M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. En proposant d’abroger la loi NOME, les auteurs de cet amendement sont tout à fait cohérents avec la position qu’ils défendent depuis toujours. Ils se sont en effet opposés à ce texte dès le début de son examen.

Pour ma part, je suis favorable à la loi NOME, qui permet d’assurer aux fournisseurs alternatifs un droit d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, de préserver le parc nucléaire historique d’EDF en sécurisant ses engagements à long terme pour le démantèlement et la gestion des déchets et en lui permettant de réaliser les investissements nécessaires à l’allongement de la durée d’exploitation des réacteurs, de maintenir des prix compétitifs en France pour les consommateurs finals, la France bénéficiant aujourd’hui encore d’une électricité parmi les moins chères en Europe. Enfin, si la loi NOME a prévu la suppression des tarifs réglementés pour les gros consommateurs, elle a aussi préservé le maintien des tarifs réglementés pour les petits consommateurs d’électricité ou de gaz.

Malgré tous les griefs que vous avez contre elle, cette loi a des aspects positifs. Voilà pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 492.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l’article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – L’article L. 100-1 du code de l’énergie est ainsi rédigé :

« Art. L. 100-1. – La politique énergétique :

« 1° A (Supprimé)

« 1° Favorise l’émergence d’une économie compétitive et riche en emplois grâce à la mobilisation de toutes les filières industrielles, notamment celles de la croissance verte qui se définit comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement, à la fois sobre et efficace en énergie et en consommation de ressources et de carbone, et garant de la compétitivité des entreprises ;

« 2° Assure la sécurité d’approvisionnement et réduit la dépendance aux importations ;

« 3° Maintient un prix de l’énergie compétitif et attractif au plan international et permet de maîtriser les dépenses en énergie des consommateurs ;

« 4° Préserve la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre et contre les risques industriels majeurs, en réduisant l’exposition des citoyens à la pollution de l’air et en garantissant la sûreté nucléaire ;

« 5° Garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages ;

« 6° Lutte contre la précarité énergétique ;

« 7° Contribue à la mise en place d’une politique énergétique européenne. »

II. – L’article L. 100-2 du code de l’énergie est ainsi rédigé :

« Art. L. 100-2. – Pour atteindre les objectifs définis à l’article L. 100-1, l’État, en cohérence avec les collectivités territoriales et leurs groupements et en mobilisant les entreprises, les associations et les citoyens, veille, en particulier, à :

« 1° Maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité et la sobriété énergétiques ;

« 2° Garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie, bien de première nécessité, ainsi qu’aux services énergétiques ;

« 3° Diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles, diversifier de manière équilibrée les sources de production d’énergie et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale ;

« 3° bis Procéder à un élargissement progressif de la part carbone dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles, cette augmentation étant compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d’autres produits, travaux ou revenus ;

« 4° Assurer l’information de tous et la transparence, notamment sur les coûts et les prix de l’énergie ainsi que sur son contenu carbone ;

« 5° Développer la recherche et favoriser l’innovation dans le domaine de l’énergie, notamment en donnant un élan nouveau à la physique du bâtiment ;

« 5° bis Renforcer la formation aux problématiques et aux technologies de l’énergie de tous les professionnels impliqués dans les actions d’économie d’énergie, notamment par l’apprentissage ;

« 6° Assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins.

« Pour concourir à la réalisation de ces objectifs, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les entreprises, les associations et les citoyens associent leurs efforts pour développer des territoires à énergie positive. Est dénommé “territoire à énergie positive” un territoire qui s’engage dans une démarche permettant d’atteindre au moins l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale en réduisant autant que possible les besoins d’énergie. Un territoire à énergie positive doit favoriser l’efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la consommation des énergies fossiles et viser le déploiement d’énergies renouvelables dans son approvisionnement. »

III. – L’article L. 100-4 du code de l’énergie est ainsi rédigé :

« Art. L. 100-4. – I. – La politique énergétique nationale a pour objectif principal de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030, conformément aux engagements pris dans le cadre de l’Union européenne, et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. La trajectoire est précisée dans les budgets carbone mentionnés à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement. À cette fin, elle vise à :

« 1° (Supprimé)

« 2° Porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2,5 % d’ici à 2030, en poursuivant un objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à l’année de référence 2012. Cette dynamique soutient le développement d’une économie efficace en énergie, notamment dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’économie circulaire, et préserve la compétitivité et le développement du secteur industriel ;

« 3° Réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012 en modulant cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune ;

« 4° Porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ; à cette date, cet objectif est décliné en 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburants et 10 % de la consommation de gaz ;

« 5° Réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité sous réserve de préserver l’indépendance énergétique de la France, de maintenir un prix de l’électricité compétitif et de ne pas conduire à une hausse des émissions de gaz à effet de serre de cette production, cette réduction intervenant à mesure des décisions de mise à l’arrêt définitif des installations prises en application de l’article L. 593-23 du code de l’environnement ou à la demande de l’exploitant, et en visant à terme un objectif de réduction de cette part à 50 % ;

« 6° Disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes “bâtiment basse consommation” ou assimilé, à l’horizon 2050, en menant une politique de rénovation thermique des logements dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes ;

« 7° Parvenir à l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer en 2030, avec, comme objectif intermédiaire, 30 % d’énergies renouvelables à Mayotte et 50 % d’énergies renouvelables à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane en 2020.

« II. – L’atteinte des objectifs définis au I du présent article fait l’objet d’un rapport au Parlement déposé dans les six mois suivant l’échéance d’une période de la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-3 du présent code. Le rapport et l’évaluation des politiques publiques engagées en application du présent titre peuvent conduire, au regard du développement des énergies renouvelables et de la compétitivité de l’économie, à la révision des objectifs de long terme définis au I. »

IV. – (Non modifié) Les articles 2 à 6 et 9 à 13 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique et les articles 18 à 21 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement sont abrogés.

V. – (Non modifié) À la première phrase du 1° du I de l’article L. 222-1 du code de l’environnement, la référence : « l’article 2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique » est remplacée par la référence : « l’article L. 100-4 du code de l’énergie ».

VI. – Le II de l’article 22 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 précitée est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du cinquième alinéa, la référence : « 10 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique » est remplacée par la référence : « L. 144-1 du code de l’énergie » ;

2° La dernière phrase du cinquième alinéa et la seconde phrase du sixième alinéa sont supprimées.

M. le président. La parole est à M. Hervé Poher, sur l'article.

M. Hervé Poher. On ne peut pas reprocher à quelqu’un de vouloir devenir vertueux, surtout quand il n’a plus le choix... Gaz à effet de serre, changement climatique, coût de l’énergie et ses conséquences sur les populations les plus démunies, chamboulement environnemental, impact indéniable sur la santé humaine de certains produits, process et développement industriels, sans parler de la mauvaise conscience que nous avons tous de jouer aux apprentis sorciers avec notre monde : tout cela nous incite, nous conduit, nous oblige à imaginer et à construire l’avenir autrement.

L’article 1er du projet de loi relatif à la transition énergétique vise simplement à afficher une volonté et à affirmer une prise de conscience.

Oui, il affiche une volonté ! Or, en français, quand on veut afficher une volonté, on utilise des verbes comme maîtriser, garantir, diversifier, procéder, assurer, développer, renforcer, parvenir... J’arrête là l’énumération, et je vous renvoie au texte.

Oui, il affirme aussi une prise de conscience ! Nous sommes conscients que nous sommes devenus des « consommateurs fous », d’innovation, de technologie. C’est un concept de société, c’est une nouvelle façon de vivre, certains parlent même d’un nouvel art de vivre – encore faudrait-il définir le mot « art »… Bref, dans notre société, on ne peut pas faire autrement que de consommer et d’être « branché », au sens littéral et physique du terme.

Oui, notre nouveau fonctionnement sociétal nous conduit à être énergivores, outrageusement énergivores ! Certains diront que ce n’est pas un défaut, que cela fait « tourner la machine ». Certes, mais quand on a conscience que la machine nous fait cadeau d’effets secondaires peu désirables et potentiellement dangereux, on est en devoir d’inventer un autre type de machine.

Nous sommes à une période de l’évolution humaine où il nous faut abandonner une partie du modèle qui a prévalu durant les deux siècles précédents pour inventer une partie du modèle du siècle futur, sachant que nous devrons être plus conscients, plus raisonnables, plus vertueux.

Vouloir être vertueux, c’est une qualité pour un être humain. Pourquoi pas pour une nation, pour un État ou pour un gouvernement ?

Bien sûr, dans cet article, il aurait été plus commode de faire figurer des objectifs sans chiffres et sans dates, en d’autres termes faire un listing de bonnes intentions. Mais nous savons tous à quoi peuvent servir les bonnes intentions… Voilà pourquoi il faut de temps en temps avoir le courage de dire, d’afficher, d’assumer et ne pas avoir honte d’être ambitieux. On ne peut pas reprocher à quelqu’un d’être ambitieux, surtout quand il n’a plus le choix.

Sans les chiffres, sans les objectifs, sans les repères, il est difficile d’expliquer, de mobiliser, d’avancer... Il est compliqué d’expliquer l’urgence de la situation. Comment dire aux gens que la banquise fond, que le climat change, que nous avons perdu 99,9 % de la biodiversité depuis l’apparition de la vie sur Terre. Nos ressources s’épuisent et l’énergie pourrait devenir un produit de luxe. Si nous présentions les choses ainsi à nos concitoyens, ils nous répondraient : soit, mais qu’attendez-vous pour agir, vous, les élus ?

Difficile de mobiliser sans des dates butoirs, car les gens, les décideurs, les collectivités, tous vous répondront : on a le temps, on verra cela plus tard, on a d’autres chats à fouetter, et de toute façon on n’a plus d’argent. Ces arguments, nous, élus, les avons utilisés maintes et maintes fois, quelles que soient nos responsabilités.

Il est difficile d’avancer sans des objectifs, sans des chiffres, sans un tableau de bord... Or nous savons tous qu’il est très difficile d’élaborer un tableau de bord dans le cadre des politiques publiques, et ce pour diverses raisons, quelquefois peu avouables…

Alors, oui, il faut expliquer mobiliser et avancer ! Oui, il faut diminuer de 30 % la consommation d’énergie fossile pour 2030 ! Ça va être dur, mais c’est faisable ! Oui, il ne sera pas évident de passer à 32 % d’énergies renouvelables en 2030, mais c’est réalisable !

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Hervé Poher. Oui, avoir un parc immobilier entièrement rénové en 2050, c’est presque un pari insensé, pour lequel il faudra mobiliser tout le monde, mais c’est possible !

Oui, enfin, pour atteindre 50 % de nucléaire en 2025, il faudra être volontariste, avoir le cuir dur et promouvoir les autres énergies, mais c’est envisageable !

M. Jean Desessard. Très bien !

M. Hervé Poher. Avons-nous vraiment le choix ?

Au cours des débats à l’Assemblée nationale, nous avons entendu certains mots comme « irréalisable », « impossible », « utopie ». Nous les entendrons peut-être aussi ici. Permettez-moi simplement de rappeler en cet instant que depuis que le monde est monde, l’utopie a toujours été la meilleure des piles à combustible. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Hervé Poher. Comme le disait Oscar Wilde, « le progrès n’est que l’accomplissement des utopies ». L’article 1er nous demande de viser haut et d’avoir ce courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.

M. Bruno Retailleau. Je salue la rédaction proposée par notre rapporteur Ladislas Poniatowski et votée par la commission pour l’article 1er. Il s’agit d’un bon point d’équilibre, qui répond au principe de réalité tout en évitant de tomber dans un double piège.

Le premier, c’est la caricature. Se fixer une part de 50 % de nucléaire dans le bouquet énergétique, c’est reconnaître la réalité de la montée en puissance des énergies renouvelables et, par conséquent, la baisse tendancielle du poids du nucléaire. Le texte de la commission évite donc le piège du tout-nucléaire.

Par ailleurs, sur l’ensemble des travées, un certain nombre d’élus, de droite comme de gauche, ont pris des positions courageuses dans leur territoire. Quand il s’agit d’accueillir de grandes plateformes pour l’éolien offshore, le bénéfice va à la nation tout entière, mais les critiques, bien souvent, sont réservées aux seuls élus locaux… Madame la ministre, nous montrons quotidiennement par des actes concrets sur nos territoires que nous sommes nous aussi, élus locaux, engagés positivement dans la transition énergétique.

Le deuxième piège évité est celui que le Gouvernement nous proposait, à savoir celui de l’incohérence et de l’erreur. L’incohérence, parce que 50 % de nucléaire à l’horizon de 2025, c’est une fiction, c’est matériellement impossible. Il suffit de lire attentivement l’étude d’impact pour s’en convaincre. À cet égard, j’informe Hervé Poher, qui est intervenu avant moi avec force, que l’étymologie grecque nous apprend que le terme « utopie » s’utilise pour désigner un lieu qui n’existe pas. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Beaucoup disent qu’il faut de l’ambition ; ayons collectivement de l’ambition, mais ayons aussi un comportement cohérent et conséquent. Comme l’a demandé le rapporteur, dès lors que vous fixez l’objectif de 50 % en 2025, il faut répondre à deux questions.

Un tel objectif implique de fermer, dans les dix ans à venir, vingt réacteurs sur cinquante-huit. Lesquels ? C’est la première question. Peut-être ne pouvez pas préciser quels seront ces vingt réacteurs – ce serait se projeter trop loin –, mais au moins pourriez-vous nous en indiquer déjà cinq ou dix. Assumer d’emblée la conséquence de l’ambition, tel est l’objet de la politique.

M. Ronan Dantec. Qui va le faire ?

M. Bruno Retailleau. Seconde question : par quoi remplace-t-on l’énergie produite grâce au nucléaire, 140 térawattheures sur 550 ? Nous attendons, madame la ministre, des réponses à ces deux questions.

C’est une fiction, je le répète, mais c’est aussi selon nous une triple erreur.

C’est d’abord une erreur écologique, Fabienne Keller nous en a fait la démonstration. C’est grâce au nucléaire que la France dispose d’une énergie décarbonée. La production de CO2 en France est de 5,6 tonnes par habitant, alors qu’elle est de 9,1 tonnes en Allemagne et de 17,6 tonnes aux États-Unis…

C’est ensuite une erreur économique, comme plusieurs intervenants l’ont montré, puisque les Français paient leur électricité presque moitié moins cher que les Allemands. Et si nos industriels disposent d’un avantage comparatif vis-à-vis de l’Allemagne, c’est bien aussi grâce à l’énergie nucléaire puisqu’ils acquittent des tarifs inférieurs de 40 % à ceux que paient les industriels allemands ! C’est une donnée qu’on ne peut pas passer sous silence, qu’on ne peut pas en tout cas, de quelque bord politique que l’on soit, balayer d’un revers de main.

C’est enfin une erreur géostratégique en termes de souveraineté, dans un monde qui n’a jamais été aussi dangereux. Nous avons chaque jour un certain nombre d’exemples des menaces qui pèsent sur nos approvisionnements. Or les approvisionnements d’uranium représentent entre 600 millions et 900 millions d’euros par an, contre 60 milliards d’euros pour l’ensemble des produits pétroliers, le charbon, etc. Là encore, les ordres de grandeur ne sont absolument pas les mêmes.

Oui, nous pensons – et je tiens encore une fois à saluer la rédaction de notre rapporteur, qui est à la fois équilibrée et ambitieuse et ne cherche pas à tromper les Français – que l’objectif de 50 % en 2025 est une aberration, une fiction !

M. Roland Courteau. C’est un objectif !

M. Bruno Retailleau. La vocation du Sénat, mes chers collègues, n’est pas d’apporter une caution à ce qui ne constituait à l’origine qu’un accord préélectoral entre le parti socialiste et le parti écologiste, comme l’a souligné Jean-Claude Lenoir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe écologiste.)

M. Joël Labbé. Et Fukushima ne présentait aucun risque !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l’article.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’article 1er définit les objectifs fondamentaux du projet de loi. Selon moi, il constitue le point cardinal de ce texte. Mais, au fond, de quoi cet article se compose-t-il vraiment ? Quelles en sont les répercussions ? Les avez-vous suffisamment analysées, madame la ministre ?

Certes, on y trouve bien une série d’objectifs mais n’y figure aucune prévision, aucun chiffre, aucune norme d’encadrement. Je déplore l’absence flagrante d’une étude d’impact chiffrée pourtant indispensable, car l’article 1er énumère une série d’intentions qui peuvent s’annoncer lourdes de conséquences tant sur l’activité des Français que sur celle de nos entreprises.

Quand le Gouvernement se fixe l’objectif de réduire la part du nucléaire à 50 %, quelles en sont les conséquences concrètes directes ? Combien de réacteurs faudra-t-il arrêter ? Combien, surtout, cela va-t-il coûter ? La facture sera très lourde. Qui va payer ? EDF ? L’État ? Quel sera l’impact sur le prix de l’électricité ? Nos concitoyens bénéficient encore, grâce au nucléaire, d’une énergie parmi les moins chères d’Europe. En l’état actuel de l’économie, ce point est tout sauf un détail. Quid de la compétitivité de nos entreprises ?

Oui, madame la ministre, mes chers collègues, moi, je suis inquiète ! Comme l’a très bien dit le rapporteur pour avis de la commission des finances, Jean-François Husson, nul ne peut prétendre ici que la transition énergétique n’aura pas de coût.

Au fond, nous connaissons tous les enjeux de la transition énergétique et, pour ma part, j’approuve la nécessité d’aller vers un modèle écologique plus sobre. Cependant, ce n’est pas nouveau : dès 2007, notre formation politique avait initié le Grenelle de l’environnement.

M. Roland Courteau. Les financements n’étaient pas au rendez-vous !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Qu’est-ce qui a changé depuis lors ? Avons-nous vraiment besoin d’une nouvelle loi, qui n’est même pas une loi de programmation, pour tendre vers cet objectif ? Il n’est nul besoin d’une loi pour énoncer de grands principes ou pour inscrire des priorités, quand ce ne sont pas seulement de très bons sentiments.

J’ai l’impression que, faute de moyens, on se contente de fixer des objectifs et de renvoyer à la prochaine loi de finances la question qui fâche. C’est pourquoi j’ai cosigné l’amendement de Jean-François Husson par lequel il demande au Gouvernement de faire le point sur le coût réel de la transition énergétique par une diminution du nucléaire. J’ai d’ailleurs du mal à croire que nous soyons obligés aujourd’hui de quémander ces informations, alors qu’elles sont si importantes pour permettre au Parlement de se décider de manière éclairée.

Pour moi, soit ce texte dicte des objectifs, non chiffrés, je le répète, soit ce sont de belles paroles, ce qui il conduira irrémédiablement à la déception. Les mesures prévues – cela a été dit avant moi – sont d’importance inégale, mais, surtout, je n’identifie pas une vraie stratégie énergétique cohérente et financée.

En conclusion, j’aurais aimé un texte de loi à la fois plus sobre, plus efficace ; j’aurais aimé moins de paroles, plus d’actions. Pour l’instant, c’est la politique de l’autruche qui prévaut. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Eh oui ! Et le fait de voter des principes dans la loi, mes chers collègues, ne débloquera pas les financements – cela n’a jamais marché –, cela ne suffira pas ! Ce projet aurait mérité de se focaliser sur les objectifs que notre pays est capable de financer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

M. François Bonhomme. À mon tour, je voudrais indiquer qu’il ne suffit pas d’afficher de grands principes ou des objectifs louables. Vouloir réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % en 2025 soulève effectivement beaucoup de questions et appelle pour le moins un souci de cohérence qui fait défaut, me semble-t-il, dans le projet de loi, en particulier dans cet article 1er.

Aujourd’hui, la production d’électricité de la France est assurée à 90 % par ses centrales hydrauliques et nucléaires, qui n’émettent pas de CO2. Pour autant, la singularité du nucléaire nous oblige à réduire cette forte dépendance à l’égard d’une seule filière en nous appuyant sur les énergies renouvelables.

Concernant l’article 1er, j’ai le sentiment que les conséquences du plafonnement, dans toutes ces dimensions, n’ont pas été véritablement évaluées. La commission des affaires économiques n’a d’ailleurs pas manqué de relever ce manque de cohérence aux conséquences fâcheuses, en particulier l’absence d’études d’impact économiques.

Autrement dit, dans ce domaine comme dans d’autres, les bons sentiments ne suffisent pas. Une telle réduction de la part du nucléaire peut nous conduire à recourir aux énergies fossiles très polluantes, l’exemple allemand est là pour nous le rappeler. (M. Ronan Dantec proteste.) Ce pays est en effet devenu le plus gros pollueur européen depuis qu’il a pris la décision de remplacer pour partie ses centrales nucléaires par des énergies renouvelables. L’Allemagne a donc dû renforcer la production de ses centrales au charbon et importe sans état d’âme, de France, de l’électricité produite par nos centrales nucléaires.

On peut également regretter que le projet de loi ne donne la priorité qu’au développement de l’éolien et du photovoltaïque, technologies très coûteuses et intermittentes.

Enfin, je rappelle que l’objectif de 2030 ne semble accessible que si un début de moyens de stockage de l’électricité à grande échelle est disponible. C’est la seule façon d’éviter que l’intermittence de ces sources d’énergie ne conduise à utiliser les combustibles fossiles lorsqu’elles ne fournissent pas l’énergie demandée. C’est d’ailleurs ce que vient très opportunément de rappeler l’Académie des sciences en indiquant que « l’offre intermittente d’électricité d’origine renouvelable a nécessité l’ouverture de nouvelles capacités de production thermique à charbon ainsi que le développement de l’exploitation du lignite conduisant à des émissions accrues de CO2 et surtout de polluants […]. Ce constat devrait nous inciter à introduire de façon prudente et progressive des énergies qui ne sont ni contrôlables ni distribuables en fonction des besoins ».

Sur le plan économique, enfin, cet article, couplé à l’article 55 prévoyant le plafonnement de la capacité nucléaire, va à contre-courant de la volonté de redressement de l’économie puisqu’il vise à arrêter de fait des centrales nucléaires indépendamment de toute justification technique et dont le coût de production est très inférieur aux moyens de remplacement.

Bossuet, resté fameux pour ses sermons et ses oraisons funèbres, et qui aurait d’ailleurs pu trouver sa place parmi les sept sculptures qui nous surplombent et nous observent, avait l’habitude de dire que « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». La cause, c’est le plafonnement sans autre forme d’évaluation. Les effets, cela risque d’être une augmentation importante du prix de l’électricité, la fragilisation d’une filière industrielle et plus généralement de la compétitivité de notre économie et, au final, un affaiblissement de notre indépendance énergétique. C’est pourquoi la position de la commission des affaires économiques prévoyant de « caler » la réduction de la part du nucléaire sur la fin de vie de nos centrales les plus anciennes me paraît tout à fait pertinente.

Permettez-moi un dernier mot sur la forme du débat.

À l’ouverture de cette discussion, madame la ministre, vous avez fait distribuer une plaquette de communication, estampillée par votre ministère, intitulée La transition énergétique, mode d’emploi. Quelle ne fut pas ma surprise d’y voir figurer noir sur blanc les dispositions dont précisément nous nous apprêtons à discuter ce soir. Par exemple, concernant la diversification des sources énergétiques, je lis, à la page 23 : « La loi permet de diversifier les sources d’énergie pour ramener la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2025. La capacité nucléaire installée est plafonnée à 63,2 GW ». Or c’est précisément l’objet de la discussion parlementaire qui s’ouvre.