M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Magras, Milon, Bignon, Pierre, Bizet, del Picchia et D. Robert, Mme Deromedi et MM. Laufoaulu, Fontaine, Grand, Mandelli, Karoutchi et Nougein, et ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 3° du I de l’article L.O. 6214–3 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « immatriculation des navires ; », sont insérés les mots : « carte et titre de navigation des navires de plaisance à usage personnel non soumis à francisation ; ».

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre. Même à sept mètres, je m’en tiens à la même position. Nous retravaillerons sur le sujet ultérieurement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi organique, après l’article 4.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Magras, Milon, Bignon, Karoutchi, Bizet, del Picchia et D. Robert, Mme Deromedi et MM. Laufoaulu, Fontaine, Grand, Nougein, Mandelli et Pierre, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L.O. 6214–5 est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 6214–5. – Dans les conditions prévues à l’article L.O. 6251–3, la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qui relèvent de l’État en matière de :

« 1° Droit pénal en vue de la répression des infractions aux règles qu’elle fixe dans les matières mentionnées à l’article L.O. 6214–3 ;

« 2° Police et de sécurité maritime ;

« 3° Recherche et constatation des infractions aux règles qu’elle fixe dans les matières mentionnées à l’article L.O. 6214–3 ;

« 4° Entrée et séjour des étrangers, à l’exception du droit d’asile, de l’éloignement, des étrangers et de la circulation des citoyens de l’Union européenne. » ;

2° Le premier alinéa du I de l’article L.O. 6251–3 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le conseil territorial est habilité, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques, à adopter des actes dans le domaine :

« 1° Du droit pénal. Ces actes doivent respecter la classification des contraventions et délits. Les peines qu’ils instituent ne peuvent excéder le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements en vigueur ;

« 2° De la recherche et de la constatation des infractions aux règles que la collectivité fixe dans les matières mentionnées à l’article L.O. 6214–3. Les règles prévues pour les fonctionnaires et agents de la collectivité et des établissements publics sont fixées dans les mêmes limites et conditions que celles prévues par la loi pour les agents de l’État n’ayant pas la qualité d’officier ou d’agent de police judiciaire ;

« 3° De l’entrée et du séjour des étrangers, à l'exception de l'exercice du droit d'asile, de l'éloignement des étrangers et de la circulation des citoyens de l'Union européenne. »

La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Cet amendement vise à reprendre les b et c de l’article 2 en prévoyant une réécriture des articles L.O. 6214–5 et L.O. 6251–3 du code général des collectivités territoriales.

La première partie de l’amendement fixe la liste des domaines dans lesquels la collectivité est habilitée par la loi à participer à l’exercice des compétences de l’État, qui sont étendus à la recherche et à la constatation des infractions ainsi qu’à l’entrée et au séjour des étrangers.

La seconde partie, quant à elle, fixe les conditions et les limites dans lesquelles la collectivité participe à l’exercice de ces compétences.

S’agissant de la recherche et de la constatation des infractions, cette nouvelle rédaction comble donc les insuffisances du dispositif initialement examiné par la commission des lois. Ce dernier prévoyait en effet la possibilité, pour les actes, de contenir des dispositions relatives à la recherche et à la constatation des infractions en omettant d’habiliter la collectivité à les fixer.

La participation à ce domaine de compétence est une forme sinon de continuité, du moins de cohérence avec la possibilité de fixer elle-même des sanctions pénales. Elle vise aussi à garantir l’effectivité des règles fixées par la collectivité.

Pour ce qui est de l’entrée et du séjour des étrangers, la procédure est de même respectée.

Sur le fond, l’opportunité de l’extension se justifie par le caractère touristique de l’île, qui peut motiver des mesures destinées à favoriser l’entrée de ressortissants de pays constituant une importante clientèle pour les professionnels du tourisme de l’île.

Elle est aussi justifiée par la compétence de la collectivité en matière d’accès au travail des étrangers, qui pourrait proposer à l’État des dispositions de coordination afin de rendre effective la compétence en matière d’accès au travail des étrangers et mieux prévenir son contournement.

Chacun sait l’enjeu que constitue l’immigration sur une île, pour des raisons non seulement de sécurité mais aussi de garantie de la cohésion sociale.

Certes, la collectivité est consultée, comme le relève à juste titre M. le rapporteur, sur la réglementation du contrôle de l’entrée et du séjour des étrangers et la délivrance des titres. Toutefois, M. le rapporteur n’ignore pas que la portée d’un avis sur un projet de loi n’est pas la même que celle d’une participation aux compétences de l’État, je l’ai dit voilà quelques instants.

Pour être concret, dans l’avis rendu sur le projet de loi relatif au droit des étrangers, le conseil exécutif a souhaité que les titres de séjour délivrés par la préfecture déléguée soient territorialisés, d’une part, Saint-Martin et, d’autre part, Saint-Barthélemy.

Cet avis n’a pas été pris en compte et n’a pas davantage été suivi d’un dialogue avec l’État afin qu’il prenne en compte cette demande d’adaptation sous une autre forme.

Enfin, l’adoption de cet amendement conduirait à opérer à Saint-Barthélemy la même répartition des compétences qu’en Polynésie française en ce qui concerne l’entrée et le séjour et l’accès au travail des étrangers. Cet amendement s’inspire en effet de l’article 31 de la loi organique portant statut de la Polynésie française.

Par ailleurs, la seconde partie de l’amendement vise à soumettre l’entrée en vigueur des actes pris dans le cadre de la participation aux compétences de l’État à la procédure de contrôle par décret – tendant soit à l’approbation totale ou partielle, soit au refus d’approbation –, puis de ratification par la loi. Telle est la garantie que nous souhaitons apporter.

Dans tous les cas, l’État n’est en aucun cas dessaisi de sa compétence.

M. le président. L'amendement n° 6 rectifié ter, présenté par MM. Magras, Milon, Bignon, Bizet, del Picchia et D. Robert, Mme Deromedi et MM. Laufoaulu, Fontaine, Grand, Nougein et Pierre, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L.O. 6214–5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues au premier alinéa, la collectivité peut participer à l’exercice des compétences qui relèvent de l’État en matière de protection sociale, allocations familiales, retraites et assurance chômage, y compris en matière de cotisations sociales et autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale. » ;

2° L’article L.O. 6251–3 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. – Dans les conditions prévues au I, le conseil territorial est habilité à adopter des actes en matière de protection sociale, allocations familiales, retraites et assurance chômage, y compris en matière de cotisations sociales et autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale. Ces actes ne peuvent avoir pour effet de réduire les garanties accordées dans ces domaines sur le territoire national. »

La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Cet amendement prévoit une réécriture de l’article 5 initial de la proposition de loi, supprimé par la commission.

Son objet est bien de permettre la création d’une caisse de prévoyance sociale locale, mais en l’inscrivant dans le cadre de la participation de la collectivité à l’exercice des compétences de l’État.

En effet, je le précise, la collectivité ne souhaite pas exercer la compétence intégralement, mais simplement disposer, comme les autres collectivités d’outre-mer, d’une organisation de son régime de protection sociale adaptée, comme l’autorise l’article 74 de la Constitution.

Bien que la commission des lois ne se soit pas prononcée sur le fond, il n’en demeure pas moins que cette disposition soulève une question de principe.

La volonté de créer une caisse procède d’abord de la nécessité de rapprocher un service public fondamental en faisant prévaloir la logique de rapprochement sur l’approche comptable de la mutualisation.

À Saint-Barthélemy, si un assuré souhaite rencontrer le représentant de la caisse de sécurité sociale, il lui faut attendre que celui-ci se déplace pour effectuer sa permanence hebdomadaire, qui, au moment où je vous parle, n’a pas été assurée depuis six mois. La seule présence physique est aujourd’hui assurée par un agent mis à disposition par la collectivité, qui ne peut que collecter des documents sans pouvoir accéder aux réseaux afin de les traiter.

Saint-Barthélemy est donc confrontée aux mêmes problématiques d’éloignement du service public que les zones rurales métropolitaines, à cela près que le service public de la protection sociale et des allocations familiales est géré par une administration située à 250 kilomètres par la mer.

Les auteurs de cet amendement entendent donc apporter une réponse à la question concrète de l’accès au service public.

Par ailleurs, la gestion distante explique sans doute également le taux de reste à recouvrer soulevé par l’Observatoire régional de la santé de Guadeloupe, l’ORSAG, qui souligne dans son rapport un taux de reste à recouvrer qui atteint 27 % au titre de l’exercice 2011. Selon lui, ce taux s’explique par le fait que de nombreuses entreprises quittent l’île sans signaler leur départ à la Caisse générale de sécurité sociale de Guadeloupe, qui continue d’appeler les cotisations. C’est, là encore, un point qui pourrait être amélioré avec une gestion de proximité. La collectivité dispose en effet de la possibilité de contrôler, par le biais de la contribution forfaitaire annuelle des entreprises. L’intérêt fiscal consiste, pour nous, à connaître les entreprises déclarées sur le territoire. Or certaines d’entre elles, notamment celles qui sont soumises au registre du commerce et des sociétés, le RCS, nous sont encore inconnues.

En outre, du point de vue juridique cette fois, la collectivité souhaite se placer sous la tutelle de l’État en n’exerçant pas elle-même la compétence. Ce serait donc une participation laissant à l’État et au Parlement la possibilité de s’opposer à des orientations de la collectivité qui leur sembleraient inopportunes ou contraires au droit.

Au titre des conditions de cette participation, le dispositif prévoit à cet égard que la collectivité ne pourrait proposer une modification ou adaptation des règles en ce domaine qui conduiraient à des garanties moindres que celles qui sont accordées sur le territoire national.

La participation se justifie d’autant plus que c’est la collectivité, et non plus l’État, qui garantirait les éventuels déficits de la caisse – en cas de déficit, c’est donc la collectivité qui paierait. Si l’architecture d’ores et déjà définie s’inspire de celle de Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est un point sur lequel elle s’en écarte.

Quant à la participation en matière de fiscalité sociale, il faut y voir le moyen d’aboutir à un niveau de charges équivalant à l’application du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, à Saint-Barthélemy. Les cotisations y sont alignées sur le droit national, mais, alors que le CICE engendrera une baisse de charges de 9 % à 12 % partout ailleurs dans les DOM, il n’est pas prévu à ce jour de mécanisme d’abaissement des charges pour les collectivités d’outre-mer – le CICE vise donc à remplacer une baisse des charges outre-mer, mais il emporte les mêmes effets.

Or les entreprises de Saint-Barthélemy sont soumises au double défi de la concurrence des îles dont les coûts de main-d’œuvre plus faibles qu’à Saint-Barthélemy sont de surcroît atténués par leur appartenance à la zone dollar.

Ce projet répond donc à un impératif social et économique et apporte, je le crois, toutes les garanties de préservation du niveau de protection sociale de la population de Saint-Barthélemy. Nous garantissons à la population tous les droits tels qu’ils existent au niveau national.

(Mme Françoise Cartron remplace M. Thierry Foucaud au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. L’amendement n° 4 rectifié vise à rétablir, sous une autre forme, une partie de l’article 2, qui a été supprimé par la commission des lois pour deux raisons.

Tout d’abord, le Gouvernement a été habilité par l’article 3 de la loi du 15 novembre 2013 à adapter et étendre à Saint-Barthélemy les règles concernant la recherche et la constatation des infractions pénales par les agents locaux. Cette habilitation court jusqu’au 15 mai 2015. À cet égard, la commission souhaiterait que le Gouvernement indique à notre assemblée l’état d’avancement de la rédaction de cette ordonnance.

Ensuite, la commission a estimé, même si elle a conscience des particularités de l’île, que la mesure proposée au sujet de l’entrée et du séjour des étrangers extérieurs à l’Union européenne ne favoriserait pas la clarté de la répartition des compétences. Une solution administrative, émanant des services de l’État, serait plus pertinente.

Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 6 rectifié ter tend à permettre à la collectivité de Saint-Barthélemy de participer à la compétence de l’État en matière de protection sociale, sans que cette compétence lui soit pour autant transférée. Le but est de préparer la mise en œuvre d’un régime de sécurité sociale jugé plus adapté à la situation économique de l’île.

Les dispositions de cet amendement diffèrent de celles de l’article 5, supprimé par la commission, et soulèvent plusieurs questions quant au fonctionnement d’un régime spécial de sécurité sociale. Sans doute le Gouvernement pourra-t-il détailler ces enjeux financiers et sociaux.

À cet égard, il est possible de comparer la situation de Saint-Barthélemy avec celle des autres collectivités d’outre-mer ou de la Nouvelle-Calédonie. Je précise toutefois que certaines de ces collectivités disposent d’un régime de sécurité sociale propre, dans la mesure où elles exercent la compétence en matière de sécurité sociale. Or, je le répète, ce n’est pas le cas de Saint-Barthélemy. D’ailleurs, cet amendement ne tend pas à revenir sur cette situation.

Mme Assassi l’a souligné il y a quelques instants, ces diverses propositions, appuyées sur le bon sens, font écho à des situations concrètes, à des problèmes vécus. C’est donc au terme de débats au cours desquels les aspects pratiques que vous avez mentionnés, monsieur Magras, ont été pris en compte que la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre. Monsieur Magras, vous vous efforcez de trouver un moyen terme pour pallier les inconvénients liés à l’éloignement, tout en sachant que la collectivité de Saint-Barthélemy ne veut pas assumer seule cette compétence. La solution que vous proposez reste donc un peu boiteuse. Mieux vaut continuer à travailler sur cette question.

Une chose est sûre : toutes les remarques que vous formulez au sujet des dysfonctionnements résultant de l’éloignement doivent être transmises dans les plus brefs délais à Mme Touraine et à la préfecture. Cette situation ne peut pas durer !

Les dispositions que vous proposez s’inspirent des systèmes en vigueur en Polynésie ou dans d’autres territoires ultramarins, alors même que, dans ces cas, la compétence a généralement été transférée. Je comprends l’idée qui sous-tend vos propositions, mais ces dernières ne me semblent pas encore mûres.

Pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur, j’indique à la Haute Assemblée que l’ordonnance est en cours de rédaction.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Delebarre, pour explication de vote.

M. Michel Delebarre. J’ai cru comprendre que, à travers ces amendements, M. Magras souhaitait avant tout ouvrir le débat et favoriser, à l’avenir, la recherche d’une solution.

À cet égard, je suis du même avis que M. le rapporteur : M. Magras a reçu les garanties qu’il souhaitait quant à la forme des travaux à venir et à la manière dont ils se dérouleront. Sur le fond, il est difficile de lui donner satisfaction avant que les conséquences et les modalités de mise en œuvre des dispositions qu’il propose ne soient examinées en détail.

Voilà pourquoi, compte tenu des déclarations de M. le rapporteur et de Mme la ministre, un retrait de ces amendements me semblerait préférable…

Mme Éliane Assassi. Mais qui est le rapporteur ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Claireaux, pour explication de vote.

Mme Karine Claireaux. Mes chers collègues, je comprends les différents arguments invoqués. Toutefois, je soutiens Michel Magras, dans la mesure où il soulève une problématique essentielle. Tout ce qui a trait au social se révèle bien souvent ingérable outre-mer.

En la matière, un rattachement administratif à une autre collectivité ne me semble pas supportable. Cette méthode est à tout le moins insatisfaisante : une gestion administrative à distance est déplorable, toutes les petites collectivités qui dépendent d’une collectivité voisine vous le diront.

Je le souligne, à l’instar de M. le rapporteur et de Mme la ministre, il faut très vite trouver une solution pour avancer sur ce dossier. Tout ce qui concerne les habitants de Saint-Barthélemy doit être traité à Saint-Barthélemy !

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.

M. Jérôme Bignon. Je suis entièrement d’accord avec l’argumentation développée par Mme Claireaux et, à mon tour, je souhaite soutenir M. Magras.

Si un service doit être proche des gens, c’est bien la sécurité sociale ! Nous, sénateurs, n’avons que cinquante mètres à parcourir en sortant de cet hémicycle pour trouver notre organisme de sécurité sociale. Nous ne pouvons pas nous plaindre d’un manque de proximité... Lorsqu’il faut faire 250 kilomètres et que, de surcroît, cette distance est formée par la mer, la situation est tout autre !

Qu’ils résident à Saint-Barthélemy ou dans la Somme, nos compatriotes ne cessent d’exiger plus de proximité. Relisons attentivement les travaux préparatoires à la loi constitutionnelle de 2003 et ceux qu’a suscités sa mise en œuvre en 2007, pour les collectivités ultramarines, au rang desquelles Saint-Barthélemy : il s’agissait précisément de donner à ces collectivités la capacité de gérer elles-mêmes l’essentiel des questions touchant à leur vie quotidienne. Il va de soi que ces mesures ne remettent pas en cause les compétences régaliennes de l’État.

Madame la ministre, j’entends bien vos propos et je ne mets nullement en doute votre bonne foi, mais on a déjà du mal à assurer des services de proximité en métropole, qu’il s’agisse du permis de conduire ou des certificats d’urbanisme – autant de démarches qui font la vie quotidienne de nos concitoyens ! Dans mon département, certains maires doivent faire jusqu’à soixante-dix kilomètres pour rencontrer les fonctionnaires de la DDTM, la direction départementale des territoires et de la mer, afin d’obtenir un permis de construire. Comment les administrés peuvent-ils croire au principe de proximité ?

Je vous connais de longue date, je peux témoigner de votre bonne volonté et je sais que vous êtes animée du désir de bien faire. Néanmoins, vous le savez bien, les problèmes de sécurité sociale qui ont conduit M. Magras à déposer son amendement ne seront pas résolus facilement. Le contexte actuel est connu de tous. Il n’y a pas de raison qu’on le juge bon dans un certain nombre de domaines et mauvais dans d’autres. Ces problèmes très concrets ne peuvent être résolus en un instant.

M. le président du Sénat l’a souligné clairement, et ce constat a été rappelé sur toutes les travées de cet hémicycle, le dialogue entre l’Assemblée nationale et le Sénat est destiné à faire avancer les choses. C’est un mode d’élaboration de solutions intelligentes. Si, au cours de la navette parlementaire, une solution est mise au point sur ce sujet, l’Assemblée nationale aura toujours le temps de supprimer ces dispositions.

Enfin, vous nous dites que l’ordonnance est en cours de rédaction. Or la période d’habilitation est sur le point de s’achever – sauf erreur de ma part, son terme est fixé au mois de mai prochain. Sur quelles dispositions portent les travaux en cours et à quel stade la rédaction en est-elle ? Est-on en train de réécrire l’article 1er, l’article 2 ? Où en sont les réunions interministérielles sur ce sujet ? Il nous faut des détails ! Ne risque-t-on pas de perdre le bénéfice de cette ordonnance ?

Je le répète, je ne mets nullement en cause votre bonne foi. Je sais simplement qu’il peut y avoir un grand écart entre ce que l’on veut et ce que l’on fait. Voilà pourquoi je suis tenté de suggérer au Sénat d’exercer une amicale pression sur le Gouvernement en adoptant les amendements de M. Magras. Si ladite ordonnance est achevée avant la fin de la navette, cette disposition deviendra sans objet, voilà tout !

Ce débat peut sembler superflu. Toutefois, compte tenu du flou dans lequel nous nous trouvons, il me semble préférable de procéder ainsi. Nous ne rédigerons pas de sitôt une nouvelle loi organique portant sur le statut de Saint-Barthélemy : profitons-en !

Mme la présidente. Monsieur Magras, les amendements nos 4 rectifié et 6 rectifié ter sont-ils maintenus ?

M. Michel Magras. Madame la ministre, chers collègues, vous me placez dans une situation extrêmement délicate…

M. Michel Delebarre. Vous vous y êtes mis vous-même, cher collègue !

M. Michel Magras. En effet, je ne comprends pas très bien pourquoi ces deux amendements ont été appelés en discussion commune. L’amendement n° 4 rectifié tend à rétablir des dispositions qui figuraient à l’origine à l’article 2. Quant à l’amendement n° 6 rectifié ter, il tend à rétablir des dispositions qui figuraient à l’origine à l’article 5.

Mme Éliane Assassi. Nous l’avons bien compris !

M. Michel Magras. M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Delebarre et Mme Assassi m’ont opposé que les dispositions que je propose via l’amendement n° 6 rectifié ter n’étaient pas de nature organique. C’est là un argument de poids. Je peux concevoir qu’il vaille mieux renvoyer ces dispositions à un futur projet de loi simple. Toutefois, il est clair que nous allons devoir trouver une solution, pour que les habitants de Saint-Barthélemy bénéficient des mêmes droits que tous leurs concitoyens, conformément à la loi et à la Constitution. À nos yeux, tel n’est pas encore le cas. Nous ne sommes pas traités comme les autres, que ce soit en tant que citoyens français ou en tant que collectivité autonome.

À l’inverse, avec l’amendement n° 4 rectifié, dont j’ai supprimé la première partie pour que l’État ne soit pas dessaisi de ses compétences, je suggère simplement de laisser le Parlement délibérer lorsque l’État ne s’est pas prononcé dans un délai suffisant.

Il est question d’ordonnances ; de tels textes ne peuvent porter que sur des mesures déjà adoptées. La collectivité de Saint-Barthélemy a été créée il y a un peu plus de sept ans. Pour certains de ses champs de compétence, comme le logement, l’habitation, elle n’a pas encore écrit ses propres normes. En conséquence, les règles nationales sont toujours en application. Aussi, de nouveaux cas de sanction pour non-respect se présenteront à l’avenir. Va-t-on continuer à procéder par voie d’ordonnances ?

Voilà pourquoi – je vous l’avoue –, je suis embarrassé. Je peux concevoir de retirer l’amendement n° 6 rectifié ter, mais je comprends moins bien que l’on me demande de retirer l’amendement n° 4 rectifié.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Magras, j’en conviens tout à fait, vous soulevez une question d’une très grande complexité. Aussi la préoccupation que vous exprimez est-elle, à mon sens, très légitime.

À ce stade, et sans fermer la moindre porte, je relève plusieurs types de difficultés.

Les dispositions de l’amendement n° 6 rectifié ter posent un problème d’ordre juridique. Il s’agit de l’articulation des compétences respectives de la collectivité de Saint-Barthélemy et de l’État. Au fond, les actes prévus au 2° de votre amendement ne pouvant entrer en vigueur autrement qu’en vertu d’une décision de l’État, je crains fort que ces dispositions ne se résument à des coups d’épée dans l’eau. En mon for intérieur, je me demande si l’on ne pourrait pas construire un système réellement efficace, en ménageant un petit temps de réflexion. Or la construction d’un système efficace exige la résolution d’un certain nombre de questions. C’est peut-être pourquoi vous n’avez pu atteindre ce résultat immédiatement. Au reste, ces questions relèvent plus de la commission des affaires sociales que de la commission des lois.

Mme George Pau-Langevin, ministre. C’est vrai !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Saint-Barthélemy est proche de Saint-Martin et de la Guadeloupe et, comme vous l’avez rappelé, une partie des ayants droit résidant à Saint-Barthélemy vit en fait en dehors de l’île. Le champ d’application d’une caisse de sécurité sociale, s’agissant des ressortissants qui y seraient affiliés et des ayants droit, est donc assez difficile à déterminer. La situation est très différente à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est plus éloignée d’autres collectivités françaises. Telle est la première question.

Se pose également la question du champ d’action de la caisse de sécurité sociale.

La sécurité sociale traite les prestations d’assurance maladie, les indemnisations en cas d’accident du travail, les pensions de retraite de base et les prestations familiales. L’assurance chômage appartient à un autre régime, un régime paritaire : le contenu est déterminé par une convention nationale, signée par les partenaires sociaux, qui doit recevoir, avant son entrée en vigueur, un agrément de l’État. Il est par conséquent assez difficile de concevoir une caisse de sécurité sociale qui prenne en charge à la fois la sécurité sociale et l’indemnisation du chômage. Je dis que c’est difficile, mais pas impossible de bâtir un système aussi original. Pour ma part, je suis, en général, partisan de la différenciation si elle est nécessaire du fait des particularités d’un territoire.

Je l’ai indiqué au début de mon intervention, je ne ferme nullement la porte à des évolutions, mais celle que vous proposez soulève, convenez-en, des questions très délicates. De mon point de vue, celles-ci ne peuvent être résolues seulement par des actes élaborés par le territoire, qui seraient ensuite validés par l’État selon la procédure que vous instituez. Je préférerais qu’on élabore ce système d’un commun accord, sans forcément passer par ce travail au niveau local. Cela suppose naturellement que le Gouvernement nous confirme, par la voix de Mme la ministre, sa disponibilité pour travailler avec vous et les élus du territoire à l’élaboration d’un dispositif qui tienne vraiment la route, pour employer une expression familière.

J’ai le sentiment que l’amendement tel qu’il est rédigé fait droit à une préoccupation, mais n’apporte pas de réponse opérationnelle. Même s’il était adopté, il ne résoudrait en rien le problème que vous soulevez. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable. Il s’agit cependant d’un avis techniquement défavorable, si je puis dire, car la commission n’est pas, par principe, opposée à l’évolution que vous souhaitez.

Si, je le répète, Mme la ministre veut bien nous confirmer la disponibilité et, mieux encore, le souhait du Gouvernement d’avancer sur cette question en travaillant en commun avec vous et les élus du territoire à la mise en place d’un dispositif et si son intervention vous convainc, peut-être pourriez-vous, mon cher collègue, retirer votre amendement ?