’évolution des missions : il s’agit d’adapter les modalités de notre action aux besoins des usagers plutôt que de chercher à diminuer homothétiquement nos moyens.

Sur la base de cette concertation, le processus de décision sera lancé au premier trimestre 2015. La concertation sera large, avec les différents ministères, sur le territoire, avec les élus et avec les organisations syndicales. Le ministre de l’intérieur et le secrétaire d’État chargé de la réforme de l'État et de la simplification s’en sont entretenus mardi dernier avec les présidents des associations d’élus. Le Parlement sera évidemment informé de manière privilégiée.

Concernant les schémas d’évolution des services régionaux, aucune décision n’est arrêtée à ce stade. Le Premier ministre a confié le soin à une mission inter-inspections de proposer, d’ici au début de l’année 2015, des schémas d’organisation possibles. Aucune décision ne sera prise sans concertation ni avant l’achèvement de l’examen des missions prioritaires de l’État.

La démarche choisie constitue donc une rupture nette avec la RGPP, madame Cukierman. Nous procéderons dans l’ordre, dans la concertation et de façon transparente, avec une priorité donnée à l’évolution des missions, avant d’en tirer les conséquences, le cas échéant, sur l’organisation des services de l’État.

S’agissant du réseau des sous-préfectures, le choix du Gouvernement consiste à maintenir une présence efficace, de proximité, afin de lutter contre le sentiment, légitime dans certains territoires, de relégation. Cette présence doit être adaptée aux enjeux actuels, dans la concertation avec les élus et les agents.

C’est ce que nous avons fait dans le cadre de l’expérimentation en Alsace-Moselle. Le succès de cette concertation approfondie démontre, s’il en était besoin, qu’une telle réforme ne peut être menée que de manière progressive, et qu’elle doit être ancrée le plus possible dans la réalité du territoire. Aucune carte d’évolution des arrondissements ne peut être élaborée et imposée depuis Paris. Nous souhaitons donc que la méthode expérimentée en Alsace-Moselle soit progressivement étendue, à compter du printemps prochain, à l’ensemble du territoire.

Par ailleurs, un financement exceptionnel de 1,3 million d'euros en 2014 et de 2 millions d'euros en 2015 a été obtenu pour financer la mise en place de maisons de l’État. Ces maisons sont l’une des formes possibles, parmi d’autres, de l’évolution du réseau des sous-préfectures, selon les configurations et les concertations menées au plan local. Il ne s’agit pas de stigmatiser les maisons de l’État, mais de voir si elles répondent aux besoins exprimés au niveau local.

Au-delà de la question des effectifs prise de façon globale, le Gouvernement respectera la parole donnée par l’État, fut-ce par la majorité précédente. En 2015, les mesures catégorielles de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » s’élèveront bien à 7,5 millions d'euros. Les agents bénéficieront ainsi des mesures transversales décidées au niveau interministériel, comme celles qui concernent les attachés du corps interministériel à gestion ministérielle, avec le même rythme de promotion qu’en 2014.

Au surplus, à compter de 2015, le nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel sera mis en œuvre pour six corps du ministère. Bernard Cazeneuve a en outre demandé que ce dispositif profite dès 2015 aux corps des inspecteurs et délégués du permis de conduire, afin de marquer la pleine intégration de ces agents au sein du ministère de l’intérieur.

Au-delà des créations d’effectifs et des mesures concernant la rémunération des agents, le Gouvernement a également souhaité renforcer les moyens opérationnels, de fonctionnement et d’investissement du ministère. Ces postes de notre budget ont trop longtemps été négligés par la majorité précédente. Nous devons agir avec résolution pour fixer de nouvelles priorités en la matière.

Les moyens de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » seront stabilisés, dans un contexte dont j’ai rappelé le caractère contraint. Comme pour les effectifs, l’objectif est de parvenir à une réforme qui permette, grâce au recentrage engagé par les préfectures et sous-préfectures sur les missions qui sont au cœur de leurs métiers et grâce à la rationalisation immobilière, de dégager les marges indispensables au financement des besoins de fonctionnement et d’investissement dont l’État a nécessairement besoin au plan local.

Concernant la disposition relative à la dématérialisation de la propagande électorale, dont l’Assemblée nationale a souhaité la suppression, j’ai entendu les points de vue exprimés par les différents groupes du Sénat. Ils correspondent à ce qui a été décidé par l’Assemblée nationale.

Je souhaite cependant rappeler quelle était la logique de la mesure, tout en étant conscient et respectueux des préventions des élus de la Nation ; Alain Anziani s’est exprimé clairement à ce sujet. Je tiens tout d'abord à souligner que la quasi-intégralité de nos voisins européens n’ont plus recours à l’envoi au domicile de la propagande électorale. J’ajoute que la dématérialisation n’exclut pas que l’on préserve, pour ceux qui le souhaitent, l’accès à une propagande matérielle dans toutes les mairies, sous-préfectures et préfectures. Enfin, une information extrêmement large et anticipée aurait accompagné la dématérialisation.

Sur ce sujet, que je sais sensible, le Gouvernement sera, bien entendu, à l’écoute de vos préoccupations. Néanmoins, nous souhaitons qu’une réflexion s’installe, car, nous serons de toute façon naturellement conduits, un jour ou l’autre, à envisager une dématérialisation de ces documents de campagnes électorales.

En tout cas, c’est en faisant preuve de responsabilité et en montrant que nous savons nous réformer que nous obtiendrons les moyens de notre action. Ce budget reflète notre volonté de concilier la responsabilité budgétaire et la garantie que les agents du ministère de l’intérieur, ministère de l’État, seront à même d’exercer leurs missions dans un cadre profondément renouvelé par les réformes en cours, en s’appuyant sur l’ensemble des leviers, notamment technologiques, à notre disposition. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)